Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.312/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_312/2008

Arrêt du 8 avril 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
Secrétariat d'Etat à l'économie,
Effingerstrasse 31, 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
intimé,

Caisse Cantonale Genevoise de Chômage,
Rue de Montbrillant 40, 1201 Genève.

Objet
Assurance-chômage,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 13 mars 2008.

Faits:

A.
A.________ a accompli un stage d'avocat auprès d'une étude genevoise du 1er
juin 2003 au 31 mai 2005. Il s'est inscrit à la session de juin 2005 des
épreuves intermédiaires portant sur les procédures civile, pénale et
administrative ainsi que sur la déontologie, mais n'a pas pu les achever pour
cause de maladie. Il s'est représenté à la session suivante, de septembre, puis
a travaillé quelques semaines gratuitement à l'étude où il avait effectué son
stage dans l'attente des résultats. Il a appris qu'il avait réussi ces examens
au cours du mois de novembre. Ne pouvant plus s'inscrire pour la session de
novembre 2005 de l'examen professionnel en vue d'obtenir le brevet d'avocat, il
s'est présenté à celle de mai 2006. Il a commencé sa préparation en janvier
2006. Il a échoué à cet examen. Du 1er juillet à la mi-août 2006, il a derechef
travaillé sans rémunération pour son ancien maître de stage. Par la suite, il a
consacré son temps à la préparation de l'examen pour la session de novembre
2006, à laquelle il s'est présenté, mais sans succès. A.________ a alors décidé
de rechercher un emploi. Il s'est annoncé au chômage le 12 février 2007 en
requérant des indemnités journalières à partir du 11 janvier précédent.

Par décision du 15 février 2007, la Caisse cantonale genevoise de chômage
(ci-après : la caisse) a nié le droit à l'indemnité prétendue, au motif que le
requérant, dans le délai-cadre de cotisation (11 janvier 2005 au 10 janvier
2007) ne justifiait que de quatre mois et neuf jours d'activité soumise à
cotisation. A.________, par ailleurs, ne faisait pas valoir un motif de
libération des conditions relatives à la période de cotisation. Le 8 juin 2007,
la caisse a rejeté l'opposition formée par le prénommé contre cette décision.

B.
L'intéressé a déféré cette dernière décision au Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales.

Après avoir entendu plusieurs témoignages, le tribunal cantonal a, par jugement
du 13 mars 2008, admis le recours, annulé les décisions des 15 février et 8
juin 2007 et renvoyé le dossier à la caisse pour qu'elle verse les indemnités
journalières dues.

C.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) interjette un recours en matière de
droit public, en concluant à l'annulation du jugement cantonal.

A.________ conclut à l'irrecevabilité, sinon au rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 9 juillet 2008, le juge instructeur a accordé l'effet
suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée est une décision incidente de renvoi qui peut, en
l'espèce, faire l'objet d'un recours séparé (cf. ATF 134 I 83 consid. 3.1 p.
87; 133 V 477 consid. 5.2.1 p. 483). Quant à la conclusion du recours,
contrairement à ce que prétend l'intimé, elle est suffisante. Selon la
jurisprudence, une conclusion tendant uniquement à l'annulation de la décision
attaquée est recevable dans le cadre d'un recours en matière de droit public;
elle doit en effet être interprétée en ce sens que le recourant laisse au
Tribunal fédéral le soin d'apprécier s'il entend, une fois la décision
entreprise annulée, statuer lui-même sur le fond ou renvoyer la cause pour
nouvelle décision (ATF 133 II 409 consid. 1.4.1 p. 414 s.). Par ailleurs,
l'art. 107 al. 2 LTF habilite le Tribunal fédéral, outre à réformer la décision
entreprise, à renvoyer l'affaire à l'autorité précédente ou à celle de première
instance pour qu'elle statue à nouveau.

2.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le
Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

3.
Est litigieux le droit à l'indemnité de l'intimé à partir du 11 janvier 2007.
Les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 LACI) ne sont pas
réalisées. Cela n'est pas contesté. Il s'agit d'examiner si l'intimé peut se
prévaloir des règles sur la libération des conditions relatives à la période de
cotisation (art. 14 LACI), étant précisé qu'on ne peut pas combler dans le même
délai-cadre une période de libération insuffisante par des mois où des
cotisations ont été versées (arrêt C 62/96 du 17 mai 1996, consid. 4b).

4.
4.1 Aux termes de l'art. 14 al. 1 let a LACI, sont libérées des conditions
relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du
délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) et pendant plus de douze mois au total,
n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les
conditions relatives à la période de cotisation. Tel est en particulier le cas
de la formation scolaire, de la reconversion ou du perfectionnement
professionnel (let. a), ainsi que de la maladie, de l'accident ou de la
maternité à condition que les personnes concernées aient été domiciliées en
Suisse pendant la période correspondante (let. b). Ces motifs sont cumulables
(ATF 131 V 279 consid. 2.4. p. 283).

4.2 Selon la jurisprudence constante, il doit exister un lien de causalité
entre les motifs de libération énumérés à l'art. 14 al. 1 LACI et l'absence
d'une durée minimale de cotisation (ATF 131 V 279 consid. 2.4 p. 283, 125 V 123
consid. 2 p. 125; BORIS RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des
mesures cantonales, Procédure, 2ème éd., 2006, p. 193). La preuve stricte de la
causalité, dans une acception scientifique, ne doit pas être exigée;
l'existence d'un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu'il apparaît
crédible et concevable que l'une des circonstances énumérées à l'art. 14 al. 1
LACI a empêché l'intéressé d'exercer une activité soumise à cotisation (cf. ATF
121 V 336 consid. 5c/bb p. 344).

4.3 Est réputée formation au sens de l'art. 14 al. 1 let. a LACI toute
préparation à une activité lucrative future fondée sur un cycle de formation
(usuel) réglementaire, reconnu juridiquement ou, à tout le moins, de fait (ATF
122 V 43 consid. 3c/aa p. 44; SVR 1995 ALV no 46 p. 135 consid. 3b). La
correction de travaux de diplôme ou la répétition d'examens est assimilée à la
période de formation si l'assuré consacre une grande partie de son temps à ces
travaux qui, au demeurant, doivent être à la fois suffisamment contrôlables et
empêcher objectivement l'assuré de remplir ses obligations de contrôle (DTA
2000 n° 28 p. 144). Le moment de la fin de la formation est celui de la
communication de la réussite de l'examen final (DTA 1996 n° 5 p. 12).

5.
5.1 La juridiction cantonale a estimé que la préparation aux examens du brevet
d'avocat constituait une période de formation au sens de l'art. 14 al. 1 let. a
LACI et qu'il en allait de même du temps consacré à la répétition de ces
examens en cas d'échec. En vertu de la loi genevoise sur la profession d'avocat
du 26 avril 2002 (RS/GE E 6 10; LPAv) et de son règlement d'application du 5
juin 2002 (RS/GE E 6 10.01; RPAv), le candidat à l'examen final du brevet
d'avocat (organisé à raison de deux sessions par année) est tenu, entre autres
conditions, d'avoir préalablement effectué un stage de deux ans et réussi les
épreuves intermédiaires de procédure et de déontologie qui doivent être subies
au cours de la même session (février, juin ou septembre). Par ailleurs, d'après
les règles (de nature dispositive) de la Charte du stage adoptée par le Conseil
de l'ordre des avocats du canton de Genève, le maître de stage doit laisser au
stagiaire le temps nécessaire pour suivre les cours de procédure durant la
première année de stage et lui octroyer un congé de sept jours ouvrables afin
de se préparer aux épreuves intermédiaires; il lui accorde trois mois inclus
dans la durée du stage pour la préparation des examens de fin de stage.
Toujours selon les premiers juges, le cursus idéal des avocats-stagiaires était
donc de passer les épreuves intermédiaires au cours de leur stage. Il ne
pouvait toutefois être reproché à A.________ d'avoir subi ces épreuves
seulement à la fin de celui-ci. Compte tenu du fait que le prénommé avait dû
interrompre la session de juin, se représenter à celle de septembre 2005,
attendre les résultats, et préparer deux sessions d'examens finaux (mai et
novembre 2006), il n'y avait en définitive que le mois d'octobre 2005 et
l'intervalle allant de juin à octobre 2006 où il aurait pu exercer une activité
salariée. Sur ce laps de temps, il convenait encore de décompter quatre
semaines de vacances ainsi que les semaines de travail non rémunéré auprès de
son ancien maître de stage lesquelles pouvaient également être assimilées à une
période de formation au sens de la jurisprudence. Tout bien considéré, il
fallait admettre que l'intéressé suivait une formation tout au long du
délai-cadre applicable, de sorte qu'il était libéré des conditions relatives à
la période de cotisation.

5.2 Le seco soutient que lorsque plusieurs mois séparent la fin du stage
d'avocat de l'examen professionnel, il y a lieu de penser que le candidat a la
possibilité d'organiser sa préparation et d'exercer une activité lucrative le
cas échéant à temps partiel. Il se réfère à l'arrêt C 139/04 du 4 octobre 2004
(DTA 2005 p. 132), dans lequel le Tribunal fédéral des assurances avait jugé
qu'une période d'un an et huit mois pour passer les examens zurichois d'accès à
la profession d'avocat était disproportionnée. En tout cas, les semaines
pendant lesquelles A.________ avait travaillé gratuitement à son ancienne étude
(octobre 2005 et juillet-août 2006) ne pouvaient être comptées comme période de
formation dans la mesure où celui-ci avait déjà accompli les vingt-quatre mois
de stage requis pour le brevet d'avocat. Entre octobre 2005 et janvier 2007, le
prénommé aurait pu se mettre à disposition du marché du travail et réunir les
sept mois et neuf jours de cotisations [recte : les sept mois et vingt et un
jours] qui lui manquaient pour avoir droit à l'indemnité de chômage.

5.3 A.________ fait valoir au contraire qu'au vu des exigences mises par le
droit cantonal pour l'obtention du brevet d'avocat du barreau genevois, il lui
est impossible d'exercer une activité parallèle à la préparation du brevet.

6.
6.1 Le brevet d'avocat est un diplôme professionnel reconnu qui donne accès au
métier d'avocat et qui, de nos jours, est souvent demandé, en complément au
cursus universitaire, pour des emplois qualifiés en dehors du barreau. Par
ailleurs, il n'est pas contestable que les examens du brevet d'avocat exigent
une préparation d'une certaine durée. Il y a lieu dès lors de confirmer l'avis
de l'autorité cantonale selon laquelle le temps consacré à la préparation de
ces examens doit être assimilé à une formation complémentaire, voire à un
perfectionnement professionnel, au sens de l'art. 14 al. 1 let. a LACI (voir
pour comparaison l'arrêt publié au DTA 1991 n° 8 p. 83, dans lequel le Tribunal
fédéral des assurances a reconnu à la préparation au concours d'admission à la
carrière diplomatique le caractère d'un perfectionnement professionnel).

6.2 Il reste à examiner quelle est, en l'espèce, la durée de préparation qu'on
doit raisonnablement tenir pour nécessaire et qui peut de ce fait justifier la
libération de la période de cotisation correspondante. A cet égard, on ne
saurait simplement se fonder sur l'arrêt cité par le seco, l'obtention du
brevet d'avocat étant soumise à des réglementations différentes suivant les
cantons. Il est établi que dans le canton de Genève, ce diplôme comprend deux
étapes, la passation des épreuves intermédiaires de procédure puis celle des
examens finaux. Sans qu'il importe de savoir pourquoi A.________ a reporté les
épreuves intermédiaires à la fin de son stage d'avocat, les premiers juges ont
à juste titre estimé que chacune de ces étapes, y compris la répétition des
examens non réussis, comptait dans la période de formation. C'est en revanche à
tort qu'ils ont repris à leur compte le temps de préparation allégué par
l'intéressé en y incluant également l'activité que celui-ci a déployé à son
ancienne étude après la fin de son contrat de stage. Cette activité ne peut,
pour le motif invoqué par le seco, être considérée comme faisant partie de la
période de formation. Quant au temps nécessaire à la préparation des examens,
il convient bien plutôt de se référer aux recommandations formulées par l'Ordre
des avocats du barreau genevois, à savoir sept jours ouvrables pour les examens
intermédiaires et trois mois complets pour les examens finaux. Il faut y
ajouter le temps des examens proprement dits et la période qui précède la
communication des résultats (voir le consid. 4.3 supra). Ces dernières
informations manquent toutefois au dossier, de sorte qu'il n'est pas possible
de déterminer si l'intimé peut effectivement se prévaloir d'une période de
formation dépassant les douze mois durant le délai-cadre applicable. On ignore
également quand exactement et pour combien de temps il est tombé malade au
cours du mois de juin 2005, intervalle qui pourrait le cas échéant se cumuler
avec la période de formation.

6.3 Dans ces conditions, il s'impose d'annuler le jugement entrepris et de
renvoyer la cause à la caisse pour qu'elle éclaircisse ces points et rende
ensuite une nouvelle décision en tenant compte des considérants qui précèdent.

7.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal genevois
des assurances du 13 mars 2008 et la décision sur opposition de la Caisse
cantonale genevoise de chômage du 8 juin 2007 sont annulés, la cause étant
renvoyée à ladite caisse pour instruction et nouvelle décision conformément aux
considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales.

Lucerne, le 8 avril 2009

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl