Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.880/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_880/2008

Arrêt du 14 mai 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
S.________,
recourant, représenté par Me Gilbert Bratschi, avocat,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 15 septembre 2008.

Faits:

A.
A.a S.________ travaillait en qualité de grutier et exerçait une activité
accessoire de nettoyeur. Le 12 avril 1997, il s'est blessé à la cheville droite
en jouant au football. Il a subi une fracture-luxation (type Maisonneuve), une
fracture partielle de la malléole postérieure et une déchirure du ligament
deltoïde, qui ont nécessité une opération le 18 avril suivant (cf. le rapport
opératoire de la doctoresse D.________ du 22 avril 1997).

La Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA), auprès de laquelle il
était assuré, a pris en charge le traitement médical et alloué des indemnités
journalières. Du 22 octobre au 3 décembre 1997, l'assuré a accompli un séjour à
la Clinique X.________ où l'on a constaté qu'il ne serait plus en mesure de
reprendre son ancienne profession. Dans un rapport d'examen final (du 22
septembre 1998), le docteur A.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a
conclu à une capacité de travail résiduelle totale dans une activité en
position assise ou en alternant la position assise et debout avec des
déplacements en terrain plat, sans longues marches, stations debout prolongées
ou utilisation d'échelles; en raison de la persistance de douleurs à l'effort
et d'une réduction de la mobilité, il a évalué le taux de l'atteinte à
l'intégrité à 5 %, correspondant à un début d'arthrose moyenne tibio-tarsienne.

La CNA a alloué une rente, fondée sur une incapacité de gain de 45 %, dès le
1er octobre 1999, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 5 %
(décision du 24 décembre 1999).

Entre-temps, le 10 décembre 1997, S.________ a présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Il a suivi un stage d'observation
professionnelle, puis a été été soumis à une expertise auprès du docteur
U.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, qui a rendu des conclusions
similaires à celles du médecin de la CNA (rapport du 15 avril 1999). Le 14
avril 2000, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (OCAI) a
octroyé à l'assuré un quart de rente, assorti des rentes complémentaires pour
sa famille, avec effet au 1er avril 1998. Après l'échec d'une tentative de
reclassement effectuée au mois de mars 2000, l'OCAI a derechef confirmé le
droit de l'assuré à un quart de rente dès le 1er septembre 2000.
Le 4 novembre 2002, S.________ a débuté une activité à mi-temps comme
magasinier auprès de l'entreprise W.________ SA.
A.b Le 13 février 2004, cet employeur a signalé une rechute de l'accident du 12
avril 1997, en mentionnant une incapacité de travail depuis le 3 octobre 2003.

A l'issue d'un nouvel examen de l'assuré, le docteur A.________ a estimé que
l'état était stabilisé, qu'il n'y avait pas d'aggravation au niveau de la
cheville droite justifiant de modifier l'exigibilité fixée auparavant et qu'en
ce qui concernait des douleurs lombaires, celles-ci n'étaient pas en lien de
causalité avec l'accident du 12 avril 1997 (rapport du 25 mai 2004). Sur cette
base, la CNA a refusé d'allouer des prestations pour les troubles et
l'incapacité de travail annoncés (décision du 3 juin 2004).

S.________ a formé opposition. Au vu des observations de la doctoresse
D.________, qui faisait état d'un syndrome du canal tarsien post-traumatique,
d'une tendinopathie du jambier postérieur ainsi que d'un important valgus de
l'arrière-pied, la CNA a décidé de confier une expertise au docteur E.________.
Ce médecin a conclu que l'assuré présentait une synostose calcanéo-naviculaire
préexistante à l'accident qui s'était passagèrement décompensée par celui-ci;
la capacité de travail résiduelle était restée la même; néanmoins, une reprise
du traitement médical sous forme d'une intervention chirurgicale se justifiait
pour traiter les douleurs à l'arrière-pied (rapport d'expertise du 13 mars 2006
et son complément du 14 août 2007). D'autres avis médicaux ont été versés au
dossier (notamment des docteurs J.________, médecin traitant, et L.________, de
l'Hôpital Y.________). La CNA a écarté l'opposition dans une nouvelle décision
du 14 novembre 2007.

Par décision du 8 décembre 2006, l'OCAI a rejeté une demande de révision de la
rente AI présentée par l'assuré le 29 janvier 2004. Saisi d'un recours, le
Tribunal cantonal genevois des assurances sociales l'a rejeté par jugement du 5
mai 2008 (cause A/283/2007). Par arrêt de ce jour, la Ière Cour de droit social
du Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par S.________ contre ce
jugement (cause 8C_983/2008).

B.
L'assuré a déféré la décision sur opposition de la CNA (du 14 novembre 2007) au
Tribunal cantonal genevois des assurances. En cours de procédure, il a indiqué
qu'il allait se soumettre à une triple-arthrodèse du pied droit le 2 mai 2008
au Centre Z.________.

Après avoir interpellé les docteurs G.________ et R.________, chirurgiens au
Centre Z.________, le tribunal a partiellement admis le recours dans le sens
des considérants et renvoyé la cause à l'assureur-accidents pour nouvelle
décision (jugement du 15 septembre 2008). Il a retenu que la CNA devait prendre
en charge l'opération subie et ses suites sur la capacité de travail de
l'assuré, mais a confirmé le refus de celle-ci d'augmenter la rente
d'invalidité servie.

C.
S.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il requiert l'annulation "en tant qu'il a refusé d'admettre une
aggravation de [son] état de santé dès le 3 octobre 2003". Il demande, sous
suite de dépens, que le Tribunal fédéral statue à nouveau en condamnant la CNA
à lui allouer dès le 3 octobre 2003 une rente LAA de 70 % au moins et confirme
l'obligation de celle-ci de prendre en charge l'intervention du 2 mai 2008.

La CNA conclut au rejet du recours en ce qui concerne l'augmentation de la
rente et s'en rapporte à justice pour le surplus. L'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Dans une procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en
espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état
de fait constaté par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 LTF).

2.
2.1 Le jugement entrepris expose les règles légales et la jurisprudence
pertinentes, concernant en particulier la nécessité d'un rapport de causalité
(naturelle et adéquate) entre un accident assuré et une rechute ou une séquelle
tardive, de sorte qu'on peut y renvoyer.

2.2 En vertu de l'art. 21 al. 3 LAA, en cas de rechute ou de séquelle tardive
d'un accident (cf. art. 11 OLAA), le bénéficiaire d'une rente d'invalidité peut
prétendre, outre la rente, les prestations pour soins et remboursements de
frais (art. 10 à 13); si le gain de l'intéressé diminue pendant cette période,
celui-ci a droit à une indemnité journalière dont le montant est calculé sur la
base du dernier gain réalisé avant le nouveau traitement médical.

2.3 En outre, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une
modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour
l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée
(art. 17 al. 1 LPGA). La rente ne peut plus être révisée après le mois où les
hommes ont accompli leur 65ème année et les femmes leur 62ème année (art. 22
LAA; cf. ATF 134 V 131). Tout changement important des circonstances propre à
influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une
révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est produit
doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment
où la dernière décision après un examen matériel des conditions du droit à la
rente a été rendue et les circonstances au moment de la décision de révision
(ATF 133 V 108, consid. 5.4 p. 114).

3.
En substance, la juridiction cantonale a retenu que l'assuré présentait des
douleurs dues à une décompensation d'une malformation constitutionnelle à
l'arrière-pied droit ainsi qu'à une compression du nerf tibial postérieur,
troubles qui se trouvaient en relation de causalité avec l'accident du 12 avril
1997. Cela étant, il ressortait de la plupart des avis médicaux au dossier que
S.________ avait conservé, nonobstant ces troubles, une capacité de travail
résiduelle entière dans une activité adaptée essentiellement assise. Le
prénommé ne pouvait par conséquent prétendre une augmentation de sa rente
d'invalidité, son taux d'invalidité n'ayant pas subi de changement notable
depuis la décision d'octroi de rente (à l'instar de ce que le Tribunal cantonal
genevois des assurances avait déjà jugé, en date du 5 mai 2008, dans la
procédure parallèle opposant l'assuré à l'OCAI). Cette situation avait
cependant rendu nécessaire l'intervention chirurgicale pratiquée par le docteur
R.________ le 2 mai 2008. La CNA était donc tenue de prendre en charge cette
intervention ainsi que les frais de traitement et l'incapacité de travail de
l'assuré en découlant en vertu de l'art. 21 al. 3 LAA.

4.
Le recourant approuve la solution adoptée par les premiers juges concernant la
prise en charge du nouveau traitement médical qu'il a subi. Il conteste en
revanche leur refus d'augmenter la rente d'invalidité LAA qui lui est versée.
Il s'appuie essentiellement sur l'opinion de la doctoresse D.________, dont il
estime qu'elle apporte tous les éléments établissant que son état de santé
s'est objectivement aggravé depuis l'annonce de la rechute au point de réduire
à néant sa capacité de travail résiduelle.

5.
5.1 Le dossier contient l'avis de nombreux médecins (des docteurs D.________,
J.________, E.________, L.________, R.________ et G.________, A.________ et
I.________ de la CNA). Au vu des différents diagnostics posés ("synostose
calcanéo-naviculaire bilatérale symptomatique à droite", "dysmorphie
congénitale poly-articulaire de l'arrière-pied" ou encore "décompensation de
coalition tarsienne multiple"), on pourrait penser qu'ils ne sont pas d'accord
sur la nature des problèmes médicaux du recourant. Il se laisse néanmoins
déduire de l'ensemble de leurs considérations que S.________ souffre
principalement d'une déformation de l'arrière-pied droit (due à un pied plat
valgus et à une synostose), préexistante à l'accident mais décompensée par
celui-ci, associée à une probable compression du nerf tibial postérieur. Il y a
en revanche une divergence d'opinion en ce qui concerne un éventuel retour au
statu quo ante ou sine entre les docteurs D.________, L.________, G.________ et
R.________, d'une part, et le docteur E.________, d'autre part. L'expert
mandaté par la CNA estime que l'événement accidentel n'a causé qu'une
aggravation passagère de l'affection préexistante, de l'ordre de deux à trois
ans, ce que ses autres confrères réfutent. Il y a lieu de s'en tenir à l'avis
exprimé par la majorité des médecins. Comme l'a relevé de manière convaincante
la doctoresse D.________ notamment, il ne s'expliquerait pas pourquoi
l'évolution défavorable concerne exclusivement le pied droit accidenté de
l'assuré (voir également la position du docteur I.________, de la CNA, pour
lequel cette situation parle plutôt en faveur d'un lien de causalité). C'est ce
à quoi a également abouti la juridiction cantonale, à juste titre.

5.2 La constatation d'une aggravation de l'état de santé du recourant
n'entraîne cependant pas nécessairement une augmentation de sa rente. Comme on
l'a dit plus haut (consid. 2.3), il faut encore que cette modification ait des
répercussions négatives sur sa capacité de gain par rapport aux circonstances
prévalant au moment de l'ouverture de son droit à la rente (le 1er octobre
1999). En l'occurrence, on ne voit pas de motif de s'écarter de l'appréciation
que les premiers juges ont faite des conséquences de la décompensation sur la
capacité de travail résiduelle du recourant. Ils se sont en effet fondés sur
les avis clairement exprimés des docteurs E.________, L.________, G.________ et
R.________, qui vont tous dans le sens d'un maintien de la capacité de travail
résiduelle dans une activité adaptée essentiellement en position assise (voir
leurs rapports respectifs des 13 mars 2006, 16 avril 2007 et 5 décembre 2007).
Par ailleurs, si la doctoresse D.________ accorde une part plus importante aux
plaintes subjectives de l'assuré, elle n'en remet pas pour autant
fondamentalement en cause l'évaluation objective de ces médecins (voir le
procès-verbal d'audience du 9 juillet 2007 dans la procédure parallèle A/283/
2007 versé au dossier). On peut dès lors retenir que cette évaluation reste
dans le cadre de ce qui est raisonnablement exigible de l'assuré en vertu de
son obligation de diminuer le dommage (cf. art. 6 LPGA). Lorsqu'on compare la
capacité de travail restante après l'annonce de la rechute avec l'exigibilité
fixée à l'époque par le docteur A.________ (rapport du 22 septembre 1998) et
qui a servi de base à la rente, on ne constate aucune différence significative
susceptible d'influer sur la perte de gain subie par l'assuré. En effet, au
regard du salaire statistique (Enquête suisse sur la structure des salaires)
pour l'année de référence 2003 (soit 57'806 fr. par an, valeur 2002, après
adaptation à l'évolution des salaires) - dont on peut admettre qu'il recouvre
également des travaux assis -, on doit retenir que S.________ serait toujours
en mesure de réaliser un revenu d'invalide mensuel d'au moins 3'400 fr. à
l'instar de ce que la CNA avait fixé, de manière plutôt généreuse, dans sa
décision initiale de rente. Aussi bien, les conditions d'une révision de
celle-ci ne sont-elles pas remplies et le recourant ne peut-il prétendre une
rente LAA d'un montant supérieur.

5.3 En cours de procédure, les premiers juges ont étendu l'objet du litige à la
question de savoir si l'intimée avait l'obligation d'assumer le nouveau
traitement médical entrepris par le recourant. Ils y ont répondu par
l'affirmative. Il convient de confirmer ce point du jugement entrepris
également. Il ressort en effet des réponses fournies par les docteurs
G.________ et R.________, qu'après la réalisation, au cours de l'année 2007, de
nouvelles infiltrations ayant eu un effet positif sur les douleurs de l'assuré,
une intervention chirurgicale au pied droit sous forme d'une triple arthrodèse
était désormais indiquée et susceptible d'améliorer la situation. L'aggravation
de l'atteinte étant imputable à l'accident du 12 avril 1997 (consid. 5.1
supra), il appartient à la CNA et non pas à l'assureur-maladie de prendre en
charge les frais du traitement et ses suites (cf. art. 21 al. 3 LAA).

5.4 On n'examinera pas, enfin, si le recourant aurait éventuellement pu
prétendre (pour une durée limitée) des indemnités journalières en raison de son
incapacité de travail, attestée médicalement, dans l'activité de magasinier. Le
Tribunal fédéral ne peut en effet aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF).

6.
Dès lors que le recourant succombe dans sa conclusion principale, les frais
judiciaires seront mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 14 mai 2009

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl