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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.931/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_931/2008 /rod

Arrêt du 2 février 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Frédéric Malcotti, avocat,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Jean-Pierre Otz, avocat,
Ministère public du canton de Neuchâtel, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
intimé.

Objet
Gestion déloyale (art. 158 CP),

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel du 6 octobre 2008.

Faits:

A.
Le 1er septembre 2000, Y.________ SA, société de courtage en assurances, a
engagé X.________ comme responsable de sa succursale à Neuchâtel. A la fin de
l'année 2002, elle s'est séparée de deux employés de cette filiale, à savoir
A.________ et B.________, décision qui a été critiquée par X.________. Dès le
1er janvier 2003 au moins, ce dernier s'est engagé dans la société Z.________,
qui était une entreprise concurrente et qui employait A.________ et B.________.
Il a été particulièrement actif dans la constitution, l'établissement et le
développement de cette nouvelle société.

Le 15 mai 2003, Y.________ SA a déposé plainte contre X.________.

B.
Par jugement du 10 juin 2008, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a
condamné X.________, pour gestion déloyale, à cent jours-amende avec sursis
pendant deux ans, la valeur du jour amende étant fixé à 500 fr.

Par arrêt du 6 octobre 2008, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
neuchâtelois a rejeté le pourvoi de X.________.

C.
Ce dernier dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Invoquant
l'arbitraire et une violation de l'art. 158 CP, il conclut, principalement, à
son acquittement et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt cantonal.
Considérant en droit:

1.
Contestant sa condamnation pour gestion déloyale, le recourant se plaint
d'arbitraire et d'une violation de l'art. 158 CP.

1.1 De jurisprudence constante, une décision n'est pas arbitraire du seul fait
qu'elle apparaît discutable où même critiquable; il faut qu'elle soit
manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans
son résultat (ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148). L'arbitraire allégué doit par
ailleurs être suffisamment démontré, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 42
et 106 al. 2 LTF; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

1.2 Aux termes de l'art. 158 CP, celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat
officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires
d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs,
aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés sera puni
d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire
(ch. 1 al. 1). L'infraction de gestion déloyale suppose donc la réunion de
quatre éléments, à savoir un devoir de gestion ou de sauvegarde (cf. infra
consid. 2), la violation de ce devoir (cf. infra consid. 3) un dommage (cf.
infra consid. 4) et l'intention (cf. infra consid. 5).

2.
Le recourant soutient que la lecture de son contrat de travail ne permet pas de
conclure qu'il avait un pouvoir de gestion au sein de Y.________ SA.

2.1 Seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d'une indépendance
suffisante et qui jouit d'un pouvoir de disposition autonome sur les biens qui
lui sont remis (ATF 129 IV 124 consid. 3.1 p. 126; 123 IV 17 consid. 3b p. 21;
120 IV 190 consid. 2b p. 192). Ce pouvoir peut se manifester non seulement par
la passation d'actes juridiques, mais également par la défense, sur le plan
interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels. Il faut cependant
que le gérant ait une autonomie suffisante sur tout ou partie de la fortune
d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF
123 IV 17 consid. 3b p. 21; 120 IV 190 consid. 2b p. 192).

2.2 Selon son contrat de travail (cf. pièces nos 23 ss), le recourant a été
engagé en tant que responsable de la succursale de Y.________ SA de Neuchâtel.
A ce titre, il devait consacrer toute sa capacité de travail pour notamment
remplir les tâches confiées avec efficacité, précision, discrétion et rigueur,
participer activement à l'élaboration du marketing et de la stratégie
commerciale de l'entreprise, organiser la prospection du marché, assurer
l'engagement du personnel qualifié en fonction des objectifs fixés, assister et
former le service commercial, négocier personnellement le plus grand nombre
possible de contrats, organiser le développement des affaires et assurer avec
le même soin, le service à la clientèle et le maintien du portefeuille. Il
devait exercer son activité à plein temps et renoncer à exercer une autre
activité en faveur de tiers. La négociation des produits d'assurances et
financiers pour son propre compte, le compte d'autres sociétés d'assurances, de
courtage ou d'instituts financiers lui était formellement interdite. Sa
rémunération s'élevait à un montant annuel de 240'000 fr. plus un bonus minimum
de 100'000 fr. et des frais indemnisés forfaitairement à 42'000 fr.

Sur la base du document susmentionné, la Cour de cassation pouvait, sans
violation du droit fédéral, admettre que le recourant avait un devoir de
gestion envers la plaignante. En effet, en tant que responsable, soit directeur
de la succursale de Y.________ SA, il lui incombait évidemment d'assurer les
intérêts patrimoniaux de cette dernière. De plus, il disposait d'un pouvoir sur
les moyens de production, étant donné qu'il devait négocier personnellement le
plus grand nombre possible de contrats. Il avait également un pouvoir sur les
collaborateurs, puisqu'il devait assumer leur engagement, les assister et les
former.

3.
Le recourant nie avoir violé ses devoirs de gestion. Il explique qu'il n'a fait
qu'aider son ami A.________ et conteste les éléments retenus pour établir qu'il
a soutenu l'activité commerciale de l'entreprise Z.________.

3.1 Pour qu'il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l'auteur ait été
gérant, ni qu'il ait violé une quelconque obligation de nature pécuniaire à
l'endroit de la personne dont il gère tout ou partie du patrimoine. Le terme de
gestion déloyale et la définition légale de l'infraction exigent que
l'obligation qu'il a violée soit liée à la gestion confiée (ATF 120 IV 190
consid. 2b, spéc. p. 193; 105 IV 307 consid. 3 p. 312 s.). Il convient donc
d'examiner de manière concrète si les actes de gestion reprochés violaient un
devoir de gestion spécifique.

3.2 Les autorités cantonales ont retenu que le recourant avait soutenu
l'activité commerciale de la société Z.________ en se fondant sur les pièces
nos 598 et 609 du dossier et les déclarations de C.________, D.________ (pièces
nos 880-883 et 936-941) et B.________ (pièce n° 510), appréciation des preuves
que le recourant conteste.
3.2.1 La pièce n° 598, saisie par la police lors de la perquisition effectuée
le 3 juillet 2003 dans les locaux de la société Z.________, est un courrier
adressé au recourant le 23 avril 2003 par B.________ dans lequel celle-lui lui
demandait ce qui suit: « Pourriez-vous réserver la date du 21 mai 2003 à 10
heures, afin d'aller discuter un contrat LPP à l'entreprise E.________ SA à
Courroux avec A.________? » Il est vrai, comme l'affirme le recourant, qu'on ne
sait finalement pas si ce dernier a donné suite à ce rendez-vous, qui se serait
alors déroulé après son licenciement de Y.________ SA. Reste que cette pièce
constitue tout de même un indice laissant penser que le recourant était d'une
quelconque manière impliqué dans l'activité commerciale de Z.________.

B.________ a décrit son activité pour le recourant, alors qu'elle travaillait
pour la société Z.________, en ces termes (pièce n° 510): « j'ai effectué des
prospections d'entreprises depuis février 2003 pour trouver des clients à
X.________ dans le cadre de Z.________, mais sous le nom de Y.________.
J'envoyait un fax à D.________, bras droit de X.________, qui lui transmettait
les rendez-vous de prospection décrochés ». La pièce n° 609 saisie par la
police est intitulée « rendez-vous obtenus pour X.________ » et comporte une
liste de noms d'entreprise avec la date de rendez-vous. Il est vrai que ces
seuls éléments ne permettent pas de conclure que le recourant a effectivement
signé des affaires pour la société Z.________, à la place de Y.________ SA. Ils
ne laissent toutefois aucun doute sur le fait que le recourant a joué un rôle
dans les activités commerciales de Z.________. En effet, on explique sinon mal
pour quels motifs le personnel de cette entreprise, licencié auparavant par la
plaignante, aurait dû s'impliquer dans le travail de Y.________ SA, alors que
celle-ci disposait de ses propres employés.

Le témoin D.________ a notamment fait les déclarations suivantes (pièces nos
880 à 883 et 936 à 941): «X.________ s'est impliqué activement dans la création
de la nouvelle entreprise (Z.________) en négociant pour le compte de celle-ci
plusieurs conventions de courtage; pour aider A.________ dans le développement
de ses affaires, X.________ m'a fait demander plusieurs offres d'assurances vie
pour le compte de Z.________ et m'a demandé de livrer ces offres à A.________
». Le recourant conteste la portée de ce témoignage. Toutefois il n'explique
pas en quoi les éléments qu'il invoque, à savoir que ce témoin ne souhaitait
pas être cité dans la procédure et qu'il aurait touché des commissions de
Z.________, permettraient de mettre en doute la crédibilité de ce témoignage.
Enfin, le recourant ne s'en prend pas aux déclarations de C.________ et ne
prétend pas que les autorités ne pouvaient en déduire qu'il a été
particulièrement actif dans le développement des liens commerciaux de la
société Z.________.

3.2.2 Sur la base de l'ensemble des éléments précités, la Cour de cassation
pouvait, sans arbitraire, conclure que le recourant avait soutenu l'activité
commerciale de la société Z.________, étant rappelé que lorsque l'autorité
cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble
d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de
ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant.
L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son ensemble et il
n'y a pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière
soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a
pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs soient
fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un
ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction.

3.3 Selon les constatations cantonales, le recourant a personnellement souscrit
les 98 % du capital-action de Z.________ SA, qui a été inscrite au registre du
commerce le 10 février 2003 et dont le but social était le même que celui de la
plaignante. Il a signé le bail des locaux de cette entreprise dès le début
2003. Il a personnellement favorisé l'établissement de conventions avec
quelques compagnies d'assurances. De plus, il a activement soutenu l'activité
commerciale de cette société concurrente. Au regard des activités ainsi
déployées pour Z.________ SA et les obligations contractuelles du recourant
telles que décrites ci-dessus (cf. supra consid. 2.2), la Cour cantonale
pouvait admettre, sans violation du droit fédéral, que l'intéressé avait violé
ses devoirs de gestion.

3.4 Le recourant affirme encore qu'il aurait fallu examiner son comportement à
l'aune des art. 18 et 48 CP. Ces critiques sont nouvelles et ne contiennent
aucune motivation, contrairement au prescrit de l'art. 42 al. 2 LTF. Elles sont
donc irrecevables.

4.
Le recourant conteste la réalisation d'un dommage. Il soutient qu'aucun élément
ne permet d'accréditer que la plaignante aurait subi un dommage avant son
licenciement et explique lui avoir voué toute sa force de travail.

4.1 L'infraction de gestion déloyale n'est consommée que s'il y a eu préjudice
(ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 193). Tel est le cas lorsqu'on se trouve en
présence d'une véritable lésion du patrimoine, - c'est-à-dire d'une diminution
de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou
d'une non-augmentation de l'actif, ou d'une mise en danger de celui-ci telle
qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique; un
préjudice temporaire suffit (ATF 121 IV 104 consid. 2c p. 107).

4.2 Selon les constatations cantonales, le recourant a utilisé le témoin
D.________, alors employé de Y.________ SA, pour des travaux dont bénéficiait
Z.________. De plus, il a lui-même travaillé pour le compte de cette société en
aidant son personnel à prospecter ou à établir des contacts ou des contrats
d'agrément avec des assurances et a organisé cette société notamment en lui
trouvant des locaux et du personnel. Selon l'expert mandaté dans l'affaire
civile opposant les parties, le volume des primes généré par la succursale
était largement insuffisant pour atteindre l'équilibre financier. Malgré cela,
le recourant a utilisé des ressources normalement dévolues à l'entreprise pour
mettre sur pied et développer une société concurrente.

Sur la base de ces éléments au sujet desquels le recourant ne démontre aucun
arbitraire conformément aux exigences légales (cf. art. 42 et 106 al. 2 LTF),
les autorités cantonales pouvaient, sans violation du droit fédéral, admettre
que l'intéressé avait mis en danger les intérêts pécuniaires de la plaignante.
Le fait que le dossier ne comporte aucun document permettant de fixer
précisément le montant du dommage subi est sans pertinence. Il est en effet
incontestable que celui-ci existe à tout le moins par une non augmentation de
l'actif de Y.________ SA ou par une mise en danger de la situation financière
de cette dernière, dès lors que le recourant a détourné les efforts qu'il
devait entreprendre pour son ancien employeur en faveur de Z.________.

5.
Le recourant conteste la réalisation de l'aspect subjectif de l'infraction qui
lui est reprochée.

5.1 La gestion déloyale est une infraction intentionnelle. L'intention doit
porter sur tous les éléments constitutifs. Le dol éventuel suffit, mais il doit
être caractérisé vu l'imprécision des éléments constitutifs objectifs de cette
infraction (ATF 123 IV 23 consid. e p. 23; 120 IV 193 consid. 2b).

5.2 D'après le jugement de première instance, auquel se réfère l'arrêt attaqué,
le recourant a créé la société Z.________ pour protéger son patrimoine. Vu ses
capacités professionnelles, il ne pouvait lui échapper qu'il commettait une
infraction en se comportant ainsi. De plus, ses explications selon lesquelles
il voulait aider ses collaborateurs injustement licenciés sont insuffisantes
pour le disculper. En effet, il a en réalité cherché à sauvegarder son propre
argent, a utilisé ses anciens collaborateurs pour ce faire et ses agissements
ne présentaient aucun caractère altruiste. Le recourant a d'ailleurs admis
avoir peut-être commis une faute en ne parlant pas à son employeur de son
soutien à Z.________.

L'argumentation du recourant au sujet des faits précités se réduit à une
plaidoirie purement appellatoire, dans laquelle on ne discerne aucune
démonstration d'arbitraire, de sorte que ses critiques sont irrecevables. Pour
le reste, sur la base des faits retenus, l'autorité cantonale n'a pas violé le
droit fédéral en retenant que l'aspect subjectif de l'infraction de gestion
déloyale était réalisé.

6.
Le recourant se prévaut encore, de manière générale, d'une violation des art.
29, 30 et 32 Cst., 6 et 13 CEDH, 2 par. 3 let. a Pacte II. Ces griefs ne sont
toutefois étayés par aucune argumentation distincte et se confondent avec les
critiques examinées ci-dessus. Dans la mesure où l'intéressé entendrait
néanmoins en faire des arguments séparés, ceux-ci seraient irrecevables, faute
d'être développés par une motivation qui satisfasse aux exigences de l'art. 106
al. 2 LTF.

7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est
recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, fixés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 2 février 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Favre Bendani