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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.705/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_705/2008 /rod

Arrêt du 13 décembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Gehring.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Charles Sommer, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Tentative d'escroquerie (art. 22 al. 1 et 146 al. 1 CP),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale, du 31 juillet 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 19 décembre 2007, le Tribunal de police du canton de Genève a
reconnu X.________ coupable de tentative d'escroquerie, condamné celui-ci à une
peine pécuniaire avec sursis de soixante jours-amende de 50 fr. chacun et fixé
un délai d'épreuve de trois ans.

B.
Saisi d'un appel du condamné, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise
l'a rejeté par arrêt du 31 juillet 2008 fondé pour l'essentiel sur les faits
suivants.
B.a A la suite du cambriolage du restaurant "Y.________" survenu à Genève
durant la nuit du 14 au 15 juin 2005, X.________, gérant de l'établissement, a
dénoncé à la police judiciaire, le vol de cinq ou six cartouches de cigarettes
ainsi que d'une caissette contenant plusieurs centaines de francs. En outre, il
a signalé le sinistre à Allianz Suisse. Le 23 juin 2005, il a déposé plainte
pénale en annexe de laquelle il a joint une liste détaillée d'objets et de
liquidités prétendument volés, d'une valeur totale d'environ 16'000 fr. Le 29
juin suivant, il a communiqué à Allianz Suisse, un avis de sinistre étayé de la
même liste et de tous les justificatifs corrélatifs.
B.b Interpellé le 28 juillet 2005, l'auteur du cambriolage a reconnu le vol
d'une cartouche de cigarettes et d'une caissette contenant plusieurs centaines
de francs suisses. En revanche, il a contesté s'être emparé de l'ensemble des
autres biens déclarés volés par X.________.

C.
Ce dernier interjette un recours en matière pénale contre ce jugement dont il
requiert l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens,
principalement à son acquittement, subsidiairement au renvoi de l'affaire pour
nouvelle décision au sens des considérants.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Invoquant les art. 29 Cst. et 6 CEDH, le recourant dénonce une violation de son
droit d'être entendu.

1.1 Vu la nature formelle de cette garantie constitutionnelle, dont la
violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des
chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437),
ce moyen doit être examiné en priorité (ATF 124 I 49 consid. 1).

1.2 Le recourant se fonde sur les garanties offertes par la Constitution
fédérale et la CEDH, sans se prévaloir de la violation d'une règle de droit
cantonal de procédure qui lui offrirait une protection supérieure. C'est donc
exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst. et de l'art. 6 CEDH que son
grief sera examiné (ATF 126 I 15 consid. 2a et les arrêts cités).
1.3
1.3.1 Le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de
s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise
touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir
qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à
l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur
son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 126 I 15 consid. 2a et les arrêts cités). Le juge peut cependant refuser
une mesure probatoire parce qu'il considère qu'elle est inapte à apporter la
preuve ou lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa
conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation
anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles
ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157;
130 II 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135).
1.3.2 Le recourant reproche à la Cour cantonale d'avoir violé son droit d'être
entendu en refusant d'ordonner la comparution du responsable des sinistres
d'Allianz Suisse. En effet, les juges cantonaux ne pouvaient pas faire
l'économie d'une mesure d'instruction leur permettant d'entendre ce dernier
réitérer ses déclarations à la police judiciaire selon lesquelles "X.________
était louche et son affaire ne tenait pas la route". Il y avait lieu d'en
inférer que l'avis de sinistre de X.________ était irréaliste et qu'Allianz
Suisse n'avait été victime ni d'erreur, ni d'astuce; à l'évidence, celle-ci
n'aurait pas donné suite aux prétentions de son assuré qui ne pouvait par
conséquent pas être reconnu coupable de tentative d'escroquerie.

Ce faisant, le recourant ne requiert pas la mise en oeuvre d'un débat
contradictoire mais l'administration d'un moyen de preuve dont le contenu se
trouve consigné sous pièce 28 du dossier et que la Cour cantonale n'a pas
méconnu avant de statuer puisqu'elle en a reproduit l'essentiel en page 4 de
l'arrêt attaqué. En effet, selon les constatations cantonales, X.________ a
déposé plainte pénale pour cambriolage à quatre reprises. A la lecture de ces
plaintes, la police a constaté qu'il y avait à chaque fois fait état d'objets
volés en quantités plus importantes que celles déclarées au moment des
infractions. Contactée par la police judiciaire, Allianz Suisse avait déclaré
s'étonner du nombre de cambriolages ainsi que du montant des dédommagements
annoncés par X.________ et qu'au vu de ceux-ci et en particulier des nouvelles
déclarations de sinistre de son assuré, elle avait dénoncé par courrier du 8
août 2005, le contrat qui les liait.

Cela étant, on ne distingue aucun indice concret permettant d'envisager que
l'appréciation de la Cour cantonale aurait pu être modifiée par le témoignage
requis, cela d'autant moins que le contenu de celui-ci figurait déjà au
dossier. On ne voit pas davantage qu'en refusant de procéder à l'audition
requise, les juges cantonaux aient procédé de manière arbitraire à une
appréciation anticipée des preuves, en considérant, au regard des dépositions
du recourant, qu'ils disposaient d'un faisceau d'indices suffisants pour se
convaincre de la réalité des faits ainsi que de la culpabilité retenus à
l'encontre de ce dernier. Sur le vu de ce qui précède, le grief tiré d'une
violation du droit d'être entendu est mal fondé.

2.
2.1 Le recourant conteste ensuite s'être rendu coupable de tentative
d'escroquerie, faute d'astuce. Il considère qu'Allianz Suisse pouvait éviter la
tromperie en faisant preuve d'un minimum d'attention, dès lors que le montant
du dommage (16'000 fr.) dépassait largement la couverture d'assurance
prétendument limitée à 5000 fr., que neuf avis de sinistre avaient été adressés
par le condamné à la dupe au cours des années précédentes et que l'inspecteur
des sinistres avait déclaré que X.________ lui paraissait louche et que son
affaire ne tenait pas la route.

2.2 En tant qu'il tire argument de la couverture d'assurance, le recourant fait
valoir, de manière implicite et sans étayer ses allégations, une constatation
incomplète des faits, grief dont la cour de céans ne saurait se saisir faute
d'avoir été dûment soulevé. En effet, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision
attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d'office les
constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes ou établies en
violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à
attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice
est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Cette
partie ne peut toutefois pas se borner à contredire les constatations
litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre
appréciation des preuves; elle doit plutôt indiquer de façon précise en quoi
ces constatations sont contraires au droit ou entachées d'une erreur
indiscutable; une critique qui ne satisfait pas à cette exigence est
irrecevable (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p.
495).

2.3 Aux termes de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans
le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement
illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des
affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'aura
astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la
victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un
tiers.
Sur le plan objectif, l'escroquerie réprimée par l'art. 146 CP suppose en
particulier une tromperie astucieuse. Selon la jurisprudence, l'astuce est
réalisée non seulement lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à
des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il se
borne à donner de fausses informations dont la vérification n'est pas possible,
ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que
si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des
circonstances, qu'elle renoncera à le faire, par exemple en raison d'un rapport
de confiance particulier (ATF 133 IV 256 consid. 4.4.3; 128 IV 18 consid. 3a p.
20; 122 II 422 consid. 3a p. 426 s.; 122 IV 246 consid. 3a p. 248 et les arrêts
cités). Tel est notamment le cas si l'auteur conclut un contrat en ayant
d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention
n'était pas décelable (ATF 118 IV 359 consid. 2 p. 361 s.), s'il exploite un
rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV
246 consid. 3a p. 248) ou encore si la dupe, en raison de sa situation
personnelle (faiblesse d'esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n'est pas
en mesure de procéder à une vérification et que l'auteur exploite cette
situation (ATF 120 IV 186 consid. 1a p. 188).

