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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 510/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_510/2008

Arrêt du 23 mars 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Seiler.
Greffier: M. Piguet.

Parties
Office cantonal de l'assurance-invalidité,
rue de Lyon 97, 1203 Genève,
recourant,

contre

K.________,
intimé, représenté par Me Daniel A. Meyer, avocat.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 13 mai 2008.

Faits:

A.
K.________, né en 1955, exerce les professions de physiothérapeute, ostéopathe
et naturopathe et exploite depuis 1983 un cabinet privé. Le 20 août 1997, il a
été victime d'un accident de la circulation à la suite duquel il a présenté un
syndrome cervical ainsi qu'un syndrome post-commotionnel avec troubles
neurologiques et psychiatriques (céphalées, vertiges, troubles visuels,
irritabilité et troubles de la concentration).
Le 14 mai 2002, l'intéressé a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Au cours de l'instruction, l'Office cantonal genevois
de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a recueilli divers
renseignements médicaux, desquels il ressortait que l'assuré présentait une
capacité de travail nulle sur le plan psychiatrique (rapport d'expertise
psychiatrique du 10 juillet 2003 du docteur M.________) et de 50 % sur le plan
somatique (rapport du 4 septembre 2003 du docteur S.________). L'office AI a
également versé au dossier les bilans et comptes d'exploitation du cabinet pour
les années 1994 à 2005 et fait réaliser une enquête pour activité
professionnelle indépendante (rapport du 27 avril 2004, complété le 24 mai
2005).
Par décision du 2 juin 2005, confirmée sur opposition le 19 février 2007,
l'office AI a dénié à l'assuré le droit à des prestations de
l'assurance-invalidité, au motif que les troubles développés sur le plan
somatique et psychiatrique n'avaient pas empêché celui-ci de maintenir son
niveau de rémunération entre 1997 et 2003.

B.
K.________ a déféré la décision sur opposition au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève. Après avoir entendu
en audience l'assuré ainsi que son médecin traitant, le docteur V.________,
puis fait verser au dossier des extraits des agendas tenus par l'assuré depuis
1997, le Tribunal cantonal des assurances sociales a, par jugement du 13 mai
2008, admis le recours et alloué à l'assuré une demi-rente d'invalidité pour la
période courant du mois de mars 2001 au mois d'août 2002 et une rente entière à
compter du mois de septembre 2002.

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation, concluant à ce que la cause lui soit renvoyée
pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Il assortit son recours
d'une requête d'effet suspensif.
K.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales en propose l'admission.

D.
Par ordonnance du 4 septembre 2008, le juge instructeur a accordé l'effet
suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du
recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les
faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
L'office recourant estime que le Tribunal cantonal des assurances sociales a
violé le droit fédéral en n'appliquant pas, dans le cas d'espèce, la méthode
générale de comparaison des revenus pour fixer le degré d'invalidité de
l'assuré. Il ressortait en effet des données comptables versées au dossier que
le cabinet de l'assuré avait pu, malgré l'état de santé de l'assuré, réaliser
un bénéfice comparable, sinon supérieur, à celui dégagé avant la survenance de
l'atteinte à la santé. Le Tribunal cantonal des assurances sociales aurait fait
preuve d'arbitraire en fixant la capacité résiduelle de travail et de gain sur
la base de l'évolution des rendez-vous professionnels de l'assuré entre 1997 et
2006, alors même que l'assuré ne subissait durant cette période aucune perte de
gain significative. Dans la mesure où toutefois les renseignements médicaux
étaient obsolètes et en l'absence de documents comptables postérieurs à 2005,
il était impossible de déterminer si l'atteinte à la santé de l'assuré
entraînait actuellement une incapacité de travail ayant des effets sur la
capacité de gain, ce qui justifiait de lui renvoyer la cause pour instruction
complémentaire.

3.
3.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir
en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les
traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré
(art. 28 al. 2 LAI [dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007,
applicable en l'espèce] en corrélation avec l'art. 16 LPGA). La comparaison des
revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que
possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec
l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la
mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être
estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on
compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues. Lorsqu'on
procède à une évaluation, celle-ci ne doit pas nécessairement consister à
chiffrer des valeurs approximatives; une comparaison de valeurs exprimées
simplement en pour-cent peut aussi suffire. Le revenu hypothétique réalisable
sans invalidité équivaut alors à 100 %, tandis que le revenu d'invalide est
estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux
valeurs exprimant le taux d'invalidité (comparaison en pour-cent; ATF 114 V 313
consid. 3a et les références). Si l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement
les deux revenus en cause, il faut, en s'inspirant de la méthode spécifique
pour personnes sans activité lucrative (art. 28 al. 2bis LAI en corrélation
avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA [dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2007]), procéder à une comparaison des activités et évaluer le degré
d'invalidité d'après l'incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la
situation économique concrète (procédure extraordinaire d'évaluation de
l'invalidité). La différence fondamentale entre la procédure extraordinaire
d'évaluation et la méthode spécifique réside dans le fait que l'invalidité
n'est pas évaluée directement sur la base d'une comparaison des activités; on
commence par déterminer, au moyen de cette comparaison, quel est l'empêchement
provoqué par la maladie ou l'infirmité, après quoi l'on apprécie séparément les
effets de cet empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de
la capacité de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une personne
active, entraîner une perte de gain de la même importance, mais n'a pas
nécessairement cette conséquence. Si l'on voulait, dans le cas des personnes
actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des
activités, on violerait le principe légal selon lequel l'invalidité, pour cette
catégorie d'assurés, doit être déterminée d'après l'incapacité de gain (ATF 128
V 29 consid. 1 p. 30 et les références).

3.2 La comparaison des résultats d'exploitation réalisés dans une entreprise
avant et après la survenance de l'invalidité ne permet de tirer des conclusions
valables sur la diminution de la capacité de gain due à l'invalidité que dans
le cas où l'on peut exclure au degré de vraisemblance prépondérante que les
résultats de l'exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à
l'invalidité. En effet, les résultats d'exploitation d'une entreprise dépendent
souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation
conjoncturelle, la concurrence, l'aide ponctuelle des membres de la famille,
des personnes intéressées dans l'entreprise ou des collaborateurs.
Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de
distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer à ces facteurs - étrangers à
l'invalidité - et celle qui revient à la propre prestation de travail de
l'assuré (arrêts I 83/97 du 16 octobre 1997 consid. 2c, in VSI 1998 p. 121, et
I 432/97 du 30 mars 1998 consid. 4a, in VSI 1998 p. 255)

4.
4.1 Sur le plan médical, le Tribunal cantonal des assurances sociales a
constaté que l'assuré était incapable de travailler à 50 % depuis le mois de
mars 1998 et à 100 % depuis l'automne 2002. Il ressortait néanmoins du dossier,
notamment de l'audition du médecin traitant ainsi que des agendas produits, que
l'assuré avait maintenu en dernier lieu une activité professionnelle réduite de
l'ordre de 10 à 20 %.

4.2 Au moment de déterminer la répercussion de ces incapacités de travail sur
la capacité de gain de l'assuré, le Tribunal cantonal des assurances sociales a
considéré que la méthode de comparaison des revenus était tout à fait
inadéquate dans le cas d'espèce, dans la mesure où les comptes de l'entreprise
ne permettaient pas de déduire quelle était la réelle diminution du gain généré
par l'activité de l'assuré. La juridiction cantonale a évoqué la possibilité de
renvoyer la cause à l'office AI pour qu'il applique la procédure extraordinaire
d'évaluation de l'invalidité, laquelle avait l'avantage de prendre en compte
l'activité de l'assuré uniquement, et non de l'entreprise en général. Analysant
l'évolution des rendez-vous de 1997 à 2006, elle a toutefois considéré qu'il
était possible de déterminer la perte de gain de l'assuré en évaluant la
proportion entre l'activité antérieure à l'atteinte à la santé (20 à 25
massages par jour, 5 jours par semaine) et celle développée à ce jour (4 à 5
massages par jour, 2 à 3 jours par semaine). A son avis, le résultat n'aurait
d'ailleurs guère été différent en procédant à une comparaison des honoraires
encaissés personnellement par l'assuré au cours de cette période.

5.
En l'occurrence, il n'y a pas lieu de s'écarter de la solution retenue par le
Tribunal cantonal des assurances sociales.

5.1 Les bilans et comptes d'exploitation de l'entreprise de l'assuré ne peuvent
constituer une base valable pour évaluer l'incapacité de gain de l'assuré.
Comme l'ont souligné les premiers juges, les données comptables ne permettent
pas de distinguer la part du revenu qui résulte exclusivement de la prestation
de travail de l'assuré de celle qu'il faut attribuer à des facteurs extérieurs.
En tant que le cabinet de l'assuré emploie plusieurs collaborateurs qui
contribuent notablement au chiffre d'affaires et au bénéfice d'exploitation de
celui-ci, il est en effet impossible de tirer de ces chiffres une appréciation
pertinente des effets sur la capacité de gain de l'assuré de la diminution de
sa capacité de rendement due à l'invalidité. En tout état de cause,
l'incapacité de gain de l'assuré ne saurait se confondre avec la diminution du
bénéfice d'exploitation de son entreprise, dans la mesure où un tel
raisonnement fait fi des circonstances - étrangères à l'invalidité - qui
influencent nécessairement le chiffre d'affaires d'une entreprise du type et de
la taille de celle de l'assuré, telles que notamment l'organisation interne ou
le développement de la clientèle.

5.2 Dans le cas particulier, le Tribunal cantonal des assurances sociales a
privilégié une approche pragmatique de la situation en examinant l'évolution
des rendez-vous de l'assuré telle qu'elle ressortait des agendas versés en
cause. Cette manière de faire, en tant qu'elle compare l'activité déployée par
l'assuré avant et après la survenance de l'invalidité, partant l'évolution des
revenus liés à l'activité propre de l'assuré, est assimilable à une comparaison
en pour-cent. La méthode choisie par la juridiction cantonale peut d'autant
plus être validée en l'espèce que le résultat auquel celle-ci a abouti coïncide
pour l'essentiel avec les constatations médicales retenues. Le point de savoir
s'il eût été préférable de renvoyer la cause à l'office recourant pour qu'il
applique la méthode extraordinaire d'évaluation de l'invalidité, ainsi que le
suggère implicitement l'OFAS, peut demeurer indécis. Faute d'indiquer en quoi
l'approche suivie par la juridiction cantonale ne tiendrait pas compte à leur
juste valeur des circonstances concrètes du cas d'espèce, l'office AI et l'OFAS
ne parviennent pas à démontrer que le jugement entrepris violerait le droit
fédéral.

5.3 A défaut d'éléments plaidant en faveur d'une évolution favorable ou
défavorable de l'état de santé du recourant, il n'y a pas lieu non plus de
renvoyer la cause à l'office AI pour qu'il procède à un complément
d'instruction.

6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais et les
dépens de la procédure sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 et 68
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 23 mars 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Piguet