Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 750/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_750/2008

Arrêt du 5 juin 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
Progressa, Fondation collective LPP de la Genevoise, Compagnie d'Assurances sur
la Vie,
avenue Eugène-Pittard 16, 1206 Genève,
recourante, représentée par Me Denis Schroeter, avocat,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Charles Guerry, avocat.

Objet
Prévoyance professionnelle,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal fribourgeois, Section
administrative, du 10 juillet 2008 et du jugement du Tribunal administratif du
canton de Fribourg, du 27 avril 2006.

Faits:

A.
La société X.________ SA avait affilié son personnel en prévoyance
professionnelle auprès de Progressa Fondation collective LPP de la Genevoise
(ci-après: la fondation). Membre fondateur et ancien salarié de la société,
B.________ a été reconnu invalide à 50 % dès le 1er janvier 1995, puis à 75 % à
partir du 1er avril 1999, par l'assurance-invalidité qui lui a versé les
prestations correspondantes à partir du 1er février 1998 (demande tardive).
L'intéressé s'est également adressé à la fondation en lui réclamant, en vain,
une rente d'invalidité.

B.
B.a Le 25 juin 2004, B.________ a ouvert action contre la fondation auprès du
Tribunal administratif du canton de Fribourg (depuis le 1er janvier 2008,
Tribunal cantonal), Cour des assurances sociales, en concluant à ce qu'elle
soit condamnée au versement d'une rente annuelle d'invalidité de 37'854 fr.,
assortie d'une rente pour enfant de 7'571 fr. à partir du 1er avril 2000.

Le Tribunal administratif a d'abord rendu un arrêt, le 27 avril 2006, par
lequel il a constaté que "Progressa n'a pas résilié son contrat à temps pour ce
qui est du régime sur-obligatoire" et qu'"elle ne saurait refuser d'emblée de
prester en faveur du demandeur pour ce motif" (ch. 1 du dispositif). Ce
jugement n'a pas été contesté par les parties.
B.b Dans un deuxième temps, le Tribunal administratif a chargé le Centre
Y.________ d'une expertise pluridisciplinaire (rapport du 27 février 2007).
Après avoir donné aux parties l'occasion de se déterminer sur l'expertise, la
Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois a, par jugement
du 10 juillet 2008, astreint la fondation à verser à B.________ des rentes
d'invalidité entières à compter du 1er juin 2000, dont les montants devaient
être fixés ultérieurement.

C.
La fondation interjette un recours "en matière de droit public contre les
arrêts rendus les 27 avril 2006 et 10 juillet 2008" par le Tribunal cantonal
fribourgeois. Sous suite de frais et dépens, elle conclut à leur annulation et
au renvoi de la cause à la juridiction cantonale "afin qu'elle procède
conformément aux considérants".
B.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet. De son côté, l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 134 V 138 consid. 1 p. 140).

2.
2.1 Le recours est tout d'abord dirigé contre le jugement cantonal du 27 avril
2006. Comme cette décision a été rendue avant l'entrée en vigueur de la LTF, au
1er janvier 2007, le recours dirigé à son encontre reste soumis aux règles de
l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395). C'est donc à la
lumière des dispositions de cette loi que doit être examinée la recevabilité du
recours contre le premier jugement cantonal, sans que l'entrée en vigueur de la
LTF n'ouvre une nouvelle voie de recours comme le prétend la recourante.

2.2 Avec le jugement entrepris, qu'elle a qualifié de "décision partielle", la
juridiction cantonale a constaté que la recourante n'avait pas résilié à temps
le contrat d'affiliation dans le domaine de la prévoyance plus étendue, de
sorte qu'elle ne pouvait arguer de ce motif pour refuser d'emblée de prester,
tandis que les autres conditions du droit à des prestations devaient être
examinées ultérieurement.

L'arrêt cantonal attaqué n'est pas une décision finale, puisqu'il ne met pas
fin à la procédure engagée devant l'autorité cantonale, ni un jugement partiel
proprement dit, qui statuerait sur une partie quantitativement limitée de la
prétention litigieuse ou sur l'une des prétentions en cause - en cas de cumul
objectif ou subjectif d'actions ou lorsqu'une demande reconventionnelle a été
formée (sur ces notions, cf. ATF 116 II 80 consid. 2b p. 82 et les références).
Il s'agit d'un jugement préjudiciel ou incident qui, sans mettre fin au procès,
tranche définitivement le sort d'une condition de fond préliminaire à la
décision finale.

2.3 Une décision de nature incidente peut être contestée, séparément d'avec le
fond, par un recours de droit administratif (art. 97 al. 1 OJ) qu'à la double
condition que cette voie de droit soit ouverte contre la décision finale (cf.
art. 101 let. a OJ) et que la décision incidente soit de nature à causer un
préjudice irréparable au recourant (cf. art. 45 al. 2 PA, en relation avec
l'art. 5 al. 2 PA; ATF 124 V 82 consid. 2 p. 85).

Le point de savoir si la décision du 27 avril 2006 cause en l'occurrence un
dommage irréparable à la recourante peut rester indécis. A supposer que tel
soit le cas, le recours serait de toute façon irrecevable pour cause de
tardiveté, puisqu'il a été interjeté plus de deux ans après l'échéance du délai
de recours prévu à l'art. 106 al. 1 OJ. Selon cette disposition, le recours
doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours ou, s'il
s'agit d'une décision incidente, dans les dix jours dès la notification de la
décision. Même si on tenait compte de l'indication erronée du délai de recours
(30 jours) figurant sur le jugement du 27 avril 2006 (cf. art. 107 al. 3 OJ),
le recours serait largement tardif. En revanche, si l'arrêt entrepris devait
être considéré comme ne remplissant pas l'exigence du dommage irréparable, il
ne pourrait pas être contesté indépendamment de la décision finale (cf. art. 45
al. 3 PA). En l'absence d'un tel prononcé qui n'a pas encore été rendu (sur la
nature du second jugement cantonal entrepris, infra consid. 3), le recours - en
quelque sorte prématuré - serait donc également irrecevable dans cette seconde
hypothèse. Dans l'une ou l'autre des éventualités envisagées, le recours, en
tant qu'il porte sur la décision incidente du 27 avril 2006, n'est par
conséquent pas recevable.

3.
3.1 La recourante s'en prend également au second jugement du Tribunal cantonal
fribourgeois, rendu le 10 juillet 2008. Compte tenu de la date du prononcé, le
recours est soumis aux règles de la LTF (art. 132 al. 1 LTF).

Le second arrêt entrepris n'est pas une décision finale, puisqu'il ne met pas
fin à la procédure opposant la recourante à l'intimé au sujet du droit de
celui-ci à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle (art.
90 LTF). A la différence de ce qui prévalait sous l'empire de l'OJ, où une
décision par laquelle la juridiction cantonale se prononçait sur le principe du
droit de l'assuré à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle
aurait été considérée comme un jugement partiel sur le fond (ATF 122 V 151
consid. 1 p. 153), le prononcé du 10 juillet 2008 ne peut être assimilé à une
décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF. Selon cette disposition, le
recours est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le
sort est indépendant de celui qui reste en cause. Même s'ils se sont prononcé
sur le principe même du droit de l'intimé à des rentes d'invalidité entière à
compter du 1er juin 2000, les premiers juges n'ont pas tranché de manière
définitive un chef de conclusion ou une partie de l'objet du litige qui serait
indépendante de celle qui reste à juger (cf. ATF 133 V 477 consid. 4.1.2 p.
480). En reconnaissant le droit de l'intimé aux prestations en cause, ils ont
jugé d'un aspect de l'objet du litige qui est indissociable du point de savoir
quelle est l'étendue des rentes d'invalidité réclamées; ce qui a été jugé n'est
pas destiné à avoir un sort indépendant de ce qui reste à juger (BERNARD
CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2009, ad art. 91 n° 12). L'arrêt cantonal doit
par conséquent être qualifié de décision préjudicielle ou incidente au sens de
l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.1.3 p. 481 et les références).
L'argumentation de la recourante fondée sur la jurisprudence du Tribunal
fédéral sur la nature particulière d'un jugement cantonal de renvoi à une
autorité administrative - dans le domaine de l'assurance-invalidité - lorsque
celle-ci ne dispose plus, pratiquement, d'aucune latitude pour statuer (par
exemple, arrêt 9C_684/2007 du 27 décembre 2007, in SVR 2008 IV n° 39 p. 131)
n'est pas pertinente. La juridiction cantonale, à laquelle la contestation a
été déférée par la voie d'une action et non d'un recours contre une décision
administrative que l'intimée aurait eu la compétence de rendre, n'est pas
habilitée à renvoyer la cause à l'intimée pour que celle-ci concrétise le
jugement (ATF 129 V 450 consid. 2 p. 451), mais reste saisie du litige sur
lequel il lui appartiendra de se prononcer encore une fois par un arrêt final.

3.2 Dès lors que le jugement entrepris, en tant que décision incidente ou
préjudicielle, ne concerne ni la compétence, ni la récusation (cf. art. 92
LTF), il ne peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral que
s'il peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si
l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui
permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let.
b LTF). Si le recours n'est pas recevable au regard de ces conditions ou s'il
n'a pas été utilisé, la décision incidente peut être attaquée par un recours
contre la décision finale dans la mesure où elle influe sur le contenu de
celle-ci (art. 93 al. 3 LTF).
3.2.1 Un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF est un
dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un
jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 133 IV 139
consid. 4 p. 141, 288 consid. 3.1 p. 291). En revanche, un dommage de pur fait,
comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de
celle-ci, n'est pas considéré comme irréparable (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59
et les arrêts cités).
3.2.2 L'ouverture du recours, prévue pour des motifs d'économie de procédure
(art. 93 al. 1 let. b LTF), contre une décision incidente constitue une
exception et doit être interprétée de manière restrictive, d'autant plus que
les parties ne subissent aucun préjudice lorsqu'elles n'attaquent pas
immédiatement de telles décisions, qu'elles peuvent contester en même temps que
la décision finale (art. 93 al. 3 LTF). L'art. 93 al. 1 let. b LTF suppose
d'abord que le Tribunal fédéral soit en mesure de rendre lui-même un jugement
final en réformant la décision préjudicielle ou incidente attaquée, ce qui
n'est pas le cas s'il apparaît que, en cas d'admission du recours, il devra de
toute manière annuler la décision attaquée et renvoyer la cause à la
juridiction cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision.
Ensuite, l'admission du recours doit permettre d'éviter une procédure
d'administration des preuves longue et coûteuse (ATF 134 III 426 consid. 1.3.2
p. 430 et les arrêts cités).

3.3 La recourante ne prétend pas que la décision incidente ou préjudicielle
entreprise lui causerait un dommage irréparable. Aussi, n'établit-elle pas en
quoi l'arrêt entrepris entraînerait un dommage irréparable ou qu'une décision
finale immédiate permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et
coûteuse.

Ces conditions ne sont, en tout état de cause, pas réalisées. En particulier,
les griefs invoqués - violations de l'art. 6 § 1 CEDH (débats publics) et du
principe de l'interdiction de l'arbitraire liée à une violation du droit d'être
entendu - pourraient être soulevés à l'occasion du recours contre le jugement
cantonal sur le fond, de sorte qu'ils ne mettent pas en évidence un dommage
qu'une décision finale, même favorable à la recourante, ne ferait pas
disparaître complètement. Par ailleurs, l'admission du recours ne peut pas, en
l'état de la procédure, conduire à une décision finale. En effet, même si le
Tribunal fédéral donnait raison à la recourante quant aux violations invoquées,
il devrait renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle se
prononce à nouveau en respectant les droits de procédure dont la violation
aurait été admise. Aussi, le litige sur le fond ne serait-il pas tranché et le
Tribunal fédéral ne pourrait-il pas mettre un terme définitif à la procédure.

3.4 Dès lors qu'aucune des deux éventualités prévues à l'art. 93 al. 1 LTF
n'est réalisée, le recours, en tant qu'il est formé à l'encontre du jugement du
10 juillet 2008, doit également être déclaré irrecevable.

4.
Vu l'issue du litige, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF). Elle versera aussi à l'intimée, qui obtient gain de cause, une
indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée la somme de 1'800 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal fribourgeois,
Section administrative, et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 juin 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless