Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.753/2008
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2008
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_753/2008

Arrêt du 1er mai 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président, Schneider et Mathys.
Greffier: M. Oulevey.

Parties
X.________, recourant,

contre

Y.________,
Z.________,
toutes deux représentées par Me Brigitte Lembwadio, avocate,
Procureur général du canton de Berne,
Case postale, 3001 Berne,
intimés.

Objet
Assassinat,

recours contre la décision de la Cour suprême du canton de Berne, 2ème Chambre
pénale, du 14 août 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 23 avril 2008, le Tribunal de l'arrondissement judiciaire II du
canton de Berne a reconnu X.________ coupable d'assassinat (art. 112 CP). Il
l'a condamné à dix ans de privation de liberté, en ordonnant au surplus son
internement en application de l'art. 64 al. 1 let. b CP.

B.
Par lettre personnelle adressée le 29 avril 2008 au président du tribunal
d'arrondissement (ci-après: le président), X.________ a interjeté appel de ce
jugement.
Le 16 mai 2008, son défenseur d'office a demandé à être relevé de sa mission,
au motif notamment que son client avait fait appel sans le consulter.
Le 1er août 2008, X.________ a adressé au président une lettre dans laquelle il
déclarait, ensuite de conversations avec diverses personnes dont un aumônier et
un médecin, retirer son appel et accepter le jugement du 23 avril 2008.
Dans une nouvelle lettre qu'il a adressée au président le 4 août 2008, il a
déclaré revenir sur le retrait de son appel, en laissant entendre qu'il n'en
avait pas mesuré toutes les conséquences. Cette lettre a été transmise avec le
dossier à la Cour suprême du canton de Berne.
Passant au jugement sans autre opération, la 2ème Chambre pénale de la Cour
suprême du canton de Berne a, par décision du 14 août 2008, pris acte du
retrait de l'appel, constaté l'entrée en force du jugement du 23 avril 2008,
rayé la cause du rôle et déclaré sans objet la demande du défenseur d'office du
16 mai 2008.

C.
X.________ recourt au Tribunal fédéral contre cette dernière décision.
Y.________, Z.________ et le Procureur général du canton de Berne concluent au
rejet du recours.
La cour cantonale préavise dans le même sens.
Considérant en droit:

1.
Le recourant se plaint notamment de n'avoir pas été informé sur la suite de la
procédure après sa déclaration d'appel et de n'avoir pas été pourvu d'un
nouveau défenseur d'office. Il invoque ainsi, avec toute la précision requise
d'un justiciable non assisté qui dénonce précisément le fait de n'avoir pas été
défendu par un avocat, une violation arbitraire (art. 9 Cst.) des règles
cantonales de procédure sur la défense obligatoire, ayant entraîné une
violation de son droit constitutionnel à être mis en état de se défendre (art.
32 al. 2 Cst.).

1.1 Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution est concevable,
voire préférable. Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement
insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique
clair et indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le
sentiment de justice et d'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit
insoutenable; il faut encore qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat
(ATF 134 I 140 consid. 5.4, p.148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts
cités).

1.2 L'art. 50 ch. 2 let. a du code de procédure pénale bernois du 15 mars 1995
(ci-après CPP/BE; RS/BE 321.1) prévoit que l'inculpé doit obligatoirement être
défendu par un avocat, aux débats et en procédure de recours, si, dans les
circonstances concrètes de la cause, il encourt une peine privative de liberté
de plus d'une année ou une mesure privative de liberté. En outre, l'art. 51 al.
1 CPP/BE dispose que, lorsque, dans l'un des cas énoncés à l'art. 50, l'inculpé
ne choisit pas de défenseur, le juge qui dirige la procédure lui en désigne un,
d'office ou sur requête, parmi les avocats autorisés à exercer dans le canton
de Berne.
Le cas de défense obligatoire institué par l'art. 50 ch. 2 let. a CPP/BE ne
vaut pas seulement pour les opérations nécessaires à la décision sur la
culpabilité et la peine, soit au jugement du mérite de l'action pénale. Le
Tribunal fédéral a déjà jugé qu'il est arbitraire au regard des art. 50 et 51
CPP/BE, et partant incompatible avec le droit constitutionnel garanti à l'art.
32 al. 2 Cst., de ne pas désigner un défenseur d'office à un inculpé qui se
trouve dans le cas prévu par l'art. 50 ch. 2 let. a CPP/BE avant de statuer sur
une demande de récusation qu'il a présentée personnellement (arrêt 1P.588/2003
du 9 décembre 2003 consid. 2.2, publié in Pra. 2004 n° 92 p. 534). À plus forte
raison, la recevabilité d'un appel interjeté en personne par un condamné qui se
trouve dans le cas prévu à l'art. 50 ch. 2 let. a CPP/BE, ou la validité d'un
retrait d'appel opéré en personne puis invalidé par un tel condamné, ne
sauraient faire l'objet d'une décision sans qu'un avocat ait présenté les
moyens de l'intéressé.
En l'espèce, il ressort du dossier cantonal (p. 2045) qu'à réception de la
lettre par laquelle le recourant a déclaré retirer son appel, le président a
téléphoné au défenseur d'office pour lui demander de se déterminer. Invoquant
la rupture du lien de confiance avec le recourant, le défenseur a estimé qu'il
serait délicat pour lui d'aller voir une fois encore son client et de confirmer
le retrait de l'appel. Le président lui a fait part de sa compréhension et de
son intention d'adresser le dossier à la Cour suprême du canton de Berne pour
que cette autorité décide de la marche à suivre. À réception de la lettre du 4
août 2008 par laquelle le recourant a déclaré revenir sur son retrait d'appel,
le président a transmis le dossier à la Cour suprême, qui a statué sans autre
opération.
Ainsi, la décision attaquée, par laquelle la cour cantonale a considéré que la
déclaration de retrait était claire et exempte de toute erreur, et partant
valable, a été prise sans qu'un avocat ait fait valoir les moyens du recourant
à ce sujet. Le refus du défenseur d'office de remplir sa mission ne dispensait
pas la cour cantonale d'observer les art. 50 ch. 2 let a et 51 al. 1 CPP/BE, ce
qu'elle pouvait faire soit en priant cet avocat d'aller s'entretenir avec son
client et de présenter sa défense, soit en le remplaçant par un nouveau
défenseur d'office. Dès lors, en statuant sans que le recourant ait été
effectivement assisté devant elle, la cour cantonale a violé le droit que
l'art. 32 al. 2 Cst. confère à celui-ci. Il convient, par conséquent,
d'admettre le recours, d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à
la cour cantonale pour nouvelle décision.

2.
Comme l'accusateur public succombe, il n'y a pas lieu de prélever un émolument
judiciaire (art. 66 al. 4 LTF).
Exceptionnellement, vu les circonstances de cette procédure, la partie civile
sera également dispensée.
Il n'y a pas matière à allouer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à la
cour cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas prélevé de frais judiciaires.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de
Berne, 2ème Chambre pénale.
Lausanne, le 1er mai 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Favre Oulevey