Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.336/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_336/2008

Arrêt du 5 décembre 2008
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
S.________,
recourant, représenté par Me Pierre Heinis, avocat, rue de l'Hôpital 11, 2000
Neuchâtel,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
14 mars 2008.

Faits:

A.
S.________, né en 1958, travaillait comme opérateur sur machines au service de
l'entreprise A.________. A ce titre, il était assuré contre le risque
d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA).

Le 27 octobre 2003, il a été victime d'un accident de chasse. Il a reçu quatre
impacts de plombs de chasse (au niveau des apophyses épineuses des vertèbres
C2-C3 ainsi que de la cuisse, de l'avant-bras et du mastoïde gauches). Il s'est
rendu immédiatement à l'hôpital P.________ où l'on a extrait les deux plombs se
trouvant dans les membres inférieur et supérieur. Ceux logés dans le mastoïde
gauche et les cervicales ont nécessité deux opérations chirurgicales
respecti-vement au centre hospitalier R.________ et à l'hôpital V.________ (le
28 janvier 2004). Une incapacité de travail totale a été prescrite depuis le
jour de l'accident. La CNA a pris en charge le cas.

L'état de santé de l'assuré n'a pas évolué favorablement. Il s'est plaint de
fortes cervicalgies, de douleurs à l'épaule du côté gauche et d'une diminution
de la force de préhension du membre supérieur gauche, troubles qui n'ont
répondu à aucun traitement; il a également signalé la présence d'acouphènes
persistants apparus peu après l'accident (cf. rapport du 11 mai 2004 de la
doctoresse B.________, neurologue). Un séjour à la clinique W.________ n'a
apporté qu'une amélioration passagère à ses douleurs. Le docteur C.________,
psychiatre a posé le diagnostic d'un état de stress post-traumatique justifiant
à lui seul l'incapacité de travail totale de l'assuré. La CNA a alors chargé la
clinique X.________ d'une expertise pluridisciplinaire. Dans leur rapport du 25
avril 2006, les médecins de la clinique X.________ ont confirmé l'existence de
troubles psychiques sous la forme d'un état de stress post-traumatique [F43.1],
d'un épisode dépressif sévère [F32.2] et d'acouphènes chroniques décompensés
[H91.1]; ils ont conclu à l'existence d'un lien de causalité naturelle entre
l'ensemble de ces troubles, d'ordre psychique, et l'événement accidentel.

Par décision du 19 mars 2007, la CNA a mis un terme à ses presta-tions (frais
de traitement et indemnités journalières) au 31 mars 2007, et refusé d'allouer
une rente d'invalidité ou une indemnité pour atteinte à l'intégrité, au motif
que les troubles existants n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec
l'accident assuré. Saisie d'une opposition, la CNA l'a écartée dans une
nouvelle décision du 6 juin 2007. Entre-temps, S.________ a été mis au bénéfice
d'une rente entière de l'assurance-invalidité (décision du 13 novembre 2006).

B.
L'assuré a recouru contre cette décision sur opposition devant le Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel, qui a rejeté son recours par jugement du
14 mars 2008.

C.
S.________ interjette un recours en matière de droit public dans lequel il
conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement cantonal et
à l'octroi, par la CNA, des prestations d'assurance-accidents avec effet au 1er
avril 2007; subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision au sens des considérants.

La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a
renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si le recourant a droit aux prestations
de l'assurance-accidents au-delà du 31 mars 2007, notamment des indemnités
journalières puis éventuellement une rente d'invalidité. Le Tribunal fédéral
n'est donc pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al.
2 et 105 al. 3 LTF).

2.
2.1 Sur le plan médical, la CNA a considéré que les blessures de l'assuré liées
aux projectiles avaient guéri sans laisser de séquelles, si bien que celui-ci
ne souffrait plus d'aucune atteinte somatique due à l'accident de chasse du 27
octobre 2003, mais uniquement de troubles psychiques (sous la forme d'un état
de stress post-traumatique, d'un état dépressif sévère et d'acouphènes
chroniques décompensés). L'assureur-accidents a par ailleurs admis que ces
troubles étaient en relation de causalité naturelle avec cet accident et fait
application, pour apprécier le caractère adéquat de ce lien de causalité, des
critères déterminants en cas d'atteinte à la santé psychique (cf. ATF 115 V
133, 403). La juridiction cantonale s'est ralliée à ce point de vue.

2.2 Il y a lieu de confirmer l'absence de séquelles physiques de l'acci-dent.
En particulier, le status ORL et les examens oto-neurologiques ont pu écarter
une éventuelle lésion audio-vestibulaire à l'origine des acouphènes de l'assuré
(voir l'appréciation du docteur D.________ du 2 juillet 2004 établie à la
demande de la clinique W.________ ainsi que la consultation d'oto-neurologie du
docteur E.________ du 30 septembre 2005 effectuée dans le cadre de l'expertise
de la clinique X.________). Selon ce dernier médecin, la présence d'acouphènes
serait l'expression somatique des troubles psychiques dont S.________ est
affecté. Ces éléments permettent de retenir que les acouphènes ne constituent
pas une atteinte à la santé physique entraînant elle-même des troubles
psychiques, mais bien plutôt qu'ils découlent des troubles psychiques
développés par le recourant. Dans ces circonstances, c'est à juste titre que
tant la CNA que les premiers juges ont examiné le droit aux prestations de
l'assuré à l'aune de la jurisprudence applicable aux troubles psychiques (cf.,
pour un cas similaire, l'arrêt U 382/05 du Tribunal fédéral des assurances du
19 octobre 2006). Enfin, s'agissant des régions de l'épaule et de la nuque
ainsi que des troubles de la sensibilité au membre supérieur gauche, aucune
anomalie n'a pu être observée sous réserve d'une atteinte partielle du tendon
sus-épineux, qui n'a pas été reliée à l'événement accidentel assuré (voir
notamment l'appréciation médicale du docteur F.________, de la division de
médecine de la CNA, du 7 mars 2007).

2.3 Cela étant, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les
atteintes psychiques diagnostiquées chez S.________ et l'accident du 27 octobre
2003 ne prête pas à discussion au regard des conclusions claires du rapport
d'expertise de la clinique X.________. Reste à examiner si l'intimée, suivie
par la juridiction cantonale, était fondée à nier leur rapport de causalité
adéquate. C'est sur ce point que portent essentiellement les critiques du
recourant.

3.
3.1 Le droit à des prestations d'assurance suppose entre l'événement
dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de
causalité naturelle mais aussi adéquate. Il faut que, d'après le cours
ordinaire des choses et l'expérience de la vie, l'accident soit propre à
entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce
résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF
129 V 177 consid. 3.2 p. 181 et la réfé-rence), au point que le dommage puisse
encore équitablement être mis à la charge de l'assurance-accidents eu égard aux
objectifs poursuivis par la LAA (cf. ATF 123 V 98 consid. 3 p. 100 ss et les
références).

3.2 D'après la jurisprudence, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre
un accident insignifiant ou de peu de gravité et des troubles psychiques
consécutifs à l'accident doit, en règle générale, être niée d'emblée, tandis
qu'elle doit être admise en cas d'accident grave; pour admettre le rapport de
causalité adéquate entre un accident de gravité moyenne et des troubles
psychiques, il faut prendre en considération certains critères, dont les plus
importants sont les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou
le caractère particulièrement impressionnant de l'accident, la gravité ou la
nature particulière des lésions physiques, compte tenu notam-ment du fait
qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques,
la durée anormalement longue du traitement médical, les douleurs physiques
persistantes, les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation
notable des séquelles de l'accident, les difficultés apparues au cours de la
guérison et les complications importantes qui ont pu en résulter, ainsi que le
degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.

3.3 Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate
soit admise. Un seul d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se
trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en
présence d'un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité,
les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une
intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit
admis (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409).

4.
Pour le recourant, l'accident dont il a été victime doit être qualifié de
particulièrement impressionnant et dramatique. Il avait été atteint par des
plombs de chasse directement et non pas par ricochet comme cela ressortait de
divers documents du dossier de la CNA. La force des impacts reçus l'avait
renversé par terre et il avait vu son sang couler abondamment, si bien qu'il
avait craint pour sa vie. Il avait par ailleurs dû se soumettre à plusieurs
opérations dans des zones sensibles du corps pour extraire les projectiles.
Quant aux traitements entrepris, ils n'avaient eu aucun effet sur ses douleurs.
Cet accident avait conduit à un changement de sa personnalité et avait rendu
impossible toute reprise d'une activité professionnelle, ce qui attestait de sa
gravité. Aussi, fallait-il admettre que la plupart des critères définis par la
jurisprudence étaient réunis dans son cas. A l'appui de son argumentation,
S.________ a également produit une expertise privée du docteur G.________,
psychiatre (rapport du 18 avril 2008).

5.
Bien que les circonstances exactes de l'événement accidentel n'aient pas été
véritablement élucidées par l'intimée, les précisions apportées par le
recourant en procédure fédérale ne permettent pas de retenir que l'on se trouve
en présence d'un accident grave. Pour évaluer le degré de gravité de
l'accident, il convient en effet non pas de s'attacher à la manière dont
l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique mais bien plutôt de se
fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF
115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409; voir également
FRÉSARD/ MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 2ème éd., no 89 ss). En l'espèce, alors qu'il
participait à une partie de chasse, S.________ a été blessé par des projectiles
tirés à distance d'un fusil de chasse qui l'ont atteint au bras, à la cuisse,
au bas du crâne et derrière l'oreille; il est tombé mais il ne ressort pas du
dossier qu'il aurait perdu conscience; il a pu se relever et se rendre
apparemment par ses propres moyens à l'hôpital P.________ où ses plaies au bras
et à la cuisse ont été trai-tées ambulatoirement; les médecins l'ont renvoyé à
des consultations plus spécialisées pour les autres blessures. L'ensemble de
ces éléments, en particulier le fait que l'assuré a pu assez vite se rendre
compte, en dépit de la frayeur qu'il a dû éprouver sur le moment même, qu'il
n'avait pas été grièvement atteint, justifient de classer cet accident parmi
ceux de gravité moyenne.

On peut nier, au vu de ce qui précède, que l'accident se soit déroulé dans des
circonstances dramatiques; on doit en revanche reconnaître, contrairement à
l'intimée et à la juridiction cantonale, qu'il a revêtu un caractère
relativement impressionnant du fait qu'il s'est agi de bles-sures par
projectiles d'un fusil de chasse. En ce qui concerne les seules lésions
physiques provoquées par la pénétration de ceux-ci, elles ne sauraient
néanmoins être qualifiées de graves comme le voudrait le recourant. Si les
plombs logés dans la vertèbre C2-C3 et dans le mastoïde gauche ont certes pu,
dans un premier temps, être un sujet d'inquiétudes pour l'assuré, on doit
constater que d'un point de vue somatique, ses diverses blessures ne l'ont
jamais mis en danger et n'ont d'ailleurs pas nécessité une hospitalisation
immédiate. En outre, les opérations chirurgicales qu'il a subies ultérieurement
se sont toutes déroulées avec succès et n'ont pas entraîné un long séjour
hospitalier (3 jours au maximum). Trois mois après l'accident, tous les corps
étrangers avaient été extraits sans qu'aucune atteinte radi-culaire ou
vestibulaire n'ait pu être observée. Il n'y a pas non plus eu de difficultés au
cours de la guérison ou de complications au seul motif que la situation de
l'assuré n'aurait pas connu d'amélioration significative depuis la survenance
de l'accident. En réalité, l'état de santé du recourant a été très tôt
influencé par une composante psychique, ce qui a été constaté par tous les
médecins qui l'ont examiné (cf. les rapports de la doctoresse B.________,
neurologue, et de la clinique W.________ ainsi que de la clinique X.________).
Il est vrai, comme le relève le recourant, qu'aucun de ces médecins n'a fait
état de facteurs préexistants pouvant justifier une telle évolution. Dans son
expertise privée (voir toutefois sur la recevabilité des pièces nouvelles,
arrêt 8C_544/2007 du 12 février 2008 consid. 3.2), le docteur G.________ a
suggéré une explication possible à cet égard. Il rapporte notamment qu'en 1983,
S.________ avait dû consacrer beaucoup d'énergie à surmonter de sérieux ennuis
de santé et que ce premier épisode avait probablement joué un rôle dans son
incapacité à faire face à la situation après l'accident de chasse. Quoi qu'il
en soit, il est établi que le recourant a développé assez rapidement des
troubles psychiques qui ont pris une importance prédominante. Du moment que le
caractère adéquat doit être examiné en excluant les aspects psychiques, on ne
peut pas considérer que les critères de la persistance des douleurs et de la
durée de l'incapacité de travail sont réalisés parce que l'assuré présente,
dans le cadre d'un état de stress post-traumatique, un syndrome algique et des
acouphènes très gênants qui, jusqu'à ce jour, l'empêchent de vivre normalement
et de travailler. Dans la mesure où seul le critère du caractère impressionnant
de l'accident est rempli sans que l'on puisse cependant considérer que celui-ci
s'est manifesté ici d'une manière particulièrement importante, cela ne suffit
pas pour admettre que l'accident de chasse est la cause adéquate des troubles
dont souffre le recourant.

Aussi, l'intimée était-elle fondée, par sa décision sur opposition du 6 juin
2007, à refuser de prendre en charge les troubles persistant au-delà du 31 mars
2007 en l'absence d'un lien de causalité adéquate. Le recours se révèle par
conséquent mal fondé.

6.
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 5 décembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl