Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.613/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_613/2008 /rod

Arrêt du 16 octobre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Nathalie Guillaume-Gentil, avocate,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Violation simple des règles de la circulation, violation des devoirs en cas
d'accident,

recours contre le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de La
Broye et du Nord Vaudois du 2 juillet 2008.

Faits:

A.
X.________, né en 1970, travaille comme chauffeur-livreur chez A.________SA,
avec un statut de travailleur sur appel à environ 70 %.
Le 4 septembre 2006, vers 13 h., il a fait une livraison à l'usine des Jurats,
à Vallorbe, au moyen d'un train routier léger appartenant à son employeur. Pour
repartir, il a dû exécuter une marche arrière et faire demi-tour dans la cour
de l'usine. A 13h.45, B.________ a constaté que son Alfa Roméo avait été
fortement bousculée, ripée sur environ 1.5 mètres et se retrouvait l'arrière
plaqué contre la Dodge de son collègue C.________, à côté de laquelle elle
était garée. Il a expliqué à la police qu'un camion bâché était venu dans la
cour pour des livraisons à deux reprises, vers 11h.40 et 12h.50.

Les premières recherches de la police se sont orientées vers le train routier
piloté par X.________. Les agents ont constaté et photographié une légère trace
sur l'angle arrière droit du châssis de la remorque, où la peinture bleue était
écaillée de manière visiblement récente, c'est-à-dire sans aucune trace de
rouille. X.________ a confirmé sa livraison, mais affirmé ne rien avoir
remarqué d'une éventuelle collision ou « touchette ».

B.
Par prononcé du 8 janvier 2007, le préfet d'Orbe a condamné X.________, pour
contravention à l'OCR et à la LCR, à une amende de 300 fr.

Par jugement du 2 juillet 2008, le Tribunal de police de l'arrondissement de La
Broye et du Nord vaudois, après avoir procédé à une expertise technique, a
rejeté l'appel de X.________, constaté que celui-ci s'était rendu coupable de
violation simple des règles de la circulation et des devoirs en cas d'accident
et confirmé le prononcé préfectoral en ce qui concerne la condamnation à une
amende de 300 fr.

C.
X.________ dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Invoquant
une violation du principe de la présomption d'innocence, il conclut à
l'annulation du jugement précité et au prononcé de son acquittement. Il
requiert également l'effet suspensif.
Considérant en droit:

1.
1.1 Rendue en matière pénale, la décision attaquée ne peut faire l'objet
d'aucun recours cantonal, de sorte que, bien qu'elle n'émane pas d'un tribunal
supérieur, le recours en matière pénale est recevable en vertu de l'art. 80 LTF
en relation avec l'art. 130 al. 1 LTF. Par ailleurs, le recourant, qui remplit
manifestement les conditions de l'art. 81 al. 1 LTF, est habilité à recourir.

1.2 Le recours ordinaire au Tribunal fédéral peut notamment être formé pour
violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits
constitutionnels. Sous peine d'irrecevabilité, il doit être motivé conformément
à l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement à l'art. 106 al. 2 LT pour les griefs
mentionnés à cette disposition, dont les exigences correspondent à celles qui
résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF
133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
Invoquant une violation du principe "in dubio pro reo" découlant de la
présomption d'innocence, le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir
fondé sa culpabilité sur deux seuls éléments, tout en ignorant de nombreux
indices ressortant du dossier.

2.1 Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe "in dubio pro reo"
interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à
l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis
laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet
état de fait. Sa violation prétendue revient donc à se plaindre d'arbitraire
dans l'établissement des faits (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41).

Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable. Il faut encore qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 132
I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219).

L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de
répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de
preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important
propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments
recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p.
9). Il en va de même lorsqu'il retient unilatéralement certaines preuves ou
lorsqu'il rejette des conclusions pour défaut de preuves, alors même que
l'existence du fait à prouver résulte des allégations et du comportement des
parties (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Il ne suffit pas qu'une
interprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisse
également concevable pour que le Tribunal fédéral substitue sa propre
appréciation des preuves à celle effectuée par l'autorité de condamnation, qui
dispose en cette matière d'une grande latitude. En serait-il autrement que le
principe de la libre appréciation des preuves par le juge du fond serait violé
(ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).

2.2 Le Tribunal de police a acquis la conviction que le recourant était
l'auteur de la collision en se basant, d'une part, sur la présence et la
manoeuvre de l'intéressé au jour, à l'heure et à l'endroit où l'accrochage
s'est produit et, d'autre part, sur les dommages des deux véhicules impliqués
dans l'accident.

S'agissant de la présence du recourant, le lésé a déclaré, lors de son audition
par la police, qu'un camion bâché était venu vers 11h.40 pour livrer un carton,
que celui-ci était revenu vers 12h.50 pour effectuer une autre livraison, qu'il
pensait que c'était ce camion qui avait causé les dommages à son véhicule, mais
qu'il ne l'avait pas vu. Il résulte de ces déclarations que plusieurs
livraisons ont été effectuées par d'autres véhicules le jour de l'accrochage.
Or, l'enquête policière n'a porté que sur la personne du recourant. De plus, la
description du camion faite par le lésé ne correspond pas au train routier
piloté par l'accusé, véhicule qui n'était pas bâché, mais carrossé en camion
frigorifique.

S'agissant des marques sur les véhicules impliqués, les agents ont uniquement
constaté et photographié une très légère trace sur l'angle arrière droit du
châssis de la remorque du camion où la peinture bleue était écaillée de manière
visiblement récente. Pour le reste, le dossier ne comporte aucune photographie
des dommages causés à l'Alfa Romeo et à la Dodge endommagées le jour des faits,
l'instruction ayant simplement permis d'établir que la carrosserie de la
première voiture était déformée assez profondément au niveau de l'aile arrière
gauche, au-dessus de la roue du même côté. L'expert judiciaire a considéré que
les déformations et une partie des traces relevées à l'arrière de la remorque
n'étaient pas en rapport avec l'accident du 4 septembre 2006, mais que la
peinture fraîchement écaillée sur l'angle arrière droit de la remorque pourrait
provenir de l'impact contre le flanc arrière gauche de l'Alfa Romeo. Il a
toutefois précisé que, n'ayant aucune illustration des dommages occasionnés aux
voitures, tout véhicule disposant d'une partie saillante située entre 70 et 80
cm du sol aurait pu entraîner les déformations relevées sur la voiture. Sur la
base des éléments à sa disposition, l'expert n'a donc pu formuler que des
hypothèses quant à l'implication du recourant dans l'accrochage.

2.3 L'appréciation de l'ensemble des éléments précités laisse subsister un
doute sérieux quant à la mise en cause du recourant dans l'accident, d'une part
en raison du fait que plusieurs véhicules sont susceptibles d'être impliqués
dans cet accrochage et, d'autre part, que la marque constatée sur le camion
piloté par le recourant ne peut être attribuée de manière claire à l'accident,
faute de dépôt de peinture, de photos ou d'analyses suffisantes effectuées sur
les véhicules endommagés. Le doute est également insurmontable étant donné le
temps écoulé depuis l'accident et la réparation des voitures endommagées.

3.
En conclusion le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Le recourant
est acquitté. Il n'est pas perçu de frais (art. 66 al. 4 LTF). Le canton de
Vaud versera au recourant une indemnité de dépens pour la procédure devant le
Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

La cause étant ainsi jugée, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête d'effet
suspensif, qui n'a plus d'objet .

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement entrepris est annulé.

2.
Le recourant est acquitté.

3.
Il n'est pas prélevé de frais judiciaires.

4.
Le canton de Vaud versera à la mandataire du recourant une indemnité de dépens
de 3000 francs.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal de police de
l'arrondissement de La Broye et du Nord Vaudois.

Lausanne, le 16 octobre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani