Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.187/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_187/2008

Arrêt du 7 octobre 2008
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Widmer et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.

Parties
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, 6004 Lucerne,
recourante,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Maurizio Locciola, avocat, rue du Lac 12, 1207
Genève.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 5 février 2008.

Faits:

A.
B.________, né en 1953, a travaillé en qualité de spécialiste des
télécommunications au service de maintenance de P.________ (actuellement:
X.________ SA). A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque
d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA).

Le 24 août 1996, il a été victime d'une fracture comminutive de la jonction
tiers moyen-tiers distal de la clavicule gauche à la suite d'un accident de la
circulation. Une réduction sanglante et une ostéosynthèse par plaque à
reconstruction ont été effectuées le 18 septembre 1996. L'assuré a repris son
travail à plein temps le 25 novembre suivant. La CNA a pris en charge le cas.

L'intéressé a été victime d'un second accident le 2 avril 1997, alors qu'il
circulait à vélo. Le docteur S.________, spécialiste en chirurgie orthopédique,
a fait état d'une fracture du sacrum et d'une entorse cervicale (rapport du 24
septembre 1997). La CNA a pris en charge ce second cas.

Par décision du 6 janvier 1999, elle a supprimé le droit aux prestations au
motif que l'assuré ne souffrait plus de séquelles des accidents des 24 août
1996 et 2 avril 1997.

Le 25 janvier 2000, l'employeur a annoncé une rechute sous la forme de douleurs
et d'une perte de sensibilité à la main gauche. Le docteur S.________ a attesté
diverses périodes d'incapacité de travail (100 % du 27 avril au 16 juin 2000;
50 % du 19 juin au 4 septembre 2000; 50 % du 23 mars au 29 avril 2001). Les 22
novembre 2002 et 7 janvier 2003, l'employeur a annoncé des nouvelles rechutes.

Le 14 février 2003, un collaborateur de l'agence de la CNA a eu un entretien
avec l'assuré, ainsi que deux autres employés de X.________, afin de connaître
les tâches accomplies par l'intéressé dans le cadre de son activité au service
de cette entreprise. La description de ces activités a été consignée dans un
procès-verbal du 14 février 2003.

Le 18 mars 2003, le docteur R.________, spécialiste en rhumatologie et médecin
traitant de l'assuré, a indiqué que celui-ci avait repris son travail à 100 %
dès le 10 mars précédent, date à laquelle l'employeur lui avait permis de
commencer un stage de réadaptation dans un central téléphonique.

Le 23 avril 2004, ce médecin a annoncé une nouvelle rechute sous la forme d'une
douleur touchant la face supérieure de l'épaule gauche lors de toute
mobilisation.

Le 1er novembre 2005, l'assuré a consulté le docteur L.________, spécialiste en
chirurgie orthopédique, lequel a diagnostiqué une symptomatologie douloureuse à
l'épaule et attesté une incapacité de travail de 100 % dès cette date (rapport
du 12 novembre 2005).

Dans un rapport d'examen médical final du 7 avril 2006, le docteur A.________,
spécialiste en chirurgie et médecin d'arrondissement de la CNA, a indiqué une
aggravation du syndrome algique, accompagné d'un déficit en abduction et
élévation antérieure active, sans aucune amyotrophie au niveau de la ceinture
scapulaire et des membres supérieurs, ni aucun élément morphologique expliquant
les limitations fonctionnelles. Selon ce médecin, le syndrome douloureux
subjectivement aggravé avait sans aucun doute une influence sur les amplitudes
articulaires, de sorte qu'un dommage permanent indemnisable devait être admis.
Le docteur A.________ relevait en outre qu'une activité complète était
exigible, à la condition que l'assuré ne doive pas travailler en hauteur ni
porter des charges moyennes ou lourdes à l'aide du membre supérieur gauche.
Enfin, il a indiqué un taux d'atteinte à l'intégrité de 5 % pour arthrose
acromio-claviculaire résultant de la résection distale de la clavicule.

Lors d'un entretien avec un inspecteur de la CNA, la personne responsable des
ressources humaines auprès de l'employeur a indiqué que l'assuré avait
travaillé jusqu'au 30 juin 2005 au poste de travail décrit dans le rapport du
14 février 2003; dès le 1er juillet 2005, il avait bénéficié d'un plan social
lui permettant de continuer à percevoir son salaire durant une période de
dix-huit mois afin de retrouver un emploi ou d'accomplir une formation (rapport
d'entretien du 28 juin 2006).

Dans un rapport complémentaire du 3 juillet 2006, le docteur A.________ a
indiqué que les limitations mentionnées dans son rapport du 7 avril 2006
n'empêchaient pas l'assuré d'exercer l'activité décrite dans le procès-verbal
du 14 février 2003.

Par décision du 10 juillet 2006, confirmée sur opposition le 27 septembre
suivant, la CNA a nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité.

B.
L'intéressé a recouru contre la décision sur opposition devant le Tribunal
cantonal des assurances sociales du canton de Genève en concluant à l'octroi
d'une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 50 % dès le
1er novembre 2005.

La juridiction cantonale a ordonné, le 2 octobre 2007, des audiences d'enquêtes
et de comparution personnelle au cours desquelles ont été entendus plusieurs
témoins, en particulier D.________, supérieur direct de l'assuré à l'époque
déterminante.

Par jugement du 5 février 2008, la juridiction cantonale a admis partiellement
le recours et condamné la CNA à allouer à l'assuré, dès le 10 mars 2003, une
rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 40 %.

C.
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision
sur opposition du 27 septembre 2006, subsidiairement à ce que la cause lui soit
renvoyée pour complément d'instruction.

L'intimé conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours,
(subsidiairement) à ce que la CNA soit condamnée à lui allouer, à partir du 1er
novembre 2005, une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain
de 40 %, le jugement cantonal étant confirmé pour le surplus.

L'Office fédéral de la santé publique n'a pas présenté de déterminations.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit éventuel de l'intimé à une rente d'invalidité de
l'assurance-accidents.

Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en
espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état
de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 LTF).

2.
2.1 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d'un
accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Selon l'art.
8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle
qui est présumée permanente ou de longue durée. Pour évaluer le taux
d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité
qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les
mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

2.2 La CNA a nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité au motif qu'il
ne subissait pas d'incapacité de gain à la suite des accidents des 24 août 1996
et 2 avril 1997. Elle a considéré que la capacité de travail de l'intéressé
était entière dans son activité de spécialiste des télécommunications. Elle
s'est fondée pour cela sur l'appréciation du docteur A.________ (rapports des 7
avril et 3 juillet 2006), selon laquelle une activité complète était exigible,
à la condition que l'assuré ne doive pas travailler en hauteur ni porter des
charges moyennes ou lourdes à l'aide du membre supérieur gauche; en
particulier, l'intéressé était pleinement apte à exercer l'activité accomplie
auparavant, telle qu'elle est décrite dans le procès-verbal du 14 février 2003.

De son côté, la juridiction cantonale a considéré que les limitations
constatées par le docteur A.________ empêchaient l'assuré d'exercer son
activité habituelle, compte tenu essentiellement de la description qu'en ont
faite les témoins entendus lors des audiences d'enquêtes du 2 octobre 2007.

La recourante nie l'incapacité de l'intimé d'exercer son ancienne activité,
motif pris qu'il y a lieu, selon elle, de s'en tenir à la description du poste
de travail contenue dans le procès-verbal du 14 février 2003. Elle fait valoir
que ce document, signé par l'intéressé, constitue une déclaration sur laquelle
il y a lieu de se fonder en vertu du principe jurisprudentiel dit des «
premières déclarations » (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références; SVR
2007 IV no 22 p. 77, consid. 2.2.4.4). En outre, la recourante se réfère à une
lettre du 9 mars 2007, par laquelle l'ex-employeur atteste que la journée de
travail décrite dans le procès-verbal en question correspond tout à fait à une
journée-type de travail des collaborateurs exerçant la même activité que
l'assuré à l'époque déterminante. Or, selon la recourante, le procès-verbal
susmentionné ne mentionne aucune tâche imposant une sollicitation physique du
membre supérieur gauche excédant les possibilités attestées par le docteur
A.________.

2.3 La juridiction cantonale a nié la capacité de l'assuré d'accomplir son
ancienne activité au service de X.________, au motif qu'il n'était plus en
mesure d'effectuer trois tâches liées à cette activité, à savoir le
déchargement des caissons et des châssis, la pose de ces châssis, ainsi que les
travaux de câblage (fibres optiques).
2.3.1 En ce qui concerne les travaux de déchargement, il ressort du
procès-verbal du 14 février que les châssis étaient toujours portés par deux
employés et qu'au cours de toute l'année précédente, l'assuré n'avait été amené
à effectuer cette tâche qu'à trois reprises seulement. Ce nonobstant, la
juridiction cantonale affirme pouvoir « imaginer » que dans la pratique,
l'intéressé ne pouvait nullement être accompagné d'un collègue pour décharger
les caissons, motif pris qu'aux dires de l'employeur, il était difficile
d'obtenir une aide immédiate en raison d'un manque de personnel.

Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf
dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de
manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est à-dire
qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas
qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi
tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas
échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353
consid. 5b p. 360, 125 V 193 consid. 2 p. 195 et les références; cf. ATF 130
III 321 s. consid. 3.2 et 3.3 p. 324). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des
assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge
devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a
p. 322).

En l'espèce, le fait que le déchargement des châssis était accompli par deux
employés et qu'au demeurant, cette activité n'était que très occasionnelle,
ressort du procès-verbal du 14 février 2003, signé notamment par l'intimé. A
cet égard, les objections soulevées par celui-ci dans sa réponse au recours en
matière de droit public ne sont pas de nature à mettre en cause la force
probante de ce procès- verbal. En particulier, l'argument selon lequel ce
document repose sur des observations effectuées au cours d'une seule journée
est dénué de pertinence, du moment que l'ex-employeur a attesté que la journée
de travail décrite dans le procès-verbal correspond tout à fait à une
journée-type de travail des collaborateurs exerçant la même activité que
l'intéressé à l'époque déterminante (lettre du 9 mars 2007). Quant à
l'affirmation de l'intimé selon laquelle il ne pouvait que difficilement
contester le contenu du procès-verbal étant donné « le nombre de personnes
auxquelles il était confronté », elle n'est pas non plus convaincante: s'il
n'était pas d'accord avec les faits consignés dans le procès-verbal,
l'intéressé pouvait les contester en s'adressant directement à la CNA les jours
suivant la rédaction de ce document, ce qu'il n'a pas fait.

Cela étant, la juridiction cantonale n'avait pas de raison de nier le fait que
le déchargement était effectué par deux personnes pour retenir qu'en raison
d'un manque de personnel, l'assuré ne pouvait pas être accompagné par un
collègue pour accomplir cette tâche. S'il était peut-être difficile pour
l'assuré d'obtenir une aide immédiate, il apparaît vraisemblable, au degré
exigé par la jurisprudence, qu'une aide ne lui était pas refusée dans les rares
occasions où il devait décharger des caissons ou des châssis. Dans cette tâche,
l'assuré ne subissait dès lors aucun empêchement.
2.3.2 Au sujet de la pose de ces châssis, la juridiction cantonale considère
que même si cette activité était accomplie par deux collaborateurs, l'assuré
n'était pas en mesure de procéder au vissage de son seul bras droit. Ce
faisant, elle considère que l'utilisation du bras gauche était impossible, ce
qui ne ressort pas des avis médicaux versés au dossier. Selon le docteur
A.________, dont l'avis n'est pas contesté par les parties, seuls le travail en
hauteur et le port de charges moyennes ou lourdes à l'aide du membre supérieur
gauche ne sont pas exigibles (rapport du 7 avril 2006). Au demeurant, il faut
rappeler que la pose de châssis était très rarement exigée dans le cadre des
activités accomplies par l'intimé au service de X.________. Cette tâche
apparaît dès lors compatible avec l'atteinte à la santé découlant des
accidents.
2.3.3 En ce qui concerne les travaux de câblage (fibres optiques), la
juridiction cantonale se fonde sur le témoignage de D.________, supérieur
direct de l'assuré, selon lequel l'utilisation des bras en hauteur était
nécessaire, pour nier que cette tâche fût exigible de l'assuré.

Ce point de vue ne saurait être partagé. En effet, la tâche en question a été
décrite en détail et de la même manière que le témoin D.________ dans le
procès-verbal du 14 février 2003. Or, le docteur A.________, dont le point de
vue n'est pas remis en cause par la juridiction cantonale ni par l'intimé, a
indiqué que les limitations constatées n'empêchaient pas l'intéressé d'exercer
les activités mentionnées dans ce procès-verbal. Cela étant, il n'y a pas de
motif de mettre en cause l'avis de la CNA, selon lequel les travaux de câblage
étaient compatibles avec les limitations découlant des accidents.

2.4 Vu ce qui précède, il y a lieu de considérer que la capacité de travail de
l'intimé est entière dans son activité de spécialiste des télécommunications.
La CNA était dès lors fondée à nier le droit de l'intéressé à une rente
d'invalidité au motif qu'il ne subit pas d'incapacité de gain ensuite des
accidents des 24 août 1996 et 2 avril 1997. Le recours se révèle ainsi bien
fondé dans sa conclusion principale.

3.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales de la République et canton de Genève du 5 février 2008 est annulé.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
de la santé publique.

Lucerne, le 7 octobre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Ursprung Beauverd