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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.576/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_576/2008 /rod

Arrêt du 28 novembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Sven Engel, avocat,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel,
case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
intimé.

Objet
Peine privative de liberté (vol),

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel du 6 juin 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 15 août 2007, le Tribunal correctionnel du district de
Neuchâtel a condamné X.________, pour vol et infraction aux art. 31 al. 1 et
91a al. 1 LCR, à 7 mois de privation de liberté avec sursis pendant 2 ans ainsi
qu'à une amende de 200 fr. Saisie d'un recours du condamné, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois l'a rejeté dans la mesure de
sa recevabilité par arrêt du 6 juin 2008.

B.
Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.
B.a Dans la nuit du 5 au 6 mai 2006, X.________ a soustrait, dans un bureau
resté ouvert du dépôt des trolleybus des Transports publics du Littoral
Neuchâtelois (TN), dont il était l'employé, une somme de 54'675 fr. en monnaie,
déposée dans un coffre dont la clef se trouvait dans le tiroir d'une table du
bureau. Sur cette somme, un montant de 31'242 fr. 90 a pu être récupéré et
restitué aux TN.

Le 16 mai 2006, vers 23 heures 45, X.________ a perdu la maîtrise de son
véhicule, provoquant des dégâts matériels. Ces derniers ont été annoncés
immédiatement à la police. X.________ a toutefois déjoué un contrôle de son
état physique, qui était prévisible au vu des circonstances de l'accident.
B.b Le Tribunal correctionnel a justifié le prononcé d'une peine privative de
liberté plutôt que d'une peine pécuniaire, au motif que, si le sursis devait
être révoqué, le prévenu, compte tenu de son endettement considérable, se
trouverait dans une situation financière encore plus difficile. La Cour de
cassation cantonale a fait sien ce raisonnement.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Se plaignant
du genre de la peine infligée, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué,
demandant le renvoi de la cause au Tribunal correctionnel, subsidiairement à la
Cour de cassation cantonale. Parallèlement, il sollicite l'assistance
judiciaire.

Le Ministère public conclut au rejet du recours. L'autorité cantonale a renoncé
à formuler des observations.
Considérant en droit:

1.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il doit être
motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique
en quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnés à l'art. 106
al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une violation des droits fondamentaux,
sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui correspondent
à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit
public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
Le recourant se plaint d'avoir été condamné à une peine privative de liberté au
lieu d'une peine pécuniaire, en violation des art. 34 ss CP, des art. 8 et 31
Cst. et du principe de la proportionnalité.

2.1 Il apparaît d'emblée que les griefs de violation des art. 8 et 31 Cst.
n'ont pas en l'espèce de portée propre par rapport au grief de violation des
art. 34 ss CP, dès lors qu'ils ne sont invoqués que comme une conséquence de la
violation de ces dernières dispositions. De même, le grief de violation du
principe de la proportionnalité, qui n'est d'ailleurs pas étayé par une
argumentation distincte, se confond avec celui pris d'une violation de la loi
pénale matérielle.

2.2 La principale infraction reprochée au recourant, soit un vol au sens de
l'art. 139 ch. 1 CP, est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans
au plus ou d'une peine pécuniaire. Elle a été sanctionnée par une privation de
liberté de 7 mois, ce qui la situe au bas de l'échelle de la moyenne
criminalité. Cette quotité, que le recourant ne remet pas en cause en instance
fédérale, exclut par ailleurs la possibilité d'une substitution d'un travail
d'intérêt général à une peine pécuniaire (art. 37 al. 1 CP). Enfin, la sanction
prononcée a été assortie du sursis, dont le recourant pourrait donc aussi
bénéficier s'il devait être condamné à une peine pécuniaire. On se trouve ainsi
dans un cas où entrent, alternativement, en considération une peine privative
de liberté et une peine pécuniaire, la seule question qui se pose étant de
savoir si c'est à tort ou à raison que les juges cantonaux, notamment au vu des
motifs pour lesquels ils l'ont fait, ont prononcé une peine privative de
liberté plutôt qu'une peine pécuniaire.

2.3 D'après la conception des nouvelles dispositions de la partie générale du
code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le
domaine de la petite et moyenne criminalité (ATF 134 IV 97 consid. 4 p. 100
ss). Conformément au principe de la proportionnalité, lorsque plusieurs peines
entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la
faute commise, il y a en règle générale lieu de choisir celle qui restreint le
moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le
touche le moins durement (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101, 82 consid. 4.1 p.
85). A cet égard, une peine pécuniaire, qui atteint l'intéressé dans son
patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu'une peine privative de
liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. La priorité à donner à une
peine pécuniaire correspond au demeurant à la volonté du législateur, dont l'un
des principaux buts dans le domaine des sanctions a été d'éviter les courtes
peines privatives de liberté, qui entravent la resocialisation de l'auteur (ATF
134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101/102, 60 consid. 4.3 p. 65).

Le choix du type de sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef
de l'adéquation d'une sanction déterminée, de ses effets sur l'auteur et sur sa
situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention
(ATF 134 IV 97 consid. 4.2 p. 100, 82 consid. 4.1 p. 84/85). La situation
économique de l'auteur ou le fait que son insolvabilité apparaît prévisible ne
constituent en revanche pas des critères pertinents pour choisir la nature de
la sanction (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3 p. 104).

Le sens et le but de la peine pécuniaire ne se résument pas à la seule
privation de moyens financiers, mais résident dans la restriction apportée au
standard de vie ainsi qu'aux possibilités de consommation qui en résultent. Le
législateur a voulu qu'elle puisse aussi être prononcée à l'encontre d'auteurs
dont les revenus sont faibles et même inférieurs au minimum vital, sans quoi il
existerait le risque que la peine pécuniaire soit fréquemment considérée comme
inadéquate et, partant, remplacée par une peine privative de liberté, ce qui
irait à l'encontre d'un postulat fondamental à la base de la révision.
Précisément parce qu'elle touche à ce qui leur est nécessaire pour vivre, la
peine pécuniaire est d'autant plus sensible pour les auteurs démunis. Sous
réserve de la faute de l'auteur ou d'événements imprévisibles, il n'y a
cependant pas place pour une peine pécuniaire qui ne puisse être acquittée.
C'est pourquoi le législateur a expressément renoncé à fixer un seuil minimal à
la peine pécuniaire. Le prononcé d'une peine pécuniaire modique est ainsi
possible à l'encontre des personnes ne réalisant qu'un faible revenu ou qui
sont démunies, tels les bénéficiaires de l'aide sociale, les personnes sans
activité professionnelle, celles qui s'occupent du ménage ou encore les
étudiants (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3 p. 104/105).

2.4 La cour cantonale a motivé son choix de prononcer une peine privative de
liberté au lieu d'une peine pécuniaire par le fait que le recourant, si le
sursis qui lui a été octroyé devait être révoqué, se trouverait placé dans une
situation encore plus difficile, compte tenu de son endettement considérable.

Ce raisonnement ne peut être suivi. La situation économique de l'auteur ne
constitue pas un critère pertinent pour le choix de la nature de la sanction
(cf. supra, consid. 2.3; ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3 p. 104). Moins encore
peut-elle, à elle seule, déterminer ce choix. Même très obérée ou susceptible
de le devenir encore plus, la situation économique du condamné ne saurait donc
justifier le prononcé d'une peine privative de liberté au lieu d'une peine
pécuniaire. Admettre le contraire irait à l'encontre de la volonté du
législateur. Lorsqu'il apparaît que le prononcé d'une peine pécuniaire aura
pour effet d'aggraver la situation économique déjà précaire de l'auteur, c'est
dans le calcul du montant du jour-amende qu'il y a lieu d'en tenir compte, des
facilités de paiement pouvant en outre être accordées (cf. art. 35 al. 1 CP).
Le risque d'une telle aggravation ne saurait en revanche influer sur le choix
de la nature de la sanction.

A l'appui de la solution qu'elle a adoptée, la cour cantonale se prévaut
vainement de ce qu'il doit être tenu compte de l'effet de la peine sur
l'auteur, soit, en l'occurrence, de la péjoration de la situation financière
déjà mauvaise du recourant qu'entraînerait pour lui le prononcé d'une peine
pécuniaire. En soi, une peine pécuniaire, qui atteint l'auteur dans son
patrimoine, constitue une sanction moins grave qu'une peine privative de
liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le fait que le recourant se
trouverait dans une situation financière plus difficile serait en réalité la
conséquence, non pas du prononcé d'une peine pécuniaire, mais de la révocation
du sursis qui lui a été accordé. Or, si ce dernier devait être révoqué, le
recourant devrait exécuter la peine privative de liberté qui lui a été
infligée, ce qui ne lui serait certes pas plus favorable.

Sur le vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué viole le droit fédéral en tant
qu'il condamne le recourant à une peine privative de liberté au lieu d'une
peine pécuniaire.

3.
Le recours doit ainsi être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Vu l'issue du recours, il ne sera pas perçu de frais (cf. art. 66 al. 1 LTF) et
le canton de Neuchâtel versera au recourant une indemnité de dépens pour la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 LTF). La requête
d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le canton de Neuchâtel versera au recourant une indemnité de dépens de 3000 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 28 novembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Angéloz