L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un
minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on
pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie,
que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru
à toutes les mesures de prudence possibles. La question n'est donc pas de
savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée.
L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce
qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient
(ATF 128 IV 18 consid. 3a p. 20). Le principe de coresponsabilité doit amener
les victimes potentielles à faire preuve d'un minimum de prudence, mais ne
saurait être utilisé pour nier trop aisément le caractère astucieux de la
tromperie (ATF 128 IV 18 consid. 3a p. 20).
2.4
2.4.1 Selon les constatations cantonales - qui ne sont pas contestées - le
recourant a dénoncé à la police judiciaire, le lendemain du cambriolage du
restaurant "Y.________" survenu dans la nuit du 14 au 15 juin 2005, le vol de
cinq ou six cartouches de cigarettes ainsi que d'une caissette contenant
plusieurs centaines de francs. Le 23 juin 2005, il a consécutivement déposé
plainte pénale et annexé à celle-ci une liste détaillée d'objets et de
liquidités prétendument volés à hauteur de 16'000 fr. Le 29 juin suivant, il a
communiqué à Allianz Suisse, un avis de sinistre étayé de la même liste et de
tous les justificatifs corrélatifs. Interpellé le 28 juillet 2005, soit un mois
plus tard, l'auteur du cambriolage a reconnu le vol d'une cartouche de
cigarettes et d'une caissette contenant plusieurs centaines de francs suisses.
En revanche, il a contesté s'être emparé de l'ensemble des autres biens
déclarés volés par X.________. Après de multiples tergiversations, ce dernier a
déclaré que la liste annexée à sa plainte pénale ne correspondait pas au
matériel volé lors du cambriolage mais qu'elle faisait état de tous les objets
qu'il ne retrouvait pas, qu'il avait perdus ou qui lui avaient été dérobés à
une occasion qu'il ne parvenait pas à déterminer.

Cela étant, les juges cantonaux ont constaté à juste titre que la liste
d'objets et valeurs produite par le recourant à l'appui de sa plainte du 23
juin 2005 et de son avis de sinistre du 29 juin 2005 ne correspondait pas aux
biens disparus lors du cambriolage survenu le 15 juin 2005. Il ressort plus
précisément des déclarations de ce dernier qu'il a réclamé le dédommagement de
valeurs dont il ignore s'il les a lui-même perdues ou si elles lui ont été
volées mais, dans ce dernier cas, dont il sait en revanche qu'elles ne lui ont
pas été dérobées lors du cambriolage en cause.

A la faveur d'un cas d'assurance, il a ainsi tenté d'obtenir d'Allianz Suisse,
le dédommagement de biens et de valeurs additionnels à ceux dont le cambrioleur
s'est effectivement emparé. A défaut de pouvoir établir le caractère mensonger
de l'avis de sinistre du condamné, Allianz Suisse était contractuellement tenue
de couvrir le dommage et cela même en cas de soupçon de fraude. A lui seul, le
fait que l'inspecteur des sinistres ait exprimé des doutes quant à la
crédibilité du recourant et de son récit, ne permettait pas à Allianz Suisse de
refuser le service des prestations réclamées. Or, il est constant qu'il est
très difficile pour un assureur d'établir la fausseté des déclarations de son
assuré (ATF 128 IV 18 consid. 3c p. 22), cela d'autant plus lorsque celui-ci
produit, comme en l'occurrence, tous les justificatifs relatifs à ses
prétentions. Allianz Suisse n'aurait eu aucun moyen d'établir le caractère
mensonger des prétentions de son assuré sans l'interpellation du cambrioleur et
le fait que les aveux de ce dernier aient corroboré les déclarations initiales
de X.________ à la police judiciaire. Les juges cantonaux ont donc retenu à bon
escient que, selon sa représentation des faits, X.________ avait supposé que
l'assurance ne serait pas en mesure de déceler sa manoeuvre ou de procéder à
des vérifications et qu'elle ne serait dès lors pas ou que difficilement en
mesure d'établir la fausseté de ses déclarations. Les démarches du recourant
doivent ainsi être qualifiées d'astucieuses dès lors qu'elles étaient propres à
induire Allianz Suisse en erreur, sans qu'on puisse imputer une quelconque
coresponsabilité à cette dernière.
2.4.2 La tromperie a finalement échoué. Le recourant a poursuivi son activité
coupable jusqu'au bout, dans la mesure où il a adressé un avis de sinistre
mensonger à Allianz Suisse. Si le résultat ne s'est pas produit et si celle-ci
n'a pas dédommagé son assuré comme il le demandait, c'est pour une raison
indépendante de la volonté du condamné, à savoir parce que l'auteur du
cambriolage, interpellé un mois plus tard, a avoué le vol d'une cartouche de
cigarettes et d'une caissette contenant plusieurs centaines de francs suisses
et qu'il a contesté s'être emparé des autres biens déclarés volés par
X.________, témoignage qui corroborait les déclarations initiales de ce dernier
à la police judiciaire.
2.4.3 Dans ces conditions, c'est à juste titre que la Cour cantonale a retenu
une tentative de tromperie astucieuse en application des art. 22 al. 1 et 146
al. 1 CP. En tant qu'il est recevable, le présent grief est également mal
fondé.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recourant, qui succombe, doit supporter les
frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 13 décembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Gehring