Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 437/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_437/2008

Arrêt du 19 mars 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.

Parties
R.________,
recourante, représentée par CAP Compagnie d'assurance de protection juridique
SA, avenue du Bouchet 2, 1209 Genève,

contre

Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203
Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 17 avril 2008.

Faits:

A.
R.________, née en 1945, travaillait à temps partiel en qualité de concierge.
Les 9 août et 6 octobre 2001, elle a été victime de deux accidents au cours
desquels elle a subi, en premier lieu, une fracture comminutive par impaction
des corps vertébraux D10 et D11, associée à un gros fragment luxé dans le canal
dorsal en arrière du mur postérieur de D11 avec réduction des dimensions du
canal dorsal, puis, en second lieu, une fracture du tiers distal du tibia
gauche.
Le 11 septembre 2002, l'intéressée a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente. L'Office cantonal
genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a recueilli les
renseignements médicaux usuels auprès des médecins traitants de l'assurée, à
savoir les docteurs M.________ (rapport du 20 septembre 2002), Z.________
(rapports des 24 septembre 2002 et 22 juin 2003) et K.________ (rapports des 16
mai 2003 et 30 août 2004). L'office AI a ensuite confié la réalisation d'une
expertise orthopédique au docteur T.________. Dans son rapport du 30 novembre
2004, ce médecin a retenu les diagnostics de dorsalgies persistantes et
hypercyphose dorsale séquellaire d'une fracture tassement de D10 et D11
associées à un gros fragment luxé dans le canal médullaire dorsal sans atteinte
neurologique, ainsi que de status après fracture diaphysaire du tibia gauche
compliqué par une pseudarthrose actuellement guérie; l'incapacité de travail
était totale pour la période courant du 9 août 2001 à la fin du mois de février
2003 et de 50 % dans une activité adaptée à compter de ce moment-là (activité
sédentaire, privilégiant la position assise et les déplacements plutôt à plat,
sans inclinaison vers l'avant ni port de charges supérieures à 5 kilos).
L'office AI a également recueilli des renseignements économiques auprès de
l'employeur de l'assurée et fait réaliser une enquête économique sur le ménage,
qui a mis en évidence une entrave dans l'accomplissement des travaux habituels
de 73,6 % d'août 2001 à février 2003 et de 30 % à partir de mars 2003 (rapport
du 21 avril 2006).
Par décision du 11 décembre 2006, l'office AI a alloué à l'assurée une rente
entière d'invalidité limitée dans le temps pour la période courant du 9 août
2002 au 30 avril 2003, tout en considérant que pour la période postérieure à
cette date, le taux global d'invalidité, fixé à 35 % conformément à la méthode
mixte d'évaluation, était insuffisant pour donner droit à une rente.

B.
Par jugement du 17 avril 2008, le Tribunal cantonal des assurances sociales de
la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par l'assurée
contre cette décision.

C.
R.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont elle demande l'annulation. Elle conclut principalement à l'octroi d'une
rente entière d'invalidité à compter du 9 août 2002 et subsidiairement au
renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision au sens
des considérants.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du
recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les
faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
2.1 Le Tribunal cantonal des assurances sociales a estimé que, sur le plan
médical, il n'y avait pas lieu de s'écarter des conclusions résultant de
l'expertise du docteur T.________. Bien que l'état de la colonne vertébrale ne
se fût pas amélioré, la consolidation de la fracture du tibia avait permis à la
recourante de recouvrer une certaine autonomie à compter du mois de février
2003, de sorte qu'il fallait lui reconnaître une capacité résiduelle de travail
de 50 % dans une activité adaptée à compter de cette date. Si l'avis des
médecins traitants divergeait, il ne reposait toutefois pas sur des éléments
médicaux, mais sur des circonstances qu'il n'appartenait pas à
l'assurance-invalidité de prendre en considération (âge et absence de
formation).

2.2 La recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits
pertinents, consécutive à une mauvaise appréciation des preuves. Elle reproche
notamment au Tribunal cantonal des assurances sociales d'avoir écarté les avis
exprimés par le docteur M.________ et par le professeur K.________. Ce dernier
médecin aurait en particulier jugé illusoire le fait qu'elle puisse exercer une
autre activité, non seulement en raison de son âge, mais à cause également du
pronostic médical, son état de santé étant promis à se péjorer avec le temps.

3.
Compte tenu de son pouvoir d'examen restreint, il n'appartient pas au Tribunal
fédéral de procéder une nouvelle fois à l'appréciation des preuves
administrées, mais à la partie recourante d'établir en quoi celle opérée par
l'autorité cantonale serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi
les faits constatés auraient été établis au mépris de règles essentielles de
procédure. En l'occurrence, l'argumentation avancée par la recourante se résume
en substance à renvoyer aux avis émis par les docteurs M.________ et
K.________. Ce faisant, la recourante n'établit nullement, au moyen d'une
argumentation précise et détaillée, le caractère insoutenable du raisonnement
développé par les premiers juges. En particulier, elle n'apporte aucun élément
précis qui justifierait, d'un point de vue strictement médical, de s'écarter
des conclusions de l'expertise réalisée par le docteur T.________. Cela étant,
à défaut de griefs plus concrets à l'encontre des faits constatés, il n'y a pas
lieu de considérer que les premiers juges ont violé le droit fédéral dans
l'établissement de ceux-ci.

4.
4.1 Se référant à l'avis exprimé par le docteur K.________, la recourante
estime qu'il n'existe aucune activité exigible qu'elle pourrait exercer sur le
marché du travail, vu son handicap, son âge et son manque de formation. La
question de l'exigibilité d'une activité professionnelle au regard des
circonstances personnelles de la recourante n'a pas été appréciée par les
premiers juges et peut être examinée librement en instance fédérale.

4.2 Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore
exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du
travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait
subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives
de gain à des exigences excessives; l'examen des faits doit être mené de
manière à garantir dans un cas particulier que le degré d'invalidité est établi
avec certitude. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu
d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux
conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il
pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail
lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main
d'oeuvre (arrêt I 198/97 du 7 juillet 1998 consid. 3b et les références, in VSI
1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail
irréalistes. Ainsi, on ne peut parler d'une activité exigible au sens de l'art.
16 LPGA, lorsqu'elle ne peut être exercée que sous une forme tellement
restreinte qu'elle n'existe pratiquement pas sur le marché général du travail
ou que son exercice suppose de la part de l'employeur des concessions
irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi
correspondant (arrêts I 350/89 du 30 avril 1991 consid. 3b, in RCC 1991 p. 329;
I 329/88 du 25 janvier 1989 consid. 4a, in RCC 1989 p. 328). S'il est vrai que
des facteurs tels que l'âge, le manque de formation ou les difficultés
linguistiques jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas
concret les activités que l'on peut encore raisonnablement exiger d'un assuré,
ils ne constituent pas, en règle générale, des circonstances supplémentaires
qui, à part le caractère raisonnablement exigible d'une activité, sont
susceptibles d'influencer l'étendue de l'invalidité, même s'ils rendent parfois
difficile, voire impossible la recherche d'une place et, partant, l'utilisation
de la capacité de travail résiduelle (arrêt I 377/98 du 28 juillet 1999 consid.
1 et les références, in VSI 1999 p. 246). Toutefois, lorsqu'il s'agit d'évaluer
l'invalidité d'un assuré qui se trouve proche de l'âge donnant droit à la rente
de vieillesse, il faut procéder à une analyse globale de la situation et se
demander si, de manière réaliste, cet assuré est en mesure de retrouver un
emploi sur un marché équilibré du travail. Cela revient à déterminer, dans le
cas concret qui est soumis à l'administration ou au juge, si un employeur
potentiel consentirait objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment
des activités qui restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques
ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son
handicap, de son expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses
capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions
patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée
prévisible des rapports de travail (cf. arrêt I 819/04 du 27 mai 2005 consid.
2.2 et les références).

4.3 La recourante, née en novembre 1945, était âgée de 61 ans et un mois au
moment déterminant où la décision litigieuse a été rendue (11 décembre 2006).
Elle a travaillé de 1966 à 1978 comme femme de ménage, puis du 1er décembre
1978 jusqu'au jour de son premier accident en qualité de concierge dans un
immeuble. Il n'apparaît pas qu'elle ait acquis durant sa carrière une
quelconque formation professionnelle ou toute autre expérience qu'elle aurait
pu mettre en valeur. L'exercice d'une nouvelle activité adaptée aux importantes
limitations fonctionnelles l'affectant - activité sédentaire, privilégiant la
position assise et les déplacements plutôt à plat, sans inclinaison vers
l'avant ni port de charges supérieures à 5 kilos - impliquerait par conséquent
une reconversion professionnelle et présupposerait des facultés d'adaptation
probablement insurmontables d'un point de vue subjectif. On soulignera au
demeurant que l'intimé n'a, au cours de la procédure administrative, donné
aucun exemple concret d'activités adaptées que la recourante pourrait
raisonnablement accomplir et encore moins aidé celle-ci à élaborer un projet
professionnel réaliste et convenable. On peine dès lors à imaginer qu'un
employeur consente les moyens et les efforts nécessaires pour permettre à la
recourante de se réinsérer dans le monde du travail. Compte tenu de la
situation personnelle et professionnelle de la recourante, il convient de
conclure qu'elle n'est plus en mesure de retrouver un emploi léger et adapté à
son handicap sur un marché équilibré du travail. En tant que la recourante ne
peut plus exploiter sa capacité résiduelle de travail sur le plan économique,
il en résulte une invalidité totale sur le plan professionnel.

4.4 Les considérations qui précèdent justifient de procéder à une nouvelle
évaluation globale de l'invalidité de la recourante pour la période postérieure
au mois de février 2003. Il ressort du jugement entrepris que si l'assurée
avait été en bonne santé, elle aurait consacré 45 % de son temps à l'exercice
de son activité professionnelle et le reste à l'accomplissement de ses travaux
habituels. Il n'y a pas lieu de s'écarter des conclusions de l'enquête
économique sur le ménage et de l'entrave de 30 % retenue par l'enquêtrice, les
critiques d'ordre général développées par la recourante à son égard n'étant pas
susceptibles de remettre en cause la valeur probante de ce document (ATF 128 V
93; voir également arrêt 9C_406/2008 du 22 juillet 2008 consid. 4). Cela étant,
on parvient à un taux d'invalidité global de 62 % ([45 % x 100] + [55 % x 30]),
lequel donne droit à un trois quarts de rente à compter du 1er mai 2003 (art.
88a al. 2 RAI).

5.
La recourante n'obtenant que partiellement gain de cause, les frais judiciaires
sont répartis proportionnellement entre elle et l'intimé (art. 66 al. 1 LTF).
Elle a en outre droit à une indemnité de dépens réduite à la charge de l'intimé
(art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 17 avril 2008 et la
décision de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du 11 décembre 2006
sont modifiés en ce sens que la recourante a droit à un trois quarts de rente
d'invalidité à compter du 1er mai 2003. Le recours est rejeté pour le surplus.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 125 fr. à la charge de
la recourante et pour 375 fr. à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'100 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève pour nouvelle décision sur les frais et les
dépens de la procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 19 mars 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Piguet