Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 1009/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_1009/2008

Arrêt du 1er mai 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Borella, Kernen, Seiler et Pfiffner Rauber.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
G.________,
recourante, représentée par Me Pierre Bauer, avocat,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
13 novembre 2008.

Faits:

A.
Le 26 septembre 2005, G.________, qui était au bénéfice d'une demi-rente
d'invalidité depuis le 1er octobre 1989 (décision du 20 novembre 1990), a
présenté une demande tendant à l'augmentation de sa rente. L'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel a recueilli divers avis médicaux
et confié une expertise au Centre d'observation médicale de
l'assurance-invalidité (COMAI), qui a rendu son rapport le 19 mars 2007. Après
avoir soumis le dossier à son Service médical régional (avis de la doctoresse
L.________ du 18 avril 2007), l'administration a rendu une décision le 27
février 2008, par laquelle elle a supprimé la demi-rente d'invalidité à partir
du 1er avril suivant. En bref, elle a considéré que G.________ ne présentait
plus d'atteinte à la santé susceptible de diminuer sa capacité de travail.

B.
Statuant le 13 novembre 2008 sur le recours formé par l'assurée contre cette
décision, le Tribunal administratif, Cour des assurances sociales, de la
République et canton de Neuchâtel l'a rejeté.

C.
G.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut en
substance à l'allocation d'une rente entière d'invalidité ou à tout le moins au
maintien de la demi-rente; à titre subsidiaire, elle requiert la mise en oeuvre
d'une expertise pluridisciplinaire.

L'Office neuchâtelois de l'assurance-invalidité n'a pas d'observations à
formuler sur le recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales
(OFAS) a renoncé à se déterminer.

D.
La IIe Cour de droit social a tenu une audience publique le 1er mai 2009.

Considérant en droit:

1.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité
par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le
recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut
admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il
peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Le Tribunal
fédéral statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2
LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office
l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans
celui-ci lui apparaîtraient d'emblée comme manifestes.

2.
Le litige porte sur la modification du droit de la recourante à la demi-rente
qui lui a été allouée depuis le 1er octobre 1989. Alors que l'intimé a supprimé
cette prestation au 1er avril 2008, la recourante soutient qu'elle a droit à
une rente entière d'invalidité.

A cet égard, le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la
jurisprudence relatives à la révision d'une rente (art. 17 al. 1 LPGA) et à la
reconsidération d'une décision entrée en force (art. 53 al. 2 LPGA), ainsi que
les principes jurisprudentiels rendus en matière de troubles somatoformes
douloureux (ATF 130 V 352), applicables également à la fibromyalgie (ATF 132 V
65). Il suffit d'y renvoyer.

3.
3.1 La juridiction cantonale a d'abord examiné la situation médicale de la
recourante au moment de la décision initiale en 1990 et constaté qu'elle
souffrait alors pour l'essentiel d'un trouble somatoforme douloureux qui
entraînait, selon une expertise du docteur R.________, (du 4 octobre 1990) une
incapacité de travail de 50%. Les premiers juges se sont ensuite penchés sur
l'évolution de l'état de santé de l'assurée, en tenant compte en particulier de
l'appréciation du COMAI du 19 mars 2007. Selon les conclusions de ce rapport,
la recourante présentait notamment de discrets troubles statiques et
dégénératifs rachidiens sans répercussion actuelle au plan radiculaire et ou
médullaire, une dysthymie et des troubles douloureux chroniques irréductibles
(avec un seuil fibromyalgique sous-jacent); aucune des atteintes mentionnées
par les experts ne limitait cependant la capacité de travail de l'assurée dans
l'activité qu'elle avait exercée antérieurement (nettoyeuse) ou toute autre
activité adaptée.

Au vu de cette expertise, mais également des autres rapports médicaux au
dossier, les premiers juges ont retenu que l'état de santé de l'assurée ne
s'était pas modifié de manière déterminante entre le prononcé de la décision
initiale d'octroi de la demi-rente et la décision supprimant cette prestation.
Le fait que les conclusions des médecins du COMAI du 19 mars 2007 divergeaient
de celles du docteur R.________ (du 4 octobre 1990) quant à la capacité de
travail de la recourante - de 100% pour les premiers et de 50% pour le second -
ne permettait pas d'admettre un changement significatif des circonstances. Il
s'agissait d'une appréciation divergente d'une situation restée inchangée, de
sorte qu'il n'y avait pas de motif de révision justifiant une augmentation ou
une suppression de la demi-rente de la recourante.

3.2 Les constatations de la juridiction cantonale sur l'absence de modification
des circonstances déterminantes (au sens de l'art. 17 LPGA) relèvent d'une
question de fait (cf. ATF 132 V 393 consid. 3 p. 397; arrêt 9C_270/2008 du 12
août 2008 consid. 2.2) et lient en principe le Tribunal fédéral (consid. 1
supra). Ces constatations n'apparaissent pas manifestement inexactes, ni ne
reposent sur une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, de sorte qu'il
n'y a pas lieu de s'en écarter.

Quoi qu'en dise la recourante en invoquant à la fois une constatation inexacte
des faits, une violation de la LAI et l'arbitraire, les premiers juges ont en
effet procédé à une appréciation circonstanciée et convaincante des preuves au
dossier. Ainsi, ils ont tenu compte des rapports des docteurs S.________ et
D.________ auxquels elle se réfère pour faire valoir l'existence "d'atteintes
organiques objectives réelles" et "l'augmentation des douleurs", et dûment
expliqué les motifs pour lesquels ces avis ne permettaient pas de retenir un
changement significatif des circonstances par rapport à la situation prévalant
en 1990. Dès lors, par ailleurs, que la juridiction cantonale a considéré à
juste titre que les médecins avaient fait état de diagnostics similaires
(troubles somatoformes douloureux, fibromyalgie, troubles douloureux chroniques
irréductibles), c'est en vain que la recourante soutient que l'expertise du
COMAI serait incomplète, faute de retenir le diagnostic de fibromyalgie. Enfin,
compte tenu de l'ensemble des avis médicaux qui ne laisse apparaître aucun
indice en faveur d'une péjoration de l'état de santé (cf. aussi l'avis de la
doctoresse L.________ du 18 avril 2007) et suffit pour se forger une
conviction, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise
pluridisciplinaire sollicitée par la recourante (sur l'appréciation anticipée
des preuves, voir ATF 124 V 90 consid. 4b p. 94).

3.3 Cela étant, tout en niant que les conditions d'une révision étaient
réalisées, la juridiction cantonale a cependant confirmé la suppression de la
demi-rente d'invalidité à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral en
matière de troubles somatoformes douloureux. Elle a considéré que pour des
motifs tirés de l'égalité de traitement entre les assurés, il y avait lieu
d'appliquer les exigences posées par la récente jurisprudence à la situation de
la recourante, même si cette application s'opérait à son détriment. Un assuré
présentant les mêmes affections que la recourante ne pourrait en effet
bénéficier actuellement de prestations de l'assurance-invalidité.

4.
4.1 On peut envisager quatre cas dans lesquels un conflit peut surgir entre une
situation juridique actuelle et une décision de prestations, assortie d'effets
durables, entrée en force formelle (ATF 127 V 10 consid. 4b p. 13 s.; 115 V 308
consid. 4a p. 312 ss; Urs Müller, Die materiellen Voraussetzungen der
Rentenrevision in der Invalidenversicherung, 2003, p. 91 ss; Rudolf Rüedi, Die
Verfügungsanpassung als Grundfigur von Invalidenrentenrevisionen, in:
Schaffhauser/Schlauri [éd.], Die Revision von Dauerleistungen in der
Sozialversicherung, 1999, p. 9 ss, 12 s.; Alexandra Rumo-Jungo, Die Instrumente
zur Korrektur der Sozialversicherungsverfügung, in: Schaffhauser/Schlauri
[éd.], Verfahrensfragen in der Sozialversicherung, 1996, p. 263 ss, 277 ss;
Ulrich Meyer-Blaser, Die Abänderung formell rechtskräftiger
Verwaltungsverfügungen in der Sozialversicherung, ZBl 1994 p. 337 ss, 348 ss):
une constatation inexacte des faits (inexactitude initiale sur les faits) peut,
à certaines conditions, être corrigée par une révision procédurale (art. 53 al.
1 LPGA). Lorsqu'une modification de l'état de fait déterminante sous l'angle du
droit à la prestation (inexactitude ultérieure sur les faits) survient après le
prononcé d'une décision initiale exempte d'erreur, une adaptation peut, le cas
échéant, être effectuée dans le cadre d'une révision de la rente au sens de
l'art. 17 al. 1 LPGA. Si la décision est fondée sur une application erronée du
droit (application initiale erronée du droit), il y a lieu d'envisager une
révocation sous l'angle de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA). La loi ne
règle en revanche pas la situation de l'application ultérieure erronée du droit
à la suite d'une modification des fondements juridiques déterminants survenue
après le prononcé de la décision (voir consid. 5 infra).

4.2 En l'espèce, la décision initiale n'est pas entachée dès l'origine d'une
inexactitude sur les faits. A défaut d'une modification notable des faits
déterminants du point de vue juridique, les conditions d'une révision de la
rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA ne sont pas davantage réalisées (consid.
3 supra). Par ailleurs, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, la
jurisprudence sur les troubles somatoformes douloureux ne constitue pas un
motif de reconsidération de la décision de rente (SVR 2008 IV n° 5 p. 12
consid. 4 [I 138/07]). Il y a donc lieu d'examiner si la décision de (demi-)
rente initiale, entrée en force formelle, doit être adaptée sous l'angle d'une
modification du droit intervenue entre-temps, laquelle découlerait, de l'avis
des premiers juges, de la jurisprudence sur le caractère invalidant des
troubles somatoformes douloureux (publiée aux ATF 130 V 352).

5.
5.1
5.1.1 En droit des assurances sociales, les décisions de prestations, assorties
d'effets durables, initialement non erronées doivent en règle générale être
adaptées aux modifications du droit qui résultent d'une intervention du
législateur, sous réserve de dispositions de droit transitoires contraires et,
le cas échéant, des droits acquis (ATF 121 V 157 consid. 4a p. 161 s.). En
revanche, un changement dans la pratique judiciaire ou administrative ne
conduit en principe pas à modifier des prestations périodiques fondées sur une
décision (assortie d'effets durables) entrée en force formelle (ATF 129 V 200
consid. 1.2 p. 202, 121 V 157 consid. 4a p. 162; 120 V 128 consid. 3c p. 132;
119 V 410 consid. 3b p. 413; 115 V 308 consid. 4a/dd p. 314; 112 V 371 consid.
2b p. 372 s.; arrêt 9C_439/2007 du 28 février 2008 consid. 3.2 in fine).
Exceptionnellement, un changement de jurisprudence peut cependant entraîner la
modification d'une décision entrée en force (avec des effets pour l'avenir)
lorsque la nouvelle jurisprudence a une telle portée générale qu'il serait
contraire au droit à l'égalité de ne pas l'appliquer dans tous les cas, en
particulier en maintenant une ancienne décision pour un seul assuré ou un petit
nombre d'assurés (ATF 129 V 200 consid. 1.2 p. 202; 121 V 157 consid. 4a p.
162; 120 V 128 consid. 3c p. 132; 119 V 410 consid. 3b p. 413; 115 V 308
consid. 4a/dd p. 314; 112 V 387 consid. 3c p. 394; SVR 2001 ALV n° 4 p. 10
consid. 3b, C 222/99). Une telle manière de procéder s'applique en particulier
lorsque le maintien de la décision initiale ne peut simplement plus être
justifié du point de vue de la nouvelle jurisprudence et que celle-ci a une
telle portée générale que ne pas l'appliquer dans un cas particulier
reviendrait à privilégier (ou discriminer) l'intéressé de manière choquante et
à porter atteinte au principe de l'égalité de traitement (SVR 1995 IV n° 60 p.
171 consid. 4a p. 173, I 382/94).
5.1.2 Bien que le Tribunal fédéral ait souvent développé sa jurisprudence dans
le domaine du droit des assurances sociales par des précisions ou des
changements, il a, en comparaison, rarement eu à traiter de la question de
l'application de la nouvelle jurisprudence à des décisions de prestations
assorties d'effets durables et entrées en force. Là où la question s'est posée,
il y a répondu de la manière suivante.
5.1.2.1 En application des principes exposés, le Tribunal fédéral des
assurances a à diverses reprises admis qu'une décision de prestations, assortie
d'effets durables, entrée en force soit adaptée à un changement de
jurisprudence ou de la pratique administrative intervenu entre-temps et plus
favorable pour l'intéressé. Ainsi, dans l'ATF 121 V 157 consid. 4c p. 162 s.,
il a jugé qu'une rente d'invalidité de l'assurance-militaire fixée selon une
jurisprudence antérieure devait être adaptée à la modification de la
jurisprudence intervenue en 1984, laquelle a reconnu l'indemnisation cumulative
de l'incapacité de gain et de l'atteinte à l'intégrité. La solution contraire
entraînait des inégalités manifestes. L'application d'une nouvelle pratique
administrative, qui permettait dans certains cas d'ouvrir le droit à des
indemnités de l'assurance-chômage, non reconnu jusqu'alors, dans des situations
qui avaient déjà fait l'objet de décisions entrées en force, a également été
admise (SVR 2001 IV n° 4 p. 9 consid. 4, C 222/99). Le Tribunal en a jugé de
même en ce qui concerne l'application directe - d'abord niée, puis reconnue
ultérieurement (ATF 119 V 171) - des dispositions de droit international
admettant de manière limitée la réduction des prestations pour faute (ATF 120 V
128 consid. 4 p. 132 s.; 119 V 410 consid. 3c p. 413 s.; SVR 1995 IV n° 60 p.
171 consid. 4 p. 173, I 382/94).

En défaveur de l'assuré en cause, le Tribunal fédéral des assurances a confirmé
l'adaptation d'une rente pour atteinte à l'intégrité, dont le calcul reposait
encore sur une jurisprudence antérieure, considérée comme erronée par les ATFA
1966 p. 148 et ATFA 1968 p. 88, aux nouvelles bases de calcul déterminantes
(ATF 112 V 387 consid. 3c p. 394, confirmé par l'ATF 115 V 308 ss.).
5.1.2.2 Le Tribunal fédéral n'a en revanche pas admis de modifier en défaveur
de l'assuré une décision entrée en force formelle au regard des arrêts sur le
taux d'invalidité arrondi (arrêt 9C_439/2007 du 28 février 2008 relatif à l'ATF
130 V 121; arrêt I 16/02 du 21 mars 2002 relatif à l'ATF 127 V 129). Dans les
arrêts U 102/89 du 5 mars 1990 (consid. 5c non publié à l'ATF 116 V 62) et U
114/90 du 16 mars 1992 consid. 3d, il a également refusé de revenir sur des
décisions entrées en force à la suite de la précision de jurisprudence apportée
par l'ATF 115 V 133 sur le rapport de causalité adéquate en cas de troubles
psychiques après un accident. Dans l'arrêt non publié M 13/89 du 30 octobre
1989, le Tribunal fédéral a jugé que l'adaptation admise par l'ATF 112 V 387 ne
se rapportait qu'aux rentes pour atteinte à l'intégrité et non pas aux rentes
dites mixtes. Une intervention dans un rapport de droit durable en défaveur de
l'assuré, fondée sur une nouvelle jurisprudence, ne pouvait entrer en
considération que s'il s'agissait de corriger l'octroi particulièrement
choquant de prestations.
5.1.3 En résumé, on constate que la jurisprudence n'a guère admis d'exceptions
au principe selon lequel un changement de jurisprudence ne justifie pas de
modifier des décisions de prestations assorties d'effets durables lorsque
l'application de la nouvelle jurisprudence s'opère au détriment des assurés.
Dans les cas où une telle adaptation (dans le sens d'une réduction) a été
admise (ATF 112 V 387 confirmé par l'ATF 115 V 308), le Tribunal fédéral a
précisé qu'il s'agissait d'une situation exceptionnelle - au regard des
critères étrangers à l'affaire sur lesquels se fondait la jurisprudence
antérieure -, laquelle exigeait une solution particulière (ATF 115 V 308
consid. 4b p. 316; cf. aussi ATF 121 V 157 consid. 4b p. 162). En faveur des
assurés, le Tribunal fédéral a en revanche admis une adaptation à des
conditions moins strictes, dans des cas particuliers (ATF 107 V 153 consid. 3
p. 157; SVR 2001 ALV n° 4 p. 9 consid. 3b p. 10, C 222/99; cf. aussi ATF 129 V
200 consid. 1.2 p. 203 en haut; 120 V 128 consid. 3c p. 132).

5.2 Selon la jurisprudence des Cours de droit public du Tribunal fédéral, la
révocation de décisions de prestations assorties d'effets durables en raison
d'une constatation manifestement inexacte des faits, une application erronée du
droit ou une modification ultérieure de l'état de fait ou du droit est
admissible, dans la mesure où des intérêts publics importants sont touchés.
Lorsque des règles de droit positif sur la possibilité de modifier une décision
font défaut, il y a lieu de se prononcer sur la base d'une pesée des intérêts,
dans laquelle l'intérêt à une application correcte du droit objectif est mis en
balance avec l'intérêt à la sécurité juridique, respectivement à la protection
de la confiance (ATF 127 II 306 consid. 7a p. 314; 121 II 273 consid. 1a/aa;
106 Ib 252 consid. 2b p. 256; 103 Ib 241 consid. 3b p. 244; Häfelin/Müller/
Uhlmann, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5e éd. 2006, p. 207 n. 997a; Tobias
Jaag, Staats- und Verwaltungsrecht des Kantons Zürich, 3e éd. 2005, p. 130 n.
1914; Pierre Moor, Droit administratif II, Les actes administratifs et leur
contrôle, 2e éd. 2002, p. 338; Blaise Knapp, Précis de droit administratif, 4e
éd. 1991, p. 270 n. 1271 et p. 272 n. 1282; René Rhinow/Beat Krähenmann,
Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, 1990, n° 45 p. 138
s.; Fritz Gygi, Verwaltungsrecht, 1986, p. 307 ss). Un changement de
jurisprudence peut entraîner une modification des rapports de droit durables
lorsque des intérêts publics particulièrement importants, tels des motifs de
police, sont en jeu (ATF 127 II 306 p. 7a p. 313; 106 Ib 252 consid. 2b p. 256;
Rhinow/Krähenmann,op. cit., p. 140; Gygi, op. cit., p. 310, et les références).
Concrètement, le Tribunal fédéral a considéré - en se fondant cependant d'abord
sur une modification du droit positif - que l'adaptation d'une décision
d'autorisation pour un règlement d'exploitation d'un champ d'aviation en
défaveur de la société d'exploitation était admissible (ATF 127 II 306 consid.
7c p. 315 s.). Il en est allé de même pour le retrait d'un permis de
circulation collectif pour les commerçants de véhicules à moteur en raison
d'une application modifiée, plus sévère et plus pertinente, des conditions
d'autorisation (ATF 106 Ib 252 consid. 2b p. 255 s.).

5.3 Dans la doctrine, la jurisprudence en matière de droit des assurances
sociales citée au consid. 5.1 ci-avant a suscité différentes réactions:
5.3.1 Une majeure partie de la doctrine a cité la jurisprudence sans prendre
position à son égard (Häfelin/Müller/Uhlmann, op. cit., p. 207 s. n. 999;
Tschannen/Zimmerli, op. cit., p. 275 n. 47; Müller, op. cit., p. 110 n. 404;
Moor, op. cit., p. 347; Rüedi, op. cit., p. 9 ss, 23; Meyer-Blaser, op. cit.,
p. 337 ss, 350; Rhinow/Krähenmann, op. cit., p. 140).
5.3.2 Un auteur (Ueli Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der
Sozialversicherung, 1999, p. 302 s., n. 622 et note de bas de page 1729)
approuve la jurisprudence quant aux conditions pour adapter une décision, mais
exige l'introduction d'un délai transitoire approprié lorsque la modification
se fait au détriment de l'assuré. Beatrice Weber-Dürler (Neuere Entwicklungen
des Vertrauensschutzes, ZBl 2002 S. 281 ff., 298) met également cet aspect en
évidence, en indiquant que du point de vue de la protection de la confiance un
délai transitoire adéquat suffit pour justifier que l'augmentation ou la
réduction d'une rente soit admise.
5.3.3 D'autres auteurs ne veulent admettre l'adaptation d'une décision au
détriment de l'assuré que très exceptionnellement, si un intérêt public
prépondérant l'exige; la pesée des intérêts devrait alors se faire de manière
semblable à celle qui est effectuée pour apprécier une application initiale
erronée du droit (Knapp, op. cit., p. 281 s. n. 1344; Rumo-Jungo, op. cit., p.
263 ss, 280). Les adaptations en faveur de l'assuré devraient en revanche être
admises d'emblée (Knapp, op. cit., p. 282 n. 1346; Rumo-Jungo, op. cit., p.
280; de même Müller, op- cit., p. 110 n. 404).
5.3.4 Une partie de la doctrine maintient sa critique selon laquelle une pesée
des intérêts concrète manque dans la jurisprudence en matière de droit des
assurances sociales (ainsi, en particulier, Peter Saladin, Wiedererwägung und
Widerruf formell rechtskräftiger Verfügungen, Die Rechtsprechung des
Eidgenössischen Versicherungsgerichts im Vergleich zur Praxis des
Bundesgerichts in Lausanne, in Mélanges pour le 75e anniversaire du Tribunal
fédéral des assurances, 1992, 113 ss, 130; de manière semblable Ueli Kieser,
Die Abänderung der formell rechtskräftigen Verfügung nach der Rechtsprechung
des EVG, RSAS 1991 p. 132 ss, 141 et les références à la note de bas de page
64). Dans une publication récente consacrée à la problématique ici en cause
(Andreas Brunner/Noah Birkhäuser, Somatoforme Schmerz-störung - Gedanken zur
Rechtsprechung und deren Folgen für die Praxis, insbesondere mit Blick auf die
Rentenrevision, BJM 2007 p. 169 ss, 202), la doctrine reprend les conditions
développées par la jurisprudence, mais exige au-delà de celles-ci une soigneuse
pesée des intérêts entre les intérêts de la collectivité à une application du
droit conforme à l'égalité de traitement et ceux des bénéficiaires de rentes au
maintien des prestations une fois accordées. Dans chaque cas particulier, il y
aurait lieu d'examiner si l'adaptation de la rente est conforme au principe de
la proportionnalité.

5.4 Les aspects liés à la sécurité du droit et - en cas d'adaptation au
détriment de l'assuré - à la confiance dans le maintien de prestations
étatiques une fois accordées peuvent entrer en conflit avec l'intérêt public à
une mise en oeuvre de l'assurance conforme au droit et objectivement
justifiable. La résolution de ce conflit passe par une pesée des intérêts
concernés qui comprend un jugement de valeurs (ATF 115 V 308 consid. 4b p.
316). En fin de compte, la jurisprudence en matière de droit des assurances
sociales repose donc aussi sur une pesée des intérêts (dans ce sens également,
en rapport avec la jurisprudence sur la reconsidération, André Grisel, L'apport
du Tribunal fédéral des assurances au développement du droit public, in
Mélanges Alexandre Berenstein, 1989, p. 437 ss, 449). Dès lors que dans le
droit des assurances sociales, un changement de jurisprudence concerne souvent
un grand nombre de cas, qui présentent en règle générale une constellation
semblable en ce qui concerne les conditions du droit aux prestations, le
principe de l'égalité de traitement des personnes touchées par une éventuelle
adaptation des rentes revêt une importance considérable. De ce point de vue, il
n'apparaît pas justifié de tenir compte dans chaque cas particulier des effets
individuels et concrets d'une adaptation. Ainsi, on ne voit pas d'emblée pour
quelle raison un assuré, qui, confiant dans le fait que la rente est en cours,
a loué un appartement plus cher (exemple donné par Saladin, op. cit., p. 130),
ne devrait pas voir ses prestations réduites, contrairement à un assuré plus
économe. La constellation de départ "typique" dans le droit des assurances
sociales requiert au contraire une solution uniforme pour l'ensemble des
personnes concernées. A cet égard, en cas de suppression ou de réduction de
rentes, où en plus de l'aspect de la sécurité du droit, celui de la confiance
suscitée joue également un rôle, les éléments qui parlent en faveur du maintien
de la prestation prennent en règle générale le pas sur l'égalité de traitement
entre les bénéficiaires d'une rente et les personnes qui viennent juste de
requérir une telle prestation.

Pour justifier une adaptation, il ne suffit pas que la jurisprudence modifiée
ait une portée générale, puisque tel est régulièrement le cas lors des
changements de la jurisprudence fédérale dans le domaine de l'assurance
sociale. Si la condition de la portée générale devait être considérée comme
suffisante, l'application de la nouvelle jurisprudence à des prestations à
caractère durable ayant fait l'objet d'une décision entrée en force
constituerait la règle. Cette conséquence ne pourrait être justifiée du point
de vue matériel. Elle ne correspond pas non plus à la jurisprudence, qui a
souligné le caractère exceptionnel d'une telle adaptation. Pour justifier
celle-ci, en plus de la portée générale de la nouvelle jurisprudence, des
éléments qualifiés doivent être réunis qui laisseraient apparaître la
non-application du changement de la pratique judiciaire à des prestations en
cours comme incompatible avec le principe de l'égalité de traitement. Un tel
élément existe lorsque l'ancienne jurisprudence ne trouve application qu'à un
petit nombre de personnes concernées, de sorte qu'elles apparaissent
privilégiées (ou discriminées), de même que si l'octroi de la prestation ne
peut simplement plus être justifié du point de vue de la nouvelle jurisprudence
(consid. 5.2 supra). Dans son résultat, cette jurisprudence correspond dans une
large mesure à celle des Cours de droit public, laquelle n'admet une
intervention dans un rapport de droit durable en raison d'un changement de
jurisprudence que si des intérêts publics prépondérants sont concernés (consid.
5.2). Il n'y a pas de raison de changer la jurisprudence en matière de droit
des assurances sociales.

6.
Au regard des principes exposés, il reste à examiner si l'arrêt ATF 130 V 352
justifie de réduire ou de supprimer des rentes en cours, qui ont été allouées
par le passé à des assurés souffrant de troubles somatoformes douloureux.
6.1
6.1.1 Le Tribunal fédéral des assurances s'est déjà prononcé dans l'ATF 102 V
165 sur l'effet invalidant d'une atteinte à la santé psychique. Comme il l'a
retenu à l'époque, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait
empêcher en faisant preuve de bonne volonté pour accomplir son travail dans une
mesure suffisante ne sont pas considérées comme déterminantes du point de vue
du droit de l'assurance-invalidité. La mesure de ce qui est nécessaire
(respectivement exigible) doit cependant être déterminée aussi objectivement
que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut,
malgré son atteinte à la santé psychique, exercer une activité que le marché du
travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici
de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas. Pour
admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la
santé psychique, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité
lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu
d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut,
pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou - comme condition
alternative - qu'elle est même insupportable pour la société (ATF 102 V 166
s.).
6.1.2 Au cours d'une évolution débutée dans les années nonante, les troubles
somatoformes douloureux ont nettement pris de l'importance (cf. Kopp/Willi/
Klipstein, Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und sozialen Schwierigkeiten,
Journal suisse de médecine 1997, p. 1380 ss, 1380 s.; Peter Rosatti, De la
sinistrose aux troubles somatoformes, in L'expertise médicale, 2002, p. 81 ss,
86). En tant que tel, le diagnostic correspondant - en particulier aussi celui
de syndrome douloureux somatoforme persistant (CIM-10: F45.4) - ne dit rien
encore quant à la capacité de travail de l'assuré (cf. ATF 130 V 396 consid.
6.2.3 p. 402, et les références). La doctrine psychiatrique en Allemagne a
toutefois développé des critères pour poser un pronostic (Klaus Foerster,
Begutachtung und Erwerbsfähigkeit bei Patienten mit psychogenen Störungen, RSAS
1996 p. 486 ss, 498) et évaluer l'exigibilité de l'exercice d'une activité
lucrative (Klaus Foerster, Psychiatrische Begutachtung im Sozialrecht, in
Venzlaff/Foerster [éd.], Psychiatrische Begutachtung, 3e éd., Münich 2000, p.
509, 511; cf. aussi Kopp/Willi/Klipstein, op. cit., p. 1434 s., avec référence
à l'étude fondamentale de Winckler et Foerster). La doctrine a introduit ces
critères en droit suisse (Hans-Jakob Mosimann, Somatoforme Störungen: Gerichte
und [psychiatrische] Gutachten, RSAS 1999 p. 1 ss et 105 ss) et le Tribunal
fédéral des assurances les a repris par la suite (arrêt I 554/98 du 19 janvier
2000, dont des extraits ont été publiés dans VSI 2000 p. 152 consid. 2c p. 154
s.). Cette jurisprudence, qui ne constitue pas un revirement de fond quant aux
principes posés dans l'ATF 102 V 165, mais une application de ceux-ci au
diagnostic de "troubles somatoformes douloureux", a également été reprise par
la pratique administrative. Dans la Lettre circulaire AI n° 180 du 27 mai 2003
(n. 1018 de la Circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de
l'assurance-invalidité [CIIAI], valable à partir du 1er juillet 2003), l'OFAS a
indiqué que: "les 'douleurs somatoformes', en particulier, n'ont pas de
conséquences pour la capacité de travail si elles ne s'accompagnent pas d'une
comorbidité psychiatrique; dans ces cas, on peut donc raisonnablement exiger un
effort de volonté pour utiliser la capacité de travail. Le plus important est
d'apprécier, sur la base de constatations objectives, si l'incapacité de
travail de la personne assurée est totale ou partielle".
6.1.3 Dans l'arrêt ATF 130 V 352 rendu le 12 mars 2004, le Tribunal fédéral a
également repris les "critères de Foerster" (en se référant à Ulrich
Meyer-Blaser, Arbeitsunfähigkeit [Art. 6 ATSG], in Schaffhauser/Schlauri
[édit.], Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, 2003, p. 27 ss, 80 ss), mais en a
décrit plus précisément la signification et l'application pour l'évaluation du
droit à des prestations de l'assurance-invalidité (cf. en particulier ATF 130 V
352 consid. 2.2.3 p. 354 s.). En particulier, les médecins chargés d'une
expertise et les organes d'application du droit ont été invités à examiner la
capacité de travail dans chaque cas individuel au regard de critères
déterminés, afin de garantir une appréciation de la capacité de travail plus
uniforme et, de ce fait, plus conforme au principe de l'égalité de traitement.
Le regeste publié au Recueil officiel mentionne une précision de la
jurisprudence (ATF 130 V 352). Le point de savoir s'il s'agit effectivement
d'une précision de la jurisprudence ou d'un changement de celle-ci n'a pas à
être résolu, dès lors que l'une ou l'autre qualification n'a pas d'influence
sur le résultat.
6.2
6.2.1 Comme il ressort de l'exposé de jurisprudence ci-dessus, l'arrêt ATF 130
V 352 n'a pas modifié la situation juridique en ce sens qu'une rente était
d'emblée allouée par le passé en cas de diagnostic de troubles somatoformes
douloureux, alors que cela serait désormais exclu. Dans le cas qu'elle avait à
juger, l'instance précédente alors compétente avait nié le caractère invalidant
des troubles somatoformes douloureux (en se fondant sur la jurisprudence
antérieure), de même que les tribunaux cantonaux dans les arrêts ultérieurs
publiés (ATF 130 V 396 et 131 V 49). Le diagnostic de troubles somatoformes
douloureux pouvait conduire - avant comme après l'arrêt ATF 130 V 352 -, tant à
l'admission qu'au rejet du droit à la rente. L'octroi de rentes dans le passé
n'apparaît dès lors ni contraire au droit, ni inapproprié ou encore choquant
dans la perspective actuelle. Aussi, une adaptation des rentes en cours ne se
justifie-t-elle pas du point de vue de la mise en oeuvre de l'assurance
conforme au droit et objectivement justifiable (cf. ATF 115 V 308 consid. 4b p.
316).
6.2.2 Sous l'angle du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.),
une adaptation par le juge s'impose en particulier lorsque les décisions
fondées sur l'ancienne jurisprudence ne valent plus que pour un petit nombre
d'assurés (ATF 129 V 200 consid. 1.2 p. 202; 120 V 128 consid. 3c p. 132; 119 V
410 consid. 3b p. 413; SVR 2001 ALV n° 4 p. 10 consid. 3b [C 222/99]). Tel
n'est pas le cas ici: au regard du fait que le diagnostic de "troubles
somatoformes douloureux" a pris une nette importance depuis le début des années
nonante (consid. 6.1.2 supra), la question de l'adaptation se poserait pour un
grand nombre de rentes en cours. En raison du principe de l'égalité de
traitement, l'administration serait tenue de soumettre tous les cas de ce genre
à un examen, qui ne pourrait se limiter du point de vue de son contenu à
certains aspects limités, mais devrait porter dans chaque cas particulier sur
les critères nuancés dégagés dans l'ATF 130 V 352. Par ailleurs, dans
l'appréciation de l'exigibilité, il y aurait lieu de tenir compte de façon
appropriée du fait que l'intéressé a bénéficié jusque là d'une rente de manière
conforme au droit et de la situation qui en est résulté. A cet égard, la
doctrine exige que soit effectuée une soigneuse pesée des intérêts, sur la base
de laquelle il y aurait lieu d'examiner si une adaptation dans le cas concret
apparaît conforme au principe de la proportionnalité (Brunner/Birkhäuser, op.
cit., p. 202). La discussion porte donc sur l'appréciation d'un grand nombre de
cas, qui supposent un examen étendu et dont le résultat est incertain. Dans ces
circonstances, les conditions strictes, exposées ci-avant (consid. 5.4 supra),
de l'application par le juge d'un changement de jurisprudence à des prestations
en cours qui ont fait l'objet d'une décision entrée en force ne sont pas
réalisées. Cela vaut d'autant plus qu'au vu du principe de "la réadaptation
avant la rente", se pose de surcroît la question de savoir si une éventuelle
suppression de la rente ne devrait pas être assortie d'un programme étendu en
vue de la réadaptation de la personne concernée. Dans une telle constellation,
il appartiendrait au législateur de prévoir l'examen et, le cas échéant,
l'adaptation des rentes en cours - y compris les éventuelles mesures
d'accompagnement - et d'en déterminer les conditions, s'il le jugeait
approprié.

6.3 En résumé, il découle de ce qui précède que la jurisprudence exposée à
l'ATF 130 V 352 ne constitue pas un motif suffisant pour révoquer, au titre
d'une adaptation à un changement des fondements juridiques, des rentes qui ont
été allouées à une époque antérieure par des décisions entrées en force
formelle (voir également, l'ATF 8C_502/2007 de la Ire Cour de droit social du
Tribunal fédéral du 26 mars 2009).

7.
Au regard de la date de la décision litigieuse (du 27 février 2008), il reste
encore à examiner la question - laissée ouverte dans l'ATF 8C_502/2007 du 26
mars 2009 - de savoir si le nouvel al. 2 de l'art. 7 LPGA, entré en vigueur au
1er janvier 2008, justifie une adaptation de la demi-rente en cours de la
recourante. Il s'agit donc de voir si l'art. 7 al. 2 LPGA constitue un titre
juridique pour modifier des rentes en cours qui ont fait l'objet d'une décision
entrée en force; cette question de droit, dont le Tribunal fédéral peut traiter
d'office (art. 106 al. 1 LTF), est soumise à son libre pouvoir d'examen.

7.1 Selon l'art. 7 al. 2 LPGA, seules les conséquences de l'atteinte à la santé
sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain (1ère
phrase). De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas
objectivement surmontable (2ème phrase). Pour l'interprétation de cette
nouvelle disposition, il y a lieu d'appliquer les principes reconnus par la
jurisprudence constante en la matière. D'après celle-ci, la loi s'interprète en
premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un
texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives
permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la
disposition en cause. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle
est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à
considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de
son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa
relation avec d'autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie
aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique
pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde
sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une
solution matériellement juste (ATF 134 I 184 consid. 5.1 p. 193; 134 V 1
consid. 7.2 p. 5; 133 III 497 consid. 4.1 p. 499).

7.2 En ce qu'elle prévoit qu'il ne peut y avoir incapacité de gain que si
celle-ci n'est pas objectivement surmontable, la seconde phrase de l'art. 7 al.
2 LPGA inscrit dans la loi un principe exprimé de longue date par la
jurisprudence quant au caractère objectif de l'appréciation de ce qui peut
encore être exigé de la personne assurée pour surmonter les limitations de sa
capacité de gain entraînées par son atteinte à la santé. En d'autres termes,
pour établir si on peut raisonnablement exiger de l'assuré qu'il surmonte par
ses propres efforts les répercussions négatives de ses problèmes de santé et
exerce une activité lucrative et, partant, réalise un revenu, il faut se placer
d'un point de vue objectif. L'élément déterminant n'est donc pas la perception
subjective de l'intéressé, mais de savoir si on peut objectivement attendre de
lui qu'il surmonte ses limitations et exerce une activité lucrative en dépit de
ses problèmes de santé.

Cet élément - le caractère objectif de l'appréciation de l'exigibilité - a été
formulé à diverses reprises et de manière constante par la jurisprudence.
Ainsi, dans un ATFA 1964 p. 153 (arrêt du 25 août 1964) concernant un cas dans
lequel le diagnostic de "névrose" avait été posé, le Tribunal fédéral des
assurances a jugé que l'assurée aurait pu surmonter sa résistance névrotique à
reprendre une activité si elle avait mis à profit l'effort de volonté
nécessaire et objectivement exigible. Dans l'ATF 102 V 165 (du 11 octobre 1976,
déjà cité [consid. 6.1.1 supra]), il a également indiqué que la mesure de ce
qui est exigible de l'assuré (afin qu'il empêche les diminutions de la capacité
de gain en faisant preuve de bonne volonté) doit être déterminée aussi
objectivement que possible. Ce principe a également été repris dans l'ATF 127 V
294, où le Tribunal fédéral a rappelé que ce qui est déterminant, c'est le
point de savoir si, et le cas échéant, dans quelle mesure, la mise à profit de
sa capacité de travail, compte tenu de ses aptitudes et d'un marché du travail
équilibré, peut être raisonnablement exigée de l'assuré ou est supportable pour
la société, cet examen devant être effectué de manière aussi objective que
possible ("nach einem weit gehend objektivierten Massstab zu erfolgende
Beurteilung"; consid. 4c p. 298). Appliquant ce principe au diagnostic de
"troubles somatoformes douloureux", le Tribunal fédéral a précisé qu'il est
déterminant d'établir de manière objective si l'assuré présente un état
douloureux d'une gravité telle - eu égard aux critères déterminants (consid.
6.1.2 supra) - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du
travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de lui,
compte tenu de sa constitution psychique (ATF 130 V 352 consid. 2.2.4 p. 355,
déjà cité).

7.3 En exprimant l'exigence du caractère objectif de l'examen de ce qui peut
(encore) être exigé de la personne assurée, l'art. 7 al. 2 LPGA n'a pas modifié
la notion d'incapacité de gain, mais inscrit dans la loi un aspect étroitement
lié à celle-ci dont la portée avait déjà été mise en évidence par la
jurisprudence sous l'empire du droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007
(Kieser, ATSG-Kommentar, 2e éd., n° 31 ss ad art. 7 al. 2 LPGA).

Dans la mesure où les explications du Conseil fédéral relatives à cette
disposition laissent entendre le contraire (Message du 22 juin 2005 concernant
la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [5e révision de
l'AI], FF 2005 4215 ss., 4288, ch. 1.6.1.5.4), en parlant d'une "définition
plus étroite, opérée par le législateur, de la notion d'invalidité", elles ne
sont pas déterminantes. D'abord, elles sont contredites par d'autres
déclarations du Conseil fédéral, selon lesquelles les modifications proposées
(de l'art. 7 LPGA) permettent d'inscrire dans le texte de la loi des principes
juridiques essentiels, notamment la jurisprudence relative au principe de
l'exigibilité (FF 2005 4287, ch. 1.6.1.5.4). Elles n'ont, par ailleurs, pas
trouvé leur expression en droit positif, dans le texte légal, ce qui est
cependant une condition pour qu'on puisse y voir des éléments d'interprétation
historique (ATF 114 V 239 consid. 8a p. 250).

L'art. 7 al. 2 LPGA ne correspond donc pas à une modification du droit en tant
que telle, mais à l'inscription dans la loi de la jurisprudence dégagée
jusqu'alors sur la notion d'invalidité (voir aussi, Thomas Locher, Invalidität,
Invaliditätsgrad und Entstehung des Renten-anspruchs nach dem Entwurf zur 5.
IV-Revision, in Medizin und Sozialversicherung im Gespräch, 2006, p. 273 ss.,
p. 293). Par conséquent, cette disposition ne peut pas être considérée comme un
fondement légal pour modifier des rentes qui ont fait l'objet d'une décision
entrée en force.

7.4 On ajoutera que parle également en faveur d'une telle interprétation le
fait que l'introduction de l'art. 7 al. 2 LPGA au 1er janvier 2008 n'a été
accompagnée d'aucune mesure ou disposition transitoire prévue par le
législateur ou l'administration. Au regard des effets qu'aurait entraînés une
norme permettant la limitation ou la suppression de rentes d'invalidité en
cours tant pour les personnes concernées que pour l'administration - laquelle
aurait été confrontée à une mise en oeuvre complexe (par exemple quant au choix
des dossiers, l'appréciation des évaluations médicales, l'examen de la
situation économique et les questions de réadaptation) -, l'absence de toute
mesure d'accompagnement constitue un indice important de l'intention du
législateur de ne pas intervenir sur des prestations en cours.

8.
Il résulte de ce qui précède que le recours est bien fondé, de sorte que le
jugement entrepris et la décision du 27 février 2008 doivent être annulés.

9.
Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés par l'intimé qui
succombe (art. 66 al. 1 en relation avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF). Celui-ci
est par ailleurs tenu de verser à la recourante une indemnité de dépens (art.
68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel du 13 novembre 2008 et la décision de l'Office AI du canton de
Neuchâtel du 27 février 2008 sont annulés.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal administratif, Cour des assurances sociales,
du canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la
procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 1er mai 2009
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless