Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 69/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_69/2008

Arrêt du 29 septembre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,

Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.

Parties
A.________,
B.________,
C.________,

recourants, tous les trois représentés par Me Christophe Zellweger, avocat, rue
de la Fontaine 9, 1204 Genève,

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romande
(FER-CIAM 106.1),
rue de Saint-Jean 98, 1201 Genève,
intimée.

Objet
Assurance-vieillesse et survivants,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 27 novembre 2007.

Faits:

A.
X.________ SA (ci-après: la société) était affiliée en tant qu'employeur auprès
de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes
(FER-CIAM 106.1; ci-après: la caisse). Exploitant plusieurs salles de cinéma en
ville de D.________, cette société a été confrontée à des problèmes de
trésorerie à partir de la fin de l'année 2000. Par jugement des 12 décembre
2002 et 10 mars 2003, le Tribunal de première instance de la République et
canton de Genève a accordé à la société un sursis concordataire provisoire de
deux mois, puis un sursis concordataire de six mois, prolongé de six mois le 26
août 2003. Informé le 30 janvier 2004 par le commissaire au sursis que les
conditions d'un maintien du sursis concordataire n'étaient plus réunies, le
Tribunal a prononcé la faillite de la société le 23 février 2004. La procédure
de faillite a été clôturée le 14 juillet 2005.
Le 22 avril 2005, la caisse a adressé à A.________, B.________ et C.________,
inscrits au registre du commerce depuis le 28 novembre 2000 en qualité
d'administrateurs de la société, une décision en réparation du dommage portant
sur un montant de 152'200 fr. 80, prétention qu'elle a réduite à 100'224 fr. 40
le 6 mai 2005. Cette somme correspondait à diverses dettes de cotisations
sociales (AVS/AI/APG/AC, régime des allocations familiales, assurance-maternité
cantonale) dues par la société pour la période courant du mois de janvier 2001
au mois de janvier 2003. Saisie d'une opposition, la caisse l'a rejetée par
décision du 11 juillet 2006.

B.
Par jugement du 27 novembre 2007, le Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève a partiellement admis le recours formé par
A.________, B.________ et C.________ contre la décision sur opposition du 11
juillet 2006, en ce sens qu'il a constaté que la responsabilité des recourants
n'était engagée que jusqu'au 10 mars 2003, et renvoyé la cause à la caisse pour
qu'elle fixe à nouveau le montant du dommage.

C.
Par mémoire commun, A.________, B.________ et C.________ interjettent un
recours en matière de droit public contre ce jugement. Ils concluent à son
annulation et à celle de la décision sur opposition du 11 juillet 2006. Ils
assortissent leur recours d'une demande d'assistance judiciaire.
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

D.
Par ordonnance du 20 mars 2008, la IIe Cour de droit social a admis la demande
d'assistance judiciaire de A.________ et rejeté celles de B.________ et
C.________, au motif que ceux-ci n'avaient pas établi leur indigence. Elle a
requis de ces derniers le versement d'une avance de frais dont ils se sont
acquittés.

Considérant en droit:

1.
La IIe Cour de droit social est compétente pour statuer sur les décisions en
réparation du dommage prises sur la base de l'art. 52 LAVS (art. 82 let. a LTF
et 35 let. a RTF). Cela vaut également lorsque le litige a trait à la
réparation du dommage consécutif au non-paiement de cotisations au régime des
allocations familiales de droit cantonal (Loi sur les allocations familiales du
1er mars 1996; LAF; RSG J 5 10) et de cotisations à l'assurance-maternité
cantonale (Loi sur l'assurance-maternité du 14 décembre 2000, abrogée depuis le
1er juillet 2005 par la Loi instituant une assurance en cas de maternité et
d'adoption du 21 avril 2005; LAMat; RSG J 5 07). Bien que les assurances
sociales cantonales entrent formellement dans la compétence de la Ire Cour de
droit social (art. 34 let. e RTF), des raisons d'économie de procédure
justifient toutefois que la IIe Cour de droit social traite de ces questions
(arrêt 9C_465/2007 du 20 décembre 2007, consid. 1).

2.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du
recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les
faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

3.
Le Tribunal cantonal des assurances sociales a reconnu qu'il ne pouvait être
reproché aux recourants de ne pas s'être préoccupés du versement des charges
sociales postérieurement au 10 mars 2003, date du jugement de sursis
concordataire, dans la mesure où leurs pouvoirs avaient été expressément
restreints par le juge du concordat, tout en considérant que leur
responsabilité était clairement engagée jusqu'à cette date. Les recourants
estiment pour leur part n'avoir commis aucune faute dans le cadre de la gestion
des affaires de la société durant la période antérieure au 10 mars 2003.

4.
4.1 Le litige porte sur la responsabilité des recourants au sens de l'art. 52
LAVS pour le dommage subi par la caisse ensuite du non-paiement des cotisations
sociales dues par la société pour la période courant du mois de janvier 2001 au
mois de janvier 2003. Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et réglementaires, ainsi que les principes
jurisprudentiels applicables en matière de responsabilité de l'employeur au
sens de l'art. 52 LAVS, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer, sous réserve des
précisions suivantes.

4.2 Selon l'art. 298 al. 1 LP, le débiteur peut poursuivre son activité sous la
surveillance du commissaire. Le juge du concordat peut cependant prescrire que
certains actes ne pourront être valablement accomplis qu'avec le concours du
commissaire, ou autoriser le commissaire à poursuivre l'activité de
l'entreprise à la place du débiteur. L'art. 298 al. 2 LP prévoit que sauf
autorisation du juge du concordat, il est interdit, sous peine de nullité,
d'aliéner ou de grever l'actif immobilisé, de constituer un gage, de se porter
caution et de disposer à titre gratuit pendant la durée du sursis. A moins que
le juge du concordat n'en dispose autrement, il découle ainsi de l'art. 298 que
le débiteur conserve la libre disposition de ses biens. Celui-ci peut
poursuivre l'exploitation de son entreprise et accomplir tous les actes
juridiques qui entrent dans le cadre de la gestion quotidienne de celle-ci, à
l'exception toutefois de ceux qui sont mentionné à l'art. 298 al. 2 LP
(Alexander Vollmar, Basler Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs, Bâle 1998, n. 3 ad art. 298; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de
la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 2003, n.
8 ss ad art. 298).

4.3 Le devoir de l'employeur de s'acquitter des cotisations sociales au sens de
l'art. 14 LAVS n'est en principe pas modifié par le prononcé d'un sursis
concordataire. Le versement des cotisations dues sur les salaires payés n'entre
pas dans la catégorie des actes juridiques qui tombent sous le coup des actes
prohibés par l'art. 298 al. 2 LP. Par ailleurs, selon la jurisprudence, les
montants dus à des institutions de prévoyance sociale à partir de la date du
sursis sont des dettes de la masse qui ne sont pas touchées par le concordat et
qui peuvent, de ce fait, être immédiatement payées (ATF 100 III 30; RDAT 1999 I
n° 71 p. 278; arrêts H 38/01 du 17 janvier 2002 et H 277/97 du 17 mars 1998). A
moins que le juge n'en dispose autrement - en application de la seconde phrase
de l'art. 298 al. 1 LP -, il appartient donc aux administrateurs de la société
de verser les cotisations paritaires dans le cadre de la gestion des affaires
courantes, et non au commissaire au sursis. Le fait que celui-ci soit chargé de
la surveillance de l'activité de la société au sens de l'art. 298 al. 1 LP et
puisse donner des instructions à la direction de la société concernant la
priorité des paiements à effectuer ne libère pas les administrateurs, en leur
qualité d'organe de la société, de leurs devoirs de surveillance et de contrôle
en matière de paiement des cotisations sociales (voir également arrêt H 183/01
du 5 février 2003, consid. 3.3 et les arrêts cités).

5.
5.1
5.1.1 Les recourants reprochent en premier lieu à la juridiction cantonale de
n'avoir pas tenu compte de la restriction de leurs pouvoirs ordonnée par le
commissaire au sursis le lendemain de l'octroi du sursis concordataire
provisoire. Celle-ci se révélait parfaitement comparable à la restriction
décidée par le juge du concordat le 10 mars 2003, de sorte qu'il ne se
justifiait pas de traiter les deux situations de manière différente.
5.1.2 Des faits retenus par la juridiction cantonale, il ressort que la mission
du commissaire au sursis, telle qu'elle a été précisée dans le jugement du 12
décembre 2002, consistait à examiner l'état de la fortune et des revenus de la
société, ainsi que les perspectives de concordat et de surveiller l'activité de
la société pendant la durée du sursis. Le jugement ne prévoyait aucune
limitation judiciaire des pouvoirs des administrateurs de la société, que ce
soit sous la forme d'une injonction de ne pas s'occuper de tout ou partie des
affaires de la société, ou sous la forme d'une obligation d'accomplir certains
actes avec le concours du commissaire. Par courrier du 13 décembre 2002, le
commissaire a, il est vrai, donné des instructions aux recourants concernant
les modalités de gestion de la société. Il les a sommés d'une part, de ne plus
souscrire de nouveaux engagements sans son accord et les a invités, d'autre
part, à ne plus régler aucune facture ou engagement, par caisse, compte
bancaire ou CCP, sans son visa préalable. La teneur de ce courrier, ainsi que
de celui adressé le 16 décembre 2002 à la Banque Y.________, ne saurait
cependant être considérée comme constituant une restriction générale et
effective des pouvoirs des recourants. Contrairement à ce que soutiennent ces
derniers, on ne voit pas dans les injonctions données que le commissaire aurait
instauré la nécessité de la signature conjointe pour tous les actes de gestion
de la société, comme cela a été le cas à la suite du jugement du 10 mars 2003.
Le contrôle préalable instauré par le commissaire provisoire au sursis avait
pour seul objectif de matérialiser la surveillance que celui-ci était tenu
d'assurer sur la société, conformément au jugement du 12 décembre 2002. Si les
recourants avaient l'obligation d'en référer au commissaire avant d'effectuer
certains actes de gestion, c'est à eux qu'il incombait néanmoins d'assurer la
gestion quotidienne de la société, en veillant, notamment, à assurer le
paiement des frais courants et singulièrement des cotisations sociales échues.
Contrairement à ce que semblent penser les recourants, l'octroi du sursis (et
la nomination d'un commissaire) ne déchargeait pas la société de ses
obligations en matière de cotisations (cf. arrêt H 301/99 du 18 juillet 2000,
consid. 6). De plus, il ne ressort pas des faits retenus par les premiers juges
- ni du reste des pièces du dossier - que le commissaire se serait
personnellement occupé de tâches administratives liées au paiement des charges
sociales courantes ou en aurait déchargé les administrateurs de la société.
5.2
5.2.1 Les recourants allèguent en second lieu qu'ils se sont abstenus de
procéder à certains paiements à compter du mois de juillet 2002 en raison
uniquement d'une crise de trésorerie qu'ils pouvaient légitimement considérer
comme passagère, le Tribunal de première instance ayant d'ailleurs considéré
réalistes dans son jugement du 12 décembre 2002 les perspectives du
redressement espéré.
5.2.2 Contrairement à ce qu'affirment les recourants, les premières difficultés
financières de la société ne datent pas du mois de juillet 2002. Il ressort des
faits retenus par les premiers juges que la société a connu, au vu des chiffres
d'exploitation, une lente dégradation de sa santé financière depuis l'année
2000, la caisse ayant été contrainte d'agir par voie de poursuite dès les mois
de mars 2001. Le fait que la société n'était pas en situation comptable de
surendettement durant la période en cause importe à cet égard peu, dès lors que
les liquidités courantes ne permettaient pas à la société de faire face à ses
différents engagements. Lorsque la société a suspendu définitivement le
paiement de ses cotisations au mois de juillet 2002, les perspectives d'un
redressement à brève échéance de la société ne pouvaient être considérées à ce
moment-là comme réalistes. Ainsi que cela ressort du jugement du Tribunal de
première instance du 12 décembre 2002, le commissaire au sursis était invité,
en l'absence d'un projet de concordat détaillé et d'un budget prévisionnel
démontrant comment la société ferait face à ses dépenses courantes sans
augmenter le passif, à examiner les perspectives du concordat envisagé, après
consultation notamment des principaux créanciers. Certes, la société était
alors en pourparlers avec un éventuel repreneur. Selon la jurisprudence,
l'existence de démarches tendant au redressement de la société ou le fait que
l'on puisse compter à brève échéance sur l'assainissement de la société ne
suffisent pas à conclure à une libération de la responsabilité; il doit au
contraire exister des motifs sérieux et objectifs qui laissent à penser que la
société - en différant provisoirement le paiement des cotisations sociales - a
des chances de se maintenir en vie et qu'ainsi l'arriéré de cotisations pourra
être remboursé dans un délai raisonnable. Tel n'est pas le cas lorsque
l'ensemble des obligations actuelles et futures de la société excèdent
nettement le montant des cotisations dues, la suspension du paiement des
cotisations ne pouvant raisonnablement jouer un rôle causal pour la survie de
la société (arrêts H 183/01 du 5 février 2003, consid. 3.5, et H 301/99 du 18
juillet 2000, consid. 7a). Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que
le montant global réclamé au titre des cotisations sociales n'était que peu
significatif par rapport à l'ensemble des dettes de la société (cf. le bilan et
le compte de profits et pertes au 31 décembre 2002 de X.________ SA). Dans ces
conditions, on ne saurait considérer que le fait de retarder le paiement des
cotisations sociales constituait un préalable indispensable au sauvetage de la
société et qu'il était partant excusable.

5.3 Au regard de ce qui précède, on ne saurait donc admettre l'existence d'un
motif de disculpation en faveur des recourants. C'est ainsi à juste titre que
les premiers juges ont imputé le comportement des recourants à faute et admis
que leur responsabilité était engagée au regard de l'art. 52 LAVS.

6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Les frais afférents à la présente
procédure seront supportés à parts égales par les recourants. Par ordonnance du
20 mars 2008, A.________ a été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, de
sorte que sa part des frais judiciaires et les honoraires de son mandataire
seront pris en charge partiellement par la caisse du tribunal. Il est toutefois
rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la caisse du tribunal, s'il
devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant total de 3'000 fr., sont mis à la charge des
recourants à parts égales. La part de frais mis à la charge de A.________ est
toutefois supportée provisoirement par la caisse du Tribunal.

3.
Une indemnité de 1'000 fr., provisoirement supportée par la caisse du Tribunal,
est allouée à Me Christophe Zellweger, à titre d'honoraires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et Canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 29 septembre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Piguet