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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.945/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_945/2008 /rod

Arrêt du 23 janvier 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Gehring.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Christian Luscher, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Diffamation, calomnie; délai de plainte,

recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du
15 octobre 2008.

Faits:

A.
Par écriture du 28 août 2008, X.________ a déposé plainte pénale auprès du
Procureur du canton de Genève contre Y.________, Z.________ ainsi que contre un
tiers inconnu pour calomnie, subsidiairement diffamation.

Le 4 septembre 2008, le Procureur a décidé le classement de la plainte au motif
que le délai de trois mois pour la déposer était dépassé.

B.
Le recours de X.________ à la Chambre d'accusation a été rejeté avec suite de
frais par ordonnance du 15 octobre 2008.

C.
X.________ interjette recours en matière pénale. Il se plaint principalement de
la constatation inexacte des faits et de la violation des art. 30 et 31 CP.

Il n'a pas été requis de déterminations.

Considérant en droit:

1.
Conformément à l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière
pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a
été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à
l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b). La loi
reconnaît notamment un tel intérêt à l'accusé (ch. 1), à son représentant légal
(ch. 2), à l'accusateur public (ch. 3), à l'accusateur privé si, conformément
au droit cantonal, il a soutenu l'accusation sans l'intervention de
l'accusateur public (ch. 4), à la victime si la décision attaquée peut avoir
des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (ch. 5) et au plaignant,
pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte (ch. 6).

Dans le cas du plaignant, celui-ci ne peut se plaindre que d'une irrégularité
quant à son droit de plainte et ses conditions, mais non contester la décision
attaquée sur le fond (ATF 129 IV 206 consid. 1 p. 207 et les arrêts cités).
Dans cette mesure, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours.

2.
Le recourant fait d'abord grief à la Cour cantonale d'avoir retenu, à la suite
du Procureur, que son droit de porter plainte contre Y.________ et Z.________
était échu lorsqu'il a déposé sa plainte le 28 août 2008.

2.1 L'observation du délai de plainte fixé à l'art. 31 CP est une condition
d'exercice de l'action publique (ATF 118 IV 325 consid. 2b p. 328/329) qui
justifie un refus de mettre en oeuvre la poursuite pénale lorsqu'elle n'est pas
réalisée, ou le prononcé d'un non-lieu lorsque le Juge d'instruction a procédé
à des mesures d'instruction.

La jurisprudence considère qu'une plainte a été régulièrement déposée lorsque,
dans le délai de trois mois requis par la disposition légale, l'ayant droit
s'est adressé à l'autorité compétente, dans les formes prévues par le droit
cantonal, pour manifester sa volonté de provoquer une poursuite pénale (ATF 122
IV 207 consid. 3a p. 208; 118 IV 167 consid. 1b p. 169; 115 IV 1 consid. 2a p.
2; 108 Ia 97 consid. 2 p. 99 et les arrêts cités). Le délai de trois mois pour
déposer plainte commence à courir du jour où l'ayant droit a connaissance de
l'auteur et de l'acte délictueux, c'est-à-dire des éléments constitutifs de
l'infraction. Cette connaissance doit être suffisante pour permettre à l'ayant
droit de considérer qu'il aurait de fortes chances de succès en poursuivant
l'auteur, sans s'exposer au risque d'être attaqué pour dénonciation calomnieuse
ou diffamation; de simples soupçons ne suffisent pas, mais il n'est pas
nécessaire que l'ayant droit dispose déjà de moyens de preuve (ATF 121 IV 272
consid. 2a p. 275; 101 IV 113 consid. 1b p. 116 et les arrêts cités).

2.2 Se fondant sur les propres allégués du recourant dans une procédure civile
qui oppose les parties, la Cour cantonale a retenu que celui-ci avait eu
connaissance de l'identité des auteurs au plus tard le 28 juin 2007, si bien
que le délai péremptoire de trois mois était largement dépassé lorsque la
plainte a été déposée.

A cet égard, le recourant soutient que les faits retenus par la juridiction
précédente à l'appui de son ordonnance l'ont été en violation de l'interdiction
de l'arbitraire dans la constatation des faits.

2.3 Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en matière pénale ne réexamine
l'établissement des faits - sous réserve de la violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché d'inexactitude manifeste (art. 97 al.
1 LTF), soit d'arbitraire (ATF 134 IV 36 consid. 1.4.1, p. 39). Une décision
est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas
que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif ou en
violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution paraît également concevable voire même préférable (ATF 134 I 140
consid. 5.4 p. 148 et les arrêts cités, 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). En matière
d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire
lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un
élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe
manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur
les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9).

2.4 Pour considérer que le délai de trois mois était échu, la juridiction
cantonale a retenu en fait que X.________, qui exploite une entreprise du
second oeuvre dans le bâtiment, avait licencié deux de ses employés, Y.________
et Z.________, par lettre du 23 avril 2007. Quelques jours plus tard, soit le
27 avril, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT)
où travaillait l'épouse de Y.________ comme assistante de direction, avait
informé divers organismes étatiques par courrier confidentiel que X.________
avait commis une série d'infractions notamment à la LSEE, aux règles de
sécurité du travail, aux paiements des heures supplémentaires et du montant du
salaire horaire ainsi que des vacances comme le lui avaient rapporté plusieurs
travailleurs. Celui-ci a appris l'existence de ce courrier le 13 juin 2007; il
a eu connaissance de son contenu le 28 juin 2007.

Par la suite, dans le cadre de la procédure civile opposant ces parties,
X.________ a exposé dans son mémoire du 13 février 2008 qu'il avait fait
rapidement le lien entre le licenciement de ces employés, les tracasseries
administratives dont il était l'objet de la part de l'OCIRT et le courrier du
27 avril de cet office dont les propos attentatoires à son honneur l'avaient
été sur instigation de ces deux employés licenciés.

A ces constatations, le recourant oppose simplement une autre version et donne
une nouvelle lecture des pièces au demeurant claires du dossier, sans apporter
la démonstration requise de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves. En
effet, de la connaissance dès juin 2007 par le recourant du fait que des
travailleurs de son entreprise étaient à l'origine des propos tenus pour
attentatoires à son honneur tels que rapportés dans la lettre du 27 avril de
l'OCIRT, de la mise en évidence rapide par celui-ci du lien entre le
licenciement de ses employés et les démarches consécutives de l'OCIRT ainsi que
du sens clair de ses allégués dans la procédure civile, la juridiction
cantonale pouvait légitimement retenir que la connaissance de l'identité des
auteurs était suffisante en juin 2007 et à tout le moins en février 2008. A cet
égard, le fait qu'il ait dû entreprendre de nombreuses démarches en vue d'avoir
un accès complet au dossier administratif demeure sans pertinence dès lors
qu'il ne s'est agi que de la preuve de l'identité d'auteurs qu'il connaissait
déjà. Or, comme on l'a vu ci-dessus (consid. 2.1), cela est sans incidence sur
le cours du délai.

En conséquence, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
considérant, sur les base des faits retenus, que le délai de trois mois était
échu lorsque la plainte pénale a été déposée le 28 août 2008.

3.
Dans un deuxième grief, le recourant reproche à la juridiction cantonale une
violation des règles de la procédure pénale genevoise au sujet du classement de
la plainte contre inconnu décidée par le Procureur. Il soutient que la Chambre
d'accusation n'était pas autorisée à rendre telle décision motivée de
classement dès lors que le Procureur n'en avait pas exposé les motifs dans sa
décision du 4 septembre 2008. Ayant outrepassé ses pouvoirs, la Chambre a
commis une violation arbitraire de la loi cantonale.

3.1 Selon l'article 190A CPP-GE, un certain nombre de décisions du procureur
général, énumérées de manière exhaustive, peuvent faire l'objet de recours à la
Chambre d'accusation. Parmi celles-ci figure la décision de classement (art.
116 CPP/GE).

Lorsqu'elle est saisie d'un recours contre une ordonnance de classement, la
Chambre d'accusation dispose d'un plein pouvoir d'examen. Elle peut confirmer
la décision, renvoyer la cause au Parquet pour qu'il ordonne une enquête
préliminaire ou une instruction préparatoire, inviter le Parquet à rendre une
ordonnance de condamnation ou encore traduire en jugement la personne inculpée
ou mise en cause. Elle peut également confirmer la décision et maintenir le
classement ou, le cas échéant, prononcer un non-lieu. La Chambre d'accusation
n'est en principe pas liée par les motifs du classement, de sorte qu'elle peut
les compléter, s'en écarter ou encore renvoyer la cause au Parquet pour suite
d'enquête ou nouvelle détermination (GRÉGOIRE REY, Procédure pénale genevoise,
Lausanne 2005, n. 1.2.1 ad art. 190A CPP/GE).

3.2 Dans le cas d'espèce, le Procureur a classé la plainte au motif qu'elle
était tardive, ce qui était inexact en ce qui concerne la plainte contre
inconnu, comme l'a relevé pertinemment la Chambre d'accusation. Selon la
jurisprudence genevoise rappelée ci-dessus, la Chambre d'accusation pouvait dès
lors faire usage de son plein pouvoir d'appréciation et exposer les motifs
justifiant à ses yeux le classement ou renvoyer la cause au Parquet. Or, même
s'il existe une pratique, alléguée par le recourant, d'un renvoi au Ministère
public pour nouvelle décision en cas de motivation insuffisante (cf. REY, op.
cit. n. 1.2.2 ad art. 190A CPP/GE), le fait que la Chambre d'accusation ait
fait usage du pouvoir d'examen que lui donne la loi, ne saurait relever de
l'arbitraire, en particulier lorsqu'il s'est agi de corriger une motivation
inexacte.

Le grief soulevé doit dès lors être rejeté sans qu'il soit encore nécessaire
d'examiner les motifs de ce classement faute de qualité du lésé pour recourir
sur cette question (ATF 133 IV 228).

4.
Le recourant qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr. sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation du
canton de Genève.

Lausanne, le 23 janvier 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Favre Gehring