Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.258/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_258/2008

Arrêt du 12 décembre 2008
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
Service des prestations complémentaires (ex OCPA), Route de Chêne 54, 1208
Genève,
recourant,

contre

L.________,
intimée, représentée par le Groupe Sida Genève, Rue Pierre-Fatio 17, 1204
Genève.

Objet
Prestation complémentaire à l'AVS/AI,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 12 février 2008.

Faits:

A.
L.________ (auparavant : A.________), née en 1967, est mère de trois enfants
(D.________, J.________ et V.________), nés de pères différents respectivement
en 1984, 1989 et 1997. Depuis 1994, elle est au bénéfice d'une rente entière de
l'assurance-invalidité (AI), assortie de rentes complémentaires pour enfant;
elle perçoit également des prestations complémentaires, cantonales et
fédérales, de l'Office cantonal genevois des personnes âgées (ci-après :
l'OCPA). Le 15 décembre 2005, A.________ s'est mariée avec S.________, né en
1987.

Le 15 décembre 2006, en raison notamment du changement d'état civil de
l'assurée, l'OCPA a rendu trois décisions. Dans la première, il a réclamé à
l'intéressée la restitution de 10'803 fr. correspondant au montant des
prestations allouées à tort du 1er février au 31 décembre 2005 vu
l'augmentation des rentes versées par l'AI. Dans la seconde, l'OCPA lui a
réclamé la somme de 11'616 fr. au titre des prestations indûment touchées au
cours de l'année 2006, considérant qu'il fallait retenir un gain hypothétique
annuel de 37'150 fr. pour le mari, S.________, dont on pouvait exiger
l'exercice d'une activité lucrative. Enfin, dans la troisième décision,
l'administration a fixé à 0 fr. le montant du droit aux prestations
complémentaires de L.________ pour l'année 2007 (compte tenu d'un gain
hypothétique du mari de 39'856 fr. par an).

L'assurée s'est opposée aux trois décisions. Elle a notamment contesté le fait
que son mari aurait pu réaliser un revenu d'une activité lucrative. Elle a
expliqué que ses trois enfants vivaient à l'étranger et qu'elle avait déposé en
2003 une demande de regroupement familial pour son plus jeune fils, V.________,
de nationalité étrangère. En janvier 2006, le père de celui-ci, qui s'en était
jusqu'alors occupé, était décédé. Comme la famille du défunt la tenait
responsable de ce décès et menaçait de la faire tuer et de ne plus lui
permettre de revoir son fils, elle ne pouvait faire autrement que de se rendre
d'urgence à l'étranger pour ramener V.________ et J.________ (de nationalité
suisse) à G.________. Vu ces circonstances et son état de santé, elle avait
demandé à son mari S.________ de l'accompagner pour l'aider. Sur place, des
difficultés imprévues avaient surgi prolongeant d'autant leur séjour à
l'étranger (problèmes pour l'obtention de l'acte de décès du père de V.________
en raison de l'hostilité de la famille, hospitalisation d'urgence de
J.________). En janvier 2007, ils avaient finalement pu retourner en Suisse
avec J.________ mais sans le fils cadet de l'assurée qui n'a pas pu obtenir de
visa à temps.

Par décision sur opposition du 29 juin 2007, l'OCPA a confirmé sa décision de
restitution pour la période de février à décembre 2005 (cette décision a fait
l'objet d'un recours actuellement pendant devant le Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales). Le 10 septembre 2007, l'OCPA a également écarté les
oppositions relatives à la prise en compte d'un gain potentiel du mari à partir
du 1er janvier 2006 et maintenu la restitution de 11'616 fr.

B.
L.________ a déféré la décision sur opposition du 10 septembre 2007 au Tribunal
cantonal genevois des assurances sociales, qui a partiellement admis son
recours. Le tribunal a annulé cette décision en tant qu'elle retenait un gain
potentiel pour l'époux en 2006 et l'a confirmée pour le surplus; il a en outre
mis à la charge de l'intimé une indemnité de dépens de 1'750 fr. (jugement du
12 février 2008).

C.
L'OCPA (depuis le 1er mai 2008 : le Service des prestations complémentaires)
interjette un recours en matière de droit public dans lequel il conclut à
l'annulation du jugement cantonal.

L.________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens. L'Office fédéral
des assurances sociales a renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit:

1.
L'OCPA demande la confirmation de sa décision du 10 septembre 2007 par laquelle
il a réclamé à l'intimée la restitution des prestations complémentaires de
droit fédéral et de droit cantonal pour la période du 1er janvier au 31
décembre 2006. Toutefois, comme le Tribunal fédéral l'a jugé dans un arrêt
récent (ATF 134 V 53 consid. 2.3.4 p. 60), l'OCPA n'a pas la qualité pour
former un recours en matière de droit public pour ce qui est des prestations
complémentaires prévues par le droit cantonal. Sont dès lors seules recevables
ses conclusions en rapport aux prestations complémentaires fédérales.

2.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité
par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne
démontre que ces faits ont été constatés en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

3.
En l'occurrence, la restitution se fonde sur le fait que l'intimée a perçu, en
2006, des prestations complémentaires fédérales correspondant à la situation
d'une personne seule avec enfants à charge alors qu'elle était mariée et que
les bases de calcul diffèrent dans le cas d'un couple marié (cf. art. 3a al. 4
LPC). Il s'agit en particulier d'examiner le principe de la prise en compte,
pour le calcul de ces prestations, d'un gain au titre de l'activité
hypothétique du conjoint, l'intimée n'ayant émis aucune critique sur le montant
en lui-même.

4.
Selon l'art. 3c al. 1 let. g LPC, - en vigueur et applicable en l'occurrence
(ATF 127 V 466 consid. 1 p. 467) - jusqu'au 31 décembre 2007, les revenus
déterminants comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit
s'est dessaisi. Cette disposition est directement applicable lorsque le
conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de
gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en
vertu de l'art. 163 CC. Il appartient à l'administration ou, en cas de recours,
au juge d'examiner si l'on peut exiger du conjoint qu'il exerce une activité
lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en
faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre
préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances
du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la
personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa
formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de
l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle
aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 p. 61 et
les références).

5.
5.1 En bref, la juridiction cantonale a estimé qu'au cours de l'année 2006, en
raison des événements graves et hors du commun survenus dans la vie de
L.________, la présence de son époux à l'étranger pour la soutenir et
l'assister dans ses démarches relevait du devoir conjugal de celui-ci (art. 159
al. 2 et 3 CC) et qu'on ne pouvait exiger de lui, dans ces conditions, qu'il
exerçât une activité lucrative.

5.2 L'OCPA rappelle que le but des prestations complémentaires est d'assurer un
revenu minimum aux bénéficiaires des rentes de l'AVS et de l'AI se trouvant
dans le besoin et qu'il incombe par conséquent à l'époux d'une assurée, en
vertu de son devoir de contribuer à l'entretien convenable de la famille (art.
163 CC), d'exercer une activité lucrative. En l'occurrence, le choix de
S.________ d'accompagner son épouse à l'étranger répondait à un motif de
convenance personnelle et l'assurance des prestations complémentaires n'avait
pas à en supporter les conséquences.

6.
Au regard du statut marital de l'intimée, la prise en compte, pour le calcul de
ses prestations complémentaires de droit fédéral, d'un revenu hypothétique du
mari ne prête pas flanc à la critique. En effet, dès lors que chacun des époux
doit contribuer, selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille
(cf. art. 163 CC), l'exercice d'une activité lucrative par l'époux s'impose
lorsqu'il existe des circonstances objectives - comme en l'espèce - qui
empêchent l'épouse de travailler et qu'elle se trouve de ce fait dans une
situation de besoin. Cela découle également du devoir d'assistance entre époux
prévu par l'art. 159 al. 3 CC (cf. ATF 114 II 13 consid. 4 p. 16). Par
ailleurs, le conjoint de l'intimée (de nationalité suisse) est jeune et capable
de travailler, de sorte qu'il n'existe aucun motif lié à sa personne qui ferait
obstacle à ce qu'il contribue aux frais du ménage commun par son travail. Cela
étant, les circonstances dont l'intimée a fait état ne justifient pas de faire
une exception dans son cas. Il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas été en
mesure d'accomplir son devoir de protection et d'assistance envers ses enfants
sans le soutien de son mari sur place. Si l'on peut admettre l'utilité d'un
bref séjour de S.________ à l'étranger afin de lui faciliter l'organisation et
la mise en place des démarches nécessaires pour la procédure de regroupement
familial, on ne voit pas que sa présence eût été indispensable tout au long de
l'année 2006. En particulier, il ne ressort pas du dossier que l'état de santé
de l'intimée commandait qu'une tierce personne soit continuellement présente à
ses côtés (dans sa réponse au recours, L.________ mentionne le fait qu'elle a
pu se faire envoyer les médicaments dont elle avait besoin de la Suisse). En ce
sens, les difficultés auxquelles le couple devait faire face ne se posaient pas
en des termes différents de ceux auxquelles un couple dont la femme s'occupe du
foyer aurait été confronté dans les mêmes circonstances. Or, il n'appartient
pas à l'assurance des prestations complémentaires à l'AVS/AI de financer
indirectement le séjour à l'étranger, durant une année complète, d'un couple
marié même si le motif de ce séjour est lié à des problèmes d'ordre familial.
Le changement d'état civil de l'intimée justifiait donc que l'OCPA revienne sur
ses décisions antérieures (cf. art. 25 al. 1 LPGA).

7.
Il découle de ce qui précède et de ce qui a été dit au consid. 1 que la
décision sur opposition du 10 septembre 2007 est confirmée en tant qu'elle
porte sur la restitution des prestations complémentaires de droit fédéral,
tandis qu'elle est annulée en ce qui concerne la restitution des prestations
complémentaires de droit cantonal par le jugement entrepris qui entrera en
force sur ce point. Compte tenu de l'issue du litige, la juridiction cantonale
statuera à nouveau sur les dépens de la procédure cantonale.

8.
Vu ce qui précède, il se justifie de répartir les frais judiciaires par moitié
entre les parties (art. 66 al. 1 LTF) et de mettre à la charge du recourant des
dépens réduits (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis.

2.
Le jugement du 12 février 2008 du Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales est annulé en tant qu'il porte sur la restitution des prestations
complémentaires de droit fédéral pour la période du 1er janvier au 31 décembre
2006.

3.
Le chiffre 5 du dispositif du jugement attaqué (dépens) est annulé.

4.
Les frais de justice, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 250 fr. à la charge du
recourant et pour 250 fr. à la charge de l'intimée.

5.
Le recourant versera à l'intimée un montant de 1'300 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens réduits pour la dernière instance.

6.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales
pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.

7.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 12 décembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl