Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 468/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_468/2008

Arrêt du 26 novembre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203
Genève,
recourant,

contre

F.________,
intimé, représenté par Me Stéphane Rey, avocat, rue Michel-Chauvet 3, 1208
Genève.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal
des assurances sociales de la République et
canton de Genève du 21 avril 2008.

Faits:

A.
Né en 1967, F.________ a exercé dans un premier temps la profession
d'électricien, avant de suivre (avec l'aide de l'assurance-invalidité) une
formation de dessinateur-électricien pendant deux ans. Depuis le 1er novembre
1998, il a travaillé comme chef de projet (dessins techniques, suivi de
chantiers) au service de l'entreprise Z.________. En raison d'une aggravation
de douleurs lombaires (dont il souffre depuis 1983 dans le cadre d'un
spondylolisthésis), il a été mis en arrêt de travail de 50 % à partir du 8 mars
2004.

Deux ans plus tard, le 16 mars 2006, F.________ a présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Après avoir recueilli l'avis du docteur
B.________, spécialiste FMH en neurochirurgie (du 13 avril 2004), l'Office
cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a soumis
l'assuré à un examen auprès du docteur P.________, spécialiste FMH en
rhumatologie auprès du Service médical régional AI de X.________, qui s'est
prononcé dans un rapport du 7 mars 2007. Le 5 novembre 2007, l'office AI a
rendu une décision par laquelle il a rejeté la requête de prestations, en
considérant que l'intéressé disposait d'une capacité de travail de 80 % dans
son activité d'agent technique et de 100 % dans une activité "plus
administrative", conformément aux conclusions du docteur P.________.

B.
Saisi d'un recours formé par F.________ contre cette décision, le Tribunal
cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève a entendu
le docteur B.________ à titre de témoin, le 31 mars 2008. Par jugement du 21
avril 2008, il a admis le recours; annulant la décision du 5 novembre 2007, il
a reconnu à l'assuré le droit à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er
mars 2005.

C.
L'office AI a interjeté un recours en matière de droit public contre ce
jugement, dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa
décision du 5 novembre 2007.

F.________ ne s'est pas déterminé, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales s'est prononcé en faveur de l'admission du recours en se ralliant à
l'argumentation de l'office AI.

Par ordonnance du Juge instructeur du 6 octobre 2008, l'effet suspensif
sollicité par l'office AI a été accordé.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue en
principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al.
1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition
lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de
l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui
apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut
critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que
si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

La constatation de l'atteinte à la santé (diagnostic, pronostic, etc.) et
l'évaluation de la capacité de travail (résiduelle) sont en principe des
questions de fait (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 397). Il en est de même de
l'appréciation concrète des preuves. En revanche, l'application du principe
inquisitoire et des règles sur la libre appréciation des preuves au sens de
l'art. 61 let. c LPGA, ainsi que le respect du devoir en découlant de procéder
à une appréciation complète, rigoureuse et objective des rapports médicaux en
relation avec leur contenu relèvent du droit (ATF 132 V 393 consid. 3.2 et 4 p.
397 ss).

2.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité. A cet égard,
le jugement entrepris expose correctement les règles légales et
jurisprudentielles sur la notion d'invalidité et son évaluation, ainsi que sur
la libre appréciation des preuves et la valeur probante des rapports médicaux.
Il suffit d'y renvoyer.

On précisera que la décision litigieuse a été rendue le 5 novembre 2007, si
bien que les modifications de la LAI du 6 octobre 2006 (5ème révision de la
LAI), entrées en vigueur le 1er janvier 2008, ne sont pas applicables en
l'espèce (ATF 129 V 1 consid. 1.2 p. 4 et les arrêts cités).

3.
Constatant que l'intimé souffre de douleurs lombaires chroniques et qu'il a été
opéré pour un spondylolisthésis en 1990 (l'intervention ayant consisté en la
fixation par une vis papillon de la vertèbre au-dessus du sacrum au sacrum,
avec greffe osseuse), la juridiction cantonale s'est d'abord fondée sur les
explications du docteur B.________ pour retenir qu'une lésion du disque
adjacent expliquant les douleurs de l'intimé était établie selon la
vraisemblance prépondérante. Lors de son audition du 31 mars 2008, le médecin
avait indiqué qu'il y avait deux hypothèses expliquant les douleurs de son
patient: un "débricolage" (instabilité de l'ostéosynthèse) ou une surcharge du
disque situé au-dessus du montage, le disque étant de "moins bonne qualité"
comme l'attestait une radiographie et un scanner. Il a précisé que l'hypothèse
d'une lésion du disque osseux expliquant les douleurs du patient ne pouvait
être vérifiée qu'en pratiquant une nouvelle intervention. Selon lui, il n'y
avait pas d'examen pour objectiver les douleurs, mais son patient lui
paraissait "tout à fait fiable"; il était par ailleurs courant qu'après une
intervention telle que celle pratiquée en 1990, une répercussion de la charge
de travail se produisait sur le disque adjacent engendrant des douleurs, une
telle conséquence ("adjacent disc disease") étant souvent évoquée lors de
congrès scientifiques.

Les premiers juges ont ensuite retenu que les avis du docteur P.________ et de
son confrère B.________ se rejoignaient quant aux limitations fonctionnelles
touchant l'intimé, mais divergeaient quant à l'impact des douleurs sur la durée
du temps de travail exigible. Tandis que le docteur P.________ estimait que
l'intimé pouvait exercer son activité à 80 % et un travail adapté à plein
temps, le docteur B.________ considérait que la capacité de travail était de 50
% dans l'activité actuelle (adaptée aux limitations fonctionnelles) et ne
voyait pas quelle autre activité permettait une augmentation du taux de
travail. Ecartant le rapport du docteur P.________, la juridiction cantonale a
fait sienne l'appréciation du docteur B.________ et constaté que l'intimé
présentait une incapacité de travail de 50 % dans son activité habituelle à
partir du 8 mars 2004, cette activité répondant au mieux à ses limitations.
Procédant alors à une comparaison en pour-cent pour calculer le taux
d'invalidité, elle a fixé celui-ci à 50 % et reconnu à l'intimé le droit à une
demi-rente d'invalidité à partir du 8 mars 2005.

4.
4.1 Dans un premier moyen, tiré de la violation du principe de la libre
appréciation des preuves, le recourant reproche en substance aux premiers juges
d'avoir suivi l'avis du docteur B.________ et non pas celui du docteur
P.________.

4.2 La juridiction cantonale a considéré que le rapport du docteur P.________
ne présentait pas une valeur probante suffisante. Comme le fait valoir à juste
titre le recourant, elle n'a cependant pas expliqué pourquoi l'évaluation du
médecin de X.________ ne remplissait pas les exigences posées par la
jurisprudence en la matière (cf. ATF 125 V 351, consid. 3a p. 352). On ne voit
au demeurant pas en quoi le rapport en cause ne satisferait pas aux réquisits
jurisprudentiels formels, puisque le docteur P.________ s'est prononcé sur la
base d'un examen complet, en prenant en compte notamment les plaintes de
l'intimé et en formulant des conclusions motivées.

4.3 En réalité, la situation médicale de l'intimé a fait l'objet de deux
évaluations probantes, l'une du docteur B.________ (cf. rapports des 13 avril
2006 et 7 décembre 2006 et déclarations du 31 mars 2008) et l'autre du docteur
P.________ (rapport du 7 mars 2007), qui concordent quant au diagnostic
(principal) posé (lombalgies chroniques dans un contexte de spondylolisthésis
L5-S1) et les limitations fonctionnelles qui en découlent. La seule divergence
déterminante du point de vue de l'assurance-invalidité entre les deux
appréciations médicales porte sur l'incapacité de travail de l'intimé dans sa
profession de dessinateur-électricien - considérée par la juridiction cantonale
comme pleinement adaptée -, de 50 % pour le neurochirurgien et de 20 % pour le
rhumatologue. Face à cette divergence, les premiers juges ont donné leur
préférence aux conclusions du docteur B.________.

Les motifs avancés par la juridiction cantonale pour ce faire ne résistent
cependant pas à l'examen. En premier lieu, le fait que le spécialiste de
X.________ n'a pas pris en considération une lésion du disque adjacent n'est
pas déterminant, dès lors que la constatation des premiers juges sur
l'existence d'une telle atteinte apparaît insoutenable. Ils se sont en effet
fondés sur une simple hypothèse avancée la première fois par le docteur
B.________ le 31 mars 2008, qui ne peut être vérifiée en l'état par des
éléments objectifs. Contrairement à ce qu'a retenu l'autorité cantonale de
recours, ni la dose de morphinomimétique prise par l'intimé, ni la discussion
scientifique sur ce type d'atteinte dont le neurochirurgien a fait état de
manière très vague ne constituent des éléments susceptibles de tenir en
l'espèce pour établie - même au degré de la vraisemblance prépondérante -
ladite lésion. Le fait que l'intimé souffre de douleurs - ce que corrobore la
prise de médicaments visant à atténuer celles-ci - ne donne encore aucune
indication quant à leur origine. De même, la référence, sans plus de
précisions, à une discussion scientifique sur le sujet du "adjacent disc
disease" ne suffit pas en soi pour confirmer dans le cas concret l'hypothèse
d'une surcharge du disque adjacent.

En second lieu, la nécessité d'une dose plus élevée que la normale de
morphinomimétique (cf. déclarations du docteur B.________) - mentionnée par la
juridiction cantonale pour conclure à une incapacité de travail de 50 % -
constitue un indice important pour apprécier la réalité des douleurs dont se
plaint l'intimé. Il ne s'agit en revanche pas d'un fait qui permette d'évaluer
la mesure dans laquelle l'intimé est ou non capable d'exercer son activité
professionnelle et, partant, de se prononcer sur la divergence qui oppose le
docteur B.________ à son confrère P.________ sur ce point. Il en va de même des
autres circonstances prises en compte par les premiers juges: ni le fait que
l'intimé a aménagé ses tâches afin d'être en mesure de les assumer, ni
l'attestation de l'employeur qui l'estime incapable de travailler pendant plus
de quatre heures par jour ne constituent des éléments susceptibles de se
prononcer en faveur de l'une ou l'autre évaluation médicale de la capacité de
travail. Comme l'a rappelé la juridiction cantonale, il appartient au médecin
de porter un jugement sur l'état de santé de l'assuré et d'indiquer dans quelle
mesure et pour quelles activités celui-ci est (in)capable de travailler; les
indications de l'employeur ou les efforts déployés par l'assuré ne peuvent pas
remplacer, infirmer ou confirmer les conclusions médicales sur la capacité de
travail.

4.4 En conséquence de ce qui précède, on constate qu'à défaut de reposer sur
des motifs objectifs et convaincants, l'appréciation des preuves de la
juridiction cantonale - qui a conduit à écarter l'avis du docteur P.________ et
constater une incapacité de travail de 50 % - est contraire aux règles sur la
libre appréciation des preuves. Le jugement entrepris doit dès lors être annulé
et la cause renvoyée à l'autorité cantonale de recours pour qu'elle procède
conformément au droit. Afin de trancher la divergence qui oppose les docteurs
B.________ et P.________ sur un point essentiel pour apprécier le droit aux
prestations de l'intimé, elle pourra par exemple les interpeller pour que
chacun se prononce sur l'opinion et les objections de l'autre ou mettre en
oeuvre une expertise judiciaire. Le recours doit être admis dans ce sens.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de justice doivent être supportés
par l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 première phrase en relation avec
l'art. 65 al. 4 let. a LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 21 avril 2008 est
annulé, la cause étant renvoyée à ce Tribunal pour qu'il statue à nouveau
conformément aux considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 26 novembre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless