Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 768/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_768/2008

Arrêt du 15 mai 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.

Parties
Fondation institution supplétive LPP,
Agence régionale de la Suisse romande,
recourante, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat,

contre

S.________,
intimée, représentée par le Service juridique d'Intégration Handicap,

GastroSocial Caisse de pension,
intimée, représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat.

Objet
Prévoyance professionnelle,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 7
juillet 2008.

Faits:

A.
S.________ a travaillé de décembre 1993 à octobre 2002 comme serveuse pour le
compte de divers établissements publics de X.________. Du 1er décembre 2002 au
31 août 2003, elle a émargé à l'assurance-chômage, intervalle durant lequel
elle a présenté une période d'incapacité de travail totale, puis partielle en
raison principalement de troubles dépressifs. Le 1er janvier 2004, l'intéressée
a commencé à travailler pour le restaurant Y.________. Elle a été incapable de
travailler à 50 % à compter du 5 janvier, puis à 100 % dès le 26 mai.
Par décision du 7 septembre 2005. l'Office AI pour le canton de Vaud a alloué à
l'assurée une rente entière d'invalidité à compter du 1er janvier 2005. Par
courrier du 6 février 2006, GastroSocial Caisse de pension (ci-après:
GastroSocial), institution de prévoyance à laquelle était affilié son dernier
employeur, a informé S.________ qu'elle refusait de lui allouer une rente
d'invalidité, au motif que l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité
était survenue en mars 2003, soit à une période où l'intéressée n'était pas
affiliée auprès d'elle.

B.
Par demande du 17 août 2006, S.________ a saisi le Tribunal des assurances du
canton de Vaud d'une action à l'encontre de GastroSocial tendant au versement à
compter du 1er janvier 2005 d'une rente d'invalidité pour elle et ses deux
enfants. En cours de procédure, la juridiction cantonale a appelé en cause la
Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l'institution supplétive),
auprès de laquelle l'assurée était affiliée lorsqu'elle émargeait à
l'assurance-chômage. Le juge instructeur a également procédé à un complément
d'instruction auprès du médecin traitant de l'assurée, le docteur M.________,
afin qu'il se détermine sur la capacité résiduelle de travail de sa patiente
durant la période courant du mois d'août 2003 au mois de janvier 2004 (rapport
du 23 mai 2008).
Par jugement du 7 juillet 2008, le Tribunal des assurances a admis la demande
et condamné l'institution supplétive à servir des prestations à partir du 1er
janvier 2005, avec intérêts à 5 % l'an dès le 17 août 2006.

C.
La Fondation institution supplétive LPP interjette un recours en matière de
droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut
principalement à ce qu'il soit constaté qu'elle ne doit servir aucune
prestation à l'assurée et subsidiairement au renvoi de l'affaire au Tribunal
des assurances pour nouvelle décision.
S.________ s'en remet à justice, tandis que GastroSocial conclut au rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du
recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les
faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
2.1 Sur la base des renseignements médicaux versés au dossier, notamment du
rapport du docteur M.________ du 23 mai 2008, le Tribunal des assurances a
retenu que l'assurée présentait depuis le 26 mars 2003 une incapacité de
travail pour des raisons psychiatriques qui, depuis lors, n'avait jamais
véritablement subi d'interruption. Il existait par conséquent une relation de
connexité matérielle et temporelle entre cette incapacité de travail et
l'invalidité qui lui a été reconnue à compter du mois de janvier 2005, de sorte
qu'il appartenait à l'institution de prévoyance à laquelle l'assurée était
affiliée lors du début de l'incapacité de travail de servir ses prestations,
soit en l'occurrence l'institution supplétive.

2.2 La recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits
pertinents, consécutive à une mauvaise appréciation des preuves. C'est à tort
que le Tribunal des assurances aurait constaté que l'incapacité de travail
présentée par l'assurée avait perduré depuis le 26 mars 2003, en particulier
durant la période courant du 1er août 2003 au 4 janvier 2004, et retenu qu'il
existait un lien de connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue
du 26 mars au 31 juillet 2003 et celle intervenue à compter du 5 janvier 2004.
Le rapport du 23 mai 2008 du docteur M.________ ne pouvait en aucun cas être
suivi, dès lors qu'il a été établi bien après les faits litigieux, qu'il
contenait une conclusion nouvelle par rapport aux précédents certificats
établis par ce médecin et qu'il n'était pas exempt de contradictions.

3.
La relation de connexité temporelle suppose qu'après la survenance de
l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité, la
personne assurée n'ait pas à nouveau été capable de travailler pendant une
longue période. L'existence d'un tel lien doit être examinée au regard de
l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, tels la nature de l'atteinte à la
santé, le pronostic médical, ainsi que les motifs qui ont conduit la personne
assurée à reprendre ou ne pas reprendre une activité lucrative. Parmi les
circonstances à prendre en compte pour apprécier la relation de connexité
temporelle, il y a également les rapports perçus vers l'extérieur par les tiers
dans le monde du travail, tel le fait qu'un assuré perçoit pendant une longue
période des indemnités journalières de l'assurance-chômage en tant que personne
à la recherche d'un emploi qui dispose d'une aptitude entière au placement
(arrêts B 100/02 du 26 mai 2003 consid. 4.1 et B 18/06 du 18 octobre 2006
consid. 4.2.1 in fine et les références). On ne peut cependant accorder la même
valeur à ces périodes qu'à celles pendant lesquelles l'intéressé a
effectivement exercé une activité lucrative (arrêt B 23/01 du 21 novembre 2001
consid. 3.3). En ce qui concerne la durée de la capacité de travail
interrompant le rapport de connexité temporelle, on peut s'inspirer de la règle
de l'art. 88a al. 1 RAI comme principe directeur (« Richtschnur »).
Conformément à cette disposition, il y a lieu de prendre en compte une
amélioration de la capacité de gain ayant une influence sur le droit à des
prestations lorsqu'elle a duré trois mois, sans interruption notable, et sans
qu'une complication prochaine soit à craindre. Lorsque l'intéressé dispose à
nouveau d'une pleine capacité de travail pendant au moins trois mois et qu'il
apparaît ainsi probable que la capacité de gain s'est rétablie de manière
durable, il existe un indice important en faveur de l'interruption du rapport
de connexité temporelle. Il en va différemment lorsque l'activité en question,
d'une durée éventuellement plus longue que trois mois, doit être considérée
comme une tentative de réinsertion ou repose de manière déterminante sur des
considérations sociales de l'employeur et qu'une réadaptation durable
apparaissait peu probable (ATF 134 V 20 consid. 3.2.1 p. 22 et les références;
123 V 262 consid. 1c p. 264; 120 V 112 consid. 2c/aa p. 117).

4.
4.1 La seule question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si l'aptitude
de l'assurée à exercer une activité lucrative s'est rétablie entre le 1er août
2003 et le 4 janvier 2004 de manière suffisamment durable pour interrompre le
lien de connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue
antérieurement à cette période et l'invalidité survenue postérieurement.

4.2 Selon les constatations de la juridiction cantonale, les diverses
incapacités de travail subies par l'assurée ont pour origine des troubles
psychiques de nature identique (trouble dépressif récurrent, trouble panique
avec agoraphobie, troubles mixtes de la personnalité [personnalité carencée,
fruste, avec des traits de personnalité infantile et dépendante marqués]). Les
troubles ont évolué concrètement de la manière suivante. Selon le docteur
M.________, l'assurée a présenté une incapacité totale de travailler du 26 mars
au 28 avril 2003, de 60 % du 29 avril au 29 mai 2003, de 30 % du 30 mai au 31
juillet 2003 et enfin une pleine capacité de travail à compter du 1er août 2003
(rapport du 12 avril 2005). Pour la période postérieure au 1er août 2003, les
informations sont succinctes. Le docteur M.________ a fixé rétrospectivement,
sur la base de ses notes personnelles, la capacité résiduelle de travail durant
l'époque litigieuse à 50 % (rapport du 23 mai 2008). A compter du 1er janvier
2004, l'assurée n'a été en mesure de travailler à plein temps que durant quatre
jours, une incapacité partielle de travailler ayant été attestée à compter du 5
janvier déjà.

4.3 Sur le vu de ce qui précède, l'appréciation du Tribunal des assurances
n'apparaît ni insoutenable, ni contraire au droit. On relévera en particulier
qu'il n'a pas été établi que la symptomatologie dépressive s'était amendée
entre le 1er août et le 31 décembre 2003 dans une mesure propre à permettre à
l'assurée de reprendre durablement l'exercice à plein temps de son activité
habituelle. Au contraire, il ressort du rapport établi le 23 mai 2008 par le
docteur M.________ que l'assurée n'a, durant cette période, pas exercé
d'activité à plein temps, bien qu'elle en ait exprimé la volonté. Les
affections dont souffre l'assurée ont pour particularité d'avoir une évolution
fluctuante dans le temps, avec alternance de rechutes et de rémissions plus ou
moins marquées et durables. La rapidité de la réaction dépressive consécutive à
la reprise le 1er janvier 2004 d'une activité lucrative à plein temps tend à
démontrer que l'assurée n'était pas totalement guérie des troubles qui
l'avaient préalablement affectée et que, partant, elle n'avait pas entièrement
recouvré sa capacité de travail au moment de débuter son nouvel emploi (voir
arrêt B 1/05 du 31 août 2005 consid. 5). Certes convient-il de donner raison à
la recourante lorsque celle-ci estime que les faits relatifs à la période
courant du 1er août au 31 décembre 2003 sont peu clairs et que le rapport
rédigé le 23 mai 2008 par le docteur M.________ n'est que peu à même d'offrir
des renseignements parfaitement concluants. Cela étant, il existe suffisamment
d'indices objectifs qui, abstraction faite de ce rapport, permettent d'établir,
au degré de la vraisemblance prépondérante, un lien de connexité temporelle
entre l'incapacité de travail survenue antérieurement à cette période et
l'invalidité survenue postérieurement. Il ne se justifie par conséquent pas de
renvoyer la cause aux premiers juges pour qu'ils procèdent à un complément
d'instruction.

5.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais de la
présente procédure sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66
al. 1 LTF). L'assurée intimée a droit à une indemnité de dépens à la charge de
la recourante (art. 68 al. 1 LTF), à l'inverse de la caisse intimée (art. 68
al. 3 LTF; ATF 126 V 143 consid. 4a p. 150 et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à S.________ la somme de 600 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 mai 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Piguet