Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.398/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_398/2008

Arrêt du 28 août 2008
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,

Widmer et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
G.________,
recourant, représenté par Me Sandrine Osojnak, avocate, rue du Lion d'Or 2,
1003 Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 18
janvier 2008.

Faits:

A.
G.________ travaille au service de la société X.________ et est assuré, à ce
titre, auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accident (CNA) contre le
risque d'accidents.

Par déclaration de sinistre LAA du 27 juin 2007, l'employeur a informé la que
l'assuré s'était cassé une dent le 26 mai 2007 en mangeant un atriau qui
"contenait un corps étranger". La CNA a soumis à ce dernier un questionnaire. A
la question de savoir s'il avait "mordu sur quelque chose de particulier (corps
dur)-", G.________ a répondu : "Oui, il y avait un petit bout dur à
l'intérieur, comme de la pierre. Ce n'était pas un os, mais un petit bout dur".
Il a également indiqué avoir vu le corps dur.

Par décision du 24 juillet 2007, la CNA a refusé de prendre en charge le
traitement prévu pour la lésion dentaire. Elle a motivé sa décision par le fait
que l'assuré n'avait pas pu identifier la nature de l'objet dur, si bien qu'il
n'était pas prouvé qu'une cause extérieure extraordinaire avait été à l'origine
de cette lésion. L'assuré s'y est opposé en déclarant qu'il avait "mangé un
atriau à l'intérieur duquel se trouvait une pierre" et qu'il avait des témoins
pouvant en attester. Dans une nouvelle décision du 22 août 2007,
l'assureur-accidents a confirmé sa prise de position initiale et écarté
l'opposition.

B.
G.________ a recouru devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud contre
cette décision. Il a produit le fragment sur lequel il affirme avoir mordu.

Après avoir entendu les témoignages de C.________ et de M.________,
respectivement mère de l'assuré et partenaire de la grand-mère de celui-ci, le
tribunal a rejeté le recours (jugement du 18 janvier 2008).

C.
G.________ interjette un recours en matière de droit public et un recours
constitutionnel subsidiaire. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation du jugement cantonal et à la prise en charge, par la CNA, des
frais de traitement relatif à l'événement du 26 mai 2007; subisidiairement, au
renvoi de la cause au tribunal pour instruction et nouveau jugement.

La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours étant recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 ss
LTF), le recours constitutionnel subsidiaire est en l'espèce exclu (art. 113
LTF).

2.
Le litige porte sur la prise en charge d'un traitement dentaire, soit une
prestation en nature de l'assurance-accidents (cf. art. 15 LPGA), de sorte que
le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par la juridiction
précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon
manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art.
105 al. 2 LTF).

3.
Le jugement entrepris expose correctement la notion d'accident (art. 4 LPGA),
ainsi que les conditions auxquelles la jurisprudence admet le caractère
accidentel d'un dommage dentaire à la suite d'un acte de mastication normal
(notamment RAMA 2006 no U 572 p. 84 consid. 3, arrêt U 367/04). Il suffit d'y
renvoyer.

4.
Le recourant reproche en substance à la juridiction cantonale d'avoir commis
une appréciation arbitraire des preuves en considérant qu'il n'avait pas rendu
plausible que son atteinte dentaire avait été causée par un caillou.

5.
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement
insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou contraire au sens de la
justice et de l'équité (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40, 118 Ia 28 consid. 1b p.
30) ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un
élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de
celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des constatations
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 127 I 38 consid. 2a p. 41).

6.
Le premier juge a estimé que G.________ avait varié dans ses déclarations sur
la nature de l'objet qui avait causé l'atteinte, de sorte qu'il fallait s'en
tenir, en application de la jurisprudence sur les premières déclarations d'un
assuré, à sa version initiale de l'événement, à savoir qu'il avait mordu sur un
"corps étranger" (cf. déclaration de sinistre LAA). Vu l'imprécision de cette
indication, il était plus vraisemblable que la dent en cause avait été
endommagée au contact de l'aliment lui-même, d'autant que cette dent avait déjà
été soignée et présentait une carie récidivante. Toujours selon le premier
juge, le caillou produit en procédure cantonale, de même que les témoignages
recueillis n'étaient pas susceptibles de démontrer le contraire.

7.
7.1 Il incombe à celui qui réclame des prestations de l'assurance-accidents de
rendre plausible que les éléments d'un accident sont réunis. S'il ne satisfait
pas à cette exigence, en donnant des indications incomplètes, imprécises ou
contradictoires, qui ne rendent pas vraisemblables l'existence d'un accident,
l'assurance n'est pas tenue de prendre en charge le cas (ATF 116 V 136 consid.
4b p. 140 et les références). En cas de bris d'une dent, le Tribunal fédéral
des assurances a considéré que la simple présomption que le dommage dentaire se
soit produit après avoir mordu sur un corps étranger dur ne suffit pas pour
admettre l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire (RAMA 2004 n° U 515
p. 421 consid. 2.2, arrêt U 64/02). Cette conclusion est valable non seulement
lorsque la personne déclare avoir mordu sur "un corps étranger" ou "quelque
chose de dur", mais encore lorsqu'elle croit avoir identifié l'objet. Lorsque
les indications de la personne assurée ne permettent pas de décrire de manière
précise et détaillée le "corpus delicti", l'autorité administrative (ou le
juge, s'il y a eu un recours) n'est en effet pas en mesure de porter un
jugement fiable sur la nature du facteur en cause, et encore moins sur le
caractère extraordinaire de celui-ci (cf. parmi d'autres, arrêts U 67/05 du 24
mai 2006, consid. 3.2, U 202/05 du 3 avril 2006, consid. 2.2). On notera encore
que dans le cadre de la mise en consultation du projet de loi modifiant la LAA,
il était proposé que l'assurance-accidents n'alloue plus de prestations pour
les lésions dentaires qui se produisent lors de la mastication afin de prévenir
les abus. Cette modification n'a finalement pas été retenue dans le message du
Conseil fédéral mais il a été rappelé que la prévention des abus devait passer
par un examen approfondi du droit aux prestations dans le cas concret (FF 2008
V 4891).

7.2 Tout d'abord aucun reproche ne saurait être fait au premier juge d'avoir
retenu une variation dans les déclarations de l'assuré. Il ressort en effet des
pièces du dossier que G.________ a commencé par décrire le corpus delicti en
des termes vagues pour finir par se montrer très affirmatif, après que la CNA a
rendu sa décision initiale de refus de prestations, sur la nature de l'objet en
question, déclarant l'avoir d'emblée identifié comme étant une pierre "avec
témoins à ses côtés". Dans ces conditions, et compte tenu des sérieuses
difficultés de preuve que posent la nature de l'atteinte ainsi que les
circonstances dans lesquelles celle-ci s'est produite quant à l'existence d'un
facteur extérieur extraordinaire (voir consid. 7.1 supra), on ne saurait non
plus faire grief à la juridiction cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en
considérant que les moyens preuves apportés en procédure cantonale ne
permettent pas de prouver, au degré requis, que le bris de dent résulte de la
présence d'un caillou dans l'atriau. Si le justiciable est certes en droit de
faire administrer les preuves jusqu'à la clôture de l'instruction par la
juridiction cantonale (art. 61 let. c LPGA), c'est toutefois au premier chef
devant l'assureur-accident que la personne demandant des prestations LAA est
tenue d'établir l'existence d'un accident. Or, le recourant, qui s'était
pourtant déjà vu refuser par le passé la prise en charge d'un traitement
dentaire faute d'avoir établi l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire
(cf. décision de la CNA du 30 mars 2005), s'est derechef contenté de
communiquer à l'intimée la survenance d'un dommage dentaire sans plus amples
explications et aucune preuve à l'appui. Aussi doit-il se laisser opposer qu'il
a, sans motif particulier, attendu de recourir contre la décision d'opposition
(du 22 août 2007) dont l'issue lui a été défavorable pour produire l'objet de
la preuve qu'il aurait conservé depuis l'incident. La circonstance d'avoir
tardé à produire cette preuve est en effet propre à faire naître des doutes
légitimes sur son authenticité qui ne peut, au demeurant, être rapportée par
une expertise ADN comme il le suggère. Quant aux deux témoignages recueillis
par le premier juge, ils n'ont pas la force probante que le recourant voudrait
leur attribuer. Car si C.________ et M.________ viennent confirmer que l'assuré
s'est cassé une dent en consommant un atriau, on notera que la première nommée
a d'abord émis la présomption qu'il devait s'agir d'une pierre, ce qui
relativise d'autant la portée de ses déclarations ("C'était un bout dur, cela
ressemblait à un petit caillou, une petite pierre" puis sur interpellation du
mandataire de l'intimée "[j'ai] vu que c'était une pierre"; procès-verbal
d'audition du 18 janvier 2008). Il n'est par ailleurs pas indéfendable
d'apprécier avec une certaine circonspection les indications plus
circonstanciées données après coup par des proches de l'intéressé alors que ce
dernier aurait déjà eu en mains les éléments de preuve. Il est donc possible
que le dommage se soit produit après que l'assuré eût mordu sur un corps
étranger à l'atriau. Mais d'autres hypothèses sont tout aussi vraisemblables
(par exemple un élément dur faisant partie intégrante de l'aliment). D'après le
devis du dentiste, la dent brisée présentait une "carie recidivante profonde",
si bien qu'il n'est pas non plus exclu que l'atteinte soit due à un banal acte
de mastication. Ainsi, tout bien pesé, il n'y a pas lieu de remettre en cause
le résultat de l'appréciation des preuves par le premier juge.

8.
Vu l'issue du litige, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art.
66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours, traité comme recours en matière de droit public, est rejeté.

2.
Les frais de justice, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 28 août 2008

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl