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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 411/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_411/2008

Arrêt du 17 septembre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Seiler.
Greffier: M. Cretton.

Parties
O.________,
recourante, représentée par Me Christiane Terrier, avocate, Bois du Pâquier 19,
2053 Cernier,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2300 La
Chaux-de-Fonds,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
11 avril 2008.

Faits:

A.
Ressortissante étrangère née en 1964, O.________ a bénéficié d'une rente
entière d'invalidité du 1er octobre 2002 (décision d'octroi du 6 mai 2003) au
1er décembre 2006 (décision de suppression du 12 octobre 2006 apparemment
notifiée directement à l'assurée et non à son avocate régulièrement
constituée).
Ignorant la notification, la mandataire de l'intéressée, qui s'était enquise de
l'état de la procédure (lettre du 22 mai 2007), a reçu une copie de la décision
(formulaire d'envoi du 24 mai 2007). Relevant le caractère irrégulier de la
notification, elle en a aussitôt requis une nouvelle (lettre du 1er juin 2007).
Admettant son erreur, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel
a suggéré un recours direct contre sa dernière correspondance par économie de
procédure (notice d'entretien téléphonique du 2 juillet 2007).

B.
O.________ a déféré la décision au Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel le 29 juin 2007. Elle concluait au maintien de la rente versée
jusque-là. L'administration a conclu à la recevabilité et au rejet du recours.
Constatant la tardivité du recours, la juridiction cantonale n'est pas entrée
en matière (jugement du 11 avril 2008). Elle a retenu que la notification de la
décision du 12 octobre 2006, adressée directement à l'assurée alors que
celle-ci était représentée par un mandataire dûment constitué et annoncé, était
irrégulière mais pas nulle. Elle a également estimé que malgré l'absence de
preuve quant à la date précise de ladite notification, la suppression de la
rente, à compter du 1er décembre 2006 ou du 1er janvier 2007 au plus tard,
aurait dû pousser l'intéressée à se renseigner auprès de son avocate des suites
à donner à son affaire, de sorte qu'en agissant plus de cinq mois après, elle
avait procédé tardivement. Elle a enfin considéré que le fait pour O.________
de ne pas savoir lire ni écrire ne devait pas être pris en considération dès
lors que ses enfants pouvaient lui donner connaissance, dans sa langue
maternelle, de la teneur des actes qui lui étaient adressés.

C.
L'assurée interjette un recours en matière de droit public à l'encontre ce
jugement dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, sous suite de frais et
dépens, au renvoi de la cause pour nouvelle décision au sens des considérants.
L'administration conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF).

2.
En substance, la recourante reproche aux premiers juges d'avoir violé les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs aux
notifications irrégulières et aux communications destinées aux personnes
représentées par un mandataire. Elle soutient aussi que la juridiction
cantonale a arbitrairement apprécié sa situation personnelle (analphabétisme,
aide apportée pas ses enfants).

3.
La validité de la notification de la décision du 12 octobre 2006, malgré son
caractère irrégulier, est à juste titre admise de tous (cf. ATF 132 I 249
consid. 6 p. 253 sv. et les références). Il y a cependant lieu de déterminer
s'il s'agit de la communication adressée directement à l'intéressée, si elle
est avérée, ou celle transmise à la mandataire qui a déployé ses effets.

3.1 La preuve de la notification et de la date de son accomplissement incombe à
l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (cf. ATF 129 I 8
consid. 2.2 p. 9 sv., 124 V 400 consid. 2a p. 402 sv et les références). A
défaut d'accusé de réception signé par la recourante ou un tiers habilité à le
faire, moyen de preuve facile à produire, on ignore la date, même
approximative, de la communication faite à l'intéressée; on ignore même si
celle-ci a effectivement eu lieu. Dans ces circonstances, la jurisprudence
citée impose de conclure à l'absence de notification plutôt qu'à l'absence de
réaction de la part du destinataire de cette dernière.
Les premiers juges soutiennent que la recourante a bel et bien reçu la décision
litigieuse uniquement parce que ce fait n'est pas contesté. Ce procédé revient
à renverser le fardeau de la preuve et est contraire au droit fédéral. On
ajoutera que la jurisprudence censée étayer cette argumentation (arrêt C 168/00
du 13 février 2001 relatif au devoir de diligence d'un assuré qui se voit
adresser un décision alors qu'il avait dûment mandaté un avocat pour le
représenter) n'est pas pertinente car elle présuppose une notification adressée
directement à l'intéressée et non à son mandataire, ce qui n'est pas établi
dans la présente procédure.
La juridiction cantonale n'insiste toutefois pas sur cet élément. Elle estime
de toute façon que la suppression de la rente aurait dû pousser la recourante à
réagir bien avant que son avocate n'intervienne. Encore une fois, elle se
trompe dans la mesure où, dans une telle situation, la jurisprudence ne fait
courir un délai raisonnable pour agir qu'à compter du moment où l'assuré a eu
connaissance des modalités et motifs de la suppression (cf arrêt 8C_188/2007 du
4 mars 2008, consid. 4.4), ce qui impliquerait une notification directe à
l'intéressée et n'est en l'espèce pas prouvé.

3.2 A supposer que la recourante se soit bien vu notifier la décision
litigieuse, il conviendrait de constater une appréciation arbitraire de la
situation personnelle de l'intéressée par les premiers juges (sur cette notion,
cf. ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153). A cet égard, on relèvera que la
recourante est analphabète, y compris dans sa langue maternelle, et qu'elle ne
parle pas le français. Ce handicap linguistique ne signifie pas uniquement que
cette dernière n'est pas en mesure de lire un texte simple, mais aussi qu'elle
n'est pas capable d'en saisir la portée. Elle pouvait donc légitimement
s'attendre à ce que toute communication importante pouvant influencer ses
droits et ses obligations soit adressée à l'avocate qu'elle avait mandatée pour
la représenter. On ajoutera que l'on ignore tout des propos qui ont pu être
échangés entre la mandataire et sa cliente postérieurement à la transmission du
projet de décision quant aux démarches devant être entreprises en cas de
confirmation dudit projet. On relèvera également que l'existence de trois
enfants, âgés de 21, 19 et 12 ans au moment des faits, ne saurait constituer
une preuve de la prise de connaissance du contenu de la décision dès lors que
l'on ne connaît pas leur degré de maîtrise de la langue française vu l'arrivée
tardive en Suisse des deux premiers, que l'on ne sait pas si ceux-ci font
toujours ménage commun avec leurs parents vu leur âge et que l'on imagine mal
un garçon de 12 ans expliquant le contenu de la décision litigieuse à sa mère
analphabète.

3.3 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la notification
de la décision du 12 octobre 2006 n'a pu atteindre son but, à savoir faire
prendre connaissance à la destinataire des éléments essentiels pour pouvoir
recourir valablement. Dans ces conditions, le mandataire n'a pas agi
tardivement en formulant son recours moins de trente jours après avoir reçu
copie de la décision. L'acte attaqué doit donc être annulé et le dossier
renvoyé à la juridiction cantonale pour qu'elle entre en matière.

4.
La procédure est onéreuse (art. 62 LTF). Les frais judiciaires doivent être
supportés par l'office intimé qui succombe (art. 66 al. LTF). La recourante,
qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens pour l'instance
fédérale (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel du 11 avril 2008 est annulé. La cause est renvoyée à la juridiction
cantonale pour qu'elle procède conformément aux considérants.

2.
Les frais de justice, arrêtés à 500 fr., sont mis la charge de l'office AI.

3.
L'office AI versera à la recourante le montant de 2'500 fr. (y compris la taxe
à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 septembre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Cretton