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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 453/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_453/2008

Arrêt du 28 novembre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
V.________,
recourant, représenté par Me Yves Noël, avocat, avenue du Tribunal-Fédéral 27,
1005 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 Clarens,
intimée.

Objet
Assurance-vieillesse et survivants,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 7
février 2008.

Faits:

A.
V.________ est affilié auprès de la Caisse cantonale vaudoise de compensation
(ci-après: la caisse) en qualité de personne exerçant une activité indépendante
dans le commerce immobilier depuis le 1er janvier 1978. Par deux décisions
successives des 27 juillet et 14 décembre 2006, la caisse a fixé les
cotisations de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) dues par l'assuré à
155'069 fr. 80 pour l'année 2003 et à 190'923 fr. 05 pour l'année 2004, en
fonction du gain immobilier professionnel brut et des revenus locatifs bruts
communiqués par l'Office d'impôt du district X.________.

Après que l'intéressé s'est opposé à ces décisions, la caisse a rendu une
décision rectificative le 12 mars 2007, par laquelle il a annulé et remplacé
ses précédents prononcés et fixé les cotisations à 134'036 fr. 80 pour 2003 et
à 170'513 fr. 65 pour 2004, compte tenu de deux communications rectificatives
de l'autorité fiscale selon lesquelles les revenus avaient été revus à la
baisse. Le 2 avril 2007, l'administration a confirmé sa décision du 12 mars
précédent.

B.
Statuant le 7 février 2008 sur le recours formé par l'assuré contre la décision
sur opposition, le Tribunal des assurances du canton de Vaud l'a rejeté.

C.
V.________ interjette un recours en matière de droit public contre le jugement
cantonal, dont il demande l'annulation, en concluant au renvoi du dossier à la
caisse pour nouvelle décision "dans le sens des considérants".

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue en
principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al.
1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition
lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de
l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui
apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut
critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que
si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Le litige porte sur le point de savoir si les revenus réalisés par le recourant
en 2003 et 2004 au titre de revenus locatifs d'immeubles dont il est le
propriétaire doivent être considérés comme des revenus d'une activité lucrative
indépendante - et soumis en tant que tels à cotisations - ou s'ils relèvent de
la gestion de fortune privée. Il s'agit d'une question de droit sur laquelle le
Tribunal fédéral se prononce avec un plein pouvoir d'examen (art. 95 LTF; ATF
134 V 250 consid. 2 p. 252).

3.
3.1 Le jugement entrepris expose correctement les règles légales sur la notion
de revenu provenant d'une activité indépendante à prendre en considération
(art. 9 LAVS, 17 RAVS ). Il suffit d'y renvoyer.

3.2 On ajoutera que la simple gestion de fortune privée ne constitue pas une
activité indépendante au sens des art. 9 al. 1 LAVS et 17 RAVS, de sorte que le
revenu du capital net qui en résulte n'est pas soumis à cotisation. Il en va de
même des gains provenant de la fortune privée qui ont été réalisés en tirant
profit d'une occasion qui se présentait par hasard. En revanche, les gains en
capital résultant de la vente ou de la réalisation d'éléments du patrimoine
privé, tels que titres ou immeubles, constituent des revenus provenant d'une
activité lucrative indépendante même pour des entreprises (individuelles) non
astreintes à tenir une comptabilité si et dans la mesure où ils reposent sur
une activité commerciale exercée à titre professionnel (ATF 134 V 250 consid.
3.1 p. 252 s.; 125 V 383 consid. 2a p. 385).

3.3 Par ailleurs, les caisses de compensation, sans être liées par la
communication fiscale, doivent examiner au regard du droit de l'AVS qui est
tenu de payer des cotisations pour des revenus dont l'autorité fiscale a fait
état. Toutefois, les caisses de compensation doivent en général se fier aux
communications des autorités fiscales pour la qualification du revenu et ne
procéder à leurs propres investigations que lorsqu'il y a des doutes sérieux
quant à leur exactitude (ATF 134 V 250 consid. 3.3 p. 253 s. et les arrêts
cités).

4.
4.1 La juridiction cantonale a retenu que les immeubles dont les revenus sont
en cause pour les années 2003 et 2004 appartenaient à la fortune commerciale du
recourant; celui-ci n'avait pas établi avoir transféré les immeubles concernés
dans sa fortune privée. Dès lors, le produit de ces immeubles devait être
qualifié de revenu d'une activité indépendante, le fait que le recourant avait
mandaté une gérance ne suffisant pas pour conclure qu'il s'agissait de la
gestion d'immeubles privés.

