Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 221/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

9C_221/2008 {T 0/2}

Arrêt du 14 janvier 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Wagner.

Parties
B.________,
recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat, du Service juridique,
Fédération suisse pour l'intégration des handicapés,
Place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, Avenue Général-Guisan
8, 1800 Vevey,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 24
janvier 2008.

Faits:

A.
A.a B.________, née le 15 septembre 1952, employée de commerce de formation, a
cessé en 1980 son activité de bureau dans un garage. Se consacrant à son
ménage, elle s'est également occupée par la suite avec son mari de la
conciergerie de l'immeuble où ils habitent. D'avril 1987 à août 1994, elle a
aussi exercé à l'extérieur un emploi de femme de ménage selon un horaire de 25
heures par mois.
Le 25 novembre 1994, elle a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Dans un rapport du 22 mars 1995, le docteur
D._________, généraliste et médecin traitant de l'assurée, a posé le diagnostic
de lombosciatique chronique sur canal étroit. Signalant une exacerbation de la
symptomatologie depuis novembre 1993 avec lombalgies et irradiations dans le
membre inférieur gauche fréquentes à tout effort, il indiquait que la patiente
ne pouvait plus effectuer son travail de conciergerie. Il concluait à une
incapacité de travail de 80 % dans les activités de ménagère et de concierge
dès le 1er juillet 1994. L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud a mis en oeuvre une enquête économique pour les ménagères. Selon un
rapport du 12 septembre 1995, B.________ présentait une incapacité d'accomplir
ses travaux habituels estimée à 48 %. Si elle était en bonne santé, elle
travaillerait à mi-temps à l'extérieur en plus de la tenue de son ménage, en
oeuvrant dans un tea-room, par nécessité financière.
L'office AI a retenu que l'assurée avait le statut d'une personne se consacrant
pour 50 % à une activité lucrative et pour 50 % à son ménage et qu'elle
présentait une incapacité de travail de 80 % en tant que personne active et une
incapacité d'accomplir ses travaux habituels de 38 % au maximum. Compte tenu
d'une invalidité de 40 % comme personne active et de 19 % comme ménagère, il a
fixé à 59 % le taux d'invalidité, arrondi à 60 % (communication du 22 mars
1996). Par décision du 17 juin 1996, il lui a alloué une demi-rente
d'invalidité à partir du 1er juillet 1995.
Le degré d'invalidité de 60 % a été confirmé par l'office AI lors d'une
première révision du droit de B.________ à une demi-rente d'invalidité
(communication du 12 janvier 1999).
A.b A partir du 5 mars 2001, l'office AI a procédé à nouveau à la révision du
droit de B.________ à une demi-rente d'invalidité.
Dans un questionnaire du 23 mars 2001, complété par la suite (lettre du 28
novembre 2001), celle-ci a déclaré que si elle était en bonne santé, elle
travaillerait à l'extérieur en plus de la tenue de son ménage, par nécessité
financière, en tenant la conciergerie de l'immeuble avec son époux.
Une enquête économique sur le ménage a été effectuée le 3 juillet 2002, dont
les renseignements ont été consignés dans un rapport du 19 juillet 2002
concluant à un empêchement dans les travaux habituels de 5,1 %. Lors d'un
entretien par téléphone du 2 décembre 2003, l'assurée a affirmé qu'en bonne
santé, elle travaillerait un jour par semaine (repassage ou femme de ménage),
en plus de la conciergerie et de la tenue de son propre ménage. Selon un
nouveau rapport d'enquête économique sur le ménage du 3 décembre 2003, elle
avait le statut d'une personne active pour 20 % et présentait un empêchement
dans les travaux habituels de 12,45 %.
L'office AI a confié une expertise au professeur G.________, médecin vacataire
du Service de rhumatologie, médecine physique et réhabilitation du Centre
hospitalier X._________. Dans un rapport du 9 mai 2005, ce spécialiste a posé
les diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail de
coxarthrose gauche présente depuis plusieurs années et de lombarthrose avec
canal lombaire partiellement rétréci (les lombalgies ayant commencé dans
l'adolescence et s'étant aggravées dès 1993). Il indiquait que la capacité
résiduelle de travail pouvait être considérée comme égale à 70 % en tant que
ménagère et limitée à 60 % dans l'activité de concierge, encore exigible (cinq
heures par jour sur un plein temps) mais que la patiente n'avait plus exercée
depuis fin 2004.
Dans un avis SMR du 30 juin 2005, le docteur M.________ s'est rallié aux
conclusions du professeur G.________, tout en relevant que le seul élément
nouveau était la coxarthrose gauche, dont les limitations fonctionnelles
étaient grossièrement les mêmes que les lombalgies qui avaient justifié
l'octroi de la rente.
Le 9 mars 2007, l'office AI a communiqué à B.________ un préavis de suppression
du droit à la rente d'invalidité. Il l'avisait que les conditions pour l'octroi
d'une rente n'avaient jamais été remplies et que la décision de rente initiale
du 17 juin 1996 devait être reconsidérée pour le motif qu'elle était
manifestement erronée.
Le 14 juin 2007, celle-ci a fait part de ses observations à l'office AI. A sa
requête, copie du dossier AI lui a été envoyée le 18 juin 2007.
Par décision du 23 août 2007, l'office AI a supprimé le droit de B.________ à
une rente d'invalidité dès le 1er octobre 2007, au motif que la décision de
rente initiale du 17 juin 1996 était manifestement erronée et qu'elle
présentait une invalidité de 19 %, taux ne donnant pas droit à une rente.

B.
Dans un mémoire du 5 septembre 2007, B.________ a formé recours contre cette
décision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant,
sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celle-ci, les conditions d'une
reconsidération de la décision de rente initiale n'étant pas remplies. Par
lettre séparée datée du même jour, elle déclarait que le dossier que l'office
AI lui avait envoyé le 18 juin 2007 était certainement incomplet et invitait la
juridiction cantonale, sitôt qu'elle serait en sa possession, à le lui faire
parvenir pour consultation.
Par jugement du 24 janvier 2008, expédié le 13 février 2008, le Tribunal des
assurances a rejeté le recours.
Sur requête de B.________ du 22 février 1008, la juridiction cantonale lui a
envoyé l'ensemble du dossier de l'office AI en sa possession (envoi du 27
février 2008).

C.
B.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
en concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celui-ci et de
la décision de suppression du droit à la rente du 23 août 2007. A titre
subsidiaire, elle demande que le jugement du 24 janvier 2008 soit annulé, la
cause étant renvoyée à l'autorité de première instance pour qu'elle lui donne
l'occasion de compléter ses écritures au vu du dossier AI complet reçu le 28
février 2008. Elle produit copie du dossier que l'office AI lui a envoyé le 18
juin 2007 et d'un rapport OSER du CIP de Y.________ du 1er décembre 2004.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud conclut au rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique
sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (cf. Art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend
s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer
de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF
seraient réalisées. A ce défaut, un état de fait divergent de celui de la
décision attaquée ne peut être pris en compte (cf. arrêt 6B_2/2007 du 14 mars
2007, consid. 3). La faculté que l'art. 105 al. 2 LTF confère au Tribunal
fédéral de rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité
précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ne dispense pas le recourant de son
obligation d'allégation et de motivation. Il n'incombe pas au Tribunal fédéral
de rechercher lui-même dans le dossier si ce dernier pourrait éventuellement
contenir des indices d'une inexactitude de l'état de fait de l'autorité
précédente. L'art. 105 al. 2 LTF trouve application lorsque le Tribunal
fédéral, en examinant les griefs soulevés, constate une inexactitude manifeste
dans l'état de fait de l'autorité précédente ou lorsque celle-ci saute d'emblée
aux yeux (ATF 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288; 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 255).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
2.1 Selon un principe général du droit des assurances sociales,
l'administration peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition
formellement passée en force et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est
pas prononcée quant au fond, à condition qu'elle soit manifestement erronée et
que sa rectification revête une importance notable (art. 53 al. 2 LPGA; ATF 133
V 50 consid. 4.1 p. 52).

2.2 Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif
qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur les faits et la
situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte
tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 125 V 383 consid. 3 p. 389 et
les références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une
application initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée
résultant de l'appréciation des faits. Un changement de pratique ou de
jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8
consid. 2c p. 17, 115 V 308 consid. 4a/cc p. 314). Pour des motifs de sécurité
juridique, l'irrégularité doit être manifeste, de manière à éviter que la
reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un
nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En
particulier, les organes d'application ne sauraient procéder en tout temps à
une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des
faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque
l'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen
suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de
leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la
situation antérieure de fait ou de droit. S'il subsiste des doutes raisonnables
sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la
reconsidération ne sont pas remplies (par exemple arrêts 9C_71/2008 du 14 mars
2008 consid. 2, 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2).

3.
3.1 Les premiers juges ont retenu que l'intimé avait rendu la décision de rente
initiale du 17 juin 1996 en se fondant sur le rapport du docteur D._________ du
22 mars 1995, dont il ressortait que la recourante présentait une incapacité de
travail de 80 % dans les activités de ménagère et de concierge, en raison d'une
lombosciatique chronique sur canal étroit. Souffrant de sciatiques à répétition
depuis l'âge de dix-huit ans, elle présentait une exacerbation de la
symptomatologie depuis novembre 1993, avec des lombalgies et des irradiations
dans le membre inférieur gauche, fréquentes et présentes lors de tout effort,
ce qui ne lui permettait plus d'effectuer son travail de concierge. L'office AI
s'était également fondé sur le rapport d'enquête économique pour les ménagères
du 12 septembre 1995, qui concluait à un taux de 38 % d'incapacité d'accomplir
ses travaux habituels. Cependant, avant de rendre la décision du 17 juin 1996,
il n'avait pas cherché à savoir quelles activités étaient exigibles de la part
de la recourante, compte tenu de l'atteinte à sa santé, ni quels revenus elle
aurait pu réaliser dans une activité adaptée à son handicap. Le principe de la
priorité de la réadaptation sur la rente n'avait dès lors pas été examiné et
une comparaison des revenus selon l'art. 28 al. 2 LAI n'avait pas eu lieu. En
conséquence, la décision initiale, lui allouant une demi-rente pour une
invalidité de 60 %, était manifestement erronée.

3.2 Ce point de vue ne peut être suivi. Au titre des éléments ayant amené
l'office AI à reconnaître à la recourante une invalidité de 60 % par la
décision de rente du 17 juin 1996, les premiers juges ont retenu le rapport du
docteur D._________ du 22 mars 1995 et le rapport d'enquête économique pour les
ménagères du 12 septembre 1995. La confrontation de ces documents aux autres
pièces du dossier sur lesquelles s'est fondé l'intimé pour rendre la décision
initiale ne permet pas de considérer qu'elle était manifestement erronée.
Ainsi, et il convient sur ce point (art. 105 al. 2 LTF) de compléter les
constatations des premiers juges, le docteur V._________, médecin de l'office
AI, dans un avis du 7 mars 1996, a corrigé l'incapacité dans les travaux de
conciergerie prise en compte sous ch. 5.1.8 (autres activités) de l'enquête
économique pour les ménagères du 12 septembre 1995, en relevant que
l'empêchement retenu surestimait l'invalidité comme ménagère. Il en allait de
même sous ch. 5.1.3 (relatif à l'alimentation) du tableau de comparaison des
champs d'activité, en ce qui concerne l'aide apportée par les filles de
l'assurée. A la différence de la personne chargée de l'enquête, qui avait fixé
à 48 % l'incapacité d'accomplir les travaux habituels, le docteur V._________ a
retenu à ce titre une incapacité de 38 % au maximum et une invalidité de 59 %
au total (40 % en tant que personne active et 19 % en tant que ménagère).
S'agissant de la part de 50 % consacrée à une activité lucrative, le docteur
V._________ dans son avis du 7 mars 1996 et l'office AI dans une prise de
position du 20 mars 1996 ont repris le taux d'incapacité de travail de 80 %
attesté par le docteur D._________ dans son rapport du 22 mars 1995 en ce qui
concerne les activités de ménagère et de concierge. Même s'ils n'ont pas
examiné l'exigibilité dans une activité adaptée et ont déterminé le taux
d'invalidité sur une simple évaluation médico-théorique de la capacité de
travail, ce qui n'est pas conforme à la loi (ATF 114 V 281 consid. 1c p. 283 et
310 consid. 3c p. 314), cela ne permet pas encore de qualifier la décision
initiale de manifestement erronée. Au vu de ces pièces et des rapports
intermédiaires du docteur D._________ des 21 novembre 1995 et 9 octobre 1998,
on ne peut considérer que l'instruction ayant amené l'intimé à accorder à la
recourante une demi-rente ou à confirmer en 1999 le degré d'invalidité de 60 %
lors d'une révision de son droit à la rente apparaisse manifestement erronée
(arrêt 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 3.3).
Dès lors, les conditions n'étaient pas réunies pour que l'office AI procède à
une reconsidération de la décision de rente initiale du 17 juin 1996. Le
jugement attaqué et la décision du 23 août 2007 de suppression du droit à la
rente par voie de reconsidération sont donc erronés. Au vu de ces éléments, les
griefs touchant à la violation du droit d'être entendu en procédure cantonale
sont sans objet.

4.
Les éléments de fait retenus par les premiers juges font ressortir une
modification des paramètres du statut d'assurée mixte de la recourante depuis
la décision initiale de rente. La question, non préjugée par le présent arrêt,
d'une éventuelle révision au sens de l'art. 17 LPGA appartient cependant à
l'administration.

5.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de
l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La recourante a droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF). Il y a lieu
d'inviter l'autorité de l'instance inférieure à statuer sur les dépens de cette
instance (art. 61 let. g LPGA).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 24 janvier 2008 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud du 23 août 2007 sont annulés.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à la
recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour la dernière instance.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal des assurances du canton de Vaud pour
nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud, à l'Office fédéral des assurances sociales et à la Caisse
cantonale vaudoise de compensation AVS.

Lucerne, le 14 janvier 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Wagner