Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.878/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_878/2008

Arrêt du 25 juin 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
Office cantonal de l'emploi, rue des glacis-de-Rive 6, 1207 Genève,
recourant,

contre

B.________,
intimée.

Objet
Assurance-chômage,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 23 septembre 2008.

Faits:

A.
B.________, née en 1953, comptable, s'est inscrite au chômage le 1er août 2006.
Fin juin 2007, elle s'est vue proposer par l'Office cantonal genevois de
l'emploi (ci-après : l'office) un emploi temporaire fédéral pour une activité
d'employée de bureau auprès du service X.________ du Département Y.________.
B.________ s'est présentée à l'entretien d'embauche le 3 août suivant.

Dans un courriel du 6 août 2007, M.________, à l'époque cheffe du service
précité, a informé l'office que le résultat de la candidature s'était révélé
négatif à cause du comportement de l'assurée. Elle écrivait notamment ce qui
suit : "Le profil de l'intéressée ne correspond absolument pas au poste mis au
concours, non pas pour ses compétences, [...], mais de par son attitude. Que
dire d'une personne qui se présente d'emblée en précisant qu'elle sera absente
pour des vacances dans les jours qui suivent pour une dizaine de jours, qu'elle
est de toute manière payée par le chômage et qu'un placement ne lui signifie
rien, et - interrogée sur un de ses hobbys figurant sur son CV - répond qu'elle
gère un site internet ... de "films violents"! En deux mots, une personne qui
montre de manière flagrante qu'elle n'a aucune envie de travailler, ni d'être
agréable ou collégiale, et qui a bien l'intention de profiter de prestations
qui lui sont dues sans rien donner en retour. [...] Qui voudrait d'une personne
de si mauvaise augure, si ce n'est peut-être pour faire du travail de
classement solitaire dans une cave, peut-être ... [...]".

Après avoir invité l'assurée à s'exprimer (lettre de réponse du 20 août 2007),
l'office a prononcé à son encontre une suspension du droit à l'indemnité d'une
durée de 20 jours dès le 4 août 2007 (décision du 15 octobre 2007). Saisi d'une
opposition, il l'a écartée dans une nouvelle décision du 19 mars 2008.

B.
B.________ a déféré cette dernière décision au Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales.

Le tribunal a entendu l'assurée ainsi que M.________. Par jugement du 23
septembre 2008, il a admis le recours et annulé les décisions des 15 octobre
2007 et 19 mars 2008.

C.
L'office interjette un recours en matière de droit public, en concluant à
l'annulation du jugement cantonal.

B.________ a renoncé à se déterminer; le Secrétariat d'Etat à l'économie,
également.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le
Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

2.
2.1 Il n'est pas contestable que le poste temporaire au Département Y.________
proposé à B.________ répond aux critères d'un travail convenable. En effet, les
emplois temporaires organisés par des institutions publiques ou privées à but
non lucratif sont en principe réputés convenables, à moins qu'ils ne
conviennent pas à l'âge, à la situation personnelle ou à l'état de santé de
l'assuré (art. 64a al. 2 en corrélation avec l'art. 16 al. 2 let. c LACI). Tel
n'est manifestement pas le cas en l'espèce. En vertu de l'art. 17 al. 3 LACI,
l'intimée avait donc l'obligation de l'accepter.

2.2 Le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi
notamment que celui-ci refuse un travail convenable ou encore compromet ou
empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure du marché du travail
ou la réalisation de son but (cf. art. 30 al. 1 let. d LACI). D'après la
jurisprudence, il y a refus d'une occasion de prendre un travail convenable non
seulement lorsque l'assuré refuse explicitement d'accepter un emploi, mais
aussi lorsqu'il ne déclare pas expressément, lors des pourparlers avec le futur
employeur, accepter l'emploi bien que, selon les circonstances, il aurait pu
faire cette déclaration (ATF 122 V 34 consid. 3b p. 38 et les références; DTA
1986 n° 5 p. 22, consid. 1a).

3.
Pour les premiers juges, il n'était pas établi que l'assurée avait, par son
comportement, découragé l'employeur de l'engager. La cheffe du service
X.________ au Département Y.________ déclarait certes avoir été "choquée" par
les propos et l'attitude de B.________ lors de l'entretien; elle n'avait
cependant fait état d'aucun élément concret laissant supposer un comportement
grossier ou inadéquat de la part de celle-ci. Le ton péjoratif employé dans le
courriel adressé à l'office ainsi que les remarques négatives y figurant
donnaient à penser qu'ils étaient le reflet de considérations purement
subjectives de leur auteur qui, à elles seules, ne pouvaient fonder une mesure
de suspension du droit à l'indemnité de chômage à l'encontre de l'assurée.

4.
4.1 Le déroulement de l'entretien d'embauche du 3 août 2007 relève des faits.
Compte tenu de son pouvoir d'examen restreint (cf. consid. 1 supra), il
n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder à une nouvelle appréciation
des preuves administrées, mais à la partie recourante d'établir en quoi celle
effectuée par la juridiction cantonale est manifestement inexacte - notion qui
correspond à l'arbitraire. L'appréciation des preuves est arbitraire
lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier,
ou contraire au sens de la justice et de l'équité (ATF 134 V 49 consid. 4.3 p.
62, 120 Ia 31 consid. 4b p. 40, 118 Ia 28 consid. 1b p. 30) ou lorsque
l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à
modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se
fondant sur les éléments recueillis, en tire des constatations insoutenables
(ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 127 I 38 consid. 2a p. 41).

4.2 L'office recourant reproche aux premiers juges de s'être uniquement
attachés à examiner le comportement de l'employeur potentiel plutôt que celui
de l'intimée. Or, il ressortait clairement de la réponse de celle-ci (du 20
août 2007) ainsi que de son écriture d'opposition qu'elle ne paraissait pas
vraiment disposée à accepter l'emploi temporaire au Département Y.________ :
elle y mentionnait que cette mesure était inutile pour améliorer son aptitude
au placement et qu'elle était surqualifiée pour le type d'activité proposé. Ces
déclarations montraient un manque de motivation et un désintérêt certain pour
le poste en cause. L'assurée avait vraisemblablement manifesté ce même état
d'esprit au cours de l'entrevue du 3 août 2007, ce qui avait justement choqué
M.________. Bien qu'il n'y ait pas eu un refus explicite de la part de
B.________, il ne faisait pas de doute que celle-ci avait contribué à faire
échouer son engagement, comportement sanctionné par l'art. 30 al. 1 let. d
LACI.

4.3 Les éléments mis en avant par le recourant ne sauraient servir à prouver
que l'assurée a compromis, de manière fautive, son engagement auprès du
Département Y.________. Que l'intimée ait émis après coup, dans le cadre de la
procédure contentieuse, des objections au caractère convenable de l'emploi
temporaire proposé ne dit encore rien sur sa conduite le 3 août 2007 et n'est
pas une circonstance à retenir en sa défaveur, à tout le moins pas en l'absence
d'autres indices allant dans le même sens. En l'occurrence, la juridiction
cantonale n'a pas commis d'arbitraire en considérant que l'échec de l'entrevue
était davantage le résultat d'un mauvais contact lié à la personnalité des deux
intervenantes que d'un comportement répréhensible de l'intimée du point de vue
du droit de l'assurance-chômage. L'employeur potentiel est censé donner des
indications fondées et objectives sur l'attitude adoptée par un assuré à
l'occasion d'un entretien d'embauche. Or, du côté de l'ancienne cheffe du
service, au-delà d'un sentiment général négatif, on peine à tirer un grief
sérieux et précis à l'encontre de B.________, excepté peut-être l'annonce de
ses vacances pour une dizaine de jours au mois d'août 2007, ce qui ne
justifierait pas en soi une sanction. Empreintes de subjectivité et de
jugements de valeur, ses déclarations dans le courriel du 6 août 2007 dénotent
un manque de distance par rapport à la situation et ne peuvent que susciter de
grandes réserves quant à leur contenu. On relèvera également que lors de son
audition du 9 septembre 2008, M.________ a relativisé la dureté de ses propos,
sans pour autant étayer davantage ses reproches, en répétant que l'assurée ne
semblait pas désireuse de travailler et en mettant surtout l'accent sur le fait
que l'intéressée gérait un site de "films violents", ce qui lui avait fortement
déplu. Sur ce dernier point, les premiers juges n'ont pas retenu la version de
l'ancienne cheffe de service mais celle de l'assurée, qui a précisé avoir en
réalité indiqué s'occuper d'un site dédié à la Formule 1. Cela montre que
l'entretien a été émaillé de malentendus qui ont visiblement contribué à
renforcer la mauvaise image que M.________ s'est faite de B.________.
D'importantes contradictions subsistent, enfin, sur la teneur des propos
échangés, ce qui achève de donner l'impression d'une incompréhension réciproque
voire d'une incompatibilité de caractère. Ainsi, si l'on peut concevoir que
l'intimée a pu manifester un enthousiasme modéré à l'égard du poste proposé, il
est hautement vraisemblable que d'autres facteurs aient joué un rôle
déterminant dans la décision de refus d'engagement par l'employeur potentiel.
Le jugement entrepris n'est pas critiquable.

5.
Il n'y a pas lieu de prélever des frais de justice à la charge du recourant,
bien qu'il succombe (art. 66 al. 4 LTF; ATF 133 V 637 consid. 4.5 p. 639).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
ll n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 25 juin 2009
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl