Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.977/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_977/2008 /rod

Arrêt du 5 février 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Angéloz.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Serge Rouvinet, avocat,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
séquestre, allocation au lésé,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale,
du 19 juin 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 14 septembre 2004, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a notamment condamné Y.________, pour escroquerie
par métier, blanchiment d'argent aggravé et faux dans les titres, à 5 ans de
réclusion et 100'000 fr. d'amende. Il a par ailleurs levé divers séquestres et
ordonné des confiscations. En particulier, le chiffre IV du dispositif du
jugement prononçait la levée du séquestre des comptes ouverts, d'une part,
auprès de la BSI à Genève au nom de la société A.________ à hauteur de 170'000
US$ et, d'autre part, auprès de la Société Bancaire Privée SA à Genève au nom
de la société B.________ à hauteur de 68'660 US$ et ordonnait le versement de
ces deux sommes, soit 238'660 US$ au total, en faveur de X.________, disant que
les soldes des montants portés sur ces deux comptes étaient confisqués et
dévolus à l'Etat. Le chiffre VI du dispositif ordonnait la confiscation et la
dévolution à l'Etat de diverses autres sommes.

Statuant le 10 mai 2005 sur les recours interjetés par Y.________ et l'une des
parties civiles, Z.________, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois les a rejetés, confirmant le jugement qui lui était déféré.

Y.________ et Z.________ ont attaqué cet arrêt par des recours au Tribunal
fédéral, le premier par un pourvoi en nullité et le second par un recours de
droit public et un pourvoi en nullité.

Par arrêt 6S.365/2005 du 8 février 2006, le Tribunal fédéral, en application de
l'art. 277 PPF, a partiellement admis le pourvoi en nullité de Y.________, en
ce sens que la décision attaquée était lacunaire en ce qui concernait la
confiscation des avoirs déposés sur le compte n° xxx dont celui-ci était
titulaire auprès de la Banque cantonale de Genève, et renvoyé la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur ce point. Pour le surplus, il a
rejeté le pourvoi dans la mesure de sa recevabilité.

Par arrêt 6P.117/2005 et 6S.363/2005, également rendu le 8 février 2006, le
Tribunal fédéral a admis le recours de droit public de Z.________, pour défaut
de motivation suffisante quant à la confiscation des avoirs de ce dernier et
renversement du fardeau de la preuve. Subséquemment, il a déclaré le pourvoi en
nullité sans objet.

B.
La Cour de cassation vaudoise a rendu un nouvel arrêt le 24 avril 2006, par
lequel elle a admis les recours de Y.________ et Z.________, annulé le jugement
du 14 septembre 2004 et renvoyé la cause au Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans
le sens des considérants. Le tribunal était ainsi invité à statuer à nouveau
dans le sens de l'arrêt 6S.365/2005 en ce qui concernait Y.________ et de
l'arrêt 6P.117/2005 et 6S.363/2005 en ce qui concernait Z.________.

Par jugement du 5 mai 2008, le Président du Tribunal d'arrondissement de
Lausanne a modifié le jugement du 14 septembre 2004 en ce sens que le chiffre
VI du dispositif a été supprimé et remplacé par un chiffre VIbis et un chiffre
VIter nouveaux. Il a confirmé les autres points du dispositif du jugement du 14
septembre 2004.

Outre trois sociétés, également parties civiles, X.________ a recouru auprès de
la Cour de cassation pénale vaudoise, qui, par arrêt du 19 juin 2008, a écarté
les recours comme irrecevables.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale, subsidiairement un recours
constitutionnel subsidiaire, au Tribunal fédéral, pour déni de justice,
application arbitraire du droit cantonal de procédure et violation de l'art. 73
CP. Il demande au Tribunal fédéral de statuer dans le sens des conclusions
détaillées qu'il prend sous chiffres 1 à 7 des pages 18 et 19 de son mémoire;
subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision dans le sens de ses conclusions principales.

Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué a été rendu dans une cause de droit pénal. Il peut donc faire
l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF), qui peut notamment
être formé pour violation du droit fédéral, y compris les droits
constitutionnels (art. 95 let. a LTF). Par conséquent, le recours
constitutionnel subsidiaire est exclu (art. 113 LTF).

2.
Avec raison, le recourant, qui n'a subi d'atteinte qu'à ses droits
patrimoniaux, à raison d'infractions se poursuivant d'office, ne fonde pas sa
qualité pour recourir sur l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 ou ch. 6 LTF, admettant
ainsi qu'il a le statut d'un simple lésé.

La qualité du simple lésé pour former un recours en matière pénale a été
analysée de manière détaillée dans l'ATF 133 IV 228 consid. 2, auquel on peut
donc se référer. En bref, comme sous le régime prévalant avant l'entrée en
vigueur de la LTF, le simple lésé n'est pas habilité à recourir sur le fond
contre une décision relative à la conduite de l'action pénale; il ne peut à cet
égard se plaindre que de la violation, équivalant à un déni de justice formel,
des droits procéduraux qui lui sont reconnus en tant que partie par le droit
cantonal de procédure ou qui découlent directement de la Constitution fédérale
ou de la CEDH (ATF 133 IV 228 consid. 2.3 p. 230 ss). Il peut cependant aussi
invoquer une violation de l'art. 73 CP, dans la mesure où cette disposition,
aux conditions qu'elle prévoit, confère notamment au lésé un droit à
l'allocation de valeurs patrimoniales saisies (cf. arrêt 1B_212/2007 consid.
1.4).

Autant que les griefs soulevés par le recourant sont admissibles au regard de
cette jurisprudence, celui-ci est donc habilité à les invoquer.

3.
Le recourant se plaint d'un déni de justice formel. Alléguant que le jugement
du 14 septembre 2004 a été annulé dans son entier, il fait valoir que le
chiffre IV du dispositif de ce jugement devait être repris textuellement dans
le dispositif du nouveau jugement, soit celui du 5 mai 2008. A ce défaut, il ne
pourrait obtenir, sur la base du dispositif du nouveau jugement, des
établissements bancaires auprès desquels se trouvent les avoir libérés en sa
faveur qu'ils lui remettent ces derniers.

3.1 Commet un déni de justice formel, l'autorité qui ne statue pas ou n'entre
pas en matière sur un recours ou un grief qui lui est soumis, alors qu'elle
devrait le faire (ATF 128 II 139 consid. 2a p. 142 et les arrêts cités).

3.2 L'arrêt attaqué, qui seul peut faire l'objet du recours (cf. art. 80 al. 1
LTF), n'omet pas de statuer sur le grief que le recourant faisait au premier
juge de n'avoir pas repris textuellement le chiffre IV du dispositif du
jugement du 14 septembre 2004 dans celui du 5 mai 2008, ni ne refuse d'entrer
en matière sur ce grief. Il écarte ce dernier au motif que, devant se conformer
aux considérants des arrêts par lesquels le Tribunal fédéral lui avait renvoyé
la cause pour nouvelle décision, l'autorité appelée à statuer à nouveau ne
pouvait réexaminer que les points laissés ouverts par ces arrêts; or, ils
l'avaient été dans le nouveau jugement, mais ne concernaient en rien les
parties civiles recourantes, qui n'étaient dès lors pas habilitées à s'en
plaindre. L'arrêt attaqué ne consacre donc aucun déni de justice formel.

De fait, ce que le recourant reproche à la cour cantonale c'est d'avoir
considéré que le jugement du 14 septembre 2004 n'a été que partiellement
annulé, alors qu'il l'aurait été dans son entier, et d'avoir ainsi admis à tort
que le chiffre IV du dispositif de ce jugement subsistait. Il n'étaye toutefois
son allégation quant à l'étendue de l'annulation du jugement du 14 septembre
2004 que dans le cadre de son moyen pris d'une application arbitraire du droit
cantonal de procédure, dont le grief de déni de justice formel n'est donc, en
réalité, pas distinct.

4.
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué viole arbitrairement l'art. 445 CPP/
VD en tant qu'il nie que le jugement du 14 septembre 2004 a été entièrement
annulé. Il violerait en outre arbitrairement l'art. 372 al. 3 CPP/VD, dans la
mesure où il méconnaîtrait que le jugement du 14 septembre 2004 omettait de
statuer sur les conclusions civiles prises par le recourant.

4.1 Le premier grief ainsi soulevé est dénué de fondement.
4.1.1 Les conséquences de l'admission d'un recours par le Tribunal fédéral sont
régies par le droit fédéral de procédure, qui délimite le pouvoir d'examen
laissé à l'autorité à laquelle la cause est renvoyée (cf. arrêts 6B_284/2007
consid. 4.1 et 6B_16/2007 consid. 3.1). Selon le droit ainsi applicable,
lorsque le Tribunal fédéral annule une décision et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau, cette dernière doit fonder
sa décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral et ne
peut examiner que les questions laissées ouvertes par cet arrêt. Ce dernier
circonscrit définitivement l'objet du litige, de sorte que le Tribunal fédéral,
s'il est saisi d'un nouveau recours, est lui-même lié par les considérants de
droit de son premier arrêt. A contrario, les points de la décision attaquée qui
n'ont pas été remis en cause dans le recours au Tribunal fédéral, ceux qui ne
l'ont pas été valablement et ceux sur lesquels le recours a été écarté sont
définitivement acquis et ne peuvent plus être réexaminés par l'autorité à
laquelle la cause est renvoyée (ATF 123 IV 1 consid. 1 p. 3; 121 IV 109 consid.
7 p. 128; 117 IV 97 consid. 4a p. 104; 110 IV 116 consid. 2 p. 116/117; 106 IV
194 consid. 1c p. 197; 103 IV 73 consid. 1 p. 74).
4.1.2 En l'espèce, dans son arrêt de renvoi du 24 avril 2006, la cour cantonale
s'est dûment conformée à ces principes. Après avoir rappelé la jurisprudence
précitée, elle a précisé, pour chacune des parties recourantes, sur quels
points il devait être statué à nouveau suite aux arrêts du Tribunal fédéral du
8 février 2006 et a renvoyé la cause à l'autorité de première instance pour
nouvelle décision dans le sens des considérants de son arrêt, donc pour que
celle-ci se prononce à nouveau sur ces points. Elle a ainsi clairement
circonscrit la portée du renvoi aux questions laissées ouvertes par les arrêts
du Tribunal fédéral, limitant par-là même la portée de l'annulation du jugement
du 14 septembre 2004 à ces questions. L'autorité de première instance, sous
chiffre I du dispositif du nouveau jugement, a dès lors modifié le jugement du
14 septembre 2004 sur ces points uniquement, et, sous chiffre III, l'a confirmé
sur les autres points. Il est ainsi parfaitement clair que les chiffres non
modifiés du dispositif du jugement du 14 septembre 2004, notamment son chiffre
IV, subsistent. La production des jugements du 14 septembre 2004 et du 5 mai
2008 permettra sans autre au recourant d'obtenir des établissements bancaires
auprès desquels se trouvent les avoirs libérés en sa faveur qu'ils lui
remettent ces derniers.

4.2 Le grief de violation arbitraire de l'art. 372 al. 3 CPP/VD n'est pas moins
dépourvu de fondement. La cour cantonale ne saurait à l'évidence se voir
reprocher d'avoir méconnu que le jugement du 14 septembre 2004 omettait de
statuer sur des conclusions civiles prises par le recourant. Ce jugement ne
faisait pas l'objet de son examen, qui portait sur le jugement du 5 mai 2008,
et, comme on vient de le voir, cet examen ne pouvait porter que sur les
questions laissées ouvertes par les arrêts du Tribunal fédéral. Si le recourant
entendait se plaindre de l'omission qu'il invoque, il devait le faire dans un
recours dirigé contre le jugement du 14 septembre 2004, qu'il a toutefois
renoncé à former.

5.
Le recourant invoque une violation de l'art. 73 CP, au motif que les juges
cantonaux ne lui ont pas alloué les sommes séquestrées jusqu'à concurrence de
l'entier de son dommage. Plus exactement, le nouveau jugement aurait dû lui
allouer l'équivalent du dommage supplémentaire que représenteraient les
intérêts qui ont continué à courir depuis le jugement du 14 septembre 2004 et
celui résultant de la dévaluation du dollar dans l'intervalle.

Le jugement du 14 septembre 2004 a alloué au recourant, en application de
l'art. 60 aCP, un montant total de 238'660 US$, à prélever sur le compte ouvert
au nom de la société A.________ auprès de la BSI à Genève et sur celui ou nom
de la société B.________ auprès de la Société Bancaire Privée SA à Genève, soit
l'entier de ce qu'il réclamait à ce titre. Ce point n'a pas été valablement
contesté dans les recours au Tribunal fédéral. Partant, il était définitivement
acquis. Le recourant n'était dès lors pas habilité à prendre de nouvelles
conclusions en relation avec ce point dans le cadre de la procédure consécutive
aux arrêts du Tribunal fédéral du 8 février 2006. Le grief est par conséquent
infondé.

6.
Le recours doit ainsi être rejeté. Le recourant, qui succombe, devra supporter
les frais (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à
l'intimé, qui n'a pas été amené à se déterminer sur le recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 5 février 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Favre Angéloz