Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 944/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_944/2008

Arrêt du 30 mars 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Borella, Kernen, Seiler et Pfiffner Rauber.
Greffier: M. Piguet.

Parties
Nationale Suisse Vie SA,
Wuhrmattstrasse 19, 4103 Bottmingen,
recourante, représentée par Me David Lachat, avocat, Rue du Rhône 100, 1204
Genève,

contre

K.________,
intimé, représenté par Me Philippe Bonnefous, avocat.

Objet
Prévoyance professionnelle,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 2 octobre 2008.

Faits:

A.
K.________ a conclu les 20 décembre 1995 et 23 septembre 1997 deux contrats
d'assurance sur la vie avec la Nationale Suisse Compagnie d'Assurance sur la
Vie (aujourd'hui: Nationale Suisse Vie SA; ci-après: la Nationale Suisse), dont
le siège est situé à Bottmingen dans le canton de Bâle-Campagne. Le premier
contrat (police n° X.________), qui revêtait la forme d'une assurance de
capital en cas de décès, relevait de la prévoyance dite libre (pilier 3b),
tandis que le second contrat (police n° Y.________) ressortait à la prévoyance
liée (pilier 3a).
Le 10 mai 1998, l'assuré a été victime d'un accident qui l'a contraint à cesser
son activité professionnelle. La Nationale Suisse a versé du 27 juillet 1998 au
30 mars 2003 les prestations découlant des polices précitées pour un montant
total de 172'210 fr. Invoquant une réticence commise par l'assuré, la Nationale
Suisse a résilié les polices d'assurance par courriers des 14 août et 2 octobre
2003.

B.
Le 20 novembre 2006, K.________ a ouvert action en paiement contre la Nationale
Suisse devant le Tribunal de première instance de la République et canton de
Genève. Par jugement du 10 mai 2007, confirmé sur appel le 16 novembre 2007 par
la Cour de justice de la République et canton de Genève, ce tribunal s'est
déclaré incompétent pour connaître des prétentions découlant du contrat de
prévoyance liée (police n° Y.________).

C.
K.________ a ouvert action le 25 janvier 2008 devant le Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève, en concluant à ce
qu'il soit constaté que la résiliation de la police n° Y.________ était nulle
et à ce que la Nationale Suisse soit condamnée à verser jusqu'au 30 septembre
2025 la rente due selon cette police et à payer la somme de 115'930 fr. (avec
intérêts à 5 % calculés dès la fin de chaque trimestre) au titre des
prestations déjà échues. Dans sa réponse du 25 février 2008, la Nationale
Suisse a conclu à l'irrecevabilité de la demande, motif pris que l'autorité
saisie n'était pas compétente pour connaître de l'affaire. Par jugement
incident du 2 octobre 2008, le Tribunal cantonal des assurances sociales s'est
déclaré compétent à raison de la matière et du lieu.

D.
La Nationale Suisse interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que le Tribunal
fédéral constate l'incompétence à raison du lieu du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève pour connaître de la
demande déposée le 25 janvier 2008 par K.________ et transmette, en tant que
besoin, l'affaire au Tribunal cantonal du canton de Bâle-Campagne. Elle
assortit son recours d'une demande d'effet suspensif.
K.________ conclut au rejet du recours, tandis que le Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et l'Office fédéral
des assurances sociales ont renoncé à se déterminer.

E.
Par ordonnance du 16 janvier 2009, le juge instructeur a accordé l'effet
suspensif au recours.
Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 82 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente qui porte sur
la compétence peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière de droit
public. Celui-ci peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du recourant
ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en
principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation
prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 107 al. 1 LTF).

2.
2.1 Sous le titre « Contestations et prétentions en matière de responsabilité
», l'art. 73 LPP a la teneur suivante:
1 Chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance
cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et
ayants droit. Ce tribunal est également compétent:
a. pour les contestations avec des institutions assurant le maintien de la
prévoyance au sens des art. 4 al. 1 et 26 al. 1 LFLP;
b. pour les contestations avec des institutions lorsque ces contestations
résultent de l'application de l'art. 82 al. 2;
c. pour les prétentions en matière de responsabilité selon l'art. 52;
d. pour le droit de recours selon l'art. 56a al. 1.
2 Les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe,
gratuite; le juge constatera les faits d'office.
3 Le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de
l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

2.2 Par contrats de prévoyance liée, on entend les contrats spéciaux
d'assurance de capital et de rentes sur la vie ou en cas d'invalidité ou de
décès, y compris d'éventuelles assurances complémentaires en cas de décès par
accident ou d'invalidité, qui sont conclus avec une institution d'assurance
soumise à la surveillance des assurances ou avec une institution d'assurance de
droit public satisfaisant aux exigences fixées à l'art. 67 al. 1 LPP et qui
sont affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance (art. 1 al. 2
OPP 3). Il s'agit d'une forme de prévoyance reconnue par le Conseil fédéral en
collaboration avec les cantons et fiscalement favorable au sens de l'art. 82
al. 2 LPP. Bien que ces contrats soient régis matériellement par la LCA, les
contestations résultant de leur application sont de la compétence de l'autorité
cantonale désignée pour connaître des contestations opposant fondations ou
institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (art. 73 al. 1 let. b
LPP).

2.3 Selon la jurisprudence, les règles de compétence prévues à l'art. 73 LPP,
en particulier les règles en matière de for de l'al. 3, ont un caractère
impératif. Il n'est pas possible d'y déroger par le moyen d'une convention
d'élection de for (ATF 133 V 488 consid. 3.4 p. 490 et les références; plus
nuancé, consid. 4.4.9 p. 496).

3.
3.1 Se fondant sur le Message du 1er mars 2000 relatif à la révision de la loi
sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (1re
révision LPP; FF 2000 III 2495), le Tribunal cantonal des assurances sociales a
considéré que l'extension de la compétence du tribunal prévu à l'art. 73 al. 1
LPP aux litiges relevant de la prévoyance individuelle liée se justifiait par
une volonté d'unifier la compétence matérielle, afin qu'une seule juridiction
soit saisie du contentieux en matière de prévoyance professionnelle, de libre
passage et de prévoyance individuelle liée. En revanche, il ne ressortait pas
du message précité que le législateur ait entendu porter atteinte aux règles de
compétence à raison du lieu prévues par la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le
contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) et la loi fédérale du 24 mars 2000 sur
les fors en matière civile (LFors; RS 272). Compte tenu de ce qui précédait, il
convenait de se référer à l'art. 13 des conditions générales de la Nationale
Suisse, lequel prévoyait un for alternatif au domicile du preneur d'assurance,
respectivement de l'ayant droit, ou au siège de la Nationale Suisse. Il
s'ensuivait que le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République
et canton de Genève était compétent à raison du lieu.

3.2 La Nationale Suisse estime pour sa part que le tribunal compétent à raison
du lieu est celui du canton où se situe son siège, soit celui du canton de
Bâle-Campagne. A son avis, l'art. 73 al. 3 LPP doit également s'appliquer aux
litiges relatifs à la prévoyance individuelle liée. Dans la mesure où cette
disposition prévoit des fors impératifs auxquels il ne peut être dérogé au
moyen d'une clause d'élection de for, l'action ne peut être ouverte,
conformément à la lettre de cette disposition, qu'au siège de la partie
défenderesse.

4.
La loi s'interprète pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et
son but ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle repose. Le juge
s'appuiera sur la ratio legis, qu'il déterminera non pas d'après ses propres
conceptions subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur. Le
but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point de vue
objectif, compte tenu de la structure normative, et doit aboutir à un résultat
satisfaisant fondé sur la ratio legis. Ainsi, une norme dont le texte est à
première vue clair peut être étendue par analogie à une situation qu'elle ne
vise pas (extension téléologique) ou, au contraire, si sa teneur paraît trop
large au regard de sa finalité, elle ne sera pas appliquée à une situation par
interprétation téléologique restrictive (réduction téléologique). Si la prise
en compte d'éléments historiques n'est pas déterminante pour l'interprétation,
cette dernière doit néanmoins s'appuyer en principe sur la volonté du
législateur et sur les jugements de valeur qui la sous-tendent de manière
reconnaissable, tant il est vrai que l'interprétation des normes légales selon
leur finalité ne peut se justifier par elle-même, mais doit au contraire être
déduite des intentions du législateur qu'il s'agit d'établir à l'aide des
méthodes d'interprétations habituelles (ATF 129 III 656 consid. 4.1 p. 657 et
les arrêts cités).

5.
5.1 Selon le Message du 19 décembre 1975 à l'appui d'un projet de loi sur la
prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, les règles en
matière de procédure de la LPP devaient, d'une part, permettre la réalisation
du droit matériel et éviter toute insécurité juridique, et, d'autre part, tenir
compte du caractère particulier de la prévoyance professionnelle et du but de
protection sociale que celle-ci vise. Pour les litiges entre assurés et
institutions de prévoyance, la procédure, régie par le principe inquisitoire,
devait être simple, rapide et gratuite, et comprendre deux degrés de
juridiction. L'application de ces principes devait permettre d'assurer un
certain parallélisme entre le premier et le deuxième pilier (FF 1976 I 179 ch.
424.1).

5.2 Quand bien même la prévoyance individuelle liée est régie matériellement
par les dispositions de l'OPP 3 et de la LCA, le législateur a indiscutablement
décidé de soumettre les litiges y relatifs aux règles de procédure définies à
l'art. 73 LPP, auxquelles il ne saurait être dérogé par le moyen d'une
convention d'élection de for (cf. supra consid. 2.3). Conformément à l'al. 2 de
cette disposition, cette procédure est gouvernée par les principes de
simplicité et de rapidité. L'application de ces principes, qui ont d'ailleurs
une portée générale en droit fédéral des assurances sociales, doit permettre
aux assurés d'accéder facilement au juge et d'obtenir une décision le plus
rapidement possible et sans formalisme excessif (UELI KIESER, ATSG-Kommentar,
2e éd. 2009, n. 24 ss ad art. 61).

5.3 Au moment de l'entrée en vigueur de la LPP, la règle de compétence
matérielle de l'art. 73 al. 1 LPP était en parfaite adéquation avec la règle de
compétence à raison du lieu de l'art. 73 al. 3 LPP, puisque les contestations
ne pouvaient opposer - ex lege - qu'institutions de prévoyance, employeurs et
ayants droit. Au fil de l'évolution législative, la compétence matérielle de la
juridiction cantonale désignée pour traiter des litiges en matière de
prévoyance professionnelle a été étendue à de nouveaux objets de contestation,
soit dans un premier temps aux prétentions en matière de responsabilité selon
l'art. 52 LPP et au droit de recours selon l'art. 56a al. 1 LPP (modification
de la LPP du 21 juin 1996, RO 1996 3070), puis aux contestations avec des
institutions assurant le maintien de la prévoyance au sens des art. 4 al. 1 et
26 al. 1 LFLP et aux contestations avec des institutions lorsque ces
contestations résultent de l'application de l'art. 82 al. 2 LPP (modification
de la LPP du 3 octobre 2003 [1re révision LPP], RO 2004 1693). A l'occasion de
ces modifications législatives, l'art. 73 al. 3 LPP n'a pas donné lieu à
discussion (Rapport du 24 août 1995 de la Commission de la sécurité sociale et
de la santé publique du Conseil national en réponse à l'initiative
parlementaire Rechsteiner, FF 1996 I 529; Message du 1er mars 2000 relatif à la
révision de la loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et
invalidité [1re révision], FF 2000 III 2540 s. ch. 2.9.5 et 2557 s.). Ainsi
a-t-il échappé au législateur que cette disposition, en tant qu'elle institue
comme for alternatif le « lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été
engagé », prévoyait un for qui n'était pas applicable dans le cadre d'un litige
résultant de la prévoyance professionnelle liée. Ne disposant plus d'aucun
choix de for, le preneur d'assurance souhaitant procéder contre son assurance
se voyait ainsi contraint d'ouvrir action au lieu du siège de ce dernier (pour
un problème similaire se posant dans le cadre des litiges en matière de
responsabilité selon l'art. 52 LPP, voir ATF 133 V 488 consid. 4.4.6 p. 494).

5.4 Si la lettre de l'art. 73 LPP prescrit très clairement que le preneur
d'assurance ne peut agir qu'au lieu du siège de son assureur, il ressort du but
et de la systématique de cette disposition que la volonté du législateur est de
faciliter dans la plus grande mesure possible l'accès des justiciables aux
tribunaux (cf. supra consid. 5.1 et 5.2). En tant que la lettre de l'al. 3
contraint, le cas échéant, le preneur d'assurance à devoir agir en un lieu et
dans une langue auxquels celui-ci ne peut raisonnablement s'attendre au moment
de la conclusion du contrat d'assurance, elle n'est pas compatible avec le
principe de simplicité défini à l'al. 2 et, plus généralement, avec la ratio
legis de l'art. 73 LPP. Qui plus est, l'interprétation historique démontre que
le maintien de cette disposition dans une teneur inchangée depuis son entrée en
vigueur résulte bien plutôt d'une inadvertance manifeste du législateur que
d'une volonté délibérée de restreindre l'accès au juge d'une certaine catégorie
de justiciables (cf. supra consid. 5.3). Il découle ainsi de l'interprétation
de l'art. 73 LPP qu'il y a lieu de reconnaître un for alternatif à celui du
siège ou du domicile suisse du défendeur prévu à l'art. 73 al. 3 LPP dans le
cadre des litiges relatifs à la prévoyance individuelle liée. Le domicile du
preneur d'assurance constitue à cet égard le point de rattachement qui permet
de respecter au mieux les principes généraux de procédure applicables dans le
droit des assurances sociales et les intentions du législateur (dans les autres
branches des assurances sociales, voir art. 58 al. 1 LPGA, sous réserve des
exceptions pouvant résulter de la législation spéciale).

5.5 De ce qui précède, il résulte que la compétence à raison du lieu du
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève
pour connaître du litige opposant les parties découle bien plutôt de
l'interprétation de la loi que des conditions générales d'assurance de la
recourante. Le recours doit par conséquent être rejeté et le jugement attaqué
confirmé par substitution de motifs.

6.
Vu l'issue du litige, les frais de la présente procédure sont mis à la charge
de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé a droit à une indemnité de
dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 30 mars 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Piguet