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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.819/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_819/2008 ajp

Arrêt du 26 décembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffier: M. Vallat.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Fabien Mingard, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Infraction à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale, du 11 avril 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 8 février 2008, le Tribunal de police de l'arrondissement de
Lausanne a constaté que X.________ s'était rendu coupable d'infraction à la Loi
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers et l'a condamné à la
peine de quatre mois de privation de liberté, avec suite de frais.

B.
Saisie d'un recours en réforme et en nullité, la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 11 avril 2008. Cet arrêt
repose en substance sur les faits suivants.
B.a X.________ est né le 1er janvier 1984 en Côte d'Ivoire, son pays d'origine.
En juin 2003, il a déposé une demande d'asile en Suisse, laquelle a été rejetée
par décision du 24 octobre 2003, définitive et exécutoire dès le 27 novembre
2003. Le renvoi de Suisse de X.________ a été prononcé. Il n'a cependant jamais
quitté la Suisse depuis lors, n'ayant aucun désir de retourner en Côte
d'Ivoire, où, selon lui, la situation politique est instable et conduit ses
ressortissants à vivre dans la crainte perpétuelle d'une arrestation
arbitraire. L'intéressé n'est au bénéfice d'aucun titre de séjour valable et
n'a aucune ressource. Il vit grâce à l'aide d'urgence accordée de quinzaine en
quinzaine par le Service de la population. Il a expliqué vivre momentanément
chez un ami à Yverdon-les-Bains. Son casier judiciaire comprend quatre
inscriptions, pour des condamnations entre le mois d'avril 2004 et janvier
2006, principalement pour infractions à la LStup et à la LSEE.

Entre le 26 janvier 2006, date de sa dernière condamnation, et le 28 septembre
2007, X.________ a continué de séjourner en Suisse sans aucune autorisation.
B.b En bref, la cour cantonale, examinant le grief de nullité soulevé par le
recourant selon lequel il n'avait pas été valablement inculpé, a jugé que le
recours en nullité fondé sur l'art. 411 let. g CPP/VD était irrecevable en tant
qu'il avait trait à des irrégularités de procédure antérieures à l'ordonnance
de clôture d'enquête. Le défaut d'inculpation ne constituait pas une violation
d'une règle essentielle de la procédure au stade du jugement, mais uniquement à
l'étape antérieure. Il aurait ainsi incombé au recourant de faire valoir ce
moyen en exerçant un éventuel recours contre l'ordonnance de renvoi.
B.c Examinant ensuite les conclusions en réforme du recourant, la cour
cantonale a estimé que l'aide d'urgence accordée pour des raisons humanitaires
n'influençait en rien le statut en Suisse du recourant, si bien que son séjour
demeurait illicite. L'aide humanitaire dont il bénéficiait ne s'opposait donc
pas à sa condamnation.

Quant à la peine, la situation financière du recourant ne permettait pas le
prononcé d'une peine pécuniaire. Son statut en Suisse ne permettait pas
d'atteindre le but de resocialisation assigné au travail d'intérêt général, qui
aurait en outre achoppé sur des problèmes pratiques au stade de l'exécution en
raison de sa situation précaire. Le pronostic relatif au sursis était
défavorable, en raison de cinq condamnations précédentes dont trois pour
infraction à la LSEE et de l'intention manifestée de rester en Suisse et de
prolonger son comportement illicite. Un sursis partiel n'entrait pas non plus
en ligne de compte eu égard à la durée de la peine. Le prononcé d'une courte
peine privative de liberté était donc justifié.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Il conclut
principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale
afin qu'elle rende une nouvelle décision, et, à titre subsidiaire, à sa réforme
en ce sens qu'une peine pécuniaire de 120 jours-amende, à un franc l'un, lui
soit infligée. Il requiert en outre d'être mis au bénéfice de l'assistance
judiciaire et que l'effet suspensif soit restitué.

Le Ministère public et la Cour cantonale ont renoncé à déposer des
observations.

Considérant en droit:

1.
A titre principal, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir
arbitrairement appliqué le droit cantonal. Il soutient, en résumé, n'avoir
jamais été valablement inculpé, cet acte de procédure lui ayant été signifié
non par le juge d'instruction, qui serait seul compétent pour y procéder en
application des règles cantonales de procédure, mais par un greffier. Ce vice,
qui serait essentiel, aurait dû conduire la cour cantonale à annuler le
jugement de première instance en application de l'art. 411 let. g CPP/VD et non
à déclarer le grief irrecevable.

1.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la
décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable voire même
préférable (ATF 134 I 140 consid. 5.4 et les arrêts cités, p. 148, 129 I 8
consid. 2.1 p. 9).

1.2 Conformément à l'art. 411 al. 1 CPP/VD, le recours en nullité prévu à
l'article 410 est ouvert en raison d'irrégularités de procédure postérieures à
l'arrêt ou à l'ordonnance de renvoi. La lettre g de cette disposition consacre
un tel cas de nullité s'il y a eu violation d'une règle essentielle de
procédure non mentionnée aux lettres a à f de cette disposition et que cette
violation a été de nature à influer sur la décision attaquée.

En l'espèce, la cour cantonale a rejeté le moyen de nullité comme mal fondé. On
comprend cependant à la lecture des considérants de la cour cantonale qu'elle a
jugé le recours en nullité fondé sur l'art. 411 let. g CPP/VD irrecevable en
tant que le recourant invoquait une irrégularité de procédure antérieure à
l'ordonnance de clôture d'enquête. L'arrêt entrepris précise en effet que le
défaut d'inculpation ne constituait pas une violation d'une règle essentielle
de la procédure au stade du jugement, mais uniquement au stade de l'ordonnance
de clôture d'enquête. Il appartenait ainsi au recourant, selon la cour
cantonale, de faire valoir ce moyen en exerçant un éventuel recours contre
l'ordonnance de renvoi, ce qu'il n'avait pas fait. Il ne pouvait dès lors plus
s'en prévaloir à posteriori (arrêt entrepris, consid. II.1, p. 4).

1.3 Le recourant objecte qu'il ne pouvait pas recourir contre l'ordonnance de
clôture d'enquête du 25 juillet 2007, dès lors qu'il s'agissait d'une
ordonnance de condamnation qui avait été transformée en ordonnance de renvoi
ensuite de son opposition.
1.3.1 Il ressort des pièces du dossier et du jugement de première instance que
le recourant a fait l'objet d'une ordonnance de condamnation le 25 juillet 2007
dans l'enquête PE07.002674-CMI. Cette ordonnance portait sur une infraction à
la LSEE reprochée au recourant pour la période du 26 janvier 2006 au 6 juin
2007. Le recourant y a fait opposition le 7 août 2007. Il a, ensuite, fait
l'objet d'une ordonnance de renvoi le 5 novembre 2007 dans l'enquête
PE07.015994-CMI. Cette ordonnance portait sur la même infraction pour la
période du 7 juin au 28 septembre 2007. Lors de l'audience du 8 février 2008,
le recourant a indiqué maintenir son opposition à l'ordonnance de condamnation
du 25 juillet 2007 et le Tribunal d'arrondissement a joint les causes avant
d'instruire et de juger.
1.3.2 Il s'ensuit que le recourant ne démontre pas en quoi il n'aurait pas été
en mesure de faire valoir son défaut d'inculpation par la voie d'un recours
dirigé contre l'ordonnance de renvoi du 5 novembre 2007, qui était ouvert en
application de l'art. 294 let. f CPP/VD. On ne voit dès lors pas en quoi la
cour cantonale aurait appliqué arbitrairement le droit cantonal de procédure en
déclarant irrecevable son recours dirigé contre le jugement de première
instance, en ce qui concerne sa condamnation pour être demeuré illégalement en
Suisse du 7 juin au 28 septembre 2007. Le grief est infondé dans cette mesure.
1.3.3 L'ordonnance de condamnation du 25 juillet 2007 est devenue de lege
ordonnance de renvoi ensuite de l'opposition formée par le recourant (cf. art.
270 al. 1er CPP/VD). Selon la jurisprudence cantonale, le recours pour
violation d'une règle essentielle de la procédure dirigé contre une ordonnance
de condamnation à laquelle le condamné fait simultanément opposition est rendu
sans objet par cette dernière parce que le renvoi consécutif à l'opposition
permet à l'intéressé de faire valoir ses moyens devant le tribunal de police
(BOVAY ET AL., Procédure pénale vaudoise, 3e éd. 2008, art. 294, n. 10.3.3). On
ne saurait donc faire grief au recourant de n'avoir pas formé de recours déjà
au stade de l'ordonnance de clôture d'enquête à laquelle il s'est opposé.

Le recourant précise toutefois dans ses écritures ne pas soutenir que le chef
d'accusation retenu par le tribunal de première instance embrasserait des faits
sur lesquels il n'aurait jamais été entendu ou qu'il n'aurait pas été en mesure
de requérir des mesures d'instruction nécessaires ou utiles en raison des
circonstances dans lesquelles son inculpation lui a été signifiée. En d'autres
termes, le recourant soutient que le vice affectant l'inculpation justifierait
l'annulation du jugement de première instance indépendamment de toute
conséquence pratique sur l'exercice de ses droits. Or, l'art. 411 CPP/VD
distingue des causes absolues et des causes relatives de nullité, ces dernières
étant définies comme celles qui ont été de nature à influer sur le jugement
(BOVAY ET AL. , op. cit., art. 411, n. 1.2), catégorie à laquelle ressortissent
les irrégularités visées par l'art. 411 let. g CPP/VD invoqué par le recourant
dans son recours cantonal. Dans la mesure où elle se résume à soutenir que « le
défaut d'inculpation (valable) continue de constituer une violation d'une règle
essentielle de la procédure au stade du jugement », l'argumentation du
recourant, qui ne tente pas d'établir quelle influence l'irrégularité aurait eu
sur le jugement de première instance, ne démontre pas que l'entrée en matière
sur son grief aurait pu conduire à l'annulation du jugement de première
instance. Il n'explique donc pas en quoi l'arrêt cantonal serait arbitraire
dans son résultat. Le grief est donc infondé également en ce qui concerne les
faits visés dans l'ordonnance de condamnation du 25 juillet 2007.

1.4 Pour le surplus, le recourant n'invoque expressément la violation d'aucune
autre garantie constitutionnelle ou conventionnelle, d'aucune garantie de
nature formelle en particulier, si bien qu'il n'y a pas lieu d'examiner la
question sous cet angle (art. 106 al. 2 LTF).

2.
Le recourant conteste ensuite sa condamnation à une courte peine privative de
liberté.

2.1 Selon la cour cantonale, eu égard à la date à laquelle les faits sont
survenus et à celle où ils ont été jugés, trois règles fixant la peine étaient
susceptibles d'entrer en ligne de compte. Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2006, l'art. 23 al. 1 LSEE permettait de sanctionner celui qui entre
ou réside en Suisse illégalement de l'emprisonnement jusqu'à six mois, peine à
laquelle pouvait s'ajouter une amende de 1000 francs au plus, cependant que les
cas de peu de gravité pouvaient être sanctionnés d'une amende seulement. Dans
la teneur modifiée de cette disposition en vigueur dès le 1er janvier 2007,
cette infraction était sanctionnée d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende
au plus. Enfin, selon l'art. 115 al. 1 de la nouvelle loi fédérale sur les
étrangers du 16 décembre 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2008, quiconque
séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du
séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé est puni d'une peine
privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. De ces trois
règles, celle en vigueur du 1er janvier au 31 décembre 2007 était la plus
favorable, dès lors qu'elle prévoyait exclusivement une peine maximale de 180
jours, contre une peine de 180 jours pouvant être combinée avec une amende pour
la loi la plus ancienne et une peine allant jusqu'à un an pour la loi actuelle.

2.2 Le recourant ne conteste pas le choix de la règle effectué par la cour
cantonale conformément à l'art. 2 al. 2 CP. Il soutient en revanche que, l'art.
23 LSEE, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier au 31 décembre 2007 ne
permettrait pas le prononcé d'une peine privative de liberté.

Ce grief est fondé. Dans un arrêt récent, la cour de céans a, en effet déjà eu
l'occasion de constater que faute d'une base légale explicite, l'art. 23 al. 1
LSEE dans sa version en vigueur du 1er janvier au 31 décembre 2007 ne
permettait pas de prononcer une condamnation à une peine privative de liberté
(ATF 134 IV 60 consid. 8.4, p. 81). Il s'ensuit que l'arrêt cantonal, qui viole
le droit fédéral sur ce point doit être annulé et la cause renvoyée à la cour
cantonale afin qu'elle fixe à nouveau la peine. Ce faisant, la cour cantonale
devra encore tenir compte des éléments suivants.

2.3 En ce qui concerne le choix de la sanction, il convient de relever, tout
d'abord que selon les constatations de fait de l'arrêt entrepris, la demande
d'asile en Suisse du recourant a été rejetée par décision définitive et
exécutoire dès le 27 novembre 2003 et son renvoi a été prononcé (arrêt
entrepris, consid. B.1, p. 2). Il s'ensuit que le prononcé d'un travail
d'intérêt général n'entre pas en considération, cette sanction apparaissant
d'emblée inadaptée (cf. ATF 134 IV 60 consid. 3.3, 97 consid. 6.3.3.4, p. 110),
sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant le point de savoir si l'art.
23 al. 1 LSEE constitue une base légale suffisamment explicite au prononcé
d'une telle sanction.

Quant à la quotité de la sanction, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent,
jugé que la peine infligée en application de l'art. 23 al. 1 LSEE devait tenir
compte de précédentes condamnations déjà infligées à raison du même séjour
illicite ininterrompu pour des périodes antérieures, de sorte que l'ensemble
des peines cumulées n'excède pas la peine maximale prévue par la loi (arrêt du
4 novembre 2008 X c. Staatsanwaltschaft des Kantons Schaffhausen, 6B_114/2008
destiné à la publication aux ATF).

Enfin, selon la jurisprudence - à laquelle on renvoie en ce qui concerne les
modalités générales de la fixation de la peine pécuniaire - les aides sociales
constituent des revenus qui doivent être pris en considération lors de la
fixation du montant du jour-amende. Même si le montant de ce revenu peut
apparaître insuffisant pour garantir le minimum vital du droit des poursuites,
cette circonstance ne s'oppose pas encore au prononcé d'une peine pécuniaire,
mais doit être prise en considération en procédant, en tant que de besoin, à
des abattements du revenu net déterminant (ATF 134 IV 60 consid. 5, p. 65 ss;
v. aussi arrêt 6B_541/2007, consid. 6).

3.
Le recours est admis. Le recourant qui obtient gain de cause peut prétendre une
indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF), si bien que sa demande d'assistance
judiciaire est sans objet (art. 64 al. 2 LTF). Il n'y a pas lieu de prélever
des frais (art. 66 al. 4 LTF).

La requête de restitution de l'effet suspensif est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt cantonal est annulé en tant qu'il confirme la
condamnation du recourant à une peine privative de liberté et la cause renvoyée
à l'autorité cantonale afin qu'elle complète l'instruction et rende une
nouvelle décision au sens des considérants qui précèdent.

2.
Le canton de Vaud versera au conseil du recourant une indemnité de 2'500 francs
à titre de dépens.

3.
La requête d'assistance judiciaire est sans objet.

4.
Il n'est pas prélevé de frais.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 26 décembre 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Schneider Vallat