Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 116/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_116/2008

Arrêt du 20 octobre 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella, Kernen, Frésard et Seiler.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
T.________,
B.________,
G.________,
recourantes,
toutes les trois représentées par Me Gilda Modoianu, avocate, chemin
Frank-Thomas 52, 1223 Cologny,

contre

Fédération des médecins suisses (FMH), Elfenstrasse 18, 3006 Berne,
Santésuisse Les assureurs-maladie suisses, rue de Romont 29-31, 1701 Fribourg,
intimées.

Objet
Assurance-maladie,

recours contre l'arrêté du Conseil fédéral du 21 novembre 2007.

Faits:

A.
Par arrêté du 21 novembre 2007, le Conseil fédéral a approuvé la révision de la
structure tarifaire à la prestation pour les prestations médicales TARMED, qui
lui a été soumise par Santésuisse Les assureurs-maladie suisses, la Fédération
des médecins suisses (FMH) et H+ Les Hôpitaux suisses. Faisait partie
intégrante de cette révision la Convention entre Santésuisse et la FMH relative
à la réglementation transitoire pour radiologues/cabinets de radiologie
indépendants, du 18 avril 2007 (Convention transitoire pour les radiologues).

B.
Trois cliniques privées, T.________, B.________ et G.________, interjettent un
recours en matière de droit public contre l'arrêté du Conseil fédéral. En
substance, elles en demandent l'annulation partielle dans la mesure où il porte
sur la Convention transitoire pour les radiologues. Elles prennent par ailleurs
différentes conclusions constatatoires (relatives, entre autres objets, à la
non-approbation de la convention et son application "illégale") et
condamnatoires (relatives au versement de suppléments prévus notamment par la
convention). A titre subsidiaire, elles requièrent le renvoi de la cause au
Conseil fédéral pour nouvelle décision au sens des considérants du Tribunal
fédéral.

Le Conseil fédéral conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable. Santésuisse et la FMH concluent principalement à l'irrecevabilité du
recours et subsidiairement à son rejet.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 29 al. 1 LTF; ATF 133 I
206 consid. 2 p. 210; 133 II 249 consid. 1.1 p. 251).

2.
2.1 L'arrêté entrepris porte sur l'approbation de la révision de la structure
tarifaire à la prestation pour les prestations médicales TARMED et a été rendu
par le Conseil fédéral en application des art. 43 al. 5 et 46 al. 4 première
phrase LAMal. Selon la première de ces dispositions, les tarifs à la prestation
doivent se fonder sur une structure tarifaire uniforme, fixée par convention
sur le plan suisse. Si les partenaires tarifaires ne peuvent s'entendre sur une
structure tarifaire uniforme, le Conseil fédéral la fixe. Selon la seconde
norme, la convention tarifaire doit être approuvée par le gouvernement cantonal
compétent ou, si sa validité s'étend à toute la Suisse, par le Conseil fédéral.

Le droit qui régit l'affaire au fond appartient au droit public. Il s'agit donc
d'une cause de droit public et la décision entreprise peut, à raison de la
matière, faire l'objet d'un recours en matière de droit public (art. 82 let. a
LTF).

2.2 En ce qui concerne la compétence fonctionnelle du Tribunal fédéral, l'art.
86 al. 1 LTF prévoit que le recours est recevable contre les décisions du
Tribunal administratif fédéral (let. a), du Tribunal pénal fédéral (let. b), de
l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision
(let. c) et des autorités cantonales de dernière instance, pour autant que le
recours devant le Tribunal administratif fédéral ne soit pas ouvert (let. d).

Le Conseil fédéral n'est pas mentionné parmi les autorités fédérales dont les
décisions peuvent être soumises au Tribunal fédéral par la voie du recours en
matière de droit public. L'art. 86 al. 1 LTF ne prévoit ainsi pas d'exception à
la règle de l'art. 189 al. 4 Cst., selon laquelle les actes de l'Assemblée
fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés devant le Tribunal
fédéral, les exceptions étant déterminées par la loi. Par conséquent, même si
la décision entreprise a été rendue dans une cause de droit public au sens de
l'art. 82 let. a LTF, elle ne peut en principe pas être attaquée par la voie du
recours en matière de droit public, parce qu'elle n'a pas été rendue par l'une
des autorités mentionnées à l'art. 86 al. 1 LTF (ESTHER THOPINKE, in: Niggli/
Uebersax/Wiprächtiger [édit.], Bundesgerichts-gesetz, Commentaire bâlois, Bâle
2008, ad art. 86, n° 3 p. 838; HANSJÖRG SEILER, in: Seiler/von Werdt/Güngerich
[édit.], Bundes-gerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, ad art. 86 n° 2 p. 344).

Par ailleurs, le recours en matière de droit public formé par les trois
cliniques privées contre l'arrêté du Conseil fédéral du 21 novembre 2007 ne
peut pas non plus être reçu au titre de recours constitutionnel subsidiaire,
qui n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions rendues par les autorités
cantonales de dernière instance (art. 113 LTF).

3.
Les recourantes soutiennent que l'absence de voie de droit contre l'arrêté du
Conseil fédéral entrepris viole l'art. 29a Cst. et relève d'une lacune de la
LTF que le Tribunal fédéral devrait combler.

3.1 En vertu de la disposition constitutionnelle invoquée, toute personne a
droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La
Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans
des cas exceptionnels.

Selon les termes mêmes de l'art. 29a Cst., des exceptions à la garantie de
l'accès au juge, qui doivent être prévues par la loi, existent. Ceci exclut la
reconnaissance d'un droit général et absolu à la protection juridictionnelle,
de même qu'une délimitation des exceptions par le Tribunal fédéral (ATF 130 I
388 consid. 4 p. 393). Les cas exceptionnels visés par l'art. 29a deuxième
phrase Cst. concernent les décisions difficilement "justiciables", par exemple
des actes gouvernementaux qui soulèvent essentiellement des questions
politiques, lesquelles ne se prêtent pas au contrôle du juge (Message du
Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20 novembre
1996, FF 1997 I 1 ss, p. 531).

L'art. 189 al. 4 Cst. prévoit précisément une exception à l'art. 29a Cst., en
ce qu'il exclut la possibilité de recourir au Tribunal fédéral contre les actes
de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral. L'idée est que les décisions du
Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale sont des décisions essentiellement
politiques, qui ne doivent pas pouvoir être portées devant le juge (PASCAL
MAHON, in: Aubert/Mahon, Petit com-mentaire de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève 2003, ad art. 189, n°
25 p. 1449).

3.2 Au regard des art. 29a et 189 al. 4 Cst., on doit déduire qu'il appartient
au législateur fédéral d'examiner et de décider dans quelle situation il entend
soumettre les actes du Gouvernement fédéral au contrôle du juge (WALTER HALLER,
in: Ehrenzeller/Mastronardi/ Schweizer/Vallender [édit.], Die schweizerische
Bundesverfassung, Kommentar, 2ème éd., Zürich 2008, ad art. 189, n° 58 p. 2792;
dans ce sens, ANDREAS KLEY, in ibidem, ad art. 29a, n° 39 p. 617 s.), sous
réserve des cas dans lesquels le droit international imposerait l'accès
juridictionnel (voir par exemple, ATF 125 II 417; cf. aussi ATF 129 II 193
consid 4.2.1 p. 403).

En matière de tarifs ou de structure tarifaire dans le domaine de
l'assurance-maladie obligatoire, le législateur fédéral a attribué la
compétence d'approuver ou de fixer celle-ci en cas de litige aux organes
politiques et non pas au juge. Ainsi, il appartient au Conseil fédéral de fixer
une structure tarifaire uniforme sur le plan suisse pour les tarifs à la
prestation, lorsque les partenaires tarifaires ne peuvent s'entendre à ce sujet
(art. 43 al. 5 LAMal) ou d'approuver une convention tarifaire dont la validité
s'étend à toute la Suisse (art. 46 al. 4 LAMal). De même, l'approbation d'une
convention tarifaire au niveau cantonal (art. 46 al. 4 LAMal) ou la fixation du
tarif entre les fournisseurs de prestations et les assureurs lorsque ceux-ci ne
parviennent pas à conclure une convention tarifaire (art. 47 al. 1 LAMal) est
du ressort des gouvernements cantonaux compétents. En ce qui concerne les voies
de recours contre de telles décisions, le législateur fédéral n'a prévu
l'intervention du juge que pour les décisions des gouvernements cantonaux qui
peuvent être attaquées devant le Tribunal administratif fédéral (art. 34 LTAF)
- en tant qu'unique instance fédérale, cf. art. 83 let. r LTF - , mais non pour
les décisions du Conseil fédéral. Contrairement à ce qu'allèguent les
recourantes, il n'y a pas ici une lacune (proprement dite) de la loi. La
solution choisie par le législateur avec l'introduction de la LTAF et de la LTF
correspond à celle qui valait précédemment; l'art. 53 aLAMal (abrogé au 1er
janvier 2007 avec l'entrée en vigueur de la LTAF) prévoyait uniquement la
possibilité du recours contre les décisions des gouvernements cantonaux au
sens, notamment, de l'art. 46 al. 4 et 47 LAMal. Il n'apparaît donc pas que le
législateur fédéral se soit abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler.
La solution qu'il a choisi de maintenir est par ailleurs conforme à l'art. 29a
Cst., en relation avec l'art. 189 al. 4 Cst.

3.3 Les recourantes ne pourraient, par ailleurs, rien tirer en leur faveur de
la protection prévue à l'art. 6 § 1 CEDH, dans la mesure où il y aurait lieu
d'admettre qu'elles entendaient se prévaloir également de cette disposition
(sur le principe d'allégation au sens de l'art. 106 al. 2 LTF en ce qui
concerne la violation de droits fondamentaux garantis par un traité
international, cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 4000, p. 4142;
NICOLAS VON WERDT, in: H. Seiler/N. von Werdt/A. Güngerich [édit.],
Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, ad art. 106 LTF, n. 9 p. 452;
DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral, Berne 2008, ad art. 106, n° 4250 p.
1540). L'art. 6 § 1 CEDH ne garantit en effet pas un droit individuel de
contester directement des règles générales et abstraites (ATF 132 V 299 consid.
4.3.1 p. 300 et les arrêts cités [de la Cour européenne des Droits de
l'Homme]). La structure tarifaire (y compris la Convention transitoire pour les
radiologues) dont la révision a été approuvée par le Conseil fédéral le 21
novembre 2007 constitue une réglementation générale et abstraite, dont la
conformité au droit pourrait être examinée à titre incident dans le cadre d'un
litige portant sur l'application concrète du tarif en cause (ATF 126 V 344
consid. 1 p. 34). La disposition conventionnelle en question n'exige en
revanche pas que la structure tarifaire puisse en tant que telle être soumise à
un juge (ATF 132 V 299 consid. 4.3.1 p. 300).

3.4 Il résulte de ce qui précède que l'argumentation des recourantes relative à
la recevabilité de leur recours n'est pas pertinente. Leurs conclusions tendant
à l'annulation partielle de l'arrêté du Conseil fédéral du 21 novembre 2007 ou
au renvoi de la cause au Gouvernement fédéral pour nouvelle décision sont donc
irrecevables.

Quant à leurs autres conclusions constatatoires et condamnatoires, elles ne
sont pas davantage recevables, dès lors qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une
décision (cf. ATF 131 V 164 consid. 2.1 et l'arrêt cité).

4.
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires sont mis à la charge des
recourantes, qui les supporteront conjointement (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il
n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Conseil fédéral.

Lucerne, le 20 octobre 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless