Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.372/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_372/2008

Arrêt du 16 janvier 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffier: M. Beauverd.

Parties
La Nationale Suisse Assurances,
Quai Gustave-Ador 54, 1207 Genève,
recourante, représentée par Me Pierre-Henri Gapany, avocat, Rue de Lausanne
38-40, 1701 Fribourg,

contre

N.________,
intimé, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, Service juridique,
Fédération suisse pour l'intégration des handicapés, Place du Grand-Saint-Jean
1, 1003 Lausanne.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Fribourg,
du 20 mars 2008.

Faits:

A.
N.________, né en 1955, a été victime d'une contusion-distorsion du genou
gauche le 5 octobre 1985. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA) a pris en charge le cas.

Souffrant de chondromalacie rotulienne, il n'a pas repris son activité de
représentant mais a été engagé dès le 29 août 1988 en qualité d'éducateur
stagiaire par la Fondation X.________. A ce titre, il était assuré
obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Fribourgeoise Générale
d'Assurances (ci-après : la Fribourgeoise).

Le 31 octobre 1988, il a été victime d'un accident de la circulation, ensuite
duquel il a subi une entorse grave du genou droit avec une déchirure du
ligament croisé postérieur et du ligament latéral interne. Il a repris son
travail à 20 % dès le 3 février 1989, à 50 % dès le 28 février 1989, à 66 2/3 %
dès le 3 avril 1989 et à 100 % à partir du 1er juin 1989. La Fribourgeoise a
pris en charge le cas.

Après avoir confié une expertise au docteur P.________, spécialiste en
chirurgie orthopédique (rapport du 1er avril 1996), l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Fribourg a alloué à l'assuré, dès le 1er
février 1996, un quart de rente d'invalidité fondé sur un taux de 40 %
(décision du 13 février 1997).

De son côté, la Fribourgeoise a alloué à N.________, dès le 1er septembre 1996,
une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 50 % (décision du 9
janvier 1998).

La Fribourgeoise a confié ensuite une expertise au docteur R.________,
spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie. Dans un rapport du 10
juillet 1998, l'expert a indiqué une gonarthrose surtout fémoro-tibiale interne
du genou droit, une instabilité postérieure du genou droit, un syndrome
rotulien bilatéral et une chondropathie rotulienne post-traumatique gauche. Il
a attesté que la capacité de travail résiduelle en relation avec le genou
gauche, dans la profession d'éducateur de rue, était de 100 %, et qu'elle était
en tout cas de 75 % en ce qui concerne le genou droit.

Aussi, par décision du 18 septembre 1998, confirmée sur opposition le 12 mai
1999, la Fribourgeoise a-t-elle alloué à l'assuré, dès le 1er octobre 1998, une
rente fondée sur un taux d'invalidité de 20 %.

B.
N.________ a quitté la Suisse pour s'établir à l'étranger. Il a formé recours
contre la décision sur opposition devant la Cour des assurances sociales du
Tribunal administratif du canton de Fribourg, en faisant valoir que les
conditions pour la révision de son droit à la rente n'étaient pas remplies.

Par jugement du 21 décembre 2000, la juridiction cantonale a annulé la décision
sur opposition du 12 mai 1999 et renvoyé la cause à la Fribourgeoise pour
instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

Saisi d'un recours de N.________, le Tribunal fédéral des assurances a annulé
ce jugement et renvoyé la cause à la Cour des assurances sociales du Tribunal
administratif du canton de Fribourg pour nouveau jugement après instruction
complémentaire sur le point de savoir si et dans quelle mesure, lors de la
décision sur opposition du 12 mai 1999, l'intéressé subissait une diminution de
sa capacité résiduelle de travail en raison des troubles imputables à
l'accident du 31 octobre 1988 (arrêt du 21 novembre 2001, U 58/01).

C.
Invité par la juridiction cantonale à se déterminer sur les prises de position
du docteur B.________ des 25 novembre 1997 et 5 mai 1998, le docteur R.________
a consigné ses observations dans une lettre du 4 mars 2002. De son côté, le
docteur B.________ a informé le Tribunal administratif qu'il avait cessé son
activité professionnelle au 31 décembre 2001 et qu'il ne s'exprimerait pas sur
les rapports du docteur R.________ (à savoir l'expertise du 10 juillet 1998 et
les observations du 4 mars 2002).

Entre-temps, le portefeuille de Coop Générale d'Assurances SA, anciennement La
Fribourgeoise Générale d'Assurances, a été transféré à la Nationale Suisse
Assurances (ci-après : La Nationale).

Par jugement du 22 avril 2004, la Cour des assurances sociales du Tribunal
administratif du canton de Fribourg a admis le recours formé par N.________
contre la décision de réduction du droit à la rente et annulé la décision sur
opposition du 12 mai 1999.

D.
La Nationale a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement,
en reprochant à la juridiction cantonale de n'avoir pas instruit l'affaire dans
le sens indiqué par le Tribunal fédéral des assurances dans son arrêt de renvoi
du 21 novembre 2001, qui l'obligeait à procéder à une expertise médicale.

Par arrêt du 25 avril 2005 (U 194/04), le Tribunal fédéral des assurances a
annulé le jugement entrepris et renvoyé la cause à la juridiction cantonale
pour qu'elle procède selon les considérants de l'arrêt du 21 novembre 2001, en
mettant en oeuvre une expertise médicale.

E.
La juridiction cantonale a alors confié une expertise au professeur D.________,
médecin-chef à l'Hôpital Y.________ (rapport du 27 décembre 2006).

Depuis le 1er janvier 2008, c'est la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Fribourg qui est compétente pour connaître du contentieux
des assurances sociales.

Par jugement du 20 mars 2008, elle a admis le recours de l'assuré et annulé la
décision sur opposition du 12 mai 1999. Elle a considéré, en résumé, que le
taux d'invalidité ne s'était pas modifié entre les mois de janvier 1998 et mai
1999 au point de justifier la révision du droit à la rente et que les
conditions de reconsidération de la décision initiale d'octroi de la rente du 9
janvier 1998 n'étaient dès lors pas réalisées.

F.
La Nationale interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement, dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de la
décision sur opposition du 12 mai 1999, subsidiairement au renvoi de la cause à
la juridiction cantonale. En outre, elle demande l'octroi de l'effet suspensif.

L'intimé conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Il s'en
remet à justice quant à l'octroi de l'effet suspensif.

De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à présenter des
déterminations.

G.
Par ordonnance du 18 août 2008, le juge instructeur a admis la requête d'effet
suspensif.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'assureur-accidents était fondé, par
sa décision sur opposition du 12 mai 1999, à réduire, dès le 1er octobre 1998,
de 50 % à 20 % le taux de la rente d'invalidité allouée à l'intimé.

Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en
espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état
de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 LTF).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Le cas d'espèce reste toutefois régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, conformément au
principe général de droit transitoire, selon lequel - même en cas de changement
des bases légales - les règles applicables sont celles en vigueur au moment où
les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 et les
références; cf. aussi ATF 130 V 329).

3.
Selon l'art. 22 al. 1, première phrase LAA, dans sa version en vigueur jusqu'au
31 décembre 2002, si le degré d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit
une modification déterminante, la rente est, pour l'avenir, augmentée ou
réduite proportionnellement, ou supprimée.

3.1 Par sa décision sur opposition du 12 mai 1999, l'assureur-accidents a
réduit à 20 % le taux de la rente allouée à l'assuré en se fondant sur l'avis
du docteur R.________. Dans son rapport d'expertise du 10 juillet 1998, ce
spécialiste a indiqué que l'état du genou gauche n'entraînait aucune incapacité
de travail et qu'en dépit des séquelles touchant le genou droit, la capacité de
travail était de 75 % au moins dans la profession d'éducateur à l'accueil,
voire celle d'éducateur de rue à la condition que le genou fût appareillé par
une orthèse. L'assureur-accidents a alors considéré que la situation s'était
améliorée de manière déterminante par rapport à celle qui avait été décrite par
le docteur P.________ (rapport d'expertise du 1er avril 1996).

Toutefois, dans son arrêt du 21 novembre 2001 (U 58/01), le Tribunal fédéral
des assurances a jugé que, bien qu'il satisfasse aux conditions posées par la
jurisprudence au sujet du caractère probant d'une expertise, le rapport du
docteur R.________ divergeait des conclusions du docteur B.________, médecin
traitant et spécialiste en chirurgie orthopédique (prises de position des 25
novembre 1997 et 5 mai 1998), quant aux conséquences de l'atteinte à la santé
sur la capacité de travail. En effet, le docteur B.________ a indiqué une
évolution défavorable caractérisée par une persistance des douleurs et des
épisodes d'épanchements. Selon ce médecin, l'assuré exerçait une activité
d'éducateur de rue à 50 % et il n'était pas certain qu'en travaillant
exclusivement à l'intérieur, la capacité de travail serait plus grande car la
position assise de longue durée était également mal tolérée. Aussi, dans la
mesure où le docteur R.________ ne s'était pas déterminé sur les conclusions du
docteur B.________, le Tribunal fédéral des assurances a-t-il renvoyé la cause
à la juridiction cantonale pour qu'elle mette en ?uvre une expertise médicale.

Au titre de mesure d'instruction complémentaire, la juridiction cantonale a
invité les docteurs B.________ et R.________ à se déterminer réciproquement sur
leurs conclusions. Le docteur B.________ a renoncé à se prononcer en raison de
son départ à la retraite. De son côté, le docteur R.________ a réitéré ses
conclusions du 10 juillet 1998. En particulier, il a réfuté l'avis du docteur
B.________ d'après lequel il n'était pas certain que la capacité de travail
dépasserait 50 % dans une activité d'éducateur à l'accueil. En effet, selon le
docteur R.________, une telle activité n'exige pas une position assise
prolongée (rapport du 4 mars 2002).

Dans son second arrêt de renvoi du 25 avril 2005 (U 194/04), le Tribunal
fédéral des assurances a invité la juridiction cantonale à procéder selon les
considérants de son arrêt du 21 novembre 2001 (U 58/01), en mettant en ?uvre
une expertise médicale. Dans un rapport d'expertise du 27 décembre 2006, le
professeur D.________ a indiqué qu'en 1998, les séquelles de l'accident du 31
octobre 1988 - à savoir des gonalgies résiduelles après entorse grave du genou
droit - entraînaient une incapacité de travail de 50 % dans l'activité
d'éducateur de rue, laquelle consistait à aller à la rencontre des autres, à
faire face à des situations difficiles, parfois même violentes, exigeant un
état physique impeccable sinon parfait. En revanche, l'expert a fait état d'une
capacité d'au moins 75 %, "si ce n'est 100 %", dans des activités sédentaires
ou mi-sédentaires.

3.2 En l'occurrence, il n'y a pas de motif de s'écarter des conclusions de
l'expertise du professeur D.________, la tâche de l'expert judiciaire étant
précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la
justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux de l'état de fait donné
(ATF 125 V 351 consid. 3 b/aa p. 352). Or, le professeur D.________ confirme
les conclusions du docteur R.________, selon lesquelles la capacité de travail
de l'assuré était de 75 % au moins dans une activité ressortissant au domaine
social, essentiellement sédentaire et qui n'expose pas l'intéressé à des
situations difficiles exigeant une excellente condition physique. Sur ce point,
l'expert judiciaire s'écarte résolument de l'appréciation du docteur
B.________, selon laquelle il n'était pas certain que l'incapacité de travail
serait supérieure à 50 % si l'assuré se consacrait exclusivement à des
activités d'éducateur à l'intérieur.

3.3 En instance cantonale, l'assureur-accidents a produit une lettre (du 27
février 2007) de la Fondation X.________, institution au service de laquelle
l'assuré a travaillé dès le 29 août 1988 dans le cadre d'un stage de
réorientation professionnelle. Sur le vu du cahier des charges de l'intéressé,
il apparaît que celui-ci travaillait dans un foyer d'hébergement pour jeunes
adultes toxicodépendants désireux de se soumettre à une réinsertion
socio-professionnelle. Les tâches décrites dans ce cahier des charges
permettent de constater que l'activité ne comprenait aucune des tâches
ressortissant à la profession d'éducateur de rue, telles qu'elles ont été
énumérées par le professeur D.________ et pour lesquelles un état physique
impeccable sinon parfait aurait été nécessaire. A cet égard, il importe peu
que, selon cet expert, il est impossible de répondre précisément et
objectivement à la question de savoir si les troubles ont évolué entre les mois
de janvier 1998 et mai 1999. En écartant résolument les doutes exprimés par le
docteur B.________ dans ses prises de position des 25 novembre 1997 et 5 mai
1998, le professeur D.________ confirme du même coup les constations du docteur
R.________ au sujet de la situation au moment déterminant, sur le vu de
laquelle il apparaît que l'état de santé de l'assuré s'était amélioré de
manière déterminante par rapport à la situation constatée par le docteur
P.________ dans son rapport d'expertise du 1er avril 1996.

3.4 Vu ce qui précède, l'assureur-accidents était fondé à réduire à 20 % à
partir du 1er octobre 1998 le taux de la rente d'invalidité allouée à l'assuré
depuis le 1er septembre 1996. La décision sur opposition du 12 mai 1999 n'est
dès lors pas critiquable et le recours se révèle bien fondé

4.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement de la Cour des assurances sociales du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 20 mars 2008 est annulé.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales
du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé
publique.

Lucerne, le 16 janvier 2009

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Ursprung Beauverd