Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.658/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_658/2008 /rod

Arrêt du 6 février 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Christophe A. Gal, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Agression (art. 134 CP),

recours contre l'arrêt du 23 juin 2008 de la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre pénale.

Faits:

A.
Par jugement du 3 septembre 2007, le Tribunal de police de Genève a condamné
X.________ pour agression à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, sous
déduction de trois jours de détention avant jugement. Il a fixé le montant du
jour-amende à 30 fr. et mis l'intéressé au bénéfice du sursis, avec un délai
d'épreuve de cinq ans.

B.
Statuant le 23 juin 2003 sur appel du condamné, la Chambre pénale de la Cour de
justice genevoise a confirmé ce jugement. Cet arrêt repose sur les faits
suivants:

A la suite de l'agression de A.________, B.________ a décidé avec celui-ci et
X.________ de mener une expédition punitive contre une bande rivale. A leur
arrivée dans le parc Geisendorf, leurs adversaires ont pris la fuite.
A.________ et X.________ les ont poursuivis, alors que B.________ restait sur
place. Deux membres de la bande rivale sont ensuite revenus vers ce dernier.
L'un d'eux lui a donné un coup de pied et B.________ a riposté par un coup de
couteau, atteignant le second individu, C.________, et le blessant à l'épaule.

C.
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale
devant le Tribunal fédéral. Il conteste l'établissement des faits, qu'il
qualifie d'arbitraire, et dénonce une mauvaise application de l'art. 134 CP. Il
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
Le recourant critique l'établissement des faits, qu'il qualifie d'arbitraire.

1.1 Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral ne réexamine
l'établissement des faits - sous réserve de l'allégation d'une violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché d'inexactitude
manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à savoir d'arbitraire (ATF 134 IV 36, consid.
1.4.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).

Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la
décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même
préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a
arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison
sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se
trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se
fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Lorsque l'autorité cantonale a
forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou
d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même
chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des
preuves doit être examinée dans son ensemble. Il n'y a pas d'arbitraire si
l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du
rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire
du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs sont fragiles, si la
solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs
arguments de nature à emporter la conviction.

1.2 Pour déterminer la participation du recourant à l'agression, la cour
cantonale se fonde sur trois éléments. Elle retient les déclarations de
A.________, qui a avoué à la police et au juge d'instruction s'être rendu au
parc avec B.________ et le recourant afin de mener une expédition punitive pour
se venger des coups de couteau qu'il avait lui-même reçus. Elle s'appuye
ensuite sur la déposition de B.________ qui a reconnu, devant l'officier de
police, s'être rendu au parc avec A.________ et le recourant pour se battre
avec les membres d'une bande rivale. Enfin, les mensonges du recourant qui a
commencé par nier, devant la police, avoir été présent dans le parc le jour des
faits avant de prétendre s'être rendu dans le parc dans le seul but de discuter
avec un individu ayant proposé de la drogue à son frère montrent que l'on ne
peut se fier à ses déclarations.

Le recourant met en doute ces trois éléments, qu'il considère comme inexacts.
Il relève d'abord qu'il a nié une fois seulement, à savoir lors de son
interpellation, avoir été présent au parc, alors que lors de sa première
audition, il a reconnu être sur les lieux de la bagarre. Il fait ensuite valoir
que A.________ a expliqué au Tribunal de police qu'il était sur les lieux avec
B.________ et le recourant pour voir qui voulait vendre du haschisch à son
petit frère. Il conteste enfin les déclarations de B.________, dans la mesure
où celui-ci a nié la participation du recourant à l'agression lors de son
audition devant la police.

1.3 La cour cantonale a écarté le revirement de A.________ devant le Tribunal
de police, considérant qu'il donnait des réponses préparées à l'avance avec le
recourant (arrêt attaqué p. 5 s.). Par ailleurs, si B.________ n'a pas parlé du
recourant à la police le 23 octobre 2005 (pièce 13), il l'a clairement mis en
cause deux jours plus tard devant le juge d'instruction (pièce 28). Face à des
déclarations contradictoires, le juge qui doit se forger sa conviction d'après
l'ensemble des circonstances, pouvait se fonder sur la deuxième déclaration de
B.________ dès lors qu'il n'avait pas de raison d'impliquer à tort le
recourant. Enfin, le fait que celui-ci a nié s'être rendu au parc lors de son
interpellation ne constitue pas une preuve de sa culpabilité. Mais cet élément
secondaire vient corroborer les dépositions des deux comparses et montre que
les déclarations du recourant sont peu crédibles. En conclusion, l'ensemble des
indices retenus par la cour cantonale permet de conclure, sans arbitraire, à la
participation du recourant à l'agression. Mal fondés, les griefs soulevés
doivent être rejetés.

2.
Dénonçant la violation de la présomption d'innocence, le recourant reproche à
la cour cantonale d'avoir écarté sa version des faits, selon laquelle il s'est
rendu au parc pour discuter avec un individu qui aurait proposé un joint à son
petit frère. A l'appui de cette version, il fait valoir deux éléments.
Premièrement, il relève qu'il n'était pas armé et ignorait que ses compagnons
l'étaient. En outre, il invoque les déclarations d'un ami de son frère, qui
aurait soutenu que le dénommé D.________ avait effectivement proposé à celui-ci
de la drogue alors qu'il se trouvait au parc.

2.1 Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, la présomption
d'innocence interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve
des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques,
qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une
condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné
doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une
appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition,
aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la
culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120
Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).

La présomption d'innocence et le principe "in dubio pro reo", qui en est le
corollaire, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des
preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36). En tant que règles sur le fardeau de
la preuve, ces principes signifient, au stade du jugement, que le fardeau de la
preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter à l'accusé. Comme
règles sur l'appréciation des preuves, ils sont violés lorsque le juge, qui
s'est déclaré convaincu, aurait dû éprouver des doutes quant à la culpabilité
de l'accusé au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis (ATF 124 IV 86
consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral examine
librement si ces principes ont été violés en tant que règles sur le fardeau de
la preuve, mais il n'examine que sous l'angle de l'arbitraire la question de
savoir si le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle de
l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid.
2e p. 38).

2.2 Dans le cas particulier, la seule question est de savoir si la cour
cantonale avait dû éprouver un doute, question qui relève de l'appréciation des
preuves et ne peut être examinée que sous l'angle de l'arbitraire. En effet, il
n'apparaît pas que la cour cantonale aurait inversé le fardeau de la preuve, ni
qu'elle aurait éprouvé un doute interprété en défaveur de l'accusé.

En l'espèce, le premier élément soulevé par le recourant, à savoir qu'il
n'était pas armé, n'est pas pertinent, puisque l'infraction de l'agression
n'exige pas que les agresseurs soient armés (cf. consid. suivant). De plus, le
témoignage de l'ami du frère du recourant est imprécis et sans pertinence quant
aux événements en cause. Mal fondés, les griefs soulevés par le recourant
doivent être écartés.

3.
Le recourant conteste sa condamnation pour agression pour différents motifs. Il
relève qu'il n'a pas porté lui-même le coup de couteau blessant l'un des
membres de la bande rivale et fait valoir qu'il n'était pas présent à ce
moment.

3.1 Se rend coupable d'agression au sens de l'art. 134 CP celui qui participe à
une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle
l'une d'entre elles ou un tiers a trouvé la mort ou subi une lésion corporelle.

L'agression se caractérise ainsi comme une attaque unilatérale de deux
personnes au moins, dirigée contre une ou plusieurs victimes, qui se contentent
de se défendre. L'auteur doit participer à l'agression, sans qu'il soit
forcément nécessaire qu'il commette des actes d'exécution. L'agression doit
entraîner, pour la personne agressée ou un tiers, la mort ou une lésion
corporelle. Celles-ci doivent résulter de l'agression ou des événements qui
l'ont suivi immédiatement (cf. ATF 106 IV 253 consid. 3f). En effet, de même
que dans le cas de la rixe (art. 133 CP), l'infraction est exclue si le rapport
de causalité n'est pas suffisamment étroit (CORBOZ, Les infractions en droit
suisse, N. 12 ad 133 CP et 11 ad 134 CP). Enfin, si l'auteur doit participer
intentionnellement à l'agression, il n'est toutefois pas nécessaire qu'il
veuille ou accepte qu'une personne soit tuée ou blessée.

3.2 En l'espèce, les conditions de l'agression sont réalisées.

A.________, B.________ et le recourant ont attaqué une bande rivale, composée
d'une vingtaine de personnes, qui ont pris la fuite. Selon l'état de fait
cantonal, le recourant n'est pas resté en dehors de la bagarre, mais a
poursuivi les fuyards, de sorte qu'il faut admettre qu'il a participé à
l'agression. Peu importe à cet égard que le recourant ne soit pas l'auteur du
coup de couteau qui a blessé C.________, membre de la bande rivale. L'agression
est en effet une infraction de mise en danger abstraite; la participation de
l'auteur à une agression suffit pour qu'il soit punissable, sans égard à sa
responsabilité s'agissant de la lésion survenue.
B.________ a blessé C.________ alors que le recourant était en train de
poursuivre les membres de la bande rivale; il n'était dès lors pas présent, à
proximité immédiate. Toutefois, le coup de couteau est dans un rapport étroit
avec l'attaque de la bande rivale, puisque deux membres de cette bande étaient
revenus en arrière pour s'en prendre à B.________ et que le coup de couteau est
intervenu à ce moment. Ces éléments suffisent pour considérer que le recourant
a participé à l'agression puisqu'une des personnes de la bande rivale a été
blessée. Peu importe dès lors qu'il n'ait pas été à proximité immédiate à ce
moment.

Le recourant soutient enfin qu'il n'avait pas l'intention d'agresser la bande
rivale; il fait valoir qu'il ne portait pas d'arme et ignorait que ses
comparses étaient armés. L'arrêt cantonal retient, au contraire, que le
recourant s'est rendu au parc dans le but de mener une expédition punitive à
l'encontre d'une bande rivale. Par son argumentation, le recourant s'écarte
donc de l'état de fait cantonal, sans pour autant en démontrer l'arbitraire, de
sorte que son grief est irrecevable. Par ailleurs, il est sans importance que
les participants aient été ou non armés, puisque l'agression consiste en un
assaut physique, qui n'implique pas nécessairement l'usage d'une arme. Au
demeurant, l'intention du recourant n'a pas besoin de porter sur la lésion
subie par C.________, dès lors que la mort et la lésion sont une circonstance
objective de punissabilité. Le recourant n'est en effet pas condamné pour avoir
blessé C.________, mais pour avoir participé à une action collective hostile
ayant entraîné une lésion corporelle.

Au vu des faits retenus, c'est à juste titre que la cour cantonale a retenu le
recourant coupable d'agression. Les griefs soulevés doivent être rejetés dans
la mesure où ils sont recevables.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.

Comme ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, le recourant doit être
débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 et 2 LTF) et
supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1 LTF), réduits à 800 fr.
compte tenu de sa situation financière actuelle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 francs, sont mis à la charge du
recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 6 février 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Favre Kistler Vianin