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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.734/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_734/2008 /rod

Arrêt du 8 décembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Robert Assaël, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Violation grave des règles de la circulation,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Cour de cassation pénale,
du 24 avril 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 18 mars 2008, le Tribunal de police de l'arrondissement de La
Côte, statuant sur demande de réexamen d'un prononcé préfectoral du 27
septembre 2006, a condamné X.________, pour violation grave des règles de la
circulation (art. 90 ch. 2 LCR), à une amende de 840 fr.

Saisie d'un recours du condamné, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonale vaudois l'a rejeté par arrêt du 24 avril 2008, confirmant le jugement
qui lui était déféré.

B.
Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.
B.a Le dimanche 27 août 2006 vers 20 h 55, X.________ circulait sur la chaussée
lac de l'autoroute A1 (Genève/Lausanne). Aux environs du km 44 (Gland/Rolle),
il a été contrôlé par un appareil de mesure de vitesse Provida Pt-2000, alors
qu'il roulait, marge de sécurité déduite, à une vitesse de 161 km/h, sur un
tronçon où celle-ci était limitée à 120 km/h.
B.b X.________, qui a admis que la voiture interceptée, soit une Audi A8
immatriculée en Valais, lui appartenait, a contesté que c'était lui qui
conduisait le véhicule le soir en question. Il a expliqué que, le vendredi
précédent, il avait remis sa voiture à la secrétaire de direction, Dame
A.________, pour que cette dernière l'amène le dimanche soir à une carrosserie
de Meyrin afin de faire réparer une raie. Comme il n'avait plus son véhicule le
soir en question et voulait aller consommer une boisson au Beau-Rivage à
Lausanne, il avait téléphoné à un ami, du nom de B.________, pour qu'il
l'accompagne. Ce dernier était venu le chercher à son domicile de la région
genevoise avec sa voiture BMW et tous deux s'étaient rendus le dimanche en
début de soirée au Beau-Rivage, où sa présence entre 20 h 02 et 21 h 10 était
attestée par un ticket de caisse émis par le barman de l'établissement, dénommé
C.________.

Entendus comme témoins, Dame A.________, B.________ et le barman C.________ ont
fait des déclarations confirmant la version du prévenu. De leur côté, les
gendarmes ont confirmé avoir contrôlé le véhicule du prévenu, déclarant qu'ils
reconnaissaient ce dernier mais que, vu le temps écoulé, ils ne pouvaient en
être certains à 100 %.
B.c Appréciant les éléments de preuve, notamment les déclarations des témoins
et des gendarmes, le Tribunal de police a écarté la version du prévenu, tenant
les faits dénoncés pour établis, à savoir que c'était bien celui-ci qui avait
été contrôlé le soir en question sur l'autoroute au volant de son véhicule.

La Cour de cassation a rejeté les moyens de nullité, pris d'une violation des
art. 411 let. g, h et i CPP/VD, notamment d'une violation du principe in dubio
pro reo, ainsi que le moyen de réforme, tiré d'une prétendue violation de
l'art. 90 ch. 2 LCR, soulevés devant elle.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour
violation de l'art. 112 LTF ainsi que des art. 29 al. 1 et 2 et 32 al. 1 Cst.
Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, demandant son acquittement,
subsidiairement le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision. Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il doit être
motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique
en quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnés à l'art. 106
al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une violation des droits fondamentaux,
sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui correspondent
à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit
public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
2.1 Le recourant invoque une violation de l'art. 112 al. 1 let. a et b LTF. Il
soutient que le jugement de première instance mélange les questions de fait et
de droit d'une manière qui ne permet pas de les distinguer clairement. Il
allègue en outre que ni ce jugement ni l'arrêt attaqué ne font état des
allégués et moyens de preuve des parties, ne retranscrivant au demeurant pas
les déclarations des gendarmes et celles des témoins. Ces décisions ne
permettraient en définitive pas de discerner quels faits ont été considérés
comme établis, ce qui, selon lui, serait la conséquence de la non-verbalisation
des témoignages en procédure pénale vaudoise.

2.2 L'art. 112 al. 1 LTF mentionne les exigences quant au contenu des décisions
qui peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral, soit, en
matière pénale, celles qui ont été prises par les autorités cantonales de
dernière instance et par le Tribunal pénal fédéral (cf. art. 80 al. 1 LTF).
C'est donc en vain que le recourant se plaint de ce que le contenu du jugement
de première instance ne serait pas conforme aux exigences de cette disposition.

Quant à l'arrêt attaqué, il satisfait manifestement à ces exigences, comme sa
simple lecture suffit à le démontrer. En particulier, il expose quels faits ont
été retenus en première instance et il résulte clairement de sa motivation que
les griefs du recourant dirigés contre ces faits ont été écartés. Il indique en
outre les conclusions prises par le recourant en instance cantonale de recours,
résume, pour chacun des griefs soulevés, les allégués du recourant, apprécie
les moyens de preuve invoqués et motive, sur chaque point, la solution qu'il
retient. Le grief est donc dépourvu de tout fondement.

3.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, à raison
d'une motivation insuffisante de l'arrêt attaqué, qui consacrerait en outre un
déni de justice formel.

Ce grief n'est pas moins dénué de fondement que le précédent. L'arrêt attaqué
se prononce sur les griefs du recourant, en particulier sur celui pris d'un
prétendu renversement du fardeau de la preuve, dont il relève que, tel que
motivé dans le recours, il revient en réalité à critiquer l'appréciation des
preuves. Il statue au demeurant, motifs à l'appui, sur le grief ainsi
réellement soulevé. Prétendre, comme le fait le recourant, que la crédibilité
de sa thèse n'a aucunement été discutée dans l'arrêt attaqué confine à la
témérité.

4.
Le recourant allègue une violation de son droit d'être entendu et une
application arbitraire de l'art. 411 let. h CPP/VD, faisant valoir que les
déclarations des gendarmes recueillies par le préfet n'ont pas été rapportées
et prises en compte dans le jugement de première instance.
Tel qu'il est formulé, le grief revient à se plaindre de ce que le juge n'a pas
tenu compte de déclarations - notamment celles des gendarmes - faites lors de
l'enquête préfectorale. Il a essentiellement été écarté par trois arguments.
L'arrêt attaqué relève d'abord qu'en procédure pénale vaudoise l'instruction
principale se fait aux débats et qu'elle est orale, de sorte que ce n'est
qu'exceptionnellement que le tribunal peut se référer à des déclarations
recueillies au cours de l'enquête, notamment lorsque des témoins ne sont plus
atteignables. Il ajoute que dans le cas concret, les déclarations en question,
non signées, ne constituent au demeurant pas des procès-verbaux valables.
Enfin, il observe que les gendarmes ont été entendus par le juge d'instruction,
sans que le recourant ne soulève de moyen à ce propos.

Le recourant n'établit pas que ce raisonnement procéderait d'une application
arbitraire du droit cantonal de procédure, plus précisément de l'art. 411 let.
h CPP/VD qu'il invoque. Il n'établit pas plus qu'il violerait son droit d'être
entendu. Il se borne en effet à objecter que les déclarations litigieuses,
parce que faites à un moment où les gendarmes avaient un souvenir plus précis
des événements, seraient propres à faire admettre que ceux-ci n'avaient alors
pas été aussi affirmatifs qu'ils l'ont été aux débats. Il ne démontre toutefois
pas que, si elles avaient été prises en compte, elles auraient, sauf
arbitraire, dû conduire à écarter celles faites aux débats par les gendarmes,
selon lesquelles ils le reconnaissaient bien comme étant la personne qu'ils
avaient contrôlée lors de leur intervention, même si, vu le temps écoulé, ils
ne pouvaient en être certains à 100 %. Celles dont ils se prévaut sous chiffre
41 de la page 11 de son mémoire ne suffisent manifestement pas à le faire
admettre. Il s'ensuit l'irrecevabilité du grief, faute de motivation qui
satisfasse aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF.

5.
Le recourant se plaint, à trois égards, d'une violation du principe in dubio
pro reo découlant de la présomption d'innocence garantie par les art. 6 ch. 2
CEDH et 32 al. 1 Cst. Ce principe aurait été violé en tant que règle sur le
fardeau de la preuve, en tant que règle de l'appréciation des preuves et comme
"règle de décision". D'une part, les juges cantonaux auraient uniquement
examiné la culpabilité du recourant à l'aune de la crédibilité des trois
témoins, ce qui reviendrait à exiger de lui qu'il apporte la preuve de son
innocence. D'autre part, ils auraient apprécié arbitrairement plusieurs
éléments de preuve. Enfin, ils auraient violé le principe invoqué en
considérant qu'aucun doute ne subsistait quant à sa culpabilité.

5.1 Comme règle sur le fardeau de la preuve, le principe in dubio pro reo
signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et
non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend
un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son
innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la
fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge
l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid.
2a p. 40).

En tant que règle de l'appréciation des preuves, le principe "in dubio pro reo"
interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à
l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis
laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet
état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire la question de
savoir si le juge aurait dû éprouver un doute sur la base des éléments de
preuve dont il disposait, c'est-à-dire celle de l'appréciation des preuves (ATF
127 I 38 consid. 2 p. 40 ss; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d
p. 37/38). Il examine en revanche librement la question de savoir si, sur la
base du résultat d'une appréciation non arbitraire des preuves, le juge aurait
dû éprouver un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de
l'accusé. Dans cet examen, il s'impose toutefois une certaine retenue, car le
juge du fait, en vertu du principe de l'immédiateté, est mieux à même de
résoudre la question (cf. arrêts 1P.847/2006 consid. 3.1, 1P.156/2005 consid.
2, 1P.428/2003 consid. 4.2 et 1P.587/2003 consid. 7.2).

5.2 Le recourant voit un renversement du fardeau de la preuve dans le fait que
le premier juge a relevé que, dans le cas concret, la question qui se posait
consistait à se demander si les témoins de la défense étaient ou non crédibles.
Bien que saisie de ce grief, la cour cantonale ne l'aurait pas examiné.

La cour cantonale n'a pas omis de statuer sur le moyen pris d'une violation du
principe in dubio pro reo en tant que règle sur le fardeau de la preuve, mais a
considéré que, tel qu'il était motivé dans le recours, il revenait en réalité à
invoquer une violation de ce principe comme règle de l'appréciation des
preuves, grief qu'elle a dûment examiné plus avant. Dans la mesure où le
recourant lui reproche de n'avoir pas examiné ce moyen, sa critique est par
conséquent mal fondée. Au reste, le recourant n'établit pas que la cour
cantonale aurait interprété arbitrairement le moyen litigieux. De fait, sa
critique est essentiellement dirigée contre le jugement de première instance,
qui ne peut toutefois faire l'objet du présent recours (cf. art. 80 al. 1 LTF).
Le grief est dès lors irrecevable.

5.3 L'argumentation présentée à l'appui du grief de violation du principe in
dubio pro reo, en tant que règle de l'appréciation des preuves, se réduit à une
rediscussion purement appellatoire de la manière dont la cour cantonale a
apprécié les éléments de preuve qui lui étaient soumis. Nulle part le recourant
ne démontre, dans la mesure exigée par l'art. 106 al. 2 LTF, que l'appréciation
litigieuse serait arbitraire au sens défini par la jurisprudence, c'est-à-dire
manifestement insoutenable et non seulement discutable ou même critiquable.
Partant, le grief est irrecevable.

5.4 Sur la base du résultat de son appréciation des preuves, dont l'arbitraire
n'a pas été démontré, la cour cantonale pouvait, sans violer le principe in
dubio pro reo, ne pas éprouver de doute sérieux et insurmontable quant à la
culpabilité du recourant.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours ne peut être que rejeté dans la mesure
où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 8 décembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Angéloz