Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 1023/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_1023/2008

Arrêt du 30 juin 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, Avenue Général-guisan
8, 1800 Vevey,
recourant,

contre

N.________,
représenté par la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 3
juillet 2008.

Faits:

A.
Saisi d'une demande de prestations de l'assurance-invalidité présentée le 19
mars 2003 par N.________, ressortissant étranger né en 1951, l'Office de
l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) pour le canton de Vaud a
recueilli des renseignements économiques et médicaux. En particulier, il a
chargé le Service psychiatrique X.________ d'une expertise psychiatrique, qui a
été rendue le 23 février 2006 par les docteurs K.________ et T.________. Posant
notamment les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère
sans symptômes psychotiques et de trouble somatoforme douloureux persistant,
ces médecins ont conclu à une incapacité totale de travail dans toute activité.
Mandatés à leur tour pour examiner l'assuré, les docteurs G.________,
rhumatologue, et V.________, psychiatre, du Service médical régional AI (SMR)
lui ont reconnu une incapacité de travail de 60% dans son ancienne activité de
manutentionnaire et intendant en raison d'une périarthrite scapulo-humérale
gauche avec conflit sous-acromial. Niant toute pathologie psychiatrique, ils
ont en revanche conclu à une capacité entière de travail dans une activité
adaptée respectant les limitations décrites (rapport du 16 octobre 2006). Fort
de ses conclusions, l'office AI a, par décision du 19 avril 2007, refusé toute
rente, au motif que le degré d'invalidité de 5,07% obtenu après comparaison des
revenus déterminants était insuffisant pour ouvrir le droit à une telle
prestation.

B.
Statuant le 3 juillet 2008 sur le recours formé par N.________ contre cette
décision, le Tribunal des assurances du canton de Vaud (aujourd'hui: Tribunal
cantonal, Cour des assurances sociales) l'a admis. Annulant la décision
administrative, il a renvoyé la cause à l'office AI "pour qu'il procède
conformément aux considérants" (ch. III du dispositif).

C.
L'office AI interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation. Il a par ailleurs sollicité l'effet suspensif à
son recours, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 23 mars 2009.

N.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Dans les considérants de son jugement, auxquels renvoie le chiffre III du
dispositif, le Tribunal des assurances retient que l'assuré présente une
invalidité totale en raison de ses atteintes à la santé, qu'il a donc droit à
une rente entière d'invalidité (consid. 4d) et que la cause est retournée à
l'office AI pour qu'il en calcule le montant et en fixe le dies a quo en tenant
compte des conclusions du Service psychiatrique X.________ (consid. 5). D'un
point de vue purement formel, il s'agit d'une décision de renvoi. En principe,
les décisions de renvoi sont des décisions incidentes qui ne peuvent faire
l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF
(ATF 133 V 477 consid. 4.2 et 4.3 p. 481 s., 132 III 785 consid. 3.2 p. 790).
Cependant, lorsque l'autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée n'a
pratiquement plus aucune marge de manoeuvre pour statuer et que le renvoi ne
vise qu'à mettre à exécution la décision de l'autorité supérieure, cette
décision doit être considérée comme une décision finale sujette à recours
conformément à l'art. 90 LTF (arrêt 9C_684/2007 du 27 décembre 2007 consid.
1.1, in SVR 2008 IV n° 39 p. 131; UHLMANN, in Kommentar zum
Bundesgerichtsgesetz, n. 9 ad art. 90). C'est le cas en l'espèce, de sorte que
le recours est recevable.

2.
Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir violé le principe de la libre
appréciation des preuves, en suivant les conclusions du Service psychiatrique
X.________ et non pas celles du SMR. A son avis, les motifs qu'ils ont retenus
pour écarter le rapport du SMR du 16 octobre 2006 - qui contiendrait une
contradiction majeure interne, serait contraire à la procédure analytique
médicale usuelle et ne prendrait pas en compte les éléments médicaux relevés
antérieurement - ne sont pas fondés, de sorte qu'ils ne pouvaient pas en faire
abstraction.
2.1
2.1.1 Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge apprécie
librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des
règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des
preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition,
quelle que soit leur provenance, puis décider s'ils permettent de porter un
jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires,
il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se
fonde sur une opinion plutôt qu'une autre. En ce qui concerne la valeur
probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant, c'est que les points
litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se
fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les
plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine
connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et
l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les
conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément
déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa
désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF
125 V 351 consid. 3a p. 352; 122 V 157 consid. 1c p. 160 et les références).
2.1.2 Le grief tiré d'une violation du principe de la libre appréciation des
preuves et du devoir qui en découle de procéder à une appréciation complète,
rigoureuse et objective des rapports médicaux, en relation avec leur contenu,
est une question de droit, qui est soumise au libre examen du Tribunal fédéral
(ATF 132 V 393 consid. 4.1 p. 400).

2.2 La juridiction cantonale a dénié toute valeur probante au rapport du SMR
parce qu'il contenait une contradiction interne majeure: la description
qu'avaient faite les médecins du SMR de l'expertisé (homme isolé apragmatique,
désorganisé, qui se négligeait et n'avait aucune vie sociale; p. 4 de
l'expertise) n'était pas compatible avec leurs développements tendant à nier
tout état dépressif. Elle a par ailleurs considéré que le contenu du rapport
était, dans son ensemble, contraire à la procédure analytique médicale usuelle
tendant à la neutralité, à la synthèse et à l'émission d'hypothèses plausibles
et partagées. Enfin, l'argumentation des médecins du SMR ne prenait pas en
compte les éléments relevés par les autres médecins, mais procédait
d'interprétations personnelles non démontrées objectivement.

2.3 Les raisons avancées par la juridiction cantonale pour rejeter le rapport
du SMR ne résistent en l'occurrence pas à l'examen. On ne voit pas, tout
d'abord, à quel endroit de leur expertise, les docteurs G.________ et
V.________ auraient décrit l'assuré comme une personne apragmatique, isolée, se
négligeant et n'ayant aucune vie sociale. A la page 4 du rapport (à laquelle se
réfère l'autorité cantonale de recours), les médecins du SMR mentionnent des
éléments de la vie quotidienne du recourant, tels que rapportés par celui-ci,
sans qu'on puisse y retrouver les caractéristiques retenues par les premiers
juges. Si le recourant décrit lui-même sa vie sociale comme ténue, on ne
saurait cependant parler d'isolement puisqu'il entretient une bonne relation
avec son fils et garde quelques contacts avec d'anciens collègues ou des
connaissances. Quant à l'apragmatisme ou la désorganisation, on ne voit pas sur
quelles circonstances se fonde la juridiction cantonale pour mentionner que le
recourant aurait été (ou se serait lui-même) décrit comme incapable de réaliser
certains actes ou tenir une conduite déterminée, ou encore de s'organiser. Au
contraire, l'assuré a expliqué s'occuper en vaquant sur Internet, en réalisant
des programmes informatiques ou en montant/démontant des ordinateurs. A cet
égard, les médecins ont expressément nié tout signe d'anhédonie et d'aboulie au
regard des indications fournies par le recourant (page 10 du rapport). La
critique tirée d'une "contradiction interne majeure" n'est dès lors pas fondée.

Par ailleurs, l'appréciation de la juridiction cantonale selon laquelle
l'expertise du SMR serait "contraire à la procédure analytique médicale usuelle
tendant à la neutralité, à la synthèse et à l'émission d'hypothèses plausibles
et partagées" apparaît arbitraire. Outre le fait qu'il s'agit d'une affirmation
nullement motivée, elle ne correspond pas au contenu du rapport des docteurs
G.________ et V.________. Ceux-ci ont en effet structuré leur analyse selon un
plan largement répandu en pratique (circonstances de l'examen, anamnèse, examen
/status, diagnostics, appréciation du cas, synthèse, réponses aux questions
posées; cf. GABRIELA RIEMER-KAFKA, Expertises en médecine des assurances, 2008,
p. 31; JACQUES MEINE, L'expert et l'expertise - critères de validité de
l'expertise médicale, in L'expertise médicale, 2002, p. 27). Si les médecins du
SMR ne partagent certes pas l'opinion de leurs confrères du Service
psychiatrique X.________ et arrivent à des conclusions opposées, leur
évaluation apparaît cependant fondée sur des observations objectives et non pas
sur des convictions personnelles préconçues. Ils ont ainsi mis en relation les
observations faites au cours de l'entretien avec l'assuré (cohérence des
propos, vivacité d'esprit, absence d'élément anxieux ou de scénario suicidaire
[status p. 6 sv.]) avec leurs conclusions (individu de très bonne constitution
psychique, défaut de symptomatologie dépressive [appréciation consensuelle du
cas, p. 8]). On ne voit pas, du reste, que le rapport en cause soit ainsi
entaché de connotations subjectives qui seraient propres à faire naître un
doute sur l'impartialité de ses auteurs. De plus, les docteurs G.________ et
V.________ explicitent leur position par rapport à celle des docteurs
K.________ et T.________, en indiquant les éléments qui les ont portés à poser
des diagnostics différents. Le reproche de la juridiction cantonale, selon
lequel ils ne prenaient pas en compte les données relevées par les autres
médecins - reproche qui n'est du reste pas davantage motivé que le précédent -,
tombe dès lors à faux.

2.4 En conséquence de ce qui précède, on constate qu'à défaut de reposer sur
des motifs objectifs et convaincants, l'appréciation des preuves de la
juridiction cantonale qui l'a conduite à écarter l'avis du SMR du 16 octobre
2006 est contraire aux règles sur la libre appréciation des preuves et ne peut,
de ce fait, être suivie.

3.
Cela étant, tant l'existence d'une atteinte psychique chez l'intimé, que les
éventuelles répercussions de celle-ci sur la capacité de travail dans une
activité adaptée, font l'objet de deux appréciations médicales diamétralement
opposées, qui répondent aux critères dégagés par la jurisprudence (consid.
2.1.1 supra). D'un côté, les psychiatres du Service psychiatrique X.________
diagnostiquent un trouble dépressif récurrent, épisode dépressif sévère sans
symptômes psychotiques et un trouble somatoforme douloureux persistant, qui
empêchent l'exercice de toute activité lucrative. De l'autre, les médecins du
SMR nient toute pathologie psychiatrique ayant des répercussions sur la
capacité de travail. Compte tenu de ces divergences, qu'il n'est pas possible
de lever en écartant l'une ou l'autre des appréciations médicales, faute de
circonstances particulières qui permettraient de douter de leur bien-fondé, une
nouvelle expertise psychiatrique doit être mise en oeuvre. Contrairement à ce
que prétend l'intimé, le critère "hiérarchique" (l'expertise externe à
l'administration aurait "un rang plus élevé" que le rapport du SMR) n'est en
soi pas pertinent, la valeur probante de l'avis du 16 octobre 2006 n'étant pas
remise en cause du seul fait qu'il a été rédigé par des médecins du service
médical du recourant. Il convient, par conséquent, de renvoyer la cause à la
juridiction cantonale pour qu'elle ordonne une expertise psychiatrique
judiciaire, puis statue à nouveau. Le recours se révèle par conséquent bien
fondé.

4.
Vu l'issue du litige, l'intimé qui succombe supportera les frais de justice
afférents à la présence procédure (art. 66 al. 1 première phrase en relation
avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF), sans qu'il ait droit à des dépens (art. 68
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud
du 3 juillet 2008 est annulé. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal
vaudois, Cour des assurances sociales, pour instruction complémentaire au sens
des considérants et nouvelle décision.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de
Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 30 juin 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless