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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.963/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_963/2008

Arrêt du 26 mars 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Ferrari.
Greffière : Mme Gehring.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Blaise Péquignot,
avocat,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
intimé.

Objet
Abus de confiance qualifiés (art. 138 ch. 1 et 2 CP); arbitraire,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel du 22 octobre 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 20 septembre 2006 du Tribunal correctionnel du district de
Neuchâtel, X.________, reconnu coupable d'abus de confiance qualifiés, a été
condamné à trente mois de réclusion et aux frais de la cause. Après cassation
de ce prononcé par la juridiction cantonale (arrêt du 9 juillet 2007), la cause
a été renvoyée au premier tribunal pour complément d'instruction sous forme
d'une expertise psychiatrique et nouveau jugement. Le 4 juin 2008, le tribunal
correctionnel a condamné X.________ à une peine privative de liberté de trente
mois dont douze fermes et dix-huit avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'aux
frais de la cause.

En résumé, la condamnation repose sur les faits suivants:

Né en 1964, X.________ a pratiqué le notariat à titre indépendant dans l'étude
qu'il avait ouverte à A.________ en 1994. Dans le cadre de son activité, il a
utilisé à son profit l'argent confié par ses clients lors de transactions. Du
mois d'août 2001 au mois de juillet 2005, il a détourné au total 1'980'939 fr.,
qu'il a partiellement comblés par d'autres prélèvements. Le découvert s'élevait
à 750'000 fr. au moment de son interpellation, le 18 juillet 2005.

B.
Le recours formé par l'accusé auprès de la Cour de cassation pénale a été
rejeté par arrêt du 22 octobre 2008.

C.
X.________ interjette recours en matière pénale contre ce jugement dont il
demande, sous suite de frais et dépens, l'annulation et le renvoi à la
juridiction cantonale pour nouveau jugement.

Il n'a pas été requis de déterminations.

Considérant en droit:

1.
Le recourant se plaint d'abord d'arbitraire dans la constatation des faits
ressortant de l'expertise psychiatrique établie par le médecin psychiatre
B.________ sur renvoi de la cour cantonale.

1.1 Se fondant sur ce rapport, les premiers juges, suivis par la juridiction
cantonale, n'ont pas retenu de diminution de la responsabilité pénale du
recourant. En l'absence de tout grief, ce point n'est pas litigieux en instance
fédérale.

1.2 S'agissant de la question de savoir si les juges cantonaux ont procédé par
arbitraire en considérant que l'expertise psychiatrique n'avait livré aucun
élément nouveau - propre à constituer des circonstances atténuantes -
susceptible d'établir un lien entre la personnalité de l'accusé, ses
difficultés familiales ainsi que financières et ses agissements, elle souffre
de rester ouverte. Supposé fondé, le moyen serait en effet irrecevable faute
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF) au regard des
considérants qui suivent.

2.
Le recourant soutient que la cour cantonale n'a pas tenu compte du fait que le
trouble psychique mis en évidence par l'expert s'identifie à une détresse
profonde qui imposait une atténuation de la peine.

2.1 Conformément à l'art. 48 let. a ch. 2 CP dans sa teneur en vigueur depuis
le 1er janvier 2007, le juge atténue la peine si l'auteur a agi dans une
détresse profonde. Reprise sans modification de l'ancien art. 64 CP, la
disposition n'a pas de portée distincte de sorte que la jurisprudence y
relative conserve sa pertinence. La différence réside plutôt dans le fait que
l'art. 48 CP rend l'atténuation obligatoire lorsqu'une des conditions énumérées
dans la disposition est remplie alors que l'ancien droit ne prévoyait que la
faculté pour le juge d'atténuer la peine.

Selon la jurisprudence, il y a détresse profonde lorsque l'auteur est poussé à
transgresser la loi pénale par une situation proche de l'état de nécessité,
c'est-à-dire que, sous la pression d'une détresse particulièrement grave, il
croit ne pouvoir trouver une autre issue que dans la commission de
l'infraction. La détresse peut être de nature morale ou matérielle (ATF 107 IV
94 consid. 4a). Dans ce dernier cas,

la simple gêne ou l'existence de difficultés matérielles ne suffisent pas. Il
faut encore cette relation causale particulière avec une détresse psychique
très grave. En outre, le bénéfice de cette circonstance atténuante ne peut être
accordé que si l'auteur a respecté une certaine proportionnalité entre les
motifs qui le poussent à agir et l'importance du bien qu'il lèse. Autrement
dit, l'auteur doit s'être comporté d'une façon que la morale ne réprouve pas
totalement. En revanche, l'absence de faute antérieure n'est pas exigée (ATF
110 IV 10 consid. 2).

2.2 Selon l'expert, le recourant ne souffre pas de troubles de la personnalité
qui auraient valeur de maladie psychique selon la classification CIM-10. En
revanche, il présente les caractéristiques d'une personnalité évitante, en
particulier dans ses relations avec son épouse, ce qui relève de troubles de
l'adaptation que la CIM-10 définit comme suit sous chiffre F43-2: "Etats de
détresse et de perturbation émotionnelle, entravant habituellement le
fonctionnement et les performances sociales, survenant au cours d'une période
d'adaptation à un changement existentiel important ou à un événement stressant
(...) Ses manifestations sont variables et comprennent : une humeur dépressive,
une anxiété, une inquiétude (ou l'association de ces manifestations), un
sentiment d'incapacité à faire face, à faire des projets, ou à supporter la
situation actuelle, ainsi qu'une certaine altération du fonctionnement
quotidien (...) Aucun de ces troubles n'est suffisamment grave ou marqué pour
justifier un diagnostic plus spécifique" (expertise p. 12).

La CIM-10 précise que le trouble débute habituellement dans le mois qui suit la
survenue d'un événement stressant ou d'un changement particulièrement marquant
dans la vie du sujet et ne persiste guère au-delà de six mois, sauf s'il s'agit
d'une réaction dépressive prolongée ce qui, de l'avis de l'expert, n'est pas le
cas du recourant.
2.3
2.3.1 En l'espèce, les prélèvements nombreux et indus opérés par le recourant
sur les comptes de ses clients se sont étendus sur plusieurs années. Ce dernier
a vécu sur ce système qui lui permettait ainsi, selon ses dires, de faire face
à des difficultés de trésorerie occasionnées, apparemment, par des dépenses
exagérées de son épouse à l'égard de laquelle il adoptait une conduite
évitante. Au moment où il effectuait ces prélèvements, il avait à l'esprit
qu'il disposait toujours d'avoirs en suffisance et qu'il était en mesure en
tout temps de restituer, ce qui de l'avis pleinement justifié de la juridiction
cantonale était objectivement faux.

Il s'ensuit que, d'une part, le recourant ne se trouvait ni objectivement, ni
subjectivement, dans un état de nécessité qui aurait justifié l'application de
l'art. 48 let. a ch. 2 CP, puisqu'il considérait que ses prélèvements indus
étaient couverts par ses avoirs. Dans ce cas, le fait de jongler avec les
différents comptes de ses clients et le sien propre ne saurait relever d'un
état de nécessité matérielle. D'autre part, la durée de quatre ans pendant
laquelle il a opéré ces prélèvements ne correspond pas à un état de détresse
passager selon le diagnostic retenu. Quant à la gravité particulière requise
pour retenir l'état de détresse au sens de la définition légale, elle ne
ressort nullement de l'expertise. Le grief est ainsi infondé.
2.3.2 Au demeurant, les premiers juges ont pris en compte dans le cadre de
l'art. 47 CP, comme ils étaient en droit de le faire, des circonstances
particulières au recourant.
2.3.3 Au vu de ce qui précède, les autorités cantonales n'ont pas violé le
droit fédéral en refusant de faire application de la circonstance atténuante de
la détresse profonde lorsqu'ils ont fixé la peine.

3.
Le recourant qui succombe supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 26 mars 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Favre Gehring