Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.571/2008
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2008
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_571/2008 /rod

Arrêt du 7 octobre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Grégoire Mangeat, avocat,

contre

UBS SA, ayant son siège à Zurich et à Bâle, p.a. Service juridique, rue du
Rhône 8, case postale 2600, 1211 Genève 2,
Y.________, représenté par Me Philippe Prost, avocat,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.

Objet
Ordonnance de classement (gestion déloyale),

recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 4
juin 2008.

Faits:

A.
Dès 1987, X.________ avait ouvert plusieurs comptes auprès de l'Union de
Banques Suisses, à Genève. Dès 1999, ses avoirs déposés auprès de l'UBS SA
étaient répartis entre le compte n° 240 ouvert au nom de la Fondation
K.________, créée par l'UBS SA elle-même au nom de son client pour la détention
de cette relation, et un compte numérique n° 279, correspondant à un compte
anciennement ouvert auprès de la Société de Banque Suisse, dont le titulaire
était X.________.

Le 16 décembre 2002, alors que le marché était peu favorable, l'UBS SA a vendu
l'ensemble des titres américains du compte n° 240, à la suite de l'entrée en
vigueur le 1er janvier 2001 de nouvelles normes fiscales américaines, sans en
avertir X.________. Depuis mars 2001, elle avait tenté, sans succès,
d'atteindre son client par téléphone aux numéros dont elle disposait. Elle
avait décidé de vendre néanmoins les titres, car elle craignait, au vu de ses
informations, que son client fût une « US Person » au sens des nouvelles normes
fiscales américaines.

En mai 2004, le « Business Committee » d'UBS SA a décidé de mettre un terme aux
relations de la banque avec X.________. En effet, la banque avait fortuitement
découvert que son client figurait dans ses livres sous deux codes, avec des
dates de naissance différentes; en outre, il était un haut dignitaire du
L.________. Le 28 février 2005, Y.________, sous-directeur de la banque, a fait
signer à X.________ deux documents intitulés « Ordre », l'un concernant son
compte personnel n° 279, sur lequel il avait préalablement écrit, à la main, «
Veuillez vendre l'ensemble des titres et solder le compte en faveur de M.
X.________ (...) » et l'autre concernant le compte n° 240, sur lequel il avait
ajouté, à la main, « Veuillez annuler la Fondation K.________ et solder le
compte ».

B.
Le 12 février 2007, X.________ a déposé une plainte pénale, avec la
constitution de partie civile, contre l'UBS SA et Y.________. Il accusait ces
derniers d'avoir orchestré la dissolution de la Fondation K.________, afin
d'ôter à celle-ci toute légitimation active et d'empêcher ainsi toute action
judiciaire en dommages-intérêts contre la banque pour la vente injustifiée des
titres US du mois de décembre 2002. En agissant ainsi au seul bénéfice des
intérêts de l'UBS SA et au mépris des siens, les deux mis en cause auraient
violé leur devoir de veiller sur son patrimoine, qui avait été lésé.

C.
A la réception de cette plainte, le Ministère public genevois a ouvert une
enquête préliminaire de police. Le 18 mai 2007, il a ordonné la saisie pénale,
en mains de l'UBS SA, de l'intégralité des documents relatifs aux comptes n°
279 et 240.

Par courrier du 8 juin 2007, l'UBS SA a transmis au Procureur genevois la copie
des documents d'ouverture, ainsi que les relevés des comptes et dossiers titres
des relations bancaires visées. Le 25 juin 2007, elle lui a fait parvenir la
copie de pièces complémentaires, qu'elle n'avait pas produites le 8 juin 2007,
notamment les profils clients et les notes internes du gestionnaire, indiquant
que, pour des raisons de sécurité et de confidentialité, elle ne pouvait en
revanche pas produire des courriers électroniques « non encryptés »; les
documents internes servant à la personne morale pour forger sa volonté
n'étaient pas non plus remis, l'UBS SA craignant que le conseil du plaignant ne
s'en serve indûment dans le cadre d'une possible action civile, en cas d'accès
au dossier de la procédure pénale.

D.
Par ordonnance du 19 septembre 2007, le Procureur général genevois a classé la
plainte de X.________ du 12 février 2007, faute de prévention pénale
suffisante.

Le 4 juin 2008, la Chambre d'accusation du canton de Genève a rejeté le recours
formé par X.________ contre la décision de classement.

E.
Contre cette dernière ordonnance, X.________ dépose un recours en matière
pénale devant le Tribunal fédéral. Il dénonce la violation de son droit d'être
entendu et des droits en découlant. Il conclut à l'annulation de l'ordonnance
attaquée et à ce que la poursuite pénale soit continuée.

F.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée, qui est finale (art. 90 LTF), a été rendue en matière
pénale (art. 78 al. 1 LTF), par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 80 al. 1 LTF). Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière
pénale (art. 78 ss LTF).

2.
2.1 L'art. 81 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière
pénale à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, ou
a été privé de la possibilité de le faire, et a un intérêt juridique à
l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. La lettre b de cette
disposition dresse une liste de personnes auxquelles cette qualité est
expressément reconnue, à savoir l'accusé (ch. 1), le représentant légal de
l'accusé (ch. 2), l'accusateur public (ch. 3), l'accusateur privé, si,
conformément au droit cantonal, il a soutenu l'accusation sans l'intervention
de l'accusateur public (ch. 4), la victime, si la décision attaquée peut avoir
des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (ch. 5) et le plaignant,
pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte (ch. 6).
Cette liste, comme cela résulte déjà des termes "en particulier", n'est
toutefois pas exhaustive.
Selon la jurisprudence, le simple lésé n'a en principe pas qualité pour former
un recours en matière pénale. L'action pénale, à savoir le droit de poursuivre
et de punir les infractions, appartient en effet exclusivement à l'Etat. Elle
ne profite qu'indirectement au simple lésé, qui n'a en principe qu'un intérêt
de fait à sa mise en oeuvre. Celui-ci n'a d'intérêt juridique à obtenir
l'annulation d'une décision relative à la conduite de l'action pénale que si
cette décision porte atteinte aux droits procéduraux, dont la violation
équivaut à un déni de justice formel, qui lui sont reconnus par le droit
cantonal ou qui découlent directement du droit constitutionnel. Il n'est donc
habilité à recourir que pour se plaindre de la violation de tels droits,
notamment de n'avoir pas été entendu ou de s'être vu refuser la qualité de
partie à la procédure. Il ne peut remettre en cause, même de façon indirecte,
la décision sur le fond, par exemple contester l'application de la loi
matérielle ou se plaindre d'arbitraire dans l'appréciation des preuves (ATF 133
IV 228 consid. 2 p. 229 ss; arrêts 6B_10/2007 consid. 1; 6B_335/2007 consid.
2.3; 6B_372/2007 consid. 2.3).

2.2 En l'espèce, le recourant, qui se plaint d'une atteinte à ses droits
patrimoniaux, n'est pas une victime au sens de la loi fédérale sur les victimes
d'infractions. Il n'est pas non plus un accusateur privé, et sa contestation ne
porte pas sur son droit de porter plainte. Le recourant doit être considéré
comme un simple lésé, et son recours ne sera recevable que dans la mesure où il
se plaint de la violation de ses droits procéduraux.

3.
Le recourant se plaint de la violation de son droit d'être entendu et des
droits en découlant.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,
comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de
s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise
touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir
qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à
l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur
son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578 s.; 127 V 431 consid. 3a p. 436; 124 II 132
consid. 2b p. 137 et la jurisprudence citée).

3.2 Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir obligé l'UBS SA à
remettre aux autorités de poursuites pénales des courriers électroniques non
encryptés et des notes internes, qu'elle avait refusé de transmettre.

Selon le recourant, l'accès à ces pièces revêtait une importance considérable
et faisait partie intégrante de son droit d'être entendu. Il se plaint de ne
pas avoir pu se prononcer, avant que la décision de classement et celle du
rejet du recours n'aient été prises, sur les pièces que devait produire UBS SA,
lesquelles constitueraient, selon lui, des points essentiels du dossier. Son
droit de consulter le dossier aurait été également violé dans la mesure où il
n'aurait pas eu accès aux pièces que devait produire l'UBS. Enfin, son droit à
l'administration des preuves aurait été également transgressé, en ce sens qu'il
n'a pas pu s'exprimer sur le résultat de l'administration des preuves, y
compris s'agissant des preuves avancées ou exigées par l'autorité.

3.3 En l'espèce, l'UBS SA intervient comme personne poursuivie dans la
procédure pénale et non en tant que tiers détenteur de documents ou de valeurs.
Or, la personne poursuivie est libre de choisir si elle veut présenter une
déclaration ou si elle veut refuser de le faire (nemo tenetur se ipsum
accusare). Elle ne saurait être contrainte de produire des objets qui sont en
relation avec l'infraction en cause, car cela aboutirait à l'obliger à
participer activement à la manifestation de la vérité (Piquerez, Traité de
procédure pénale suisse, 2e éd., 2006, § 67 n° 481; Hauser/Schweri/Hartmann,
Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., Bâle 2005, § 70 n. 24). L'UBS SA
n'avait donc aucune obligation de produire les pièces en question, de sorte que
le recourant ne pouvait prétendre pouvoir les consulter et se prononcer sur
celles-ci. Mal fondés, les griefs soulevés doivent être rejetés.

4.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir qualifié de notoire un fait
qui ne l'était, selon lui, manifestement pas. Elle aurait ainsi considéré qu' «
il est notoire que, lorsqu'une relation bancaire au nom d'une entité,
spécialement créée par la banque elle-même au nom de son client pour la
détention de cette relation, est clôturée, les banques procèdent également à la
dissolution de l'entité en question » (décision attaquée p. 12). Par cette
constatation, la décision attaquée violerait le droit d'être entendu du
recourant; celui-ci n'aurait pas pu fournir de contre-preuve au sujet du
caractère prétendument notoire du fait précité, et n'a d'une manière générale
pas été entendu sur cet argument.

Par cette argumentation, le recourant s'en prend en réalité à l'établissement
des faits et à l'appréciation des preuves. Or, en tant que simple lésé, non
victime LAVI, il n'est pas habilité à se plaindre, dans un recours en matière
pénale, que l'état de fait aurait été établi de manière arbitraire. Le grief
soulevé est donc irrecevable.

5.
Le recourant dénonce la violation du droit d'obtenir une décision motivée. En
relation avec la qualification des faits en tant que gestion déloyale, il
reproche à la cour cantonale d'avoir traité uniquement l'aspect de gestion et
estimé que les reproches formulés à l'encontre des intimés n'étaient aucunement
liés à la gestion de ces fonds, sans examiner le devoir de sauvegarde.

De la sorte, le recourant s'en prend à l'application de la loi matérielle, ce
qu'il n'est pas autorisé à faire dans un recours en matière pénale. Le grief
soulevé est donc irrecevable.

6.
Le recourant soutient que la cour cantonale a considéré à tort que le litige
était de nature civile, car elle se serait concentrée sur la vente des titres
US alors qu'il aurait clairement expliqué dès le départ que c'était la
dissolution orchestrée de la Fondation K.________ qui serait constitutif d'une
infraction pénale. Ce faisant, la cour cantonale aurait encore violé le droit
d'être entendu du recourant, qui n'aurait pas vu son cas reçu et traité comme
il aurait dû l'être.

Par cette argumentation, le recourant dénonce à nouveau une violation du droit
matériel. Le grief est donc irrecevable.

7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

Le recourant qui succombe doit supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y
a pas lieu d'allouer d'indemnité aux intimés qui n'ont pas déposé de mémoire
dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation du
canton de Genève.

Lausanne, le 7 octobre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin