Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 824/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_824/2008

Arrêt du 6 mars 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Jean-Marie Faivre, avocat,

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes
Genève, rue de St-Jean 98, 1201 Genève,
intimée.

Objet
Assurance-vieillesse et survivants,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 26 août 2008.

Faits:
A.a A la fin de l'année 2001, la société X.________ SA (ci-après: la société) a
vendu les participations qu'elles détenaient dans les sociétés Y.________ SA et
Z.________ GmbH. A la suite de cette opération, elle a versé, le 4 février
2002, des indemnités à raison de 2'400'000 fr. à A.________ et de 127'500 fr.
chacun à B.________, C.________ et D.________. Celui-ci travaillait pour
Z.________ GmbH, tandis que les trois prénommés étaient employés auprès de
Y.________ SA.

Le 25 octobre 2002, la société a, par l'intermédiaire de sa fiduciaire, informé
la Caisse cantonale genevoise de compensation qu'elle avait octroyé à
A.________ une indemnité pour longs rapports de travail et lui demandait
quelles étaient les conséquences de ce versement sur le plan des cotisations
sociales, compte tenu du fait que le bénéficiaire avait atteint l'âge de la
retraite en 2000. Elle a adressé une copie de sa lettre à la Caisse
interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes (ci-après:
la caisse), auprès de laquelle elle était affiliée. Celle-ci a, par courrier du
26 novembre 2002, indiqué à la Caisse cantonale genevoise de compensation que
les cotisations sociales devaient être facturées au nom de la société
Y.________ SA, qui avait employé A.________, et qu'elle-même n'avait pas à
intervenir dans ce cas. Dans une note interne subséquente (du 12 juin 2003), la
caisse a constaté que les quatre bénéficiaires des indemnités versées par la
société n'étaient pas salariés de celle-ci, mais de sociétés affiliées à un
autre organe de l'AVS. Par courrier du même jour, elle a informé la société que
les salaires déclarés pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001
étaient conformes à sa comptabilité.
A.b Par deux décisions du 10 décembre 2007, indiquant faire suite à un contrôle
des déclarations de salaires pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre
2001, la caisse a réclamé à X.________ SA le montant de 449'752 fr. 05 au titre
de cotisations de l'assurance-vieillesse et survivants, de l'assurance-chômage,
des allocations familiales et de l'assurance-maternité, perçues sur les
indemnités versées à A.________, B.________, C.________ et D.________ (y
compris les frais et les intérêts moratoires). Sur opposition de la société,
elle a confirmé sa position le 6 mars 2008.

B.
Saisi d'un recours formé par la société contre la décision sur opposition, le
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève
l'a rejeté par jugement du 26 août 2008.

C.
La société interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut à
l'annulation des décisions de cotisations. Elle a, par ailleurs, sollicité
l'effet suspensif à son recours, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 12
janvier 2009.

Sous réserve des cotisations liées à l'indemnité versée à D.________, la caisse
conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur le point de savoir si des cotisations sociales (AVS,
assurance-chômage, assurance-maternité cantonale et allocations familiales
cantonales) sont dues sur les indemnités que la recourante a versées à
A.________, B.________, C.________ et D.________ en février 2002.

1.2 La IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral est compétente pour statuer
sur les décisions fixant les cotisations AVS (art. 82 let. a LTF et 35 let. a
RTF). Cela vaut également lorsque le litige a trait à l'obligation de payer des
cotisations aux caisses d'allocations familiales ou d'assurance-maternité
cantonales régies par le droit cantonal (Loi cantonale genevoise du 1er mars
1996 sur les allocations familiales [LAF; RSG J 5 10] et Loi cantonale
genevoise du 14 décembre 2000 sur l'assurance-maternité [abrogée au 30 juin
2005]). Bien que l'assurance sociale cantonale entre formellement dans la
compétence de la Ière Cour de droit public (art. 34 let. e RTF), des raisons
d'économie de procédure justifient que la IIe Cour de droit social traite
également des aspects du litige y relatifs.

2.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité
par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le
recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut
admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il
peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Le Tribunal
fédéral statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2
LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office
l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans
celui-ci lui apparaîtraient d'emblée comme manifestes.

3.
3.1 Retenant que la recourante devait être considérée comme l'employeur au sens
de la LAVS en vertu de l'art. 12 LAVS, la juridiction cantonale a examiné la
question de la prescription (recte péremption [ATF 117 V 208]) au sens de
l'art. 16 al. 1 LAVS (dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002,
applicable en l'espèce [ATF 130 V 445 consid. 1.2.1 p. 447]). Selon la première
phrase de cette disposition, les cotisations dont le montant n'a pas été fixé
par décision notifiée dans un délai de cinq ans à compter de l'année civile
pour laquelle elles sont dues, ne peuvent plus être exigées ni payées.

Constatant que les indemnités en cause avaient été versées en date du 4 février
2002, les premiers juges ont considéré que les cotisations étaient dues pendant
cette année, puisque la dette de cotisations avait pris naissance au moment où
le salaire avait été acquis, à savoir versé. Agissant par une décision du 7
décembre 2007, l'intimée avait dès lors interrompu à temps le délai de cinq ans
prévu à l'art. 16 al. 1 LAVS.

3.2 Contrairement à ce que voudrait la recourante, il n'y a pas lieu de
s'écarter des considérations de la juridiction cantonale sur l'absence de
péremption de la créance de cotisations. Celle-ci prend en effet naissance à la
date à laquelle le salaire déterminant (infra consid. 5) a été réalisé (ATF 115
V 161 consid. 4 p. 163). Ce moment correspond à celui du versement du salaire
(arrêt H 35/58 du 3 juin 1958, in RCC 1958 p. 310), où l'intéressé peut
effectivement disposer du revenu. Le seul fait invoqué par la recourante que
les indemnités en cause constituaient des "prestations uniques et exclusives"
et non pas périodiques ne justifie pas de s'écarter du principe posé par la
jurisprudence. Que les prestations aient été versées en une fois, en plusieurs
tranches ou de manière périodique, la créance de cotisations y relative naît au
moment du versement du revenu, lequel détermine l'année civile pour laquelle
les cotisations sont dues, même si le versement est, comme en l'espèce,
comptabilisé sur une année antérieure.

4.
Encore faut-il, pour que la recourante soit tenue de payer les cotisations
réclamées, que les indemnités versées correspondent à un revenu soumis à
cotisations (art. 5 LAVS) et qu'elle ait eu à l'égard des bénéficiaires des
prestations - qui doivent être assurés en Suisse (art. 1 LAVS dans sa version
en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) - la qualité d'employeur au sens de
l'art. 12 al. 1 LAVS.

5.
5.1 Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, le salaire déterminant pour la perception des
cotisations comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour
un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS). Font partie du salaire
déterminant, par définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur
versement est économiquement lié au contrat de travail; peu importe, à cet
égard, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que
les prestations soient versées en vertu d'une obligation ou à titre bénévole.
On considère donc comme revenu d'une activité salariée, soumis à cotisations,
non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en
principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les
rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de
cotisations en vertu de prescriptions légales expressément formulées. Selon
cette description du salaire déterminant, sont en principe soumis à cotisations
tous les salaires liés à des rapports de travail ou de service qui n'auraient
pas été perçus sans ces rapports. Inversement, l'obligation de payer des
cotisations ne concerne en principe que les revenus qui ont effectivement été
perçus par le travailleur (ATF 131 V 444 consid. 1.1 p. 446 et les arrêts
cités; voir aussi, PAUL CADOTSCH, Wird der AHV-massgebende Lohn durch die
Auszahl- und Zahladresse beeinflusst?, RSAS 2009 p. 5 ss).

5.2 Selon les constatations de la juridiction cantonale, qui lient le Tribunal
fédéral (consid. 2 supra), les bénéficiaires des indemnités en cause étaient
salariés de deux sociétés dont la recourante avait détenu des participations.
A.________, B.________ et C.________ travaillaient au service de Y.________ SA,
tandis que D.________ était employé de Z.________ GmbH. Les prestations avaient
été versées en tant qu'indemnités de départ du groupe, en remerciement de la
fidélité des intéressés et des bons résultats obtenus.

A cet égard, réitérant dans une large mesure les déclarations qu'elle avait
faites lors de son audition en procédure cantonale, la société a expliqué en
instance fédérale, qu'elle avait versé les indemnités en cause aux trois
employés de Y.________ SA, ainsi qu'à l'employé de Z.________ GmbH, pour "les
remercier de leur fidélité et de leur dévouement au sein desdites sociétés, ce
dont la holding profita indirectement puisque lesdites parts furent cédées à
très bon prix". En procédure cantonale (cf. procès-verbal de comparution
personnelle des parties du 27 mai 2008), elle avait expliqué qu'il y avait un
lien de causalité très étroit entre la vente de Y.________ SA, le bénéfice qui
en a résulté et le versement des indemnités, comptabilisées comme diminution du
produit de la vente.

5.3 Il ressort des propos mêmes de la recourante que le versement des
prestations aux intéressés était lié à leur statut d'employés des sociétés dont
elle avait détenu des participations jusqu'à la fin de l'année 2001, mais aussi
à un intérêt propre de X.________ SA en rapport avec la transaction portant sur
lesdites participations. Même si on ignore le rôle exact des quatre employés
dans cette transaction, les sommes qu'ils ont touchées doivent être considérées
comme un salaire déterminant au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS. Qu'elles soient
qualifiées de primes de fidélité ou de primes pour ancienneté de service, les
indemnités ont été versées en raison des rapports de travail entre les
intéressés et les sociétés prénommées et du lien entre la recourante et
celles-ci. Elles avaient par ailleurs pour but d'apporter à leurs bénéficiaires
un avantage pécuniaire en raison des prestations de travail qu'ils avaient
fournies en faveur de Y.________ SA, respectivement Z.________ GmbH, dans le
cadre d'une activité dépendante; d'un point de vue économique, elles étaient
donc liées aux rapports de travail, même s'il s'agissait, aux dires de la
recourante, d'un geste volontaire de sa part.