4.2 Sans contester que les immeubles dont les revenus locatifs font l'objet de
la qualification litigieuse n'ont pas été transférés dans sa fortune privée, le
recourant fait valoir que l'affectation fiscale des immeubles n'est pas
déterminante. Selon lui, les organes de l'assurance sociale ne peuvent se
contenter de reprendre la qualification fiscale des éléments de fortune pour
soumettre à cotisations les revenus y afférents, mais doivent examiner de
manière indépendante si ceux-ci représentent un revenu provenant d'une activité
indépendante ou un rendement de la fortune privée. Dès lors que les revenus
locatifs en cause proviendraient d'appartements non meublés, dont le but est un
placement à long terme et que la gérance a été confiée à une régie immobilière,
il s'agirait du produit d'immeubles "de nature privée" lié à la simple
administration de la fortune privée.

5.
5.1 Dans un arrêt récent (ATF 134 V 250), le Tribunal fédéral a examiné de
manière détaillée la qualification sous l'angle de l'AVS du revenu locatif
provenant d'immeubles appartenant à la fortune commerciale, en considérant ce
qui suit.

Selon l'art. 18 al. 2, troisième phrase LIFD, la fortune commerciale comprend
tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière
prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante. La notion de
fortune commerciale en droit fiscal suppose donc la réunion de deux éléments
constitutifs: d'une part, une activité indépendante et, d'autre part, le fait
que l'élément de fortune en question sert effectivement à l'exercice de
l'activité lucrative. Du point de vue du droit des assurances sociales, il n'y
a aucune raison de nier le rapport entre la fortune commerciale et l'activité
indépendante; par définition, il n'est pas possible de considérer que le
produit provenant de la gestion de la fortune commerciale constitue un revenu
de l'administration de la fortune privée. Il résulte en particulier de l'art.
17 RAVS que, de même qu'en droit fiscal, il existe du point de vue de la
perception des cotisations de l'AVS un lien entre la fortune commerciale et
l'activité indépendante. Conformément à cette disposition, les bénéfices
réalisés lors du transfert d'éléments de fortune au sens de l'art. 18 al. 2
LIFD sont soumis à cotisations et constituent donc un revenu d'une activité
lucrative indépendante. Il ne serait dès lors pas compréhensible que les
revenus résultant de la location d'immeubles faisant partie de la fortune
commerciale ne tombent pas sous le coup de l'obligation de cotiser à l'AVS,
alors que dans le cas d'un transfert de ces avoirs immobiliers dans la fortune
privée, les gains en provenant seraient soumis à cotisations (ATF 134 V 250
consid. 4.2 p. 254 s. et les références).

Par ailleurs, en rapport avec le revenu provenant du commerce et de la location
d'immeubles, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que le principe de
l'assujettissement parallèle du gain sur la fortune et du revenu de la fortune,
lorsqu'il y a lieu d'admettre qu'il s'agit de la fortune commerciale, est
obligatoire (arrêt H 210/06 du 22 juin 2007 consid. 6.3 et arrêt du Tribunal
fédéral des assurances H 36/03 du 7 juin 2004 consid. 6.5 et les références).
Dès lors que le transfert d'actifs de la fortune commerciale à la fortune
privée est souvent assimilé à une aliénation (art. 18 al. 2 LIFD), il convient,
compte tenu du principe de l'assujettissement parallèle, de traiter de la même
manière, du point de vue du droit des contributions fiscales, les revenus
locatifs réalisés avant ce transfert que le gain obtenu par celui-ci (ATF 134 V
250 consid. 4.2 p. 255 et les références).

De ces considérations, le Tribunal fédéral a déduit que le revenu locatif
provenant d'immeubles appartenant à la fortune commerciale constitue un revenu
provenant d'une activité indépendante qui est soumis aux cotisations AVS. S'il
est établi que les immeubles appartiennent à la fortune commerciale, il n'est
pas nécessaire d'examiner en plus si la location constitue ou non une activité
indépendante. La réponse à cette question découle déjà de l'affectation des
immeubles à la fortune commerciale (ATF 134 V 250 consid. 4.3 p. 255).

5.2
5.2.1 La juridiction cantonale a considéré en l'occurrence que les immeubles du
recourant dont les revenus sont en cause appartenaient à la fortune commerciale
de celui-ci.
Sans remettre en cause le fait que ces immeubles constituent, du point de vue
fiscal, des éléments de la fortune commerciale, le recourant soutient en
revanche qu'ils feraient partie de sa fortune privée "en ce qui concerne les
assurances sociales", dès lors qu'ils auraient été construits ou maintenus dans
un but de placement et qu'il n'aurait pas l'intention de les vendre.
5.2.2 Selon les constatations des premiers juges, qui lient le Tribunal fédéral
(cf. art. 105 al. 2 LTF), les immeubles en question faisaient partie des actifs
commerciaux du recourant et avaient été acquis dans le cadre de l'exercice de
son activité commerciale immobilière, qu'il poursuivait encore en 2003 et 2004.
Avec la juridiction cantonale, on doit déduire de ces circonstances que les
immeubles constituaient des éléments de la fortune commerciale du recourant,
puisqu'il s'agissait de biens servant à l'exercice de son activité
professionnelle indépendante de promoteur immobilier et que le recourant les
avait déclarés dans sa fortune commerciale.

Le recourant fait certes valoir qu'il n'a nulle intention de se dessaisir de
ces immeubles. Cette allégation n'est cependant pas déterminante, dans la
mesure où la volonté subjective du recourant ne s'est pas répercutée dans des
indices ou critères pouvant faire l'objet d'une constatation objective (arrêt
[du Tribunal fédéral des assurances] H 127/97 du 30 avril 1998 consid. 4c, non
publié in ATF 124 V 150). Aussi, l'argumentation du recourant n'est-elle pas
suffisante pour s'écarter de la qualification retenue par la juridiction
cantonale à la suite de l'intimée, ni, au demeurant, pour mettre sérieusement
en doute l'exactitude des communications fiscales sur lesquelles s'est fondée
l'intimée (cf. consid. 3.3 supra). A cet égard, le recourant affirme
"l'indépendance" des organes de l'assurance sociale en citant des exemples
tirés de la jurisprudence, sans établir ou même rendre vraisemblable en quoi
les données fiscales seraient erronées dans son propre cas.

5.3 Cela étant, il résulte de la jurisprudence exposée ci-avant (consid. 5.1
supra) que les revenus locatifs litigieux constituent des revenus soumis à
cotisations. Il s'agit en effet du produit réalisé par la location d'immeubles
appartenant à la fortune commerciale du recourant, sans qu'il y ait lieu
d'examiner plus avant si la location constitue une activité lucrative
indépendante. De même, la différence entre les revenus provenant d'appartements
non meublés et ceux réalisés par la location d'appartements meublés, invoquée
par le recourant, ne joue pas de rôle, dès lors que les revenus en cause
constituent le produit de la fortune commerciale au sens de l'ATF 134 V 250.

Pour le surplus, dans la mesure où l'argumentation du recourant repose pour
l'essentiel sur le fait qu'il ne déploierait aucune activité personnelle en
relation avec la location des immeubles en question, elle ne tient pas compte
de la récente jurisprudence et n'est dès lors pas pertinente. Quant à
l'affirmation selon laquelle l'affectation (fiscale) des immeubles (dans la
fortune commerciale) ne serait pas déterminante, elle ne suffit pas, comme on
l'a vu, à remettre en cause l'exactitude des données fiscales auxquelles s'est
référée l'intimée.

Au demeurant, on peut ajouter qu'au regard du nombre d'immeubles dont il est
question - cinq immeubles détenus par le recourant, mais non affectés à son
usage personnel, selon ses indications - et la somme des loyers (bruts)
réalisés (2'391'173 fr. en 2003 et 2'543'674 fr. en 2004, selon les
communications fiscales), l'activité liée à la location dépasse en tant que
telle le cadre de ce qui peut être considéré comme de la simple gestion de
fortune (comp. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 273/96 du 11 février
1997, publié in Pra 1997 n° 80 p. 409).

6.
En conséquence de ce qui précède, le recours est mal fondé.

7.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de justice doivent être supportés
par le recourant qui succombe (art. 66 al. 1 en relation avec l'art. 65 al. 3
let. b LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless