Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 480/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_480/2008

Arrêt du 27 janvier 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

Parties
J.________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, place de la Gare 10,
1003 Lausanne,

contre

Office cantonal de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 22 avril 2008.

Faits:

A.
J.________, né en 1958, s'est annoncé le 20 juillet 2004 auprès de
l'assurance-invalidité pour « dépression, troubles psychiques » après avoir été
en arrêt-maladie depuis septembre 2003. L'Office cantonal de
l'assurance-invalidité de Genève (ci-après: l'OCAI) a recueilli l'avis des
médecins traitants de l'assuré (rapports des docteurs B.________, spécialiste
FMH en psychiatrie et psychothérapie d'enfants, d'adolescents et d'adultes et
R.________, généraliste, des 13, respectivement 1er octobre et 6 novembre 2004)
et a mis en oeuvre, suivant l'avis de son Service médical régional AI (SMR),
une expertise psychiatrique qu'il a confiée au docteur T.________, spécialiste
FMH en psychiatrie et psychothérapie (du 19 février 2007). Se fondant sur ce
rapport d'expertise qui concluait à l'absence de toute atteinte à la santé
psychique invalidante, l'OCAI a soumis à l'assuré un projet de décision, lequel
prévoyait le rejet de sa demande de rente (cf. projet de décision du 30 mars
2007) et lui impartissait un délai de 30 jours pour apporter des objections,
par écrit ou oralement. Par lettre du 17 avril 2007, reçue par l'OCAI le 23
avril 2007, J.________ s'est opposé à ce projet de décision et a demandé la
prolongation du délai "à fin mai" pour compléter sa prise de position après la
consultation de son dossier. Le 25 avril 2007, l'OCAI lui a transmis une copie
de son dossier et lui a écrit en ces termes: "Le délai de trente jours pour
faire valoir vos objections ne peut être prolongé. Il vous appartient donc de
nous faire parvenir d'éventuels nouveaux éléments jusqu'au 2 mai inclus." Par
décision du 8 mai 2007, l'OCAI a confirmé son refus d'allouer une rente
d'invalidité.

B.
L'assuré a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances
sociales du canton de Genève. Après avoir ordonné un double échange
d'écritures, celui-ci a tenu audience le 19 février 2008 en présence des
parties, au cours de laquelle il a entendu le docteur B.________ en qualité de
témoin. Le procès-verbal de cette audience a ensuite été soumis au SMR ainsi
qu'au mandataire de l'assuré pour détermination (cf. avis médical du docteur
M.________, du 7 mars 2008 et lettre de Me Bloch, du 31 mars 2008). Par
jugement du 22 avril 2008, le tribunal cantonal a rejeté le recours.

C.
J.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il requiert l'annulation, en demandant au Tribunal fédéral de «renvoyer le
dossier au Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève afin
qu'il ordonne une nouvelle expertise et renvoie le dossier à l'OCAI pour un
nouvel examen » et de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire
gratuite.

L'OCAI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut
rectifier ou compléter d'office les constatations de celle-ci si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La violation du principe de libre
appréciation des preuves, consacré à l'art. 61 let. c in fine LPGA, est une
question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (art. 95 lit. a LTF;
ATF 132 V 393 consid. 4.1 in fine p. 400).

2.
Le litige porte sur la question de savoir si la juridiction de première
instance pouvait, sans violer le droit fédéral, nier l'existence d'une atteinte
à la santé psychique invalidante dans le cas d'espèce.

3.
Devant le Tribunal cantonal des assurances, le recourant s'est prévalu d'une
violation de son droit d'être entendu, dans la mesure où l'intimé avait refusé
une prolongation du délai jusqu'à fin mai pour faire valoir d'éventuelles
objections au projet de décision du 30 mars 2007 et statué formellement le 8
mai 2007, soit - compte tenu de sa suspension pendant les féries de Pâques -
avant l'échéance du délai de 30 jours imparti initialement. Le jugement attaqué
étant totalement muet sur ce grief soulevé en procédure cantonale, il y a lieu
de constater que la juridiction cantonale a violé son obligation de motiver sa
décision ainsi que le droit d'être entendu du recourant. La question de savoir
si la décision attaquée doit de ce fait être annulée et s'il y a également lieu
de constater une violation du droit d'être entendu du recourant par l'intimé
dans le cadre de la procédure préalable (art. 57a al. 1 in fine LAI) - le
Tribunal fédéral a laissé ouvert le point de savoir si le délai de 30 jours de
l'art. 73ter al. 1 RAI était susceptible d'être prolongé (arrêt 9C_50/2008 du 8
septembre 2008 consid. 2) -, peut demeurer indécise, dès lors que l'arrêt
attaqué doit de toute façon être annulé pour des questions de droit matériel.

4.
Sur le fond, la juridiction cantonale a rejeté le recours en se fondant
uniquement sur la constatation selon laquelle l'expertise du docteur T.________
"remplit tous les réquisits de la jurisprudence permettant de lui attribuer
pleine valeur probante. Il a expliqué en quoi consistait l'atteinte à la santé
de l'assuré, ses conclusions sont claires et bien motivées, de sorte que le
Tribunal n'a aucune raison de s'en écarter" (arrêt attaqué, consid. 9, en lien
avec le consid. 7). Ce type d'argumentation ne correspond manifestement pas au
devoir de la juridiction cantonale de procéder à une appréciation complète,
rigoureuse et objective des preuves, telle que l'exige le Tribunal fédéral dans
sa jurisprudence constante (ATF 132 V 393 consid. 2.1 p. 396). Un jugement dont
les considérants se limitent à dire qu'une expertise a pleine valeur probante
viole le principe de la libre appréciation des preuves et donc le droit fédéral
(arrêt 9C_311/2008 du 8 novembre 2008 consid. 3.3). Certes, au vu de la
divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un
mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 p. 175; arrêt I 113/06 du 7 mars
2007 consid. 4.4 et les arrêts cités), on ne saurait remettre en cause une
expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles
investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une
opinion contradictoire. Il en va toutefois différemment si ces médecins font
état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de
l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les
conclusions de l'expert (arrêt I 676/05 du 13 mars 2006 consid. 2.4 in fine).
En l'espèce, le docteur B.________ a posé le diagnostic de bipolarité, d'état
dépressif chronique, de difficultés de la concentration ainsi que d'apnées du
sommeil, lesquels étaient invalidants selon elle. Les premiers juges ne
pouvaient cependant balayer ces remarques sous prétexte qu'il ne s'agissait que
de "simples suppositions", constatant par ailleurs de manière lapidaire que les
docteurs B.________ et R.________ ne qualifiaient pas l'intensité de la
dépression alors que l'expert T.________ concluait à un épisode dépressif léger
(arrêt attaqué, consid. 11). En présence de telles divergences d'opinions, il
eut incombé à la juridiction cantonale à tout le moins d'expliquer pourquoi
l'avis contradictoire des médecins traitants n'était pas de nature à remettre
en cause celui de l'expert. Il s'impose donc de renvoyer la cause à la
juridiction cantonale afin qu'elle mette en oeuvre une expertise psychiatrique
judiciaire. En ce sens, le recours est bien fondé.

5.
Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens à charge de
l'intimé (art. 68 al. 1 LTF). Partant, sa requête d'assistance judiciaire est
sans objet. L'intimé qui succombe supportera les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 22 avril 2008 est annulé et la cause lui est
renvoyée pour qu'il procède conformément aux considérants, puis rende un
nouveau jugement.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 27 janvier 2009
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Fretz