6.
Dès lors que les prestations en cause correspondent à un salaire déterminant au
sens de l'art. 5 al. 2 LAVS, elles sont soumises à cotisations (art. 5 al. 1
LAVS). Il reste à déterminer si la recourante peut être tenue de verser
celles-ci en qualité d'employeur des bénéficiaires, ce qu'elle conteste en
l'absence de rapports contractuels qui l'auraient liée aux personnes
concernées. Pour l'intimée et la juridiction cantonale en revanche, la société
doit être considérée comme employeur, parce que c'est elle qui a versé les
prestations en cause.

6.1 Aux termes de l'art. 12 al. 1 LAVS, est considéré comme employeur quiconque
verse à des personnes obligatoirement assurées une rémunération au sens de
l'art. 5, 2e alinéa. Selon la jurisprudence, il y a lieu de considérer comme
employeur, en règle générale, celui qui verse le salaire déterminant. Cela ne
signifie toutefois pas qu'il faille considérer comme employeur tenu de faire
les décomptes et de payer les cotisations aussi celui qui verse le salaire sur
mandat de la personne qui occupe les salariés. L'art. 12 LAVS indique seulement
qu'en cas de doute, c'est-à-dire lorsqu'on se demande qui est le véritable
employeur, il faut considérer comme tel celui qui verse le salaire (arrêts H 28
/89 du 4 décembre 1989 consid. 1b, in RCC 1990 p. 142, et H 38/84 du 18 août
1986 consid. 2b, in RCC 1987 p. 32). Lorsque la personne qui verse le salaire
n'est pas la même que celle qui emploie les salariés, l'employeur au sens de la
LAVS est celui qui occupe effectivement les travailleurs et non pas le tiers
qui verse le salaire (arrêt H 117/74 du 9 octobre 1975, in RCC 1976 p. 155). En
d'autres termes, dans de telles circonstances, ce n'est pas l'adresse de
versement (Auszahl- und Zahladresse) qui est déterminante, mais bien plutôt, le
point de savoir pour qui est-ce que l'activité dépendante est exercée. Tel est
le cas, en règle générale, lorsque la prestation du tiers dépend de rapports de
subordination dans l'organisation du travail dont l'origine se situe à un autre
endroit (HANSPETER KÄSER, Unterstellung und Beitragswesen in der
obligatorischen AHV, 2e éd. 1996, n. 12.2, p. 245). Ainsi, lorsqu'un tiers
verse une prestation pécuniaire qualifiée de salaire déterminant au sens de la
LAVS, cette seule circonstance ne fait pas de lui le titulaire de l'obligation
de cotiser (PAUL CADOTSCH, op. cit., p. 11).

Dans l'ATF 102 V 152, le Tribunal fédéral des assurances avait à se prononcer
sur la situation dans laquelle une société holding étrangère (société mère)
avait accordé des avantages aux salariés de sa société fille suisse pour
l'acquisition d'actions. Il a jugé que c'est la société fille qui était
employeur au sens de la LAVS: lorsque des salariés obtiennent des avantages de
la part d'un tiers, qui doivent être qualifiés, vu leur nature, de prestations
de l'employeur, c'est ce dernier qui doit payer les cotisations y relatives,
compte tenu des circonstances économiques réelles.

6.2 Conformément à la jurisprudence exposée ci-avant, le seul fait que la
recourante a versé les indemnités en cause à quatre personnes employées par
deux sociétés dont elle avait détenu des participations ne suffit pas à la
considérer comme employeur au sens de la LAVS. Dès lors que les prestations
touchées par les intéressés pour les remercier de leur fidélité et de leur
dévouement envers leurs employeurs, auxquelles la recourante était
économiquement liée, constituaient un salaire déterminant, il appartenait aux
sociétés qui occupaient les bénéficiaires de supporter les conséquences qui en
résultaient sur le plan des cotisations sociales. Peu importe à cet égard, qui
- au sein du groupe formé par la recourante et les sociétés dont elle détenait
des participations - devait effectivement porter les charges occasionnées par
le versement des indemnités et les cotisations dues en conséquence (cf. ATF 102
V 152 consid. 3 p. 155).

6.3 Vu ce qui précède, la recourante ne pouvait être tenue de payer des
cotisations sociales perçues sur les indemnités versées en février 2002. Son
recours se révèle dès lors bien fondé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner
les autres griefs soulevés.

7.
Compte tenu de l'issue du litige, dans lequel la recourante obtient gain de
cause, elle a droit à une indemnité de dépens à la charge de l'intimée (art. 68
al. 1 LTF), qui supportera également les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève du 26 août 2008 et la décision sur
opposition de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des
entreprises romandes du 6 mars 2008 sont annulés.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève pour nouvelle décision sur les dépens de la
procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 6 mars 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless