Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.858/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_858/2008

Arrêt du 14 août 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffier: M. Métral.

Parties
T.________,
représentée par Me Bernard Delaloye, avocat,
recourante,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal valaisan du 17 septembre 2008.

Faits:

A.
R.________, né en 1939, a été victime d'un grave accident professionnel le 1er
juillet 1983. Il a notamment subi un traumatisme cranio-cérébral avec commotion
et contusion cérébrale, une fracture temporo-pariétale gauche, une fracture de
la base du crâne, un hématome épi- et sous-dural gauche, un fracas facial, une
fracture des apophyses transverses L1 à L4 droites, une fracture des côtes et
une luxation du genou gauche (triade interne). Il a été opéré et hospitalisé
aux soins intensifs du Centre U.________. Après quatre semaines, une
complication est survenue avec une hémorragie intra-cérébrale fronto-basale
gauche sur rupture d'un pseudo-anévrisme. Le 1er novembre 1983, R.________ a
été transféré au service de physiatrie du Centre U.________, où il est resté
hospitalisé jusqu'au 1er avril 1985. La Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA) a notamment pris en charge les soins médicaux et alloué
des indemnités journalières.

A sa sortie du Centre U.________, R.________ a résidé au Foyer X.________.
Entre autres affections, il présentait un hémi-syndrome sensitivo-moteur droit,
avec une plégie totale du membre supérieur droit et une parésie du membre
inférieur droit, ainsi qu'une aphasie globale sévère et des troubles du
caractère. En raison de l'état général du patient, les médecins avaient renoncé
à une plastie ligamentaire du genou gauche, malgré une instabilité très gênante
pour la rééducation à la marche; une attelle permettait de réduire quelque peu
ces difficultés.

Le 19 mars 1987, les docteurs G.________ et F.________, médecins au Service de
neurologie du Centre U.________, ont établi un rapport d'expertise à la demande
de la CNA. Ils ont posé les diagnostics de syndrome psycho-organique grave,
hémi-syndrome sensitivo-moteur droit important, hémianopsie droite et atrophie
optique gauche associées à d'autres lésions neurologiques périphériques
décrites directement et secondairement à un traumatisme cranio-cérébral avec
fracas facial, contusion et hémorragie cérébrale hémisphérique gauche en 1983,
épilepsie post-traumatique probable et pentade au genou gauche. Les experts
observaient que l'assuré était partiellement anosognosique et qu'en l'absence
de surveillance, il se levait avec des risques importants de chutes, parfois
graves. Il avait besoin d'une aide pour tous les actes quotidiens et ne se
déplaçait généralement seul qu'en chaise roulante. A la suite de cette
expertise, la CNA a alloué à l'assuré une rente d'invalidité dès le 1er mai
1987, ainsi qu'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 100 %.

Dès le 1er septembre 1996, R.________ a quitté le foyer X.________ et a
bénéficié d'une prise en charge journalière par le home Z.________,. Il
rentrait le soir à son domicile, où son épouse, T.________, assumait
l'assistance nécessaire.

Le 15 février 2006, l'assuré a été traité à l'Hôpital W.________ en raison
d'une baisse de l'état général sur infection urinaire. Il a ensuite été
transféré, le jour même, à la Clinique A.________ pour suite de soins et «
décharge familiale ». ll y a séjourné jusqu'au 10 mars 2006. D'après le rapport
de sortie du 20 mars 2006 établi par les docteurs D.________ et de M.________,
il présentait également une anémie normocytaire normochrome hyporégénérative,
une hémiplégie droite à la suite de l'accident subi en 1983 avec syndrome
frontal, un diabète de type II non insulino-dépendant et une haute tension
artérielle. Du 17 mai au 3 juin 2006, R.________ a subi une nouvelle
hospitalisation à la Clinique A.________, à la suite d'une chute avec douleurs
au flanc droit et hématurie. Outre les diagnostics posés précédemment par les
docteurs D.________ et de M.________, le rapport de sortie établi le 13 juin
2006 fait état d'une colite segmentaire de bas sigmoïde avec rectorragies en
avril 2006 et de troubles chroniques de la crase.

Le 27 novembre 2007, R.________ est décédé pendant son sommeil, à son domicile.
Le Centre V.________ a informé la CNA en lui faisant parvenir un extrait d'acte
de décès, par courrier du 5 décembre 2006. Entendue le 11 janvier 2007,
T.________ a exposé à l'assureur-accidents que le médecin traitant de son
époux, le docteur S.________, était venu constater le décès, accompagné
notamment d'un médecin légiste. Aucune autopsie n'avait été demandée. Son mari
était devenu de plus en plus faible; il chutait souvent, avait pris du poids et
avait été sujet à des infections urinaires et des poumons à répétition. Selon
elle, l'ancien accident subi par son époux avait joué un rôle dans le décès.

Par lettre du 17 janvier 2007 à la CNA, le docteur S.________ a exposé qu'il ne
pouvait pas déterminer précisément la cause du décès. Il ajoutait que celui-ci
était survenu dans un contexte de chute à répétition, de sorte qu'un accident
vasculo-cérébral ou un hématome cérébral pouvaient en être responsables.
Le 22 janvier 2007, le docteur H.________, médecin d'arrondissement de la CNA,
a considéré qu'en l'absence d'autopsie ou de diagnostic précis concernant la
cause du décès, il n'était pas possible d'imputer ce décès à l'accident, ni
d'exclure formellement un tel lien de causalité. La survenance d'un accident
vasculo-cérébral ou d'un hématome cérébral à la suite d'une chute constituait
une hypothèse qui restait « au niveau du possible », en l'état du dossier.

Se fondant sur cet avis médical, la CNA a nié le droit de T.________ a des
prestations de l'assurance-accidents, au motif que le lien de causalité entre
le décès de son époux et l'accident subi le 22 août 1983 n'était pas établi
(décision du 23 janvier 2007). Elle a maintenu ce refus de prester par décision
sur opposition du 18 juillet 2007, en se référant à un nouvel avis médical
établi par le docteur H.________ le 4 avril 2007. Celui-ci s'est notamment
déterminé sur une lettre du 9 févier 2007 du docteur S.________, produite à
l'appui de l'opposition.

B.
Par jugement du 17 septembre 2008, le Tribunal cantonal valaisan a rejeté le
recours de T.________ contre la décision sur opposition du 18 juillet 2007.

C.
T.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement.
En substance, elle en demande la réforme en ce sens que l'intimée soit
condamnée à lui verser une rente de survivante, avec effet rétroactif au jour
du décès de son époux, sous suite de frais et dépens. Par ordonnance du 16
décembre 2008, le Tribunal fédéral a rejeté, faute d'indigence, la demande
d'assistance judiciaire qu'elle a déposée simultanément au recours.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante au paiement, par l'intimée, d'une
rente de survivante. Le Tribunal fédéral n'est donc pas lié par les faits
constatés par la juridiction cantonale (art. 105 al. 3 LTF).

2.
2.1 A l'appui de son recours, T.________ a produit un nouveau rapport médical
établi par le docteur S.________ le 3 octobre 2008, ainsi qu'une carte
d'inventaire des médicaments prescrits à R.________. Cette carte démontrerait,
selon elle, l'absence de péjoration, peu avant le décès, des atteintes
maladives dont il souffrait.

2.2 Aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne
peut être présenté dans un recours au Tribunal fédéral, à moins de résulter de
la décision de l'autorité précédente. Cette règle s'applique également lorsque
la procédure porte sur des prestations en espèces de l'assurance-accidents ou
de l'assurance militaire, nonobstant le pouvoir d'examen relativement étendu
dont dispose le Tribunal fédéral dans ce type de litige (ATF 135 V 194). En
l'occurrence, les nouveaux documents produits par la recourante ne résultent
pas du jugement entrepris, au sens de l'art. 99 al. 1 LTF, et ne peuvent donc
pas être pris en considération.

3.
Selon l'article 28 LAA, lorsque l'assuré décède des suites de l'accident, le
conjoint survivant et les enfants ont droit à des rentes de survivants. Il
n'est pas déterminant que le décès survienne immédiatement après l'accident ou
plus tard (par exemple en cas de maladie professionnelle). Mais il doit exister
entre l'accident et le décès un lien de causalité naturelle et adéquate.
L'exigence d'un lien de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu
d'admettre que, sans l'événement accidentel, le dommage ne se serait pas
produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est
pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique et immédiate
du décès; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé
éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué le décès, c'est-à-dire qu'il
se présente comme la condition sine qua non de celui-ci. Savoir si l'événement
assuré et le décès sont liés par un rapport de causalité naturelle est une
question de fait que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se
fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit
être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance
prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans
l'assurance sociale (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p.
406, 119 V 335 consid. 1 p. 337).

4.
La recourante reproche aux premiers juges de n'avoir pas tenu pour établie
l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre l'accident du 1er juillet
1983 et le décès de son époux. Elle soutient qu'une expertise sur ce point
aurait été nécessaire et se réfère à la lettre du 9 février 2007 du docteur
S.________, dans laquelle celui-ci précise que R.________ chutait fréquemment
en raison des séquelles de l'accident. Une prise pondérale, que l'on pouvait
attribuer avec un bon rapport de vraisemblance aux séquelles du traumatisme,
ainsi que l'âge et l'apparition d'un diabète aggravaient la situation. Toujours
selon le docteur S.________, il fallait envisager, dans ce contexte, un décès
dû à un hématome cérébral, à la suite d'une chute. La recourante allègue que
divers témoins, que les premiers juges ont renoncé à entendre, auraient pu
établir la fréquence des chutes dont son époux était victime, et notamment la
survenance d'une chute la veille de son décès. Enfin, la recourante soutient
que R.________ était en parfait santé avant l'accident du 1er juillet 1983, qui
l'a affaibli, handicapé et a appauvri durablement sa vitalité. Elle en conclu
que sans l'accident, son époux « aurait pu et dû vivre longtemps », de sorte
l'événement assuré est la cause certaine de son décès prématuré, à l'âge de 67
ans.

5.
En ce qui concerne le refus, par les premiers juges, d'administrer divers
moyens de preuve proposés (expertise et témoignages), la recourante n'invoque
pas une violation du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Il
n'y a donc pas lieu d'examiner son argumentation sous l'angle de cette garantie
formelle (cf. art. 106 al. 2 LTF). Le grief soulevé par la recourante se
confond, en réalité, avec celui de constatation inexacte ou incomplète des
faits (art. 97 al. 2 LTF) et sera donc examiné avec le fond du litige.

6.
6.1 L'argumentation de la recourante relative à l'absence d'atteinte
particulière à la santé de R.________ avant son accident, à son affaiblissement
général ensuite de cet événement ainsi qu'à son décès à 67 ans, « âge qui n'est
pas nécessairement celui où l'on doit mourir si l'on est en bonne santé »,
porte sur la probable diminution de l'espérance de vie de R.________ en raison
de l'accident subi en 1983. Or, la diminution de l'espérance de vie d'un
assuré, en raison d'un accident, ne permet pas de conclure à un rapport de
causalité naturelle entre cet événement et le décès lorsque ce dernier survient
effectivement, vingt ans plus tard, sans que l'on en connaisse plus précisément
la cause directe. Il convient bien plutôt d'établir l'affection qui a
immédiatement causé le décès, avant d'envisager une chaîne causale de
l'accident à cette affection.

6.2 Le docteur S.________ a évoqué, comme une explication plausible du décès de
R.________, la survenance d'un accident vasculo-cérébral ou d'un hématome
cérébral, à la suite d'une chute. Sans écarter catégoriquement cette
éventualité, le docteur H.________ a rappelé que l'époux de la recourante ne
souffrait pas uniquement d'atteintes à la santé séquellaires à l'accident, mais
qu'il présentait des comorbidités importantes, d'origine maladive. Selon le
docteur H.________, ces atteintes à la santé ont probablement joué un rôle dans
la baisse de l'état général qui a précédé le décès, auquel elles ont ainsi
contribué de manière prépondérante (rapport du 4 avril 2007). Au regard de cet
avis médical, la survenance d'un accident vasculo-cérébral ou d'un hématome
cérébral ne constitue qu'une cause possible du décès de R.________, mais n'est
pas plus vraisemblable que d'autres causes envisageables de ce décès. Il n'en
va pas différemment si l'on prend en considération les allégations de la
recourante concernant une chute de son époux la veille de son décès et qui
accréditent selon elle la thèse d'un hématome cérébral. Cette circonstance, en
admettant qu'elle soit démontrée, ne constitue qu'un indice trop ténu d'un
décès dû à un hématome cérébral. En réalité, on ignore de quoi exactement est
décédé R.________, et les documents médicaux figurant au dossier ne permettent
pas de tenir pour établie une hypothèse plutôt qu'une autre, au degré de la
vraisemblance prépondérante. Le docteur S.________ indique d'ailleurs lui-même,
par les termes utilisés dans sa lettre du 9 février 2007 et le choix du
conditionnel (« ce contexte de nombreuses chutes [...] pourrait avoir
occasionné un hématome cérébral responsable [du décès] »), que la survenance
d'un accident vasculo-cérébral ou d'un hématome cérébral à la suite d'une chute
ne constitue qu'une hypothèse, qui n'a pas été vérifiée par autopsie.

6.3 Compte tenu de ce qui précède, l'absence au dossier de témoignages
permettant d'établir plus précisément la fréquence des chutes dont R.________
était victime, ainsi que la survenance d'une chute la veille de son décès,
n'est pas déterminante pour l'issue du litige. Par ailleurs, le refus des
premiers juges d'ordonner une expertise médicale ne prête pas flanc à la
critique. En l'absence d'un rapport d'autopsie, l'expert désigné en aurait été
réduit lui aussi, selon toute vraisemblance, à des conjectures sur les causes
du décès, sans pouvoir démontrer que l'une des hypothèses envisageables devrait
être privilégiée par rapport aux autres.

7.
A défaut de lien de causalité naturelle, établi au degré de la vraisemblance
prépondérante, entre le décès et l'accident assuré, la recourante ne peut
prétendre le paiement d'une rente de survivante par l'intimée. Ses conclusions
sont donc rejetées, sous suite de frais (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal valaisan et à
l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 14 août 2009

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Ursprung Métral