Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.563/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_563/2008

Arrêt du 6 juillet 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mmes les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger, Frésard, Niquille et Maillard.
Greffier: M. Métral.

Parties
M.________,
représenté par Me Christian Bruchez, avocat,
recourant,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents (maladie professionnelle, rente d'invalidité),

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève du 29 mai 2008.

Faits:

A.
A.a M.________, né en 1951, a travaillé comme manoeuvre dans le bâtiment dès
l'âge de 14 ans, d'abord au Portugal, puis en Suisse, dès 1986. Il a notamment
travaillé comme maçon pour l'entreprise X.________, à partir du 1er octobre
1998. Le 24 mai 2002, cette société a informé la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (ci-après : CNA) du fait que M.________
souffrait d'allergies diverses touchant les mains, les bras, le front et les
jambes. La doctoresse H.________, spécialiste en dermatologie, a mis en
évidence une double pathologie, soit une forte allergie à pratiquement tous les
produits que l'intéressé touchait pendant son travail de maçon et une
surinfection à Trichophyton rubrum. Le patient était alors en arrêt de travail
et le médecin a exprimé l'avis qu'il ne pourrait plus travailler dans la
branche du bâtiment (rapport du 9 avril 2002). Dans un rapport ultérieur, ce
médecin a diagnostiqué une dermite de contact en raison d'une forte
sensibilisation à la colophane, au thiuram-mix, à l'éthylène diamine, au
Quaternium 15 et au formaldéhyde, soit des produits rencontrés pendant le
travail. Le traitement, par stéroïdes locales, s'était terminé le 13 mai 2005.
Il subsistait une incapacité de travail entière dans la profession de maçon
pour une durée « indéfinie ».

A partir du 27 mai 2002, l'assuré a été suivi par son médecin traitant
habituel, le docteur S.________. En août 2002, il a subi une opération en
raison d'une hernie inguinale. Le 27 septembre 2002, il a été examiné par le
docteur T.________, spécialiste FMH en médecine du travail. Selon les
constatations de ce médecin, les lésions, au demeurant discrètes, se limitaient
alors aux plantes et aux faces latérales internes des deux pieds. Des
investigations étaient nécessaires pour en déterminer l'origine.
A.b Le 28 mars 2003, la CNA a informé l'assuré qu'elle prendrait en charge les
suites de l'affection dermatologique depuis son annonce en 2002 (c'est-à-dire
dès le 4 mars 2002) jusqu'au 14 août 2002. L'incapacité de travail qui
perdurait depuis le 15 août 2002, consécutive à l'opération de la hernie
inguinale, était étrangère à la maladie professionnelle et ne donnait pas droit
aux prestations en cas de maladie professionnelle.

Le 9 avril 2003, la CNA a déclaré l'assuré inapte à tous les travaux au contact
du ciment, des composés du chrome, de la colophane et des additifs de
caoutchouc, avec effet rétroactif au 15 août 2002.
A.c Le 21 mai 2003, l'assuré a de nouveau été examiné par le docteur
T.________. Ce médecin a constaté que l'eczéma de contact allergique pris en
charge comme maladie professionnelle n'était pas encore guéri, car il
subsistait des lésions chroniques fluctuantes au niveau des mains et des pieds.
Il a préconisé un suivi dermatologique. Il a noté, par ailleurs, que des
troubles musculo-squelettiques avaient fait leur apparition au cours de
l'automne 2002, alors que l'intéressé se trouvait en arrêt de travail depuis le
mois de mars précédent et sans aucun phénomène déclenchant identifiable. Ces
dernières pathologies n'avaient cependant pas de rapport démontré avec
l'activité professionnelle de l'assuré. Malgré la persistance des lésions
d'eczéma décrites, l'état cutané était néanmoins stabilisé, ce qui aurait
permis la mise en oeuvre de mesures de réadaptation. Cependant, les pathologies
musculo-squelettiques faisaient principalement, sinon exclusivement, obstacle à
la mise en oeuvre de pareilles mesures.

Le patient a de nouveau été adressé à la doctoresse H.________, qui a noté,
dans un rapport du 16 juin 2003, que le status des mains était satisfaisant; il
restait des lésions eczématiformes sur certains endroits, mais peu étendues et
bien contrôlées.
A.d L'assuré a suivi un stage d'observation professionnelle dans un Centre
d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité du 1er septembre 2003
au 28 septembre 2003. Par la suite, le docteur C.________ a établi une
expertise à l'intention de l'Office de l'assurance-invalidité (rapport du 18
février 2005). L'expert a posé le diagnostic d'eczéma allergique de contact, de
spondylarthrite ankylosante et de ruptures partielles du tendon du sus-épineux
droit et du sus-scapulaire, avec conflit acromio-sous-acromial. Il a attesté
une totale incapacité de travail et a écarté l'éventualité de mesures de
réadaptation professionnelle en raison des limitations physiques, cutanées et
ostéoarticulaires du patient. Le 3 novembre 2005, l'Office de
l'assurance-invalidité a alloué à l'assuré une rente entière, fondée sur une
incapacité de gain de 100 pour cent, à partir du 1er mars 2003.
A.e A la demande de la CNA, l'assuré a encore été examiné à l'Hôpital
Y.________. Dans un rapport du 24 mars 2006, le docteur P.________, médecin
consultant, a constaté l'absence de lésions cutanées au niveau des mains, du
corps, des coudes, des genoux, du tronc et des plis. En revanche, le patient
présentait un eczéma du visage, bénin et sans rapport avec l'eczéma
professionnel, ainsi qu'un eczéma plantaire. A la suite de tests
complémentaires, le docteur T.________ a estimé que la dermatose des pieds
n'était pas la conséquence de l'eczéma de contact assuré comme maladie
professionnelle par la CNA (rapport du 11 juillet 2006).

Par décision du 19 janvier 2007, confirmée par décision sur opposition du 31
juillet suivant, la CNA a signifié à l'assuré son refus de lui allouer des
prestations supplémentaires. Selon elle, l'eczéma des pieds et la dermite
faciale ne relevaient pas d'une maladie professionnelle. Quant à l'eczéma des
mains, il avait complètement disparu depuis le début de l'année 2005, de sorte
que l'assuré aurait pu reprendre une activité en évitant les allergènes, ainsi
que tout travail en milieu humide avec des irritants. Il ne subsistait donc pas
de séquelles invalidantes des troubles dermatologiques assurés. Il ne restait
qu'une prédisposition à une maladie et non une maladie professionnelle
proprement dite. Par conséquent, le droit à une rente d'invalidité n'était pas
ouvert. Au demeurant, même si l'on admettait l'existence d'une atteinte à la
santé assurée, celle-ci n'aurait pas empêché l'intéressé de réaliser un revenu
sensiblement égal à celui qu'il aurait pu obtenir en qualité de maçon. La
maladie professionnelle n'était pas propre à entraîner une perte de gain.

B.
Par jugement du 29 mai 2008, le Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève a rejeté un recours formé par l'assuré contre la décision sur
opposition de la CNA.

C.
M.________ interjette un recours en matière de droit public dans lequel il
conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la CNA
pour détermination de son taux d'invalidité et fixation du montant de la rente
d'invalidité à laquelle il prétend. La CNA conclut au rejet du recours.
L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité de
l'intimée.

2.
Selon l'art. 9 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art.
3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l'exercice de
l'activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux; le
Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces
travaux et des affections qu'ils provoquent (al. 1). Sont aussi réputées
maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu'elles ont
été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l'exercice
de l'activité professionnelle (al. 2). Sauf disposition contraire, la maladie
professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle
s'est déclarée; une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la
personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement
médical ou est incapable de travailler au sens de l'art. 6 LPGA (al. 3).

D'autre part, selon l'art. 18 al. 1 LAA, si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA)
à 10 pour cent au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente
d'invalidité.

3.
3.1 Il n'est pas contesté que l'eczéma facial et plantaire dont souffre le
recourant n'est pas une séquelle tardive de la maladie professionnelle. Cette
affection n'engage pas la responsabilité de la CNA, pas plus d'ailleurs que les
troubles musculo-squelettiques. Il n'y a pas lieu de revenir sur ce point.

3.2 En ce qui concerne l'eczéma de contact aux mains, l'intimée a nié le droit
à une rente de l'assurance-accidents au motif qu'une simple allergie ne pouvait
pas, comme telle, constituer une maladie professionnelle ouvrant droit à une
rente de l'assurance-accidents, une fois disparus les symptômes après la
cessation de l'exposition à la substance allergène. En l'occurrence, ces
symptômes ont disparu et abstraction faite d'autres atteintes à la santé
d'origine non professionnelle, l'assuré pourrait reprendre une activité
professionnelle pour autant qu'il évite le contact avec les produits auxquels
il est sensibilisé.

4.
4.1
4.1.1 L'argumentation de l'intimée remonte à une jurisprudence relativement
ancienne, dans laquelle le Tribunal fédéral des assurances avait opéré une
distinction entre les maladies professionnelles qui sont encore actives dans
l'organisme (par exemple la silicose) et celles qui, à la suite d'un
traitement, n'occasionnent plus de troubles physiques ou d'atteinte à la santé,
du moins en l'absence de l'agent provocateur ou allergisant (par ex. l'asthme
ou l'eczéma). Les premières ouvraient le droit à une rente si elles
entraînaient un changement d'activité impliquant une diminution de revenu; pour
la silicose, un état pathologique était reconnu même si la maladie n'était pas
« active » ou ne se manifestait pas par certains symptômes (voir ATFA 1967 p.
199). Pour les secondes, on considérait qu'elles résultaient d'une
prédisposition qui n'était elle-même pas une maladie professionnelle assurée.
Seules étaient assurées les poussées provoquées par le contact avec les
substances déclenchantes. La perte de gain qui en résultait ne justifiait pas
l'octroi d'indemnités journalières durant les périodes intermédiaires entre
deux poussées ni l'allocation d'une rente en cas de reclassement dans une
activité moins bien rémunérée (ATFA 1952 p. 5; 1958 p. 147; 1967 p. 1999 et
arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 16/69 du 20 novembre 1969, résumé
dans le rapport annuel de la CNA 1969 p. 22 sous let. f; sur cette pratique,
voir : ALFRED MAURER, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen
Unfallversicherung, 2ème éd., Berne 1963, p. 213 sv. et n. 41a p. 214;
ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Rechtssprechung des Bundesgerichts zum
Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 3ème éd.,
p. 84).
4.1.2 Par la suite, la jurisprudence a admis, implicitement tout au moins,
qu'un changement d'activité nécessité par un eczéma d'origine professionnelle
pouvait dans certains cas fonder le droit à une rente d'invalidité si ce
changement entraînait une perte de gain (arrêt U 19/88 du 24 octobre 1988).
Dans le même sens, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'apparition
de crises d'asthme causée par la profession et due à une allergie aux
isocyanates devait être considérée comme une maladie professionnelle. L'assuré
qui doit changer de profession à la suite d'une maladie de ce type et qui
encourt de ce fait une diminution de revenu peut prétendre une rente
d'invalidité de la LAA (arrêt U 145/97 du 29 janvier 1999, in Plädoyer 2001 p.
53).

4.2 Lorsqu'elles font état d'une allergie ou d'une hypersensibilité à une
substance nocive, ou encore d'une « prédisposition », et qu'elles en discutent
la prise en charge par l'assurance-accidents, les différentes jurisprudences
mentionnées ci-avant ne précisent pas toujours si cette allergie ou
hypersensibilité à une substance nocive a elle-même été provoquée,
exclusivement ou de manière prépondérante, par l'exercice de l'activité
professionnelle. A cet égard, une clarification est nécessaire. Plus
précisément, il convient de distinguer deux éventualités.
D'une part, une hypersensibilité à un ou plusieurs agents provocateurs qui
subsiste après rémission d'une maladie professionnelle doit être distinguée
d'une simple prédisposition. Une telle sensibilisation représente une
modification de l'état de santé après un contact antigène et donc un état
pathologique (PETER OMLIN, Die Invalidität in der obligatorischen
Unfallversicherung: Mit besonderer Berücksichtigung der älteren
Arbeitnehmerinnen und Arbeitnehmer, thèse, Fribourg 1995, 2ème éd. 1999, p.
54). Si cette sensibilisation est due exclusivement ou de manière prépondérante
à l'exposition à des substances nocives sur le lieu du travail, elle constitue,
comme telle, une maladie professionnelle. Dans ce sens, l'asthme bronchique
professionnel - pour lequel les farines et les isocyanates représentent des
facteurs causals importants - fait partie des maladies professionnelles
reconnues au même titre par exemple que la pneumoconiose; il implique souvent
un changement de profession indispensable pour interdire tout contact avec le
facteur déclenchant (voir MARTIN RÜEGGER, Berufsasthma und Befeuchterlunge, in
Primary Care, 5/2005, p. 793 ss; P. VOGT/M. RÜEGGER, Berufsbedingte Krankheiten
der Atemwege, in Swiss Medical Forum, 2002 p. 647 ss, plus spécialement p.
650). Si l'existence d'une maladie professionnelle est reconnue dans une telle
situation, l'assurance-accidents doit allouer les prestations légales, et donc
aussi une rente en cas de perte de gain consécutive à un changement de
profession.

D'autre part, si au delà d'une simple poussée de symptômes, l'allergie ou
l'hypersensibilité à une substance nocive n'est pas due à l'exercice de
l'activité professionnelle assurée, de manière exclusive ou prépondérante, elle
ne peut pas être considérée, comme telle, comme une maladie professionnelle,
les conditions de l'art. 9 al. 1 LAA n'étant pas réunies. Seule peut alors
entrer en considération la prise en charge de la poussée de symptômes provoquée
par l'exposition professionnelle à la substance déclenchante, jusqu'à rémission
(cf. consid. 4.1.1 supra).

4.3 Le recourant a travaillé comme manoeuvre dans le bâtiment pendant de
nombreuses années, sans éprouver de symptômes allergiques, avant d'entrer au
service d'une entreprise assurée par l'intimée. Il est donc peu vraisemblable
que le contact aux substances nocives lors de l'activité professionnelle n'ait
fait qu'activer une hypersensibilité préexistante. Il est par ailleurs établi
que le recourant souffre, aux mains, d'un eczéma de contact à des substances
nocives auxquelles il a été exposé dans son activité professionnelle. Cet
eczéma est lié au contact du ciment, avec une sensibilisation au bichromate de
potassium (rapport du docteur T.________ du 1er octobre 2002). On peut donc
admettre que le recourant a bien été sensibilisé, par l'exercice de son
activité professionnelle, à des substances nocives au contact desquelles il ne
peut plus travailler. L'intimée ne l'a du reste jamais contesté, mais a nié la
persistance d'une maladie professionnelle au motif que les symptômes apparus
après l'exposition aux substances nocives sur le lieu de travail avaient par la
suite disparus. Or, comme on l'a vu (consid. 4.2 ci-avant), la seule
disparition des symptômes ne permet pas de nier la persistance d'une maladie
professionnelle, lorsqu'un assuré est devenu hypersensible ou allergique à une
substance en raison de l'exercice de son activité professionnelle.

5.
5.1 Les premiers juges considèrent que, malgré la décision de la CNA qui l'a
déclaré inapte dès le 15 août 2002 à des travaux en contact avec certains
agents, le recourant n'a pas été obligé de changer de profession. En effet, dès
cette date, il était incapable de travailler, en raison d'abord d'une hernie
inguinale jusqu'au 15 septembre 2002, puis en raison de troubles
musculo-squelettiques. Cette incapacité est devenue définitive. Par conséquent,
dès le moment où l'incapacité de travail liée à la maladie professionnelle a
pris fin, le recourant n'a pas pu reprendre une activité professionnelle en
raison de troubles qui n'engagent pas la responsabilité de la CNA. Partant, il
n'a jamais eu à subir ni pratiquement, ni abstraitement, une diminution de
salaire en raison de son affection dermatologique. Ce n'est pas en raison d'une
maladie professionnelle qu'il subit une perte de gain. Il n'y a dès lors pas
lieu, concluent les premiers juges, d'examiner si le revenu que l'assuré
pourrait obtenir dans une activité le mettant à l'abri de toute manifestation
dermatologique est ou non inférieur au gain qu'il obtiendrait dans sa
profession antérieure de maçon.

5.2 Le recourant soutient pour sa part que son incapacité de travail liée à sa
maladie professionnelle est antérieure à l'incapacité de travail pour les
troubles qui ne relèvent pas de la responsabilité de l'intimée. Son incapacité
de travail, qui a entraîné son invalidité, est en partie imputable à la maladie
professionnelle. Il estime avoir droit à une rente calculée en fonction de la
différence entre le revenu qu'il réalisait comme maçon et le revenu dans une
activité théoriquement adaptée compte tenu des limitations liées à la maladie
professionnelle.

5.3 Le raisonnement des premiers juges fait implicitement appel à la notion de
causalité dépassée ou dépassante. Cette notion vise des situations où un
dommage aurait pu être causé par un certain fait, mais résulte en réalité
d'autres circonstances (arrêt 8C_630/2007 du 10 mars 2008 consid. 5.2; arrêt
5C.125/2003 du 31 octobre 2003 consid. 3.3, in SJ 2004 I p. 407). En d'autres
termes, elle vise le cas où un premier fait est susceptible d'entraîner un
certain dommage, mais où ce dommage est causé par un second fait avant que le
premier ne le fasse; le premier est dans ce sens « dépassé » par le second. La
causalité dépassée crée simplement le risque d'un préjudice, mais pas un
préjudice réel (voir FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Les causes du dommages, in Les
causes du dommage, 2007, p. 75 sv.; THOMAS PROBST, La causalité aujourd'hui,
ibidem, p. 18; FRANZ WERRO, La responsabilité civile, 2005, no 181 ss). Ce
n'est pas l'enchaînement chronologique des événements qui est à lui seul
déterminant, mais la survenance du dommage, en l'occurrence la survenance d'une
invalidité ouvrant droit à la rente (arrêt U 357/04 du 22 septembre 2005
consid. 2.4, in RAMA 2006 no U 570 p. 74; OMLIN, op. cit. p. 147; pour un cas
de causalité dépassante, comparer avec l'arrêt 8C_630/2007, précité, dans
lequel le traitement médical des suites d'un accident professionnel n'était pas
terminé au moment où l'assuré a été victime d'une embolie pulmonaire et d'un
infarctus).

5.4 En l'espèce, on n'est pas en présence d'un cas de causalité dépassante. Dès
que la maladie professionnelle s'est déclarée, il est apparu d'emblée que
l'assuré ne pourrait plus exercer sa profession de maçon. La doctoresse
H.________ indiquait que le traitement était terminé le 13 mai 2002 déjà et que
l'incapacité de travail dans cette profession serait totale pour une durée «
indéfinie ». A la suite de son examen du 27 septembre 2002, le docteur
T.________ notait que les lésions se limitaient alors aux faces latérales
internes des deux pieds, avec une prédominance à gauche (soit des affections
dermatologiques sans rapport avec la maladie professionnelle). En ce qui
concerne les troubles musculo-squelettiques, le docteur S.________ notait en
janvier 2003 que des lombalgies étaient apparues en septembre 2002. Dans un
précédent rapport, du 20 novembre 2002, à l'intention de l'Office de
l'assurance-invalidité, ce même médecin indiquait plus précisément, s'agissant
de l'eczéma, que le pronostic était « excellent » en dehors de l'allergène.
Hormis cette affection, le patient se trouvait en « parfaite santé », sous
réserve d'un début de lombarthrose se manifestant par des douleurs à la charge
et cliniquement par une rigidité lombaire. Un recyclage dans une profession
manuelle s'avérait « incontournable ». On peut déduire de ces renseignements
médicaux que l'état de santé du recourant, lié à la maladie professionnelle,
s'il nécessitait encore un suivi dermatologique, s'est assez rapidement
stabilisé en l'absence de tout contact avec des facteurs causals. A fin 2002 en
tout cas, il n'y avait plus lieu d'attendre une sensible amélioration de l'état
de santé du recourant pour ce qui est des conséquences de l'affection assurée.
Un droit potentiel à une rente de la CNA aurait déjà pu prendre naissance au
cours de cette même année (art. 19 al. 1 LAA; ATF 134 V 109 consid. 4.3 p.
115), soit à une époque où, à dire de médecin, l'affection lombaire
n'entraînait pas encore une incapacité notable de travail. Le fait que
l'intéressé est devenu par la suite totalement incapable de travailler,
notamment pour des problèmes de dos, ne libère donc pas l'assureur-accidents de
sa responsabilité (cf. OMLIN, op. cit, p. 146 sv.).

5.5 Au demeurant, ce n'est pas en raison seulement de son état ostéoarticulaire
que l'assurance-invalidité a reconnu à l'assuré un taux d'incapacité de gain de
100 pour cent. Aux limitations liées aux troubles musculo-squelettiques se sont
ajoutées - certes dans une moindre mesure - les limitations liées au problème
allergologique (pas de contact avec nombre de substances ni activités dans un
milieu humide; rapport du docteur C.________). C'est en définitive la
conjugaison de ces deux types de limitations qui réduisait à néant toute
possibilité pour l'assuré de reprendre une quelconque activité. On est donc en
présence de deux causes partielles - sans corrélation entre elles - qui ont
contribué à l'invalidité totale. Dans un tel cas de figure, les suites de
l'accident (ou de la maladie professionnelle) doivent être assumées par
l'assureur-accidents pour la part du dommage imputable à l'atteinte à la santé
assurée (ATF 126 V 116 consid. 3a p. 117; arrêt U 357/04 cité consid. 2.2).

5.6 Il est vrai que la survenance (subséquente) de l'incapacité de travail
consécutive aux troubles musculo-squelettiques empêchait toute mesure de
reclassement de l'assuré dans un milieu libre de tout agent déclenchant. On est
cependant fondé à considérer qu'un changement de profession n'aurait de toute
façon pas permis à l'intéressé de réaliser un salaire équivalent à celui qu'il
aurait obtenu en tant que maçon. Selon les indications fournies par son
ex-employeur, l'assuré aurait gagné en 2002 un salaire horaire de 27 fr. 30,
pour 2226 heures de travail (y compris les vacances et les ponts compensés)
plus 8,3 pour cent au titre de 13ème salaire. Cela donne un gain annuel de
65'813 fr. Le recourant était alors âgé de 51 ans. Il était sans formation et
avait un faible niveau d'expression, surtout en français (rapport du docteur
C.________). Selon les observations faites au COPAI, ses chances de
réadaptation - indépendamment de son état de santé - étaient considérées comme
faibles (mauvaise image de soi, aucune vision de l'avenir sous un angle
professionnel, adaptation faible à la nouveauté). Compte tenu de ces éléments,
le recourant n'aurait vraisemblablement pu retrouver qu'un emploi sans
qualification pour des tâches simples et répétitives. D'après l'Enquête suisse
sur la structure des salaires (ESS) 2002, le salaire mensuel brut (valeur
centrale) des hommes exerçant une activité non qualifiée dans le secteur privé
était de 4'557 fr. pour un horaire hebdomadaire de 40 heures. Pour un horaire
de 41,7 heures (voir La Vie économique 12/2005, tableau B 9.2 p. 94), cela
correspond à 4'750 fr. par mois, soit 57'000 fr. par an. C'est un montant de
cet ordre que l'assuré, reclassé au mieux, aurait pu réaliser si des facteurs
étrangers à l'affection assurée n'avaient pas entraîné une incapacité de
travail. Il apparaît donc que la perte de gain est supérieure à 10 pour cent.

6.
En conclusion, la CNA doit assumer la perte de gain résultant du changement de
profession qu'impliquait l'interdiction pour le recourant de tout contact avec
les substances allergènes. Il convient, en conséquence, de lui renvoyer la
cause pour qu'elle calcule le taux d'invalidité et fixe le montant de la rente
à laquelle il a droit.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales du 29 mai 2008, ainsi que la décision sur opposition du 31 juillet
2007, sont annulés, la cause étant renvoyée à la CNA pour nouvelle décision au
sens des motifs.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de dépens de 2'800 fr. pour la
procédure fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Genève est invité à statuer sur les
dépens de la procédure cantonale en regard de l'issue du litige.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé
publique.

Lucerne, le 6 juillet 2009
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Ursprung Métral