Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 644/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_644/2008

Arrêt du 12 décembre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

Parties
Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,
recourant,

contre

E.________,
intimée, représentée par Me Claudio Buchs, avocat, Avenue de Tivoli 3, 1701
Fribourg,

Office AI du canton de Fribourg, 1762 Givisiez.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal,
Cour des assurances sociales, du canton de Fribourg, du 28 mai 2008.

Faits:

A.
E.________ travaillait en qualité de formatrice et directrice des ventes pour
le compte de l'entreprise X.________ depuis le 1er avril 1988. Souffrant d'une
maladie auto-immune évoluant par poussées et la fragilisant tant sur le plan
physique que psychique, l'intéressée a alterné des périodes d'incapacité de
travail totale et partielle (100 % ou 50 %) entre les mois de novembre 1998 et
septembre 1999 (cf. questionnaire d'employeur). Le 24 septembre 1999, elle a
déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité en vue d'une
orientation professionnelle et d'un reclassement dans une nouvelle profession.
Procédant à l'instruction de la demande, l'Office cantonal fribourgeois de
l'assurance-invalidité (ci-après: l'OAI) a recueilli deux rapports médicaux.
Dans le premier, du 3 novembre 1999, le docteur I.________, spécialiste FMH en
médecine interne et médecin traitant de l'assurée, a posé le diagnostic de
maladie auto-immune inflammatoire systémique, probable
mixed-connective-tissu-disease (MCTD); l'incapacité de travail était de 50 %
dans son activité de directrice des ventes. Dans le second, du 10 avril 2000,
le docteur U.________, spécialiste FMH en rhumatologie mandaté par l'assureur
perte de gain de l'employeur de l'assurée, a posé le diagnostic de syndrome de
Sjögren primitif systémique; la capacité de travail résiduelle était de 50 %
avec réduction des responsabilités dans l'activité exercée jusque-là.
E.________ a alors décidé d'entreprendre des études universitaires (Département
Travail social et politiques sociales), qu'elle a commencées à l'Université de
Y.________ en automne 2001. L'OAI a admis la nécessité d'un reclassement
professionnel de l'assurée («en tant qu'étudiante auprès de l'Université de
Y.________, Chaire de travail social»), du 22 octobre 2001 au 31 juillet 2003
(cf. communication du 21 juin 2001). Il a notamment pris en charge les frais
d'écolage et indiqué que le droit aux indemnités journalières ferait l'objet
d'une décision ultérieure.
Le 3 juillet 2003, l'assurée a été convoquée auprès de l'OAI pour faire le
point sur sa situation. Il ressort du rapport intermédiaire sur la réadaptation
professionnelle ayant fait suite à cette audition que l'assurée avait
l'intention de se présenter aux examens de demi-licence dans sa branche
principale et sa première branche secondaire en juin 2004. Les deux années
suivantes seraient consacrées aux cours du deuxième cycle et à la rédaction du
mémoire de licence. En juin ou octobre 2006, elle se présenterait aux examens
de licence. Si elle n'était pas prête, elle prendrait un emploi et préparerait
ses examens en parallèle. Le chef de la réadaptation lui avait expliqué que
pour des raison d'équivalence et de proportionnalité, l'AI ne pouvait prendre
en charge plus de cinq ans de formation (cf. rapport du 7 juillet 2003).
Par décision du 9 juillet 2003, l'OAI a octroyé à l'assurée des indemnités
journalières du 1er août 2003 au 31 juillet 2006 et pris en charge ses frais
d'écolage.
Dans un rapport intermédiaire sur la réadaptation professionnelle du 2 décembre
2005, le conseiller en réadaptation de l'OAI a indiqué que l'assurée avait
obtenu sa demi-licence dans sa branche principale («Action sociale et
politiques sociales») et dans sa seconde branche secondaire («pédagogie»).
Toutefois, elle ne pouvait continuer sa formation en travail social en raison
d'un échec définitif dans sa première branche secondaire («Analyse du social»).
Compte tenu de cette situation, l'assurée envisageait de changer de faculté et
l'OAI de la soutenir dans la réorientation de son reclassement. La Commission
de Recours de la Faculté des lettres de l'Université de Y.________ a autorisé
l'assurée à poursuivre ses études dans la voie d'études «Bachelor» avec Domaine
I «Sciences de l'éducation» et Domaine II «Sociologie de problèmes sociaux»,
sous réserve de la réussite d'un examen d'accès pour les personnes de plus de
trente ans (cf. décision du 9 janvier 2006).
Le 11 septembre 2006, l'OAI a communiqué à l'assurée l'octroi d'indemnités
journalières jusqu'au 14 mars 2007 et la prise en charge de ses frais
d'écolage.
Par écriture du 13 novembre 2006, l'OAI a informé l'assurée qu'il ne
prolongerait pas les mesures de réadaptation professionnelles au-delà du 31
juillet 2007, même si elle n'avait pas obtenu son titre de Bachelor en sciences
de l'éducation. Il a précisé à cet égard qu'il la soutenait depuis l'automne
2001 et que les raisons pour lesquelles celle-ci n'avait pas pu terminer son
cursus universitaire au terme de six années d'études étaient étrangères à
l'invalidité. Aussi, l'OAI a octroyé une ultime prolongation de la mesure de
réadaptation jusqu'au 31 juillet 2007 (cf. communication du 15 novembre 2006).
L'assurée ayant contesté cette communication, l'OAI a, par décision formelle du
9 février 2007, refusé une prolongation de la mesure de reclassement «comme
étudiante en pédagogie (Bachelor) à l'Université de Y.________, département des
sciences de l'éducation», au-delà du 31 juillet 2007.

B.
E.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif du
canton de Y.________, Cour des assurances sociales (depuis le 1er janvier 2008:
Tribunal cantonal, Cour des assurances sociales) en concluant au prolongement
de la mesure de reclassement jusqu'au 31 juillet 2009.
Par jugement du 28 mai 2008, le Tribunal cantonal a admis le recours, annulé la
décision du 9 février 2007 et reconnu à l'assurée le droit à la réadaptation
jusqu'à l'obtention du Master en sciences de l'éducation mais au plus tard
jusqu'au 31 juillet 2009.

C.
L'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: l'OFAS) interjette un
recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande
l'annulation. Il conclut principalement à la confirmation de la décision du 9
février 2007 de l'OAI et, subsidiairement, à une ultime prolongation du
versement des indemnités journalières échéant au 30 juin 2008.
E.________ conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement
attaqué.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF). Une constatation incomplète des faits correspond à une
violation du droit au sens de cette disposition (arrêt 4A.214/2008 du 9 juillet
2008 consid. 1.2, non publié in ATF 134 III 570).

2.
Est litigieux le droit de l'intimée à une mesure de réadaptation d'ordre
professionnel au-delà du 31 juillet 2007, plus particulièrement si elle peut
prétendre à la prise en charge d'une formation supérieure à celle consacrée par
le titre de Bachelor en sciences de l'éducation.

3.
Aux termes de l'art. 17 al. 1 LAI, l'assuré a droit au reclassement dans une
nouvelle profession si son invalidité rend nécessaire cette mesure et que sa
capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou
améliorée.
Par reclassement, la jurisprudence entend l'ensemble des mesures de
réadaptation de nature professionnelle qui sont nécessaires et suffisantes pour
procurer à l'assuré une possibilité de gain approximativement équivalente à
celle que lui offrait son activité avant la survenance de l'invalidité. La
notion d'équivalence approximative entre l'activité antérieure et l'activité
envisagée ne se réfère pas en premier lieu au niveau de formation en tant que
tel, mais aux perspectives de gain après la réadaptation (ATF 124 V 108 consid.
2a p. 109). En règle ordinaire, l'assuré n'a droit qu'aux mesures nécessaires,
propres à atteindre le but de la réadaptation visé, mais non pas à celles qui
seraient les meilleures dans son cas; car la loi ne veut garantir la
réadaptation que dans la mesure où elle est nécessaire et suffisante dans le
cas d'espèce (ATF 124 V 108 consid. 2a p. 109). En particulier, il ne peut
prétendre une formation d'un niveau nettement supérieur à celui de son ancienne
activité (ATFA 1965 p. 42), sauf si la nature et la gravité de l'invalidité
sont telles que seule une formation d'un niveau supérieur permet de mettre à
profit d'une manière optimale la capacité de travail à un niveau professionnel
plus élevé. Comme toute mesure de réadaptation, les mesures de reclassement
doivent par ailleurs être adéquates, et il doit exister une proportion
raisonnable entre les frais qu'elles entraînent, leur durée et le résultat que
l'on peut en attendre (ATF 103 V 16 consid. 1b; 99 V 34). Si les préférences de
l'intéressé quant au choix du genre de reclassement doivent être prises en
considération, elles ne sauraient toutefois jouer un rôle déterminant (dans ce
sens arrêt I 849/02 du 13 juillet 2004 consid. 2).
L'assuré qui a droit au reclassement en raison de son invalidité a droit à la
formation complète qui s'impose dans son cas afin de pouvoir vraisemblablement
sauvegarder sa capacité de gain ou l'améliorer de manière notable (ATF 124 V
108 consid. 2a p. 109).
Le critère de l'équivalence approximative des activités, en considérant toutes
les circonstances du cas, ne peut pas être apprécié seulement sous l'angle des
possibilités de gain actuelles offertes par la profession initiale et par la
nouvelle, il faut bien plus prendre en considération, sur la base d'un
pronostic, l'évolution ultérieure des salaires, la durée d'activité et la
valeur qualitative des deux formations à comparer (ATF 124 V 108 consid. 3b p.
111). La notion d'équivalence approximative des possibilités de revenus dans
l'ancienne et la nouvelle activité ne saurait être réalisée à long terme que si
les deux formations présentent, elles aussi, des valeurs comparables dans une
certaine mesure (ULRICH MEYER-BLASER, Zum Verhältnismässigkeitsgrundsatz im
staatlichen Leistungsrecht, thèse Berne 1985 p. 186).

4.
Se fondant d'une part sur l'avis du médecin traitant de l'intimée - lequel a
constaté une nette rémission de sa maladie depuis que celle-ci avait entrepris
une reconversion professionnelle - , et sur celui du président du Département
des sciences de l'éducation de l'Université de Y.________ d'autre part, -
lequel indiquait que les milieux professionnels recrutaient au niveau du Master
et non du Bachelor - la juridiction cantonale a retenu que du moment que
l'administration s'était engagée à mettre à la disposition de l'intimée les
moyens nécessaires à la poursuite d'une formation universitaire en travail
social, puis - suite à un échec dans cette voie - en sciences de l'éducation,
elle devait prendre à sa charge l'intégralité de cette mesure de réadaptation,
c'est-à-dire jusqu'à l'obtention du titre de Master en sciences de l'éducation.
La prise en charge de cette mesure était adéquate au vu des perspectives de
gain futures de l'assurée comparées à celui qu'elle réalisait avant la
survenance de son invalidité.

5.
Le recourant fait valoir qu'un reclassement professionnel, sous la forme
d'études universitaires sanctionnées par l'obtention du titre de Bachelor en
sciences de l'éducation, satisfait à tous les critères d'une réadaptation
réussie. En effet, avec son titre de "Bachelor" couplé à une expérience
professionnelle dans la vente, l'intimée n'est pas dépourvue de toute
perspective professionnelle. Celle-ci avait reconnu elle-même qu'il existait
des possibilités de trouver un emploi avec un titre de "Bachelor", toutefois
ceux-ci ne procuraient que des revenus modestes. Or, pour le recourant, cet
argument n'est pas valable car les activités professionnelles envisagées par
l'intimée avec un titre de "Bachelor" lui auraient au moins permis de s'insérer
dans le monde du travail.
Le recourant estime par ailleurs que si l'OAI a bel et bien soutenu l'intimée
en situation d'échec dans la réorientation de ses études, il n'a en revanche
jamais entériné des mesures de réadaptation jusqu'à l'obtention du titre de
Master en sciences de l'éducation. Aussi, selon l'OFAS, la décision cantonale
enjoignant l'OAI à prendre en charge la formation jusqu'au Master est contraire
au droit fédéral.

6.
6.1 Le reclassement a pour finalité de permettre à l'assuré de sauvegarder ou
d'améliorer sa capacité de gain par l'exercice d'une nouvelle profession, au
terme de la formation entreprise. Or, l'appréciation de l'équivalence selon la
jurisprudence doit reposer sur une comparaison entre les possibilités de gain
offertes par la profession initiale et celles que permet d'entrevoir la
nouvelle profession ou une activité que la personne assurée doit
raisonnablement pouvoir exercer sur un marché équilibré du travail (cf. art. 16
LPGA; ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276, confirmé à maintes reprises, p. ex.
arrêt I 626/03 du 30 avril 2004 consid. 7.2, non publié in ATF 130 V 343).

6.2 Pour répondre à la question décisive de savoir si la mesure de reclassement
accordée par l'OAI est suffisante pour maintenir une capacité de gain
approximativement équivalente à celle que procurait l'activité lucrative
exercée par l'assurée avant la survenance de l'invalidité, il faut tout d'abord
déterminer quelles sont les possibilités de gain qu'offre un Bachelor en
sciences de l'éducation sur le marché du travail compte tenu également des
autres qualités professionnelles de l'intimée. Il s'agit ensuite de comparer ce
potentiel lucratif avec la rémunération que touchait l'intimée avant
l'invalidité. C'est seulement sur la base de ce résultat que l'on peut
constater si la mesure de reclassement accordée est oui ou non suffisante, dans
le cas d'espèce, pour permettre à l'intimée de réaliser un revenu à peu près
équivalent à celui qu'elle obtiendrait en tant que directrice des ventes. La
juridiction cantonale a retenu que l'obtention du titre de "Master" était
adéquate pour satisfaire à cette finalité. Elle n'a cependant pas cherché à
vérifier si, dans le cas d'espèce, l'obtention d'un titre de "Bachelor" était
nécessaire et suffisant. En particulier, elle n'a pas élucidé la question de
savoir quelles étaient les possibilités de gain de l'intimée compte tenu de
l'obtention du titre de "Bachelor" et de l'expérience professionnelle qui était
la sienne. A l'inverse, le recourant se contente d'affirmer que l'obtention du
titre de "Bachelor" est suffisant en l'espèce, sans se préoccuper de savoir si
l'assurée pouvait retrouver une capacité de gain à peu près équivalente à celle
que lui procurait son activité avant la survenance de l'invalidité. Au vu des
constatations lacunaires de la juridiction cantonale sur ce point et qui sont
également déterminantes si l'on veut examiner le rapport raisonnable entre les
frais que la mesure entraîne ou a entraînés et le résultat que l'on peut en
attendre, il convient de lui renvoyer la cause pour qu'elle procède aux mesures
d'instruction qui s'imposent (art. 61 let. c LPGA), puis rende une nouvelle
décision.

7.
L'intimée, qui succombe, n'a pas droit aux dépens (art. 68 LTF). Vu les
circonstances du cas d'espèce, le tribunal statue sans frais (art. 66 al. 1 in
fine LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 28 mai 2008 du Tribunal
cantonal de Fribourg, Cour des assurances sociales, est annulé, la cause étant
renvoyée à ce dernier pour nouveau jugement au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal, Cour des
assurances sociales, du canton de Fribourg.

Lucerne, le 12 décembre 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: p. la Greffière:

Meyer Moser-Szeless