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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 547/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_547/2008

Arrêt du 19 juin 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

Parties
M.________, représentée par Me Philippe Nordmann, avocat,
recourante,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan
8, 1800 Vevey,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 7
avril 2008.

Faits:

A.
M.________ a travaillé en qualité d'employée de maison à plein-temps au service
de X.________ dès le 3 octobre 1988. A partir du 27 août 2002, elle a réduit
son taux d'activité à 50 %. Le 19 novembre 2002, l'intéressée a déposé une
demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente
en raison d'une fibromyalgie et d'un état anxio-dépressif.

Procédant à l'instruction du cas, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a recueilli l'avis du docteur P.________,
médecin traitant de l'assurée, et soumis l'assurée à un examen psychiatrique
qu'il a confié à son Service médical régional (SMR). Dans son rapport du 10
janvier 2005, la doctoresse L.________, psychiatre, n'a retenu aucun diagnostic
psychiatrique et conclu à une capacité de travail de 100 % tant dans l'activité
habituelle que dans une activité adaptée. Par décision du 22 février 2005,
confirmée sur opposition le 2 décembre 2005, l'OAI a rejeté la demande de
prestations, motif pris que l'assurée ne présentait pas d'atteinte à la santé à
caractère invalidant.

B.
M.________ a recouru contre la décision sur opposition du 2 décembre 2005
devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant à l'octroi
d'une rente entière d'invalidité, subsidiairement à l'octroi d'une demi-rente
et, plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause à l'OAI pour nouvelle
instruction. Au cours de la procédure, le tribunal a interpellé le psychiatre
traitant de l'assurée, le docteur E.________, spécialiste FMH en psychiatrie et
psychothérapie, auprès duquel elle était en traitement depuis le 8 avril 2005.
Dans son rapport du 21 avril 2006, ce praticien a posé les diagnostics de
trouble douloureux chronique, associé à la fois à des facteurs psychologiques
et à une affection médicale générale (fibromyalgie) et de dépression
d'intensité sévère, affections entraînant une incapacité de travail totale dans
son activité habituelle. L'OAI a soumis la rapport du docteur E.________ à son
SMR. Dans leur rapport du 18 mai 2006, les doctoresses L.________ et U.________
(médecin-conseil auprès du SMR) ont indiqué que le rapport du docteur
E.________ n'apportait aucun élément nouveau, que l'assurée ne présentait pas
de dépression sévère objective mais seulement une humeur dépressive ou un
épisode dépressif léger d'accompagnement à la fibromyalgie, de sorte qu'elles
maintenaient le point de vue du SMR selon lequel l'assurée ne présentait aucune
incapacité de travail.
Par jugement incident du 27 avril 2007, le tribunal des assurances a prononcé
la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire sur le plan psychiatrique et
désigné le docteur C.________, spécialiste FMH en psychiatrie et
psychothérapie, en qualité d'expert. Dans son rapport d'expertise du 17
décembre 2007, ce psychiatre a retenu un syndrome douloureux somatoforme
persistant (F45.4) et un trouble dépressif majeur (état actuel moyen) chronique
(F32.1), lesquels n'avaient pas un caractère invalidant. Par jugement du 7
avril 2008, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours
formé par l'assurée contre la décision sur opposition du 2 décembre 2005.

C.
M.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont elle demande, à titre principal, la réforme en ce sens qu'elle a droit à
une rente entière d'invalidité, respectivement une demi-rente dès le 1er août
2003. Subsidiairement, elle demande la réforme du jugement attaqué en ce sens
que la cause est renvoyée à l'administration en vue d'une révision, à partir
d'une date que justice dira. Plus subsidiairement encore, elle conclut à
l'annulation du jugement entrepris.

L'OAI conclut implicitement au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués,
compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde
son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance
(art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le
recourant qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées
sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.2 En ce qui concerne plus particulièrement l'évaluation de l'invalidité, les
principes relatifs au pouvoir d'examen développés dans l'ATF 132 V 393 (en
relation avec l'art. 132 OJ dans sa version en vigueur du 1er juillet au 31
décembre 2006) continuent à s'appliquer pour distinguer les constatations de
fait de l'autorité précédente (qui lient en principe le Tribunal fédéral) de
l'application qu'elle fait du droit (question qui peut être examinée librement
en instance fédérale). Conformément à ces principes, les constatations de
l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de
travail de l'assuré et l'exigibilité relèvent d'une question de fait et ne
peuvent être contrôlées que sous un angle restreint. Dans la mesure cependant
où il en va de l'évaluation de l'exigibilité d'une activité professionnelle au
regard de l'expérience générale de la vie, il s'agit d'une question de droit
qui peut être examinée librement en instance fédérale; il en va ainsi des
conclusions tirées de l'expérience médicale, comme par exemple, la présomption
que les troubles somatoformes douloureux ou un autre syndrome semblable dont
l'étiologie est incertaine et leurs effets peuvent être surmontés par un effort
de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 et les arrêts
cités p. 71, 393 consid. 3.2 et les arrêts cités p. 398).

2.
2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques,
entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8
LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif,
donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité,
les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en
faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être
déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 223
consid. 2b et les références, I 138/98; cf. aussi ATF 127 V 294 consid. 4c in
fine p. 298).

2.2 Dans les cas de troubles somatoformes douloureux, il existe une présomption
selon laquelle cette atteinte à la santé ou ses effets peuvent être surmontés
par un effort de volonté raisonnablement exigible. La jurisprudence a étendu
cette présomption au diagnostic de fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.2.1 p.
71). Le caractère non exigible de la réintégration dans le processus de travail
peut résulter de facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance,
rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel
cas, en effet, l'assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre
ses douleurs. La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont
réunies doit être tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères.
On retiendra, au premier plan, la présence d'une comorbidité psychiatrique
importante par sa gravité, son acuité et sa durée. Peut constituer une telle
comorbidité un état dépressif majeur (voir en matière de troubles somatoformes
douloureux ATF 130 V 352 consid. 3.3.1 et la référence p. 358). Parmi les
autres critères déterminants, doivent être considérés comme pertinents un
processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable
(symptomatologie inchangée ou progressive), des affections corporelles
chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de
la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux
règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de
l'attitude coopérative de la personne assurée. En présence d'une comorbidité
psychiatrique, il sera également tenu compte de l'existence d'un état psychique
cristallisé résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais
apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la
maladie, fuite dans la maladie). Enfin, on conclura à l'absence d'une atteinte
à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations
liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou
d'une constellation semblable (par exemple une discordance entre les douleurs
décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les
caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes
divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant
de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible
l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement
psychosocial intact) (ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 p. 71).

3.
3.1 Le Tribunal des assurances a estimé que la recourante ne présentait aucune
incapacité de travail due à des troubles de nature physique ou psychique.
S'agissant de l'appréciation du caractère éventuellement invalidant du trouble
somatoforme douloureux présenté par la recourante, il a nié l'existence d'une
comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée, et
considéré que les critères mis en évidence par la jurisprudence pour admettre à
titre exceptionnel le caractère non exigible de l'effort de volonté en vue de
surmonter la douleur et, partant, de la réintégration dans un processus de
travail n'étaient pas remplis.

3.2 La recourante reproche au Tribunal des assurances d'avoir mésestimé
l'importance de l'état dépressif majeur dont elle est atteinte, lequel
constituerait une comorbidité psychiatrique grave et invalidante en soi.

4.
Se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire du docteur C.________ (rapport
du 17 décembre 2007), le Tribunal cantonal des assurances a procédé,
conformément aux règles posées par la jurisprudence, à une analyse détaillée de
la situation et admis, malgré la souffrance authentique et non simulée de
l'assurée, le caractère exigible d'un effort de volonté de la part de celle-ci
en vue de surmonter ses douleurs et de se réinsérer dans un processus de
travail. La nature des critiques portées devant le Tribunal fédéral ne
permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de cette appréciation.

4.1 La recourante ne peut être suivie en tant qu'elle reproche aux premiers
juges de n'avoir pas retenu le caractère de gravité de son trouble dépressif
majeur. Si un état dépressif majeur peut, selon la jurisprudence, constituer
une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa
durée, il ressort des constatations de l'expert que tel n'est pas le cas en
l'espèce, ce dernier ayant indiqué que le trouble s'était installé
progressivement, vraisemblablement en réaction à une situation existentielle
devenue peu à peu difficile (maladie de la fille, retrait du monde du travail,
précarité économique, impression de ne pas être reconnue). Il était resté
relativement stable pendant toutes ces dernières années et il n'existait pas
d'indices d'aggravation, tels un passage à l'acte (tentamen), une
hospitalisation ou d'autres mesures thérapeutiques transitoires plus
conséquentes. Le trouble n'avait par ailleurs pas les éléments de gravité que
sont la culpabilité délirante, le risque suicidaire documenté et les
caractéristiques psychotiques associées. En outre, le tableau dépressif
présenté par la recourante se situait, au moins partiellement, en réaction à ce
que représentait la notion de syndrome douloureux somatoforme persistant. De
plus, la recourante gardait des ressources significatives, quand bien même elle
était indiscutablement souffrante. Elle vivait de façon autonome, maintenait
des contacts sociaux avec diverses personnes, tenait tant bien que mal son
ménage, préparait les repas, regardait de temps en temps la télévision en
famille et sortait de temps à autre à la recherche de bonnes affaires. Selon
l'expert, on était "loin des états de régression gravissimes des états
dépressifs manifestement incapacitants où la symptomatologie tend d'ailleurs à
écraser les plaintes douloureuses". A défaut d'éléments objectivement
vérifiables attestant de la gravité du trouble dépressif majeur affectant la
recourante et de son influence sur la capacité de travail, il n'y a pas lieu de
s'écarter du jugement attaqué sur ce point précis.

4.2 Il n'y a pas lieu non plus de s'arrêter plus avant sur l'analyse faite par
la recourante du critère de l'état psychique cristallisé et de celui de
l'effort de volonté raisonnablement exigible, dès lors qu'elle tente simplement
de substituer sa propre appréciation de la situation à celle des premiers
juges, sans dire en quoi cette dernière serait manifestement insoutenable. Les
premiers juges ont d'ailleurs conclu, au terme d'une analyse convaincante,
qu'en dépit de la réelle souffrance de l'assurée, le tableau clinique qu'elle
offrait à l'examinateur sortait pour une large part du champ médical tel que
défini par le droit des assurances sociales, dans la mesure où il constituait
la manifestation d'une situation existentielle difficile composée de problèmes
familiaux, économiques et socio-professionnels, lesquels n'étaient pas reconnus
comme invalidants en l'absence de toute pathologie médicale ayant valeur de
maladie. Quoiqu'en dise la recourante, en principe, le juge ne s'écarte pas
sans motifs impérieux des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la
tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la
disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état
de fait donné (cf. p.ex. arrêt 9C_657/2007 du 12 juin 2008 consid. 3.4.1). Dans
le cas d'espèce, le docteur C.________ a démontré à satisfaction que la
recourante dispose encore des ressources psychiques nécessaires pour exercer
une activité professionnelle, ce qui représente l'aspect décisif dans ce genre
de litiges (ATF 132 V 65 consid. 4.3 p. 72, 130 V 352 consid. 2.2.4, 2.2.5 p.
355 s.)

4.3 Quant à la conclusion subsidiaire de la recourante selon laquelle il y
aurait lieu de renvoyer la cause à l'intimé en vue d'une révision du droit à la
rente, elle doit également être rejetée. En effet, il ne ressort pas du rapport
d'expertise judiciaire du 17 décembre 2007 qu'une aggravation de l'état de
santé de la recourante soit survenue depuis la décision litigieuse du 2
décembre 2005.

5.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires doivent être mis
à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle ne saurait
prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales
du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 19 juin 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Fretz