Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.822/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_822/2008 /rod

Arrêt du 5 novembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Saskia Ditisheim, avocate,

contre

Y.________, représenté par Me Pascal Petroz, avocat,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.

Objet
Délit manqué de meurtre par dol éventuel (art. 12 al. 2 et art. 111 CP),

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 29 août
2008.

Faits:

A.
Par arrêt du 22 janvier 2008, la Cour d'assises du canton de Genève a reconnu
X.________ coupable de délit manqué de meurtre sur la personne de Y.________.
Elle lui a infligé une peine privative de liberté de six ans et l'a condamné à
payer à Y.________ la somme de 15'000 francs avec intérêts à 5 % dès le 14
février 2007, à titre d'indemnité pour tort moral.

B.
Statuant le 29 août 2008, la Cour de cassation genevoise a rejeté le pourvoi
formé par X.________. En substance, cet arrêt repose sur les faits suivants:
Originaire du Kosovo, Y.________ travaillait comme ouvrier du bâtiment. Depuis
octobre 2000, il vivait en chambre, au 3e étage d'un immeuble situé à la rue
Monthoux à Genève. En octobre 2002, X.________, requérant d'asile somalien,
s'est installé dans la chambre voisine. Les deux locataires utilisaient des
locaux communs, à savoir une cuisine, la douche, les WC et le lavabo; les deux
pièces n'étaient séparées que par une fine paroi.

Rapidement des disputes verbales sont survenues entre les deux locataires, car
X.________ ne veillait pas au maintien de la propreté des locaux communs et
faisait du bruit la nuit. En novembre 2006, X.________, qui n'acceptait pas les
remontrances de Y.________, a menacé celui-ci avec un couteau. Pour ces faits,
il a été condamné à une amende de 600 francs.

Le 4 février 2007, alors qu'il se trouvait devant le lavabo commun, Y.________
a vu surgir dans le miroir X.________, muni d'un grand couteau. A peine
s'était-il retourné qu'il a reçu un violent coup de couteau dans la poitrine.
X.________ a frappé de haut en bas, transperçant la peau et le cartilage, qui
se trouve entre l'artère et le sternum, sectionnant l'artère mammaire interne,
puis la plèvre et provoquant plusieurs lésions graves. Avant de s'écrouler,
Y.________ a vu X.________ quitter les lieux en courant et descendre
précipitamment les escaliers. Malgré la gravité de ses blessures, il a pu
appeler la police avec son téléphone portable. L'intervention médicale rapide
lui a sauvé la vie. Cependant, il souffre actuellement encore d'importantes
séquelles.

C.
Contre l'arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant
le Tribunal fédéral. Il dénonce une application arbitraire du droit de
procédure cantonale ainsi que la violation de son droit d'être entendu (défaut
de motivation). En outre, il se plaint d'une fausse application des art. 12 al.
2 et 111 CP. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En outre, il sollicite
l'assistance judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et
2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.2 Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral ne réexamine
l'établissement des faits - sous réserve de l'allégation d'une violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché d'inexactitude
manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à savoir d'arbitraire (ATF 134 IV 36, consid.
1.4.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).

2.
2.1 Dans son jugement, la cour cantonale a refusé de retenir la circonstance
atténuante du repentir sincère en ces termes: «le recourant use d'arguments
appellatoires pour substituer son appréciation à celle de l'autorité de
jugement ». « (...) le refus d'admettre que le geste financier accompli par le
recourant à l'approche du procès pénal et les regrets exprimés constituent un
repentir sincère n'apparaît pas comme outrepassant le large pouvoir
d'appréciation de l'autorité de jugement, ni, partant, consacrer une violation
de l'art. 48 CP ».

Dans un premier grief, le recourant dénonce une application arbitraire des art.
340 let. a et 350 du code de procédure pénale genevois (ci-après: CPP/GE) au
motif que la cour cantonale aurait limité son pouvoir d'examen à l'arbitraire.
Il fait valoir en outre que son argumentation n'était pas appellatoire, car
tous les éléments qu'il invoquait (attente après les faits, prise en charge
psychiatrique) ressortaient expressément de l'arrêt rendu par la Cour
d'assises.

2.2 En procédure cantonale genevoise, les arrêts de la Cour d'assises genevoise
peuvent être attaqués par la voie d'un pourvoi auprès de la Cour de cassation
genevoise (art. 339 al. 1 let. c CPP/GE). Voie de droit extraordinaire, le
pourvoi est ouvert notamment pour violation de la loi pénale, question que la
Cour de cassation genevoise examine librement; en revanche, s'agissant des
faits, son pouvoir d'appréciation est limité à l'arbitraire (ATF 128 I 177
consid. 2.2 p. 182).

Pour sa part, le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du
droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219;
128 II 311 consid. 2.1 p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la
solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs
objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation
défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement
contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause,
elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable,
voire même préférable (ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 131 I 217 consid. 2.1
p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). En outre, l'annulation
de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son
résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178), ce qu'il appartient au recourant de
démontrer (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250).

2.3 L'art. 48 let. d CP prévoit que le juge atténue la peine si l'auteur a
manifesté par des actes un repentir sincère, notamment s'il a réparé le dommage
autant qu'on pouvait l'attendre de lui. Selon la jurisprudence, cette
circonstance atténuante n'est réalisée que si l'auteur adopte un comportement
particulier, désintéressé et méritoire, qui constitue la preuve concrète d'un
repentir sincère. L'auteur doit agir de son propre mouvement dans un esprit de
repentir, et non pas en fonction de considérations tactiques liées à la
procédure pénale. Le délinquant doit faire la preuve de son repentir en
tentant, au prix de sacrifices, de réparer le tort qu'il a causé (ATF 107 IV 98
consid. 1 et les références citées).

2.4 En l'espèce, le recourant a versé une somme de 3'700 francs à la partie
civile juste avant le procès pénal. Les premiers juges ont toutefois jugé que
le versement de cette somme d'argent n'était pas la preuve concrète d'un
repentir sincère, compte tenu du fait que le recourant avait tenté de faire
porter à la partie civile la responsabilité des événements (arrêt attaqué p.
9).

Savoir si le geste du recourant dénote un esprit de repentir ou repose sur des
considérations tactiques est une question d'appréciation des faits. La cour
cantonale, dont le pouvoir d'appréciation est sur ce point limité à
l'arbitraire, pouvait dans cette mesure restreindre son examen. Elle n'a ainsi
nullement appliqué de manière arbitraire le droit de procédure cantonale. De sa
motivation, certes maladroite, on peut aisément comprendre qu'elle a considéré,
ce qui n'est pas critiquable, que les éléments invoqués par le recourant ne
permettaient pas une autre appréciation du geste du recourant dans le cadre
restreint de son examen. Mal fondés, les griefs soulevés doivent être rejetés.

3.
Se fondant sur son droit d'être entendu, le recourant reproche ensuite à la
cour cantonale de ne pas s'être prononcée sur plusieurs griefs relatifs à la
réalisation du dol éventuel.

3.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., impose au juge
l'obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les
comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire
cette exigence, il suffit que le juge mentionne au moins brièvement les motifs
qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation
d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués
par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire,
peuvent être tenus pour pertinents (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148; 129 I 232
consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102). Cette garantie tend à assurer
une décision compréhensible pour son destinataire (CORBOZ, La motivation de la
peine, RJB 131 (1995), p. 1 ss, spéc. p. 5).

3.2 En l'espèce, la cour cantonale a rappelé d'abord les principes applicables
en matière de dol éventuel. Elle a ensuite exposé les éléments retenus par les
premiers juges en tant que révélateurs du contenu de la conscience et de la
volonté, à savoir le climat conflictuel, la dimension du poignard que l'accusé
s'était procuré dans ce but, la violence du coup porté à la victime, ainsi que
la manière de donner le coup dans la poitrine de haut en bas; elle en a conclu
que ceux-ci permettaient de considérer que le recourant avait envisagé et
accepté la mort de sa victime. Cette motivation est amplement suffisante et la
cour cantonale n'avait pas nécessairement à se prononcer sur tous les arguments
du recourant. Le grief tiré du défaut de motivation doit donc être rejeté.

4.
Le recourant soutient enfin qu'il ne voulait que blesser sa victime. Il
conteste avoir envisagé et accepté que l'intimé ait pu être mortellement
atteint.

4.1 L'art. 111 CP punit d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins
celui qui aura intentionnellement tué une personne. Selon l'art. 12 al. 2 CP,
agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience
et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible
la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

4.2 Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des
constatations de faits, qui lient la Cour de droit pénal, à moins que ceux-ci
n'aient été établis de façon manifestement inexacte (cf. supra consid. 1). Est
en revanche une question de droit, celle de savoir si l'autorité cantonale
s'est fondée sur une juste conception du dol éventuel et si elle l'a
correctement appliquée au vu des éléments retenus (ATF 125 IV 242 consid. 3c p.
252 e arrêts cités; MARTIN SCHUBARTH, Nichtigkeitsbeschwerde - Staatsrechtliche
Beschwerde - Einheitsbeschwerde, PJA 1992 p. 849 ss, spéc. 851 s.). Parmi les
éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du
résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la
probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance
de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera
fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait
accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 125 IV 242
consid. 3c in fine p. 252; 121 IV 249 consid. 3a/aa p. 253; 119 IV 1 consid. 5a
p. 3). Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les
mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 125 IV 242 consid. 3c in
fine p. 252).

4.3 En l'espèce, le recourant a frappé la victime avec un couteau d'une
longueur de 15,5 cm et d'une largeur de 2,5 cm dans la poitrine, à savoir dans
une région où se trouvent le coeur et les poumons. En outre, son coup de
couteau était d'une rare violence puisqu'il a transpercé la peau et le
cartilage qui se trouve entre le sternum et les côtes, a sectionné l'artère
mammaire puis la plèvre, le diaphragme et le foie. Avec un tel coup, porté dans
le thorax, au moyen d'un couteau de cette dimension, la mort de l'intimé ne
pouvait apparaître que comme très vraisemblable. En définitive, si la victime a
pu être sauvée, ce n'est que grâce à une intervention médicale rapide et
efficace, à savoir des circonstances indépendantes de la volonté du recourant.
Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
considérant que le recourant ne pouvait qu'envisager les suites mortelles de
son coup de couteau et qu'il s'en est accommodé. Mal fondé, le grief de
violation de l'art. 12 al. 2 CP doit être rejeté, ce qui entraîne le rejet du
recours.

5.
Comme les conclusions du recourant étaient d'emblée vouées à l'échec, celui-ci
doit être débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 et 2
LTF) et supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1 LTF), réduits à 800
fr. compte tenu de sa situation financière actuelle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 francs, sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation du canton
de Genève.

Lausanne, le 5 novembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin