Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.827/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_827/2008

Arrêt du 4 août 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
C.________,
représenté par Me Michel De Palma, avocat,
recourant,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement
du Tribunal cantonal valaisan
du 29 août 2008.

Faits:

A.
Le 5 janvier 2006, C.________, né en 1958, a subi un accident de la
circulation; il était accompagné de son amie qui avait pris place dans sa
voiture comme passagère. Alors qu'il s'était arrêté à un feu de signalisation
qui passait en phase jaune clignotante, un car postal qui arrivait derrière lui
n'a pas pu freiner à temps et a percuté son véhicule. Le prénommé a
immédiatement ressenti de fortes douleurs à la nuque irradiant dans les
épaules. Il a été amené à l'Hôpital X.________ par la mère de son amie, arrivée
peu après sur les lieux de l'accident. Il a quitté l'établissement hospitalier
le jour même après que des radiographies n'eurent révélé aucune lésion osseuse,
le diagnostic posé étant un traumatisme de type "whiplash" (voir le rapport
d'entrée de l'hôpital). Peu après, C.________ s'est également plaint de maux de
tête accompagnés de nausées, ainsi que de troubles de la mémoire.
Temporairement au chômage au moment de la survenance de l'accident, l'intéressé
était assuré par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA), qui a pris en charge le cas.
Du 27 au 30 mars 2006, l'assuré a accompli un séjour à la Clinique Y.________.
Dans leurs conclusions (du 12 avril 2006), les médecins de cet établissement
ont estimé qu'une reprise du travail était possible, la symptomatologie
comportant exclusivement des aspects subjectifs; plusieurs facteurs étaient
néanmoins susceptibles de rendre cette reprise plus difficile (intensité des
douleurs malgré les traitements entrepris, traits de personnalité du registre
paranoïde, contexte socio-professionnel). Le docteur D.________, médecin
traitant de l'assuré a attesté d'une capacité de travail complète dès le 1er
mai 2006. C.________ s'est alors adressé aux docteurs W.________ et V.________
qui l'ont remis en incapacité de travail totale; ce dernier médecin suggérait
un traitement multi-disciplinaire en raison du risque de chronification des
douleurs et d'un état psychique fragile (rapport du 3 juillet 2006). L'assuré a
été examiné le 28 août 2006 par le docteur P.________, médecin d'arrondissement
de la CNA, et le 31 octobre 2006 par le docteur A.________, médecin-conseil
psychiatre de la CNA. Ce psychiatre a diagnostiqué un trouble psychotique avec
des éléments de type paranoïde en relation de causalité naturelle avec
l'accident assuré (appréciation psychiatrique du 31 octobre 2006). Sur le plan
neurologique, il n'y avait pas d'anomalie significative (rapport du docteur
N.________ du 3 janvier 2007).
Par décision du 31 janvier 2007, la CNA a mis un terme à ses prestations (prise
en charge des frais médicaux et indemnité journalière), au motif qu'il n'y
avait plus de séquelles organiques liées à l'accident et que les troubles
psychiques existants n'étaient pas non plus en relation de causalité adéquate
avec celui-ci. Saisi d'une opposition, l'assureur-accidents l'a écartée dans
une nouvelle décision du 16 mars 2007.

B.
Par jugement du 29 août 2008, la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal valaisan a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur
opposition de la CNA (du 16 mars 2007).

C.
C.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il requiert l'annulation. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à ce
que la CNA soit condamnée à prendre en charge ses frais médicaux et sa perte de
gain postérieurement au 31 janvier 2007, à lui verser une rente d'invalidité
dont le montant devra être fixé une fois son état de santé stabilisé, et enfin,
à lui allouer une indemnité pour atteinte à l'intégrité après examen
complémentaire du dossier. Il a également déposé une demande d'assistance
judiciaire tendant à la libération de l'obligation d'avancer les frais de
justice.
La CNA conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral de la santé
publique n'a pas présenté de détermination.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'intimée était fondée, par sa
décision sur opposition du 16 mars 2007, à supprimer le droit du recourant aux
prestations de l'assurance-accidents au-delà du 31 janvier 2007.

2.
Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en
espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état
de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 LTF). On ajoutera
cependant que selon une jurisprudence récente (ATF 135 V 194), l'art. 99 al. 1
LTF, aux termes duquel aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut plus être
présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente, est
applicable même dans une procédure où le pouvoir d'examen n'est pas limité. Il
n'y a donc pas lieu de prendre en considération les rapports du docteur
V.________ et du Service de consultation psychiatrique produits à l'appui du
recours qui, bien que datés antérieurement au jugement attaqué (soit
respectivement du 4 juin et 12 juin 2008), n'ont pas été versés au dossier
cantonal.

3.
3.1 Il est constant que le recourant, qui a subi un traumatisme cervical de
type "coup du lapin" lors de l'accident du 5 janvier 2006, ne présente aucun
déficit organique objectivable consécutif à celui-ci (voir le rapport
d'évaluation de la Clinique Y.________ du 12 avril 2006 ainsi que le
compte-rendu de l'examen neurologique effectué par le docteur N.________ du 3
janvier 2007). Il n'est par ailleurs pas contesté que C.________ souffre d'une
décompensation psychotique entraînant une incapacité de travail totale et que
cette atteinte psychique est en relation de causalité naturelle avec
l'événement assuré (voir le rapport du docteur A.________ du 31 octobre 2006).
Il ressort également du dossier médical que l'assuré se plaint encore de
douleurs périodiques à la nuque et de maux de tête (sans cause organique
avérée); en revanche, les nausées et les fourmillements dans les mains signalés
initialement ont disparu (voir les rapports respectifs des docteurs P.________
et W.________, des 29 août 2006 et 3 avril 2007).

3.2 Dans sa décision sur opposition, la CNA a estimé que la situation médicale
de l'assuré devait être appréhendée à l'aune des principes applicables en cas
de troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 115 V 133). Le tableau
clinique typique d'un traumatisme cervical (cervicalgies, maux de tête diffus)
développé par C.________ dans les suites immédiates de l'accident avait en
effet été relégué à l'arrière-plan par la présence d'une importante atteinte
psychique, ce qui justifiait un examen du lien de causalité adéquate en faisant
la distinction entre les composantes physiques et psychiques. La juridiction
cantonale, quant à elle, a fait application de la jurisprudence en cas
d'accident de type «coup du lapin» avec les précisions apportées par l'ATF 134
V 109. Les instances administrative et judiciaire ont toutes deux retenu que
l'accident du 5 janvier 2006 entrait dans la catégorie des accidents de gravité
moyenne.

3.3 Il convient en l'occurrence de suivre le point de vue de
l'assureur-accidents. En avril 2006, les médecins de la Clinique Y.________
étaient d'avis qu'il n'y avait pas de contre-indication, sur le plan somatique,
à ce que l'assuré tente une reprise du travail; au plan psychique, le docteur
F.________ avait nié l'existence d'un trouble atteignant le seuil diagnostic
tout en relevant des traits de la personnalité du registre paranoïde. Peu de
temps après, soit en mai 2006 selon les indications fournies par les docteurs
V.________ et W.________, l'assuré présente tous les signes d'une
décompensation psychotique grave et manifeste (voir leurs rapports respectifs
des 2 et 3 avril 2007 produits en instance cantonale), atteinte qui s'est vue
confirmée par les psychiatres A.________ (de la CNA) et B.________ (médecin
traitant). Cette symptomatologie psychotique a été jugée suffisamment sérieuse
pour causer à elle seule une incapacité de travail totale et rendre un suivi
psychiatrique ainsi que la prescription d'un traitement de type neuroleptique
nécessaires. Cette situation ne s'est pas stabilisée malgré les traitements
entrepris et perdure encore actuellement. Bien que les plaintes liées au
traumatisme cervical ne se soient pas complètement résorbées, on peut retenir,
à l'instar de l'intimée, que la problématique psychique dont souffre C.________
constitue une atteinte distincte de ce traumatisme et qu'elle a pris une
importance prédominante (voir également les observations faites par le docteur
P.________ à teneur desquelles les plaintes spontanées de l'assuré concernent
avant tout les symptômes liés à la décompensation psychotique - insomnies,
hallucinations, palpitations, angoisses - tandis que les douleurs cervicales ne
sont évoquées que lorsque l'intéressé a été spécifiquement interrogé sur ce
point). Dans un tel cas de figure, c'est la jurisprudence de l'ATF 115 V 133
qui doit s'appliquer (cf. RAMA 2001 n° U 412 p. 79 consid. 2b [U 96/00]; cf.
également ATF 134 V 109 consid. 9.5 p. 125 sv.; arrêts 8C_957/2008 du 1er mai
2009, consid. 4.2, 8C_124/2007 du 20 mai 2008, consid. 3.2, et 8C_591/2007 du
14 mai 2008 consid. 3.1).

4.
4.1 La jurisprudence a posé plusieurs critères en vue de juger du caractère
adéquat du lien de causalité entre un accident et des troubles d'ordre
psychique développés ensuite par la victime. Elle a tout d'abord classé les
accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents
insignifiants ou de peu de gravité (par exemple une chute banale), les
accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Cette classification
s'opère en fonction du déroulement de l'accident lui-même et non pas de la
manière dont le choc traumatique est ressenti et assumé (ATF 115 V 133 consid.
6 p. 138).

4.2 Selon le rapport de police, le véhicule du recourant a été percuté à
l'arrière par un car postal alors qu'il était à l'arrêt à un feu de
signalisation. Le conducteur du car était apparemment parti de l'idée que la
voiture devant lui allait encore passer au feu jaune clignotant au lieu de
stopper; malgré un freinage d'urgence, il n'est pas arrivé à s'arrêter à temps.
Après la collision, la voiture et le car postal se sont trouvés à une distance
respectivement de 15 mètres et de 5 mètres de la ligne d'arrêt du feu. Selon le
recourant, il s'est agi d'un accident grave ou à tout le moins à la limite des
accidents graves vu notamment l'importance du choc qu'il a enduré : le relevé
du tachygraphe du car postal indiquait une vitesse de 61 km/h au moment de
l'impact. Cela n'est toutefois pas démontré. Seule une expertise du tachygraphe
permettrait de connaître la modification de vitesse (delta-v) subie par le
véhicule de l'assuré. En tout état de cause, l'allégation apparaît douteuse
dans la mesure où le relevé contient des fluctuations de vitesse et qu'il est
par ailleurs établi que le car postal a procédé à un freinage d'urgence (la
police a relevé des traces de freinage jusqu'à 5 mètres 80 sur la chaussée). Il
reste que le choc a dû être sensiblement plus fort que celui résultant de
simples collisions avec une voiture à l'arrêt généralement classées à la limite
inférieure des accidents de gravité moyenne (voir par exemple RAMA 2005 n° U
549 p. 236, U 380/04, et 2003 n° U 489 p. 357, U 193/01). Il y a lieu, comme
l'ont retenu à juste titre les premiers juges, de qualifier l'accident de
circulation du 5 janvier 2006 comme étant de gravité moyenne. Aucune autre
circonstance particulière n'est en effet à relever. Le recourant n'a pas perdu
connaissance, ni subi de lésion grave et a quitté l'hôpital le jour même de
l'accident à l'issue des examens de contrôle. En conséquence, on saurait
admettre le caractère adéquat du trouble psychique que si l'un des critères
déterminants s'est manifesté de manière particulièrement marquante pour
l'accident, ou si les circonstances à prendre en considération se trouvent soit
cumulées, soit réunies d'une façon frappante (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p.
140, 403 consid. 5c/aa p. 409).

4.3 En l'espèce, l'accident de circulation a été relativement impressionnant,
mais il n'a pas été entouré de circonstances particulièrement dramatiques. Il
n'a pas non plus causé de lésion physique sérieuse (ni fracture cervicale, ni
déficit neurologique). Quant à la durée du traitement médical, on ne saurait
prendre en compte les thérapies psychiatriques auxquelles s'est soumis le
recourant du moment que le lien de causalité adéquate doit être examiné en
excluant les aspects psychiques. Or, sur le plan strictement somatique, le
traitement médical prescrit s'est limité à une médication antalgique, une
injection et quelques séances de physiothérapie d'ailleurs rapidement
interrompues par l'assuré. En outre, il n'y pas eu d'erreur ou de complications
particulières dans ce suivi médical. En ce qui concerne la durée de
l'incapacité de travail causée par les seules séquelles physiques du
traumatisme cervical, elle ne saurait être considérée comme importante. En
effet, selon les médecins de la Clinique Y.________ et le docteur D.________,
elles ne constituaient plus, à partir du mois de mai 2006, un obstacle à une
tentative de reprise du travail. Le fait que C.________ n'a rien tenté dans ce
sens doit également être mis en relation avec d'autres éléments que l'accident
lui-même (notamment son environnement socio-professionnel) comme l'ont souligné
à plusieurs reprises les docteurs W.________ et V.________. Peu de temps après,
l'assuré a clairement développé une sévère décompensation psychotique qui a
prédominé le tableau clinique et qui l'a définitivement empêché de reprendre
toute activité professionnelle. Dans ce contexte, on ne peut pas admettre que
le critère de la persistance des douleurs soit réalisé. Finalement, un seul des
critères semble rempli si l'on tient compte de l'effet assez impressionnant de
la collision avec un car, et il n'a pas revêtu une intensité particulière. Cela
ne suffit pas pour retenir que l'accident de circulation du 5 janvier 2005 est
la cause adéquate des troubles psychiques dont souffre le recourant, de sorte
que l'intimée n'a pas à en prendre en charge les suites.

5.
Vu ce qui précède, le recourant voit ses conclusions rejetées et ne peut
prétendre de dépens (art. 68 al. 1 LTF). Il a déposé une demande d'assistance
judiciaire en vue d'être dispensé d'avancer les frais de justice. Dès lors que
le recours n'était pas dénué de chance de succès et que le recourant a établi
son indigence (art. 64 al. 1 LTF), il convient d'accepter cette requête. Le
recourant est toutefois rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la caisse
du Tribunal s'il se trouve ultérieurement en mesure de le faire (art. 64 al. 4
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.
Ils sont toutefois supportés provisoirement par la caisse du Tribunal.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales
du Tribunal cantonal valaisan et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 4 août 2009
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl