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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.89/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_89/2008 /rod

Arrêt du 9 mai 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Luc Argand, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Courte peine privative de liberté ferme (art. 41 CP); violation de la LCR,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale, du 17 décembre 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 4 avril 2007, le Tribunal de police du canton de Genève,
statuant sur opposition à une ordonnance de condamnation, a reconnu X.________
coupable d'avoir conduit un véhicule non couvert par une assurance
responsabilité civile (art. 96 ch. 2 al. 1 LCR).

Appliquant l'ancien droit, il a condamné X.________ à une amende de 1'000 fr.
et à un mois de peine privative de liberté. Il a mis en outre les frais de
procédure, s'élevant à 280 fr., à sa charge.

B.
Statuant le 17 décembre 2007 à la suite d'un appel formé par le condamné, la
Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève a, en conformité avec
l'ancien droit, remplacé la peine privative de liberté d'un mois par une peine
d'emprisonnement d'un mois, confirmant le jugement rendu par le Tribunal de
police pour le surplus.

C.
Contre cet arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le
Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué
en ce sens qu'il soit condamné à une peine pécuniaire ou à un travail d'intérêt
général; subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale.

D.
Le ministère public a conclu à la confirmation du jugement cantonal alors que
la Cour de justice ne s'est pas déterminée.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et
2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral ne réexamine
l'établissement des faits - sous réserve de l'allégation d'une violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché d'inexactitude
manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à savoir d'arbitraire (ATF 134 IV 39 consid.
1.4.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).

2.
2.1 Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'article 41 CP
ainsi que d'avoir, à tort, appliqué l'ancien droit. A ses yeux, le nouveau
droit qui permet le prononcé d'une peine pécuniaire à l'exclusion d'une peine
privative de liberté constitue le droit le plus favorable.

2.2 Aux termes de l'art. 2 CP, est jugé d'après le présent code quiconque
commet un crime ou un délit après l'entrée en vigueur de ce code (al. 1;
principe de la non-rétroactivité). Le présent code est aussi applicable aux
crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si l'auteur
n'est mis en jugement qu'après cette date et si le présent code lui est plus
favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction (al. 2; lex mitior).

Déterminer le régime le plus favorable procède d'une comparaison concrète de la
situation de l'auteur selon qu'il est jugé à l'aune de l'ancien ou du nouveau
droit (ATF 126 IV 5 consid. 2c p. 8; 119 IV 145 consid. 2c p. 151; 114 IV 81
consid. 3b p. 82). On examine, dans la règle, en premier lieu les conditions
légales de l'infraction. Lorsque le comportement est punissable en vertu de
l'ancien comme du nouveau droit, il y a lieu de comparer les deux régimes pris
dans leur ensemble. L'importance de la peine maximale encourue joue un rôle
décisif mais il faut néanmoins tenir compte de toutes les règles applicables,
notamment celles relatives à la prescription et au droit de porter plainte (ATF
119 IV 145 consid. 2c p. 151; 114 IV 81 consid. 3b p. 82).

2.3 Dans un arrêt de principe, la Cour de céans a procédé à une revue des
sanctions prévues par l'ancien et le nouveau droit selon leur genre, de façon à
déterminer le régime le plus favorable (arrêt du 15 février 2008 destiné à la
publication aux ATF 134 IV xxx, 6B_109/2007). S'agissant de la peine pécuniaire
et l'amende, elle a considéré ce qui suit (consid. 5.2.4 de l'arrêt précité):

Ces deux peines sont en principe équivalentes. L'une et l'autre atteignent
l'auteur dans son patrimoine. Elles se distinguent toutefois aussi bien en ce
qui concerne la manière de les calculer que dans le fait que seule la peine
pécuniaire peut être assortie du sursis total ou partiel.

Pour comparer une peine pécuniaire et une amende, l'une et l'autre sans sursis,
il y a lieu de se fonder sur le montant qui a été concrètement fixé. Toutefois,
lorsque la peine pécuniaire est assortie du sursis (art. 42 CP), elle apparaît
la plus douce parce que cette sanction porte moins d'effets. En principe, cela
vaut aussi indépendamment du fait que le montant de la peine pécuniaire est
supérieur à celui de l'amende dès lors qu'une peine avec sursis est toujours la
sanction la plus douce par rapport à une peine sans sursis. Il n'en va
autrement, exceptionnellement, que si la peine pécuniaire assortie du sursis
représente un multiple de l'amende tel que celle-ci apparaisse comme la peine
la plus clémente (cf. Riklin, Revision des Allgemeinen Teils des
Strafgesetzbuches: Fragen des Uebergangsrechts, PJA 2006, p. 1474). Dans le cas
où, pour des raisons tenant à la prévention spéciale, l'exécution de la peine
pécuniaire est seulement partiellement suspendue (art. 43 CP), ce qui n'était
pas possible sous l'ancien droit, la peine pécuniaire assortie d'un sursis
partiel est encore la peine la plus douce pour autant que la partie à exécuter
demeure inférieure au montant de l'amende.

2.4 Les faits reprochés ont été commis en 2005. La cour cantonale a statué sur
appel postérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, des nouvelles
dispositions générales du Code pénal. Elle a examiné à juste titre la question
de l'application de la loi pénale dans le temps. La cour cantonale a comparé la
sanction prononcée par le tribunal de première instance en application de
l'ancien droit (un mois d'emprisonnement et 1000 fr. d'amende) avec celle qui
serait ordonnée en application du nouveau droit. Selon elle, l'art. 96 ch. 2
al. 1 LCR nouveau exige le cumul de la peine privative de liberté et de la
peine pécuniaire. Et dès lors que la peine privative de liberté d'un mois
(nouveau droit) est équivalente à une peine d'emprisonnement d'un mois (ancien
droit), elle a comparé les sanctions pécuniaires. Estimant que le montant de la
peine pécuniaire serait de 5400 fr. minimum (30 jours à 180 fr.), elle en a
conclu que le nouveau droit n'était pas plus favorable que l'ancien droit
(amende de 1000 fr.) En conséquence, elle a appliqué l'ancien droit en
conformité avec le principe de la non-retroactivité de la loi pénale.

2.5 Au vu de le jurisprudence exposée ci-dessus, le résultat de la comparaison
effectuée par les juges cantonaux entre la peine pécuniaire et l'amende est
conforme au droit fédéral et, partant, conduit en principe à l'application de
la loi ancienne comme lex mitior.

Reste cependant à examiner si les premiers juges pouvaient limiter leur examen
à une comparaison des seules peines patrimoniales.
2.6
2.6.1 Le recourant a conduit un véhicule automobile en sachant que celui-ci
n'était pas couvert par une assurance responsabilité civile. Selon l'art. 96
ch. 2 al. 1 LCR nouveau, qui réprime le cas grave, l'auteur de cette infraction
sera « puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une
peine pécuniaire. La peine privative de liberté sera cumulée avec une peine
pécuniaire ».

Cette disposition doit être appliquée de manière conforme à l'art. 41 CP. Une
peine privative de liberté de moins de six mois ne saurait être prononcée que
si les conditions de l'art. 41 CP sont réalisées. Si les conditions du nouvel
art. 41 CP ne sont pas réunies, le juge ne pourra pas ordonner une peine
privative de liberté de moins de six mois. Il ne pourra prononcer qu'une peine
pécuniaire, le cumul avec une peine privative de liberté n'étant pas imposé
dans ce cas. L'art. 96 ch. 2 al. 1 LCR prévoit en effet alternativement une
peine privative de liberté ou une peine pécuniaire et n'impose le cumul,
contrairement à l'opinion des juges cantonaux, qu'en cas de peine privative de
liberté.
2.6.2 Se pose dès lors la question du choix du type de la sanction (peine
privative de liberté, peine pécuniaire ou travail d'intérêt général),
problématique que le Tribunal fédéral a examiné dans un arrêt du 17 mars 2008,
destiné à la publication aux ATF (affaire 6B_341/2007 consid. 4.2). Il en
ressort en bref ce qui suit pour ce qui concerne le cas d'espèce.

Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine
pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté
ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre
manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose
l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en
règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et
apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui
restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé,
respectivement qui le touche le moins durement (arrêt 6B_109/2007 du 17 mars
2008 consid. 4.1 destiné à la publication et les ouvrages cités). La peine
pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins
importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte
également de l'intention essentielle, qui était au c?ur de la révision de la
partie générale du Code pénale en matière de sanction, d'éviter les courtes
peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur,
et de leur substituer d'autres sanctions (arrêt 6B_366/2007 du 17 mars 2008,
destiné à la publication, consid. 4.3 et les réf.).
2.6.3 En l'espèce, les conditions de l'art. 41 CP pour prononcer une peine
privative de liberté ne sont pas réalisées, dans la mesure où une peine
pécuniaire est exécutable. Preuve en est que la cour cantonale a admis que,
selon le nouveau droit, il faudrait prononcer une peine pécuniaire dont elle
fixe le montant au minimum à 5400 fr. Il s'ensuit que l'application du nouveau
droit devrait conduire au prononcé d'une peine pécuniaire, à l'exclusion de
toute peine privative de liberté. Pour le surplus et à la place d'une peine
pécuniaire inférieure à 180 jours-amende, le juge pourrait aussi ordonner, avec
l'accord de l'auteur, un travail d'intérêt général (art. 37 CP).

Il s'ensuit que les termes véritables de la comparaison sont, d'une part, un
mois d'emprisonnement et une amende de 1000 fr. (ancien droit) et, d'autre
part, une peine pécuniaire ou un travail d'intérêt général (nouveau droit). Or,
ainsi que l'a jugé la Cour de céans dans un arrêt de principe, une peine
pécuniaire sera toujours considérée comme moins sévère qu'une peine privative
de liberté, une sanction patrimoniale étant moins lourde qu'une atteinte à la
liberté personnelle. De même, le travail d'intérêt général sera moins sévère
qu'une peine privative de liberté et que l'amende selon l'ancien droit, dès
lors que son prononcé nécessite l'accord de l'auteur (consid. 5 de l'arrêt du
15 février 2008 destiné à la publication aux ATF 134 IV xxx, 6B_109/2007).
Comme le droit nouveau est plus favorable au recourant que l'ancien droit, il
doit en conséquence s'appliquer. Le recours doit donc être admis.

L'arrêt attaqué qui viole sur ce point le droit fédéral sera annulé et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle fixe une peine selon le nouveau
droit.

3.
Il n'est pas perçu de frais (art. 66 al. 4 LTF). Le canton de Genève versera au
recourant une indemnité de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de dépens de 3000
francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale.
Lausanne, le 9 mai 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin