Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.861/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_861/2008

Arrêt du 7 juillet 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
Helsana Assurances SA, avenue de Provence 15, 1007 Lausanne,
recourante,

contre

B.________,
intimé.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour
des affaires de langue française, du 27 août 2008.

Faits:

A.
B.________ travaillait comme conducteur de machines au service de l'entreprise
X.________ & Cie SA. A titre accessoire, il exerçait une activité de nettoyeur
pour le compte de la société Y.________ SA. Dans le cadre de son activité
professionnelle principale, il était assuré contre le risque d'accidents auprès
de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA); il
bénéficiait également d'une assurance pour une indemnité journalière en cas
d'incapacité de travail conclue par son employeur auprès de Helsana Assurances
SA (ci-après : Helsana).

Le 8 septembre 2000, alors qu'il se trouvait sur une pelleteuse à une hauteur
de 1,6 mètres du sol pour en nettoyer les vitres, B.________ a glissé et est
tombé en se réceptionnant sur les pieds; dans sa chute, il a heurté sa tête
(côté gauche) contre un poteau métallique et s'est cassé les lunettes. Il a
continué à travailler jusqu'en janvier 2001, date à partir de laquelle il a
présenté des périodes d'incapacité de travail variables. Dès le 14 janvier
2002, il a cessé toute activité lucrative.

La CNA a pris en charge le cas et versé des prestations jusqu'au 31 août 2006
(décision sur opposition du 5 janvier 2007, confirmée par jugement du 27 août
2008 du Tribunal administratif du canton de Berne). Parallèlement, l'assuré a
présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Par décision du
5 octobre 2007, l'Office AI du canton de Berne a refusé de lui octroyer une
rente, son degré d'invalidité atteignant 38 % (voir également l'arrêt de ce
jour rendu par la Ière Cour de droit social du Tribunal fédéral dans la cause
8C_936/2008 opposant l'assuré à l'office AI précité).
Helsana, de son côté, a alloué des indemnités journalières à partir du 1er
septembre 2006 sur la base d'une incapacité de travail de 100 % attestée par
les médecins traitants de l'assuré, les docteurs R.________ et E.________. Par
la suite, elle a mis en oeuvre deux expertises, l'une auprès du Centre
Z.________ SA, l'autre auprès de l'Institut W.________ (rapports des 3 et 15
avril 2007). Par décision du 30 avril 2007, confirmée sur opposition le 9 août
2007, Helsana a mis un terme au versement de ses prestations avec effet au 1er
août 2007, considérant que l'assuré était en mesure d'exercer à 100 % une
activité appropriée à son état de santé; un délai de trois mois lui était
accordé pour qu'il change de profession.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré contre la décision sur opposition du 9 août 2007
de Helsana, le Tribunal administratif du canton de Berne l'a partiellement
admis. Il a annulé la décision litigieuse et "renvoyé la cause à l'intimée afin
qu'elle procède au calcul des indemnités journalières partielles auxquels le
recourant a droit dès le 1er août 2007, au sens des considérants, et au
versement de celles-ci".

C.
Helsana interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. Elle conclut implicitement à la confirmation de
sa décision sur opposition.

B.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a
renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée est une décision incidente de renvoi qui peut, en
l'espèce, faire l'objet d'un recours séparé (ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483).

2.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF).

3.
Il ressort du jugement entrepris que les conditions générales de Helsana
applicables au contrat prévoient le versement d'une indemnité journalière à
partir d'une incapacité de travail d'au moins de 25 %.

Le degré de l'incapacité de travail doit être fixé sur la base de la profession
exercée jusqu'alors, aussi longtemps qu'on ne peut raisonnablement exiger de
l'assuré qu'il mette à profit sa capacité de travail résiduelle dans une autre
branche professionnelle (obligation de diminuer le dommage; cf. ATF 129 V 460
consid. 4.2 p. 463, 114 V 281 consid. 1d p. 283; voir également l'art. 6,
deuxième phrase, LPGA). Si une activité de substitution est exigible, un laps
de temps suffisant compris entre trois et cinq mois doit alors être imparti à
l'assuré pour lui permettre de retrouver un emploi adapté à son état de santé
(SJ 2000 II consid. 2b p. 440). A l'issue de ce délai, le droit à l'indemnité
journalière dépend de l'existence d'une perte de gain éventuelle imputable au
risque assuré. Celle-ci se détermine par la différence entre le revenu qui
pourrait être obtenu sans la survenance de l'éventualité assurée dans la
profession exercée jusqu'ici et le revenu qui est obtenu ou pourrait
raisonnablement être réalisé dans la nouvelle profession (ATF 114 V 281 consid.
3c in fine p. 286). La perte de gain chiffrée en pour cent donne ainsi le taux
de l'incapacité de travail résiduelle.

4.
Il n'est plus contesté qu'il est désormais raisonnablement exigible de
B.________ - incapable de travailler dans sa profession de machiniste - qu'il
exerce, à plein temps et sans diminution de rendement, une activité adaptée
légère. Quant au caractère suffisant du délai de trois mois accordé par Helsana
(du 1er mai au 31 juillet 2007), il n'est pas discutable au vu de la
jurisprudence précitée (voir consid. 2 supra). Est uniquement litigieux le
point de savoir si la recourante était fondée à considérer qu'à partir du 1er
août 2007, l'assuré subirait une perte de gain inférieure à 25 % dans une
activité de substitution.

5.
Pour déterminer l'existence d'une éventuelle perte de gain, les juges cantonaux
ont procédé à une comparaison des revenus comme pour la méthode ordinaire
d'évaluation de l'invalidité en matière d'assurance-invalidité, mais sans tenir
compte du salaire de l'activité accessoire de nettoyeur que gagnait l'assuré,
ce revenu n'étant pas assuré auprès de Helsana. Bien qu'ils aient précisé qu'il
convenait en principe de se placer au moment de la suppression du droit pour
effectuer le calcul - soit l'année 2007 -, les juges cantonaux ont appliqué les
valeurs afférentes à l'année 2006 parce que "les données statistiques pour 2007
[n'étaient] pas encore disponibles". En 2006, le revenu sans atteinte à la
santé de B.________ était de 67'730 fr.; quant au revenu réalisable dans une
activité adaptée, il s'élevait à 50'317 fr., après une réduction du salaire
statistique de 15 %. Il en résultait une perte de gain de 25,7 %, ce qui
n'autorisait pas Helsana à supprimer entièrement les indemnités journalières.

6.
Helsana fait valoir que les données statistiques nécessaires pour évaluer la
perte de gain de l'assuré au moment déterminant étaient tout à fait
disponibles. Il suffisait d'adapter les chiffres de la tabelle de l'Enquête
suisse sur la structure des salaires de l'année 2006 à l'évolution des salaires
nominaux pour 2007 (en l'occurrence : 1,6 %). Elle soutient également
l'abattement de 15 % du salaire statistique est trop important et ne respecte
pas la jurisprudence applicable en la matière. Force était ainsi de constater
que B.________ subissait une perte de gain, respectivement une incapacité de
travail au sens de ses conditions générales, inférieure à 25 %, étant précisé
que le salaire que le prénommé aurait pu percevoir auprès de son ancien
employeur en 2006 (soit 67'730 fr.) serait resté inchangé en 2007.

7.
7.1 C'est à bon droit que la juridiction cantonale a appliqué par analogie la
méthode générale de la comparaison des revenus dès lors qu'il faut évaluer une
incapacité de gain (cf. consid. 2 supra). Par ailleurs, l'année déterminante
pour ce faire est effectivement 2007 puisque c'est sur cette année-là que porte
l'examen du droit aux prestations de l'intimé. Cela étant, on doit donner
raison à la recourante lorsqu'elle soutient que cette comparaison des revenus
peut et doit se faire avec les chiffres valables pour l'année 2007. Lorsque
l'Enquête suisse sur la structure des salaires fait défaut pour l'année de
référence en cause (sa périodicité est de tous les deux ans), on peut se baser
sur l'indice suisse des salaires nominaux qui est publié chaque année. En
l'occurrence, la variation par rapport à l'année 2006 est de 1,6 % à l'instar
de ce qu'a mentionné la recourante, ce qui donne un revenu annuel réalisable
dans l'activité de substitution de 60'144 fr. au lieu de 59'197 fr. comme l'ont
retenu les premiers juges.

7.2 En ce qui concerne l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un
cas concret, il s'agit d'une question typique relevant du pouvoir
d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance
uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de
manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ou négatif de son
pouvoir d'appréciation ou a abusé de celui-ci (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p.
399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180). Pour B.________, la juridiction cantonale
a fixé cet abattement à 15 % en prenant appui sur la décision de l'Office AI du
canton de Berne. S'il est vrai, comme argumente la recourante, que l'assuré est
en dessous du seuil à partir duquel le Tribunal fédéral parle d'un âge avancé
et que ses limitations fonctionnelles sont toutes relatives, d'autres facteurs
sont présents et susceptibles d'avoir une influence sur son revenu. Ainsi, la
juridiction cantonale a cité à juste titre la nationalité et les nombreuses
années de service auprès du même employeur. Le résultat auquel ils sont
parvenus n'apparaît donc pas insoutenable.

7.3 Quant au revenu sans atteinte à la santé, on peut s'en tenir au montant de
67'730 fr., l'intimé n'ayant pas contesté les affirmations de la recourante sur
ce point. La perte de gain de B.________ s'élève tout juste à 25 % (le taux de
24,52 % devant être arrondi au pour cent supérieur conformément à la
jurisprudence; cf. ATF 130 V 121 consid. 3.2 p. 122). Le jugement attaqué n'est
dès lors pas critiquable en son résultat.

Le recours doit être rejeté.

8.
Vu l'issue du litige, les frais de justice sont mis à la charge du recourant
(art. 66 al. 1 LTF). L'intimé a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 750 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 1'800 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral
de la santé publique.

Lucerne, le 7 juillet 2009

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl