Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.961/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_961/2008/bri

Arrêt du 10 mars 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffier: M. Oulevey.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Aba Neeman, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Refus de suivre (tentatives d'escroquerie, etc.),

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du canton de Vaud du 26 août
2008.

Faits:

A.
Le 13 octobre 2007, X.________ a porté plainte pénale contre sa mère et son
demi-frère, qu'elle suspectait de s'être rendus coupables d'escroquerie dans le
cadre de la succession de son beau-père, feu A.________.

Par un arrêt du 28 février 2008 qui n'a fait l'objet d'aucun recours, le
Tribunal d'accusation du canton de Vaud a confirmé le refus du Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne de suivre à cette plainte.

B.
Le 27 juin 2008, X.________ a déposé une nouvelle plainte pénale, contre sa
mère, son demi-frère et diverses autres personnes, derechef pour des actes
frauduleux prétendument commis dans le cadre de la succession de feu
A.________.

Statuant le 24 juillet 2008, le Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne a refusé de suivre à cette seconde plainte et mis une partie des frais
d'enquête à la charge de X.________.

Par arrêt du 26 août 2008, le Tribunal d'accusation du canton de Vaud a
confirmé cette décision. Il a considéré que les faits délictueux allégués dans
la seconde plainte étaient ceux-là mêmes qui avaient donné lieu au premier
refus de suivre et que le principe ne bis in idem interdisait de rouvrir
l'enquête. Concernant les frais, il a jugé que la recourante avait agi avec
légèreté en déposant sa seconde plainte et qu'elle devait dès lors supporter
les frais de la décision refusant d'y donner suite.

C.
Déclarant agir principalement par la voie du recours en matière pénale,
subsidiairement par celle du recours constitutionnel subsidiaire, X.________
recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt, dont elle demande
l'annulation, avec renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle
décision.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Seules ont qualité pour former un recours en matière pénale ou un recours
constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral les personnes qui justifient
d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision
attaquée (cf. art. 81 al. 1 let. b et 115 let. b LTF, a contrario). Un intérêt
de fait ne suffit pas.

1.1 La loi pénale de fond ne confère pas au lésé un droit à l'application des
peines et mesures qu'elle prévoit. L'action pénale appartient exclusivement au
ministère public, qui est dès lors, sous réserve d'exceptions non pertinentes
en l'espèce, le seul à pouvoir remettre en cause une décision favorable au
prévenu. Le lésé qui n'a pas la qualité de victime au sens des art. 1, 37 LAVI
et 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF ne peut dès lors pas recourir au Tribunal fédéral
contre le refus du ministère public d'exercer l'action pénale, contre une
ordonnance de refus de suivre ou de non-lieu du juge d'instruction ou contre un
jugement d'acquittement (cf., pour le recours en matière pénale: ATF 133 IV 228
et les références; pour le recours constitutionnel subsidiaire: arrêt 6B_480/
2007 du 31 janvier 2008 consid. 1.1).

Le simple lésé dispose d'un intérêt juridique à l'annulation de telles
décisions, et a qualité pour recourir contre elles au Tribunal fédéral,
seulement s'il fait valoir qu'on l'a empêché de participer à la procédure au
mépris d'un droit formel d'y participer ou s'il fait valoir qu'elles ont été
prises sans respecter un droit formel que les normes de rang constitutionnel ou
la loi de procédure applicable lui attribuaient en sa qualité de partie au
procès (arrêt 6B_480/ 2007 du 31 janvier 2008 consid. 1.1 et 1.3 et les
références; ATF 120 Ia 157 consid. 2a/bb p. 160). Mais ce droit d'invoquer des
garanties de procédure ne permet pas de remettre en cause, même de façon
indirecte, la décision sur le fond. Les droits formels prétendument violés
doivent être entièrement séparés des questions de fond. Ainsi, le lésé peut
faire grief à l'autorité cantonale d'avoir refusé à tort d'entrer en matière
sur le recours dont il l'avait saisie, de ne pas lui avoir donné l'occasion de
s'exprimer, de formuler des réquisitions tendant à l'administration de preuves
ou, encore, de consulter le dossier. Mais, faute d'avoir qualité pour recourir
sur le fond, le lésé ne peut contester ni l'appréciation des preuves, ni le
rejet d'une réquisition motivé par une appréciation anticipée de la preuve
requise ou par le défaut de pertinence du fait à établir (cf. arrêt non publié
6B_480/2007 du 31 janvier 2008 consid. 1.3 et les références; ATF 120 Ia 157
consid. 2a/bb p. 160).

Si l'infraction ne se poursuit que sur plainte, le lésé a un intérêt juridique
à l'annulation du refus de suivre, du non-lieu ou de l'acquittement s'il fait
valoir que cette décision lui a dénié en violation de l'art. 30 CP le droit de
porter plainte (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF). Par ailleurs, s'il a été
condamné aux frais ou aux dépens, le lésé a également qualité pour recourir
(arrêt 6B_300/2007 du 13 novembre 2007 consid. 1.1), mais exclusivement contre
cette disposition de la décision attaquée.

Dans le cas présent, la recourante, qui n'a pas été atteinte directement dans
son intégrité physique, psychique ou sexuelle par les infractions purement
économiques qu'elle dénonce, n'est pas victime au sens des art. 1, 37 LAVI et
81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. Elle ne peut obtenir l'annulation de l'arrêt
attaqué, sur recours en matière pénale, que pour violation de ses droits de
partie à la procédure, fausse application des art. 30 ss CP ou application
arbitraire des règles de droit cantonal sur les frais.

1.2 En premier lieu, la recourante invoque une fausse application du principe
ne bis in idem. Elle fait valoir que sa plainte du 27 juin 2008 n'avait pas
pour objet les mêmes faits que ceux visés par la précédente ordonnance de refus
de suivre et que le principe ne bis in idem n'empêchait dès lors pas de rouvrir
l'enquête.

Le principe ne bis in idem, aspect négatif de l'autorité de la chose jugée
(Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., 2006, n. 1533 p. 908),
interdit de poursuivre deux fois la même personne pour le même fait délictueux.
Il n'énonce pas une règle de procédure, indiquant au ministère public comment
agir pour obtenir l'application des peines et mesures prévues par la loi; il
soumet à une condition négative la possibilité même d'engager des poursuites à
cette fin. Il institue ainsi une cause d'extinction de l'action pénale
(Piquerez, op. cit., n. 1014 p. 648). Le simple lésé, qui n'a aucun intérêt
juridique à l'action pénale, n'a dès lors pas qualité pour recourir au Tribunal
fédéral contre la décision constatant l'extinction de l'action pénale par suite
d'une fausse application de ce principe.

Le premier moyen de la recourante est dès lors irrecevable.

1.3 La recourante fait ensuite grief à la cour cantonale d'avoir commis
l'arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst., en refusant d'ordonner la réouverture
de l'enquête, alors que les conditions d'application de l'art. 309 let. a du
code de procédure pénale vaudois (ci-après CPP/ VD; RSV 312.01) étaient, selon
la recourante, manifestement remplies.

L'art. 309 let. a CPP/VD, qui prévoit qu'une enquête close par un arrêt ou une
ordonnance de non-lieu peut être rouverte lorsque des indices nouveaux viennent
à être découverts, tire les conséquences du caractère provisoire de l'autorité
de chose jugée reconnue aux arrêts et ordonnances de non-lieu motivés en fait
(cf. Piquerez, op. cit., n. 1538 p. 911). Il n'énonce pas une règle de
procédure, mais rappelle l'une des conditions de l'action pénale. En refusant
de rouvrir une enquête au motif qu'il n'y a pas d'indice nouveau au sens de
l'art. 309 CPP/VD, le juge d'instruction refuse de laisser le ministère public,
le cas échéant à l'initiative du plaignant, exercer à nouveau l'action pénale.
Le simple lésé n'a pas plus qualité pour contester le bien-fondé d'une telle
décision que pour invoquer une fausse application du principe ne bis in idem.

Ainsi, le deuxième moyen du recourant est également irrecevable.

1.4 La recourante fait valoir qu'en refusant d'entrer en matière sur des
éléments nouveaux au sens de l'art. 309 let. a CPP/VD, la cour cantonale aurait
commis un déni de justice formel.

Ce moyen est indissociable du précédent, qu'il présuppose fondé. Il est dès
lors irrecevable.

1.5 La recourante invoque encore une violation de son droit à l'administration
des preuves, composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2
Cst., consistant d'après elle en ce que la cour cantonale a écarté ses pièces
nouvelles aux seuls motifs que l'une d'elles relevaient de considérations
civiles et que l'autre portait sur un point déjà tranché dans l'arrêt
confirmant le premier refus de suivre.

Ce faisant, la recourante ne soutient pas qu'on lui aurait refusé la
possibilité de produire des pièces nouvelles; elle se plaint du fait que ses
pièces aient été jugées non probantes ou non pertinentes. Elle remet ainsi en
cause le fond de la décision attaquée, ce pour quoi elle n'a pas qualité. Son
moyen est dès lors irrecevable.

2.
Invoquant une violation de son droit à l'obtention d'une décision motivée,
autre composante du droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., la
recourante fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir expliqué en quoi les
faits qu'elle avait allégués dans sa seconde plainte n'étaient pas nouveaux, au
sens de l'art. 309 let. a CPP/VD.

Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a indiqué, en substance, que l'analyse
de l'expert mandaté après le premier refus de suivre ne mettaient pas en
évidence de fait nouveau au sens de l'art. 309 let. a CPP/VD, parce que les
questions discutées dans son rapport n'avaient d'importance que pour des
considérations civiles. Concernant le portefeuille de titres litigieux, la cour
cantonale a renvoyé aux motifs de son précédent arrêt, ce qui signifie
clairement qu'elle considérait que les éléments nouveaux invoqués par la
recourante étaient sans pertinence et ne permettaient dès lors pas de rouvrir
l'enquête. Ainsi, la cour cantonale a motivé son appréciation des pièces
annexées à la seconde plainte de la recourante. Le moyen pris d'une violation
du droit constitutionnel à l'obtention d'une décision motivée est mal fondé.

Savoir si les motifs que la cour cantonale a retenus suffisent à justifier
l'arrêt attaqué au regard de l'art. 309 let. a CPP/VD et du principe ne bis in
idem est une toute autre question, qui relève du fond et que la recourante n'a
pas qualité pour discuter devant le Tribunal fédéral.

3.
Après avoir constaté que les conditions d'application de l'art. 309 let. a CPP/
VD n'étaient pas remplies et que le principe ne bis in idem faisait obstacle à
la réouverture de l'enquête faute d'indices nouveaux, la cour cantonale a
considéré, par surabondance, que la recourante n'avait pas qualité pour porter
plainte, parce qu'elle n'était pas héritière de son beau-père.

La recourante conteste ce point de vue en faisant valoir que le défunt lui a
légué un portefeuille d'actions dont la valeur a été diminuée par les
infractions qu'elle dénonce. Elle en conclut qu'elle a la qualité de lésée tant
au regard de l'art. 30 CP, qui confère au "lésé" le droit de porter plainte
contre l'auteur d'une infraction qui ne se poursuit que sur plainte, que des
art. 83 et 94 CPP/VD, qui donnent à la personne "lésée" par l'infraction le
droit de participer à la procédure en qualité de partie civile. L'arrêt attaqué
méconnaîtrait ainsi à la fois son droit de porter plainte contre des familiers
pour escroquerie (cf. art. 30 et 146 al. 3 CP) que son droit de provoquer la
réouverture de l'enquête en tant que partie à la procédure. On peut se demander
si une ordonnance de non-lieu, au sens large, motivée par l'insuffisance des
charges et par le défaut de qualité du plaignant pour porter plainte et devenir
partie à la procédure empêche définitivement le plaignant de requérir la
réouverture de l'enquête, ou si, au contraire, la qualité de celui-ci peut être
réexaminée à l'occasion d'une requête de réouverture d'enquête fondée sur des
indices nouveaux.

En l'espèce, la question peut toutefois rester indécise, parce qu'un premier
refus de suivre a déjà été rendu au motif, notamment, que la recourante n'était
pas lésée par les infractions qu'elle dénonçait. Dès lors, si le non-lieu
motivé par le défaut de qualité du prétendu lésé fait autorité sur ce point, la
recourante, qui n'est pas légitimée pour contester que les infractions
dénoncées dans sa seconde plainte étaient bien identiques à celles visées par
la première, ne peut plus soutenir qu'elle a qualité pour porter plainte et
devenir partie à la procédure. Son moyen doit alors être rejeté. En revanche,
si le non-lieu motivé par le défaut de qualité du prétendu lésé n'a pas
autorité sur ce point et si, par conséquent, cette question peut être
réexaminée en cas de demande de réouverture d'enquête, la recourante n'a alors
plus aucun intérêt à faire valoir qu'elle avait qualité pour porter plainte,
puisqu'elle pourra faire réexaminer cette question si elle découvre des indices
nouveaux. Ainsi, en toute hypothèse, le moyen pris d'une violation des art. 30
ss CP et 83 CPP/VD ne peut prospérer. Il convient dès lors de le rejeter pour
autant qu'il soit recevable.

4.
Enfin, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir commis l'ar-bitraire
en confirmant sa condamnation aux frais d'enquête. La décision sur les frais de
la procédure cantonale relève du droit cantonal. Le Tribunal fédéral ne peut
revoir les questions de droit cantonal que sous l'angle restreint de
l'arbitraire, dans le cadre d'un moyen pris de la violation d'un droit
constitutionnel (cf. art. 95 et 96 LTF, a contrario), expressément soulevé et
développé avec la précision requise à l'art. 106 al. 2 LTF.

Dans le cas présent, la recourante n'indique même pas quelle règle de droit
cantonal la décision de la cour cantonale violerait ni, à plus forte raison,
sur quel point. Son grief est dès lors irrecevable.

Il s'ensuit, en définitive, que le recours doit être rejeté dans la mesure où
il est recevable.

5.
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du
canton de Vaud.

Lausanne, le 10 mars 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Favre Oulevey