Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.766/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_766/2008 /rod

Arrêt du 13 décembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Yannis Sakkas, avocat,

contre

Service de la circulation routière et de la navigation du Canton de Valais,
avenue de France 71, 1950 Sion,
intimé.

Objet
Infraction à la Loi fédérale sur la circulation routière,

recours contre l'arrêt du Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 11 août 2008.

Faits:

A.
Le 29 janvier 2008, le chef du Service de la circulation routière et de la
navigation du canton du Valais a infligé à X.________ une amende de 300 fr.
pour contravention à l'art. 90 ch. 1 LCR, en relation avec les art. 34 al. 3,
36 al. 3 et 3 al. 1 de l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la
circulation routière (OCR).

B.
Par arrêt du 11 août 2008, le juge unique de la Cour de droit public du
Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel formé par X.________. Cet arrêt
retient en substance ce qui suit :
Le 8 septembre 2007, à 13h, X.________ circulait au volant de sa voiture sur la
route d'Hérens, de Sion en direction de Vex. Sortant d'un virage, il a voulu se
rendre sur une place en bordure de la voie de descente pour y consulter une
carte. Il a enclenché son indicateur de gauche et a obliqué à gauche, sans
apercevoir la moto qui le dépassait. L'avant droit de la moto heurta l'arrière
gauche de la voiture ; le motocycliste est tombé et s'est blessé au coude.

C.
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale
devant le Tribunal fédéral. Il se plaint du fait que la cour cantonale a rejeté
sans aucune motivation ses offres de preuves (audition du témoin à charge et
expertise) et fait valoir que les faits ont été établis de manière arbitraire.
En outre, il dénonce la violation des art. 26, 34, 35 et 90 LCR ainsi que
l'application arbitraire des art. 207 et 210 du code de procédure pénale
valaisan. Il conclut, principalement, à son acquittement ; à titre subsidiaire,
à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale
pour instruction ; à titre très subsidiaire, à ce que les frais soient mis à sa
charge seulement pour moitié et à ce qu'une indemnité de dépens de 400 fr. lui
soit versée. En outre, il sollicite l'effet suspensif.

D.
Appelé à se déterminer, le juge unique de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal valaisan a déposé des observations, sans prendre de conclusions.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et
2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

2.
Le recourant reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir violé son droit
d'être entendu en omettant de traiter l'un de ses griefs.

2.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., est une garantie
constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner
l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du
recours sur le fond (ATF 120 Ib 379 consid. 3b p. 383; 119 Ia 136 consid. 2b p.
138 et les arrêts cités).

2.2 Le droit d'être entendu impose, en particulier, au juge l'obligation de
motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer
ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire cette exigence, il suffit
que le juge mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur
lesquels il a fondé sa décision. Il ne doit pas se prononcer sur tous les
moyens des parties; il peut se limiter aux questions décisives (ATF 134 I 140
consid. 5.3 p. 148; 130 II 530 consid. 4.3 p. 540, 473 consid. 4.1 p. 477; 129
I 232 consid. 3.2 p. 236).

2.3 En l'espèce, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir
traité le grief, selon lequel il reprochait à l'autorité de première instance
d'avoir refusé d'interroger une seconde fois le témoin Y.________, qui serait
la seule personne à avoir assisté à l'accident et qui serait donc un témoin
capital.
2.3.1 Le droit du prévenu, garanti à l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH, d'interroger
les témoins à charge est un aspect particulier du droit à un procès équitable
au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH. Il est exclu qu'un jugement pénal soit fondé
sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante
soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et
d'interroger les témoins. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu
(art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2
Cst. (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 480; 129 I 151 consid. 3.1 p. 153 et les
références citées). Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en
cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin, ou
que sa déposition est une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 480;
129 I 151 consid. 3.1 p. 153 s.; 125 I 127 consid. 6c/dd p. 135). Ce droit peut
être exercé au moment où le témoin fait ses déclarations ou ultérieurement dans
le cours de la procédure (ATF 125 I 129 consid. 6b p. 132 s.).

2.4 Selon le témoin Y.________, interrogé le 15 septembre 2007 par la police, «
Le motard a entrepris la manoeuvre de dépassement du véhicule qui le précédait
à la hauteur de la bifurcation pour le chemin des Crêtes. A cet instant,
l'automobiliste n'avait encore pas enclenché son indicateur de direction.
Quelques secondes après, au niveau de la place sise en bordure de la voie
descendante, le conducteur de la voiture beige enclencha son clignoteur à
gauche et tourna immédiatement dans cette direction, afin d'y arrêter son engin
». Le témoin a en outre précisé que « la mise en marche du clignoteur de la BMW
et la manoeuvre de son conducteur ont été simultanées ». Sur la base de cette
déposition, l'autorité de première instance a considéré que le recourant avait
manifesté son intention d'obliquer seulement après que le motocycliste eut
engagé sa manoeuvre de dépassement et qu'il n'avait dès lors pas respecté la
priorité qu'avait sur lui le motocycliste (arrêt attaqué p. 4).

Dans le raisonnement de l'autorité de première instance, le témoignage de
Y.________ était capital. Celui-ci n'ayant été entendu qu'à une seule reprise
par la police, le recourant était en droit, conformément aux principes
susmentionnés, de le faire interroger une seconde fois et de mettre en doute
son témoignage. Le grief du recourant, selon lequel il reprochait à l'autorité
de première instance d'avoir rejeté sa requête tendant à un second
interrogatoire du témoin, n'était donc pas dénué de pertinence. En n'exposant
pas les raisons qui l'ont amenée à rejeter le grief du recourant, la cour
cantonale a donc violé le droit d'être entendu du recourant.

3.
Dans un deuxième moyen, le recourant se plaint de la constatation arbitraire
des faits déterminants par la cour cantonale.

3.1 Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral ne réexamine
l'établissement des faits - sous réserve de l'allégation d'une violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché d'inexactitude
manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à savoir d'arbitraire (ATF 134 IV 36, consid.
1.4.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).

Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la
décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même
préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). En matière
d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire
lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un
élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe
manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur
les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9).

3.2 Le recourant soutient qu'il avait déjà entrepris sa manoeuvre lorsque le
motocycliste a commencé son dépassement, de sorte que ce dernier serait
responsable de l'accident. En ne retenant pas qu'au moment du choc, son
véhicule l'avait quasiment finie et se trouvait pour l'essentiel sur la place
de stationnement située de l'autre côté de la chaussée, la cour cantonale
aurait donc établi les faits de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1
LTF).
La cour cantonale retient que, selon le rapport de police, la portière arrière
et l'aile gauches de la voiture ont été pliées. Elle explique que si l'avant de
la moto avait heurté la voiture quand elle était déjà, pour l'essentiel sinon
au ¾, hors de la chaussée, le choc aurait dû être particulièrement rude pour
s'étendre en sus de l'aile à la portière. Or, elle estime que tel n'était pas
le cas, puisque le recourant avait continué sa route croyant avoir heurté un
obstacle en bordure de la chaussée. Elle déduit de la légèreté du choc que
celui-ci s'est produit alors que l'oblique était en cours et que le recourant
n'était pas pour l'essentiel sur la place de stationnement.

3.3 Aucune trace de l'accident n'a pu être relevée par la police cantonale si
bien que le point de choc n'a pu être établi en l'absence de constatation
officielle. Par ailleurs, la vitesse de l'un et l'autre véhicule est
incertaine, les déclarations des conducteurs impliqués manquant de crédibilité
dès lors que si on les suivait (vitesse de l'automobiliste supérieure à celle
du motocycliste), l'accident n'aurait simplement pas eu lieu.

Dans ces circonstances, le raisonnement suivi par la cour cantonale pour fixer
en fait le point de choc et, partant, déterminer - ce qui est décisif - lequel
des conducteurs a entrepris en premier sa manoeuvre est insoutenable, voire peu
compréhensible. On ne voit en effet pas pourquoi le choc aurait dû être
particulièrement plus rude s'il était survenu hors de la chaussée que sur la
chaussée. En effet, l'un et l'autre véhicule étant manifestement en phase de
décélération pour l'automobiliste et de freinage pour le motocycliste, le choc
ne peut être que moins rude à la fin de la manoeuvre de l'automobiliste.

3.4 Le recours doit être admis pour ces motifs, sans qu'il soit encore
nécessaire d'examiner les autres griefs. Il appartiendra au Tribunal cantonal à
qui la cause est renvoyée de statuer à nouveau, en complétant au besoin
l'instruction.

4.
Comme le recourant a obtenu gain de cause, il n'est pas perçu de frais (art. 66
al. 4 LTF). Le canton du Valais lui versera une indemnité de dépens pour la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Vu le sort du recours, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le canton du Valais versera au recourant une indemnité de dépens de 2000
francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge unique de la Cour de
droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 13 décembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin