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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.850/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_850/2008 ajp

Arrêt du 26 décembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffier: M. Vallat.

Parties
AX.________,
recourant, représenté par Me Henri Carron, avocat,

contre

C.________,
intimée,
Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, Case postale 2050,
1950 Sion 2,
intimé.

Objet
Refus de donner suite (atteinte à l'honneur),

recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge de
l'autorité de plainte, du 12 septembre 2008.

Faits:

A.
En date du 1er février 2008, AX.________ a déposé plainte pénale contre
C.________, psychologue FSP, pour atteinte à l'honneur. Il reprochait à cette
dernière le contenu d'un rapport établi le 22 novembre 2007. Dans le cadre de
la procédure de séparation opposant les époux X.________, l'avocat de
BX.________ avait requis C.________, consultée en raison de difficultés
conjugales, d'établir un rapport d'évaluation précisant notamment si l'état
psychologique de sa cliente était principalement consécutif à sa situation
familiale et conjugale. Le plaignant soulignait n'avoir jamais rencontré la
praticienne, qui s'était vraisemblablement fondée exclusivement sur l'avis de
son épouse pour brosser un tableau de harcèlement psychologique.

En résumé, ce rapport relevait un épuisement général physique et psychologique
qui paraissait résulter, selon les dires de la patiente et les constatations de
la thérapeute, d'un harcèlement psychologique important. Ce document énonçait
une dizaine de caractéristiques justifiant cette appréciation en indiquant
qu'elles correspondaient aux agissements décrits par la cliente à propos de son
mari (répétition de propos ou d'agissements hostiles, dévalorisation,
humiliations, image d'un partenaire charmant à l'extérieur mais despote chez
lui, égocentrique et colérique avec possibilité que cela puisse conduire
parfois à des violences physiques). La psychologue soulignait que, dans les cas
de ce genre, le conjoint agresseur se positionnait souvent devant le juge comme
une victime affable et l'abusait comme il avait abusé sa victime et son
entourage. En ce qui concernait sa cliente en particulier, elle signalait que
le soutien psychologique prodigué lui avait permis d'apprendre à se protéger
mieux des agissements manipulateurs et pervers de son mari, dont les actes
hostiles et répétés cherchaient à nuire et portaient atteinte de manière
importante à sa personnalité, à sa dignité, à son intégrité psychique ou
physique ainsi qu'à celle de ses enfants. La psychologue recommandait en
conclusion que sa patiente puisse être soutenue dans la procédure en séparation
et jouir d'une reconnaissance de la part de la justice afin qu'elle retrouve
rapidement une vie sereine.

Par lettre du 19 juin 2008, le Juge d'instruction a décidé de ne pas donner
suite à la plainte pénale.

B.
Saisie par AX.________, l'autorité de plainte du Tribunal cantonal valaisan l'a
débouté par décision du 12 septembre 2008.

En substance, l'autorité cantonale a considéré que l'intimée, qui pourrait cas
échéant être mise au bénéfice d'un erreur de fait si son appréciation devait se
révéler erronée, ce qui n'était pas établi, n'avait pas excédé le cadre de sa
mission, ni recouru à des formules inutilement blessantes. Il était ainsi plus
vraisemblable que son appréciation procédât d'un comportement licite. Il n'y
avait a fortiori pas d'éléments subjectifs et objectifs suffisants pour
justifier l'ouverture d'une instruction d'office pour faux dans les titres.

C.
AX.________ forme un recours en matière pénale contre cette décision. Il
conclut avec suite de frais et dépens à son annulation.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le délit réprimé par l'art. 173 CP n'est poursuivi que sur plainte. Devant les
autorités valaisannes, le recourant a soutenu seul cette accusation, le droit
cantonal n'habilitant pas l'accusateur public à intervenir dans cette hypothèse
(cf. arrêts du 26 novembre 2008, 6B_203/2008 consid. 1.1 et du 16 novembre
2005, 6S.159/2005 consid. 1 et les références). Le recourant a donc qualité
pour recourir (art. 81 al. 1 let. b ch. 4 LTF).

2.
La cour cantonale a jugé que l'intimée pouvait se prévaloir d'un acte licite au
sens de l'art. 14 CP. Elle a considéré que lorsque l'auteur de la déclaration
n'a pas d'autre choix que de s'exprimer, son acte peut être considéré comme
licite s'il est resté dans le cadre légal, s'il s'est abstenu de développements
offensants sans pertinence ou de formules inutilement blessantes et qu'il ait
exprimé de bonne foi ce qu'il tenait pour vrai. La cour cantonale a, ensuite,
constaté que l'intimée n'avait pas excédé le cadre de sa mission ni recouru à
des formules inutilement blessantes.

2.1 Le recourant objecte que l'intimée n'avait aucune obligation de s'exprimer,
le mandat de rédiger le rapport lui ayant été confié par l'avocat de sa
patiente et non par le tribunal. La situation de la thérapeute n'était donc pas
comparable à celle d'un témoin, mais plutôt à celle d'un avocat. Ses
déclarations n'auraient été licites qu'à condition que la défense des intérêts
de sa cliente exige la communication au tribunal des faits objectivement
attentatoires à l'honneur, qu'elle n'en connaisse pas la fausseté et qu'elle
les ait présentés sous la forme de soupçons et sous une forme qui ne soit pas
inutilement offensante.

2.2 Dans le cadre de l'application de l'art. 173 CP, les motifs justificatifs
de la partie générale du code pénal, qui excluent d'emblée l'illicéité de
l'acte, doivent être examinés avant la question de la preuve libératoire (ATF
131 IV 154 consid. 1.3.1 p. 157 et les références citées).

Selon la jurisprudence rendue en application de l'ancien art. 32 CP
(actuellement art. 14 CP), le juge ou le fonctionnaire, qui a l'obligation de
motiver sa décision, n'est pas punissable, en raison de son devoir de fonction,
s'il se limite à ce qui est nécessaire et s'exprime de bonne foi, en toute
conscience. Un policier qui a le devoir de faire rapport n'agit pas non plus de
manière illicite, pour autant qu'il ne brode pas et décrive comme telles les
simples rumeurs. Il en va de même du fonctionnaire chargé de donner des
informations à la presse, pour autant que la communication ait un contenu
approprié et qu'il se soit exprimé avec la retenue nécessaire. Le témoin, tenu
de déposer, n'est pas punissable s'il se borne à répondre, sans formules
inutilement blessantes, aux question posées en disant ce qu'il considère comme
vrai (v. ATF 116 IV 211 consid. 4a/bb, p. 215 s.). La jurisprudence admet, par
ailleurs, que les déclarations attentatoires à l'honneur émanant de parties à
un procès et de leurs avocats peuvent être justifiées par le droit d'alléguer
en procédure et les obligations y relatives consacrés par la constitution et
les lois, respectivement par un devoir de fonction, à condition que le
déclarant se soit exprimé de bonne foi en se limitant à ce qui était nécessaire
et pertinent et qu'il ait présenté comme telles de simples suppositions (ATF
131 IV 154 consid. 1.3.1 p. 157, 118 IV 153 consid. 4b p. 161, 248 consid. 2c
p. 252).

Il s'agit, dans toutes ces situations, de tenir dûment compte de la situation
particulière de celui qui est tenu par la loi de s'exprimer (cf. BERNARD
CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 2002, art. 173 n. 5). En
revanche, la seule situation professionnelle ou un devoir moral lié à une
éthique professionnelle ne constitue jamais une justification suffisante
lorsque l'obligation de s'exprimer n'est pas consacrée par la loi (KURT
SEELMANN, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e éd., 2007, art. 14 n. 9).
2.2.1 En l'état, les professions de la psychologie ne sont pas réglementées au
niveau national, mais, de manière partielle et disparate au niveau cantonal (v.
Rapport du mois de décembre 2006 de l'Office fédéral de la santé publique sur
les résultats de la procédure de consultation relative à la loi fédérale sur
les professions de la psychologie; LPsy). Dans le canton du Valais, cette
réglementation est contenue dans une ordonnance sur l'exercice des professions
de la santé du 20 novembre 1996 (RS/VS 811.10). On peut se borner à relever que
ce texte ne sanctionne aucune obligation spécifique incombant au thérapeute de
s'exprimer ou de fournir des renseignements sur ces patients. La cour cantonale
n'a, du reste, pas fondé sa décision sur une telle obligation professionnelle,
mais a plutôt considéré le rôle joué par l'intimée dans la procédure de
séparation.
2.2.2 Conformément à l'art. 169 du Code de procédure civile valaisan du 24 mars
1998 (RS/VS 270.1), les déclarations écrites non officielles faites pour être
utilisées au procès et provenant de personnes pouvant être entendues comme
témoins peuvent être versées au dossier sauf opposition des parties. Cette
disposition a pour but d'amener le témoin à s'expliquer de vive voix devant le
juge et à répondre, séance tenante, à d'éventuelles questions complémentaires.
Il s'agit d'éviter que, par le dépôt d'une déclaration écrite soigneusement
élaborée, le témoin échappe aux exigences d'une audition directe par le juge
(MICHEL DUCROT, Le droit judiciaire privé valaisan, 2000, p. 338). Cette règle
de procédure ne confère pas formellement au déclarant la position d'un témoin
dans la procédure. On peut cependant en déduire que celui qui déclare à
l'avance par écrit des faits en vue d'une procédure déterminée et qui anticipe
de la sorte sa participation à la procédure en qualité de témoin, se trouve
déjà dans une situation particulière, analogue à celle du témoin, en ce sens
que la seule production de sa déclaration en procédure, qu'il accepte, l'expose
à devoir assumer les obligations incombant au témoin et à encourir les mêmes
sanctions en cas d'absence injustifiée ou de refus de témoigner.

En l'espèce, l'intimée a accepté le mandat de délivrer un rapport destiné à
être produit dans une procédure de séparation et a clairement formulé ce
rapport et ses conclusions dans cette perspective en recommandant « que sa
patiente puisse être soutenue dans la procédure en séparation et jouir d'une
reconnaissance de la part de la justice afin qu'elle retrouve rapidement une
vie sereine ». En acceptant ce mandat et en l'exécutant, l'intimée se trouvait
déjà, en raison de cette règle de procédure, dans une situation particulière,
susceptible de l'obliger à répéter ses affirmations dans la procédure en
qualité de témoin. On ne saurait ainsi faire grief à la cour cantonale d'avoir,
dans une telle hypothèse, fait application des principes développés par la
jurisprudence à propos des déclarations de témoins. On ne comprendrait pas, en
effet, que la licéité de telles déclarations écrites, destinées à être
produites en procédure, doive être appréciée différemment selon que le
déclarant a, ou non, déjà formellement été entendu en qualité de témoin par le
juge.

2.3 Il s'agit donc d'examiner si l'intimée s'est bornée à répondre, sans
formules inutilement blessantes, aux questions posées en disant ce qu'elle
considérait comme vrai. Il n'est, en revanche, pas nécessaire d'examiner
l'argumentation dans laquelle le recourant reproche à l'intimée de n'avoir pas
formulé des hypothèses, mais d'avoir procédé par affirmations.
2.3.1 Sur ce point, le recourant soutient que le rapport serait fallacieux en
tant que l'intimée laisse entendre, sans l'avoir jamais vu ou entendu, qu'elle
aurait elle-même constaté le harcèlement psychologique décrit.

En soulignant que l'intimée avait estimé crédibles les plaintes avancées par sa
cliente (arrêt entrepris, consid. 2b, p. 5 s.), la cour cantonale a cependant
retenu, en fait que l'intimée avait répondu ce qu'elle considérait comme vrai.
Le recourant se borne à opposer sur ce point de fait sa propre appréciation, ce
qui ne suffit pas à justifier que l'on s'écarte de la décision entreprise (art.
105 al. 1 et 2 LTF).
2.3.2 Pour le surplus, la cour cantonale a jugé que, appelée à spécifier et à
qualifier, même en termes sévères voire attentatoires à l'honneur, les
comportements imputés au recourant, l'intimée n'avait pas recouru à des
formules inutilement blessantes (arrêt entrepris, consid. 2b, p. 6). Ce
faisant, la cour cantonale a considéré que si l'intimée tenait pour vraies les
déclarations de sa cliente, elle n'avait pas d'autre choix que de qualifier ces
agissements de « harcèlement psychologique ». On ne saurait en faire grief à
l'autorité précédente.

2.3.3 Il résulte de ce qui précède que l'on ne saurait, en l'espèce, reprocher
à la cour cantonale d'avoir confirmé le classement de la plainte au motif qu'un
acquittement apparaissait a priori plus probable qu'une condamnation.

3.
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 66 al. 1
LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée qui n'a pas été
invitée à procéder (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 francs, sont à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du Valais, Juge de l'autorité de plainte.

Lausanne, le 26 décembre 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Schneider Vallat