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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.547/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_547/2008 /rod

Arrêt du 5 août 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Juge présidant,
Wiprächtiger et Ferrari.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
Ministère public du canton de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Philippe Kitsos,
avocat,

Objet
Fixation de la peine,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel du 30 mai 2008.

Faits:

A.
X.________, né le 24 juin 1980, d'origine tunisienne, a rencontré Y.________ en
Tunisie et entretenu avec elle une relation amoureuse depuis 2004. Ils avaient
projeté de se marier le 25 août 2005, mais le mariage a été annulé. Depuis
février 2006, X.________ a une autre relation.

Le 12 février 2006, X.________ s'est rendu chez Y.________. Dans un premier
temps, les anciens amants ont eu un rapport sexuel d'un commun accord. Puis,
X.________ a sodomisé Y.________, sans son consentement. Une dispute a ensuite
éclaté et X.________ a frappé la jeune femme à plusieurs reprises au visage et
aux bras. Il l'a ensuite suivie aux toilettes et lui a proposé d'entretenir un
nouveau rapport sexuel. Devant son refus, il l'a pénétrée de force.

B.
B.a Par jugement du 12 janvier 2007, le Tribunal correctionnel du district de
La Chaux-de-Fonds a condamné X.________, pour lésions corporelles simples,
contrainte sexuelle, viol et infraction à l'art. 23 de la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), à une peine privative de
liberté de trois ans, sous déduction de huit jours de détention préventive,
dont seize mois fermes et vingt mois avec sursis pendant deux ans.
B.b Sur recours du condamné, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
neuchâtelois a, par arrêt du 10 mai 2007, annulé ce jugement et renvoyé la
cause devant le Tribunal correctionnel du district du Val-de-Ruz, à charge pour
celui-ci de prononcer une peine moins sévère.

Elle a relevé notamment ce qui suit:
Les premiers juges ne pouvaient pas, ici, faire abstraction des relations,
singulières et ambivalentes, qui existaient entre le recourant et la victime
(ATF 116 IV 179). Ces relations, dans le contexte très particulier du cas, sont
en effet de nature à diminuer la culpabilité, bien que certaine, du recourant.
(...) En ne tenant pas compte, dans un sens favorable au recourant, de ces
éléments issus de l'ambivalence de la relation entre l'auteur et la victime,
les premiers juges ont arbitrairement écarté une circonstance propre à influer
de manière significative sur la peine à prononcer. A cela s'ajoute que le
recourant a exprimé, lors de ses auditions, des regrets et des excuses qui
n'apparaissent pas exempts de sincérité. Certes, on peut penser qu'ils ont été
rétractés en même temps que le recourant est revenu sur ses aveux. Cette
démarche est toutefois clairement le fruit d'une tactique - discutable - de
défense dont le recourant n'a pas à pâtir.
Au vu de ce qui précède, la peine privative de liberté de trois ans, dont seize
mois fermes et vingt mois avec sursis pendant deux ans, apparaît arbitrairement
sévère, de sorte que le jugement doit être cassé. La cause sera renvoyée pour
nouveau jugement à un autre tribunal, qui aura pour tâche de prononcer une
peine significativement moins élevée en ayant soin d'examiner si, même sous
l'ancien droit, on aurait pu envisager une peine compatible avec le sursis ».
B.c Dans un jugement du 11 septembre 2007 rendu à la suite de l'arrêt de renvoi
de la Cour de cassation du Tribunal cantonal neuchâtelois, le Tribunal
correctionnel du district du Val-de-Ruz a réduit la peine privative de liberté
infligée à X.________ à vingt-deux mois et assorti cette peine du sursis
pendant deux ans.
B.d Dans un arrêt du 30 mai 2008 rendu sur recours du Ministère public
neuchâtelois, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a
confirmé le jugement du Tribunal correctionnel du district du Val-de-Ruz.

C.
Contre ce dernier arrêt, le Ministère public neuchâtelois forme un recours en
matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il se plaint de l'application
arbitraire du droit cantonal et de la violation de l'art. 47 CP. Il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité qui a
statué en première instance.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision attaquée a été rendue par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 80 al. 1 LTF), dans une cause de droit pénal (art. 78 al. 1
LTF). Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss
LTF), que le recourant qui conteste la sanction infligée est habilité à former
(art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 3 LTF). Celui-ci peut faire valoir tous les
motifs de recours prévus aux art. 95 à 98 LTF (ATF 134 IV 36 consid. 1.4 p. 39
ss).

1.2 Le recours en matière pénale peut notamment être formé pour violation du
droit fédéral (art. 95 let. a LTF), qui englobe les droits constitutionnels. Le
Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne démontre que ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (FF 2001 p. 4135), ou en violation du droit au sens de l'art. 95
LTF (art. 97 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral ne sanctionne une violation de
droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant
(art. 106 al. 2 LTF). Les exigences de motivation de l'acte de recours
correspondent à celles de l'art. 90 al. 1 let. b aOJ (FF 2001 p. 4142).

1.3 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il
n'est donc limité ni par les arguments du recourant ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation
prévue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, dont la sanction est l'irrecevabilité (art.
108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués et
n'est dès lors pas tenu de traiter des questions qui ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al.
1 LTF).

2.
Le recourant fait valoir que, dans son arrêt du 10 mai 2007, la Cour de
cassation s'est substituée au juge du fond, à l'instar d'une cour d'appel, en
examinant des critères de la fixation de la peine et la fixation même de cette
peine. Selon lui, elle aurait dû se limiter à casser le jugement des premiers
juges et les inviter à se prononcer sur cette question.

2.1 Le grief porte sur l'arrêt de renvoi du 10 mai 2007. Celui-ci n'a pas mis
fin à la procédure cantonale et constitue donc une décision incidente qui ne
peut faire l'objet d'un recours direct au Tribunal fédéral qu'aux conditions
prévues à l'art. 93 al. 1 let. a et b LTF. Si le recours direct n'est pas
recevable ou n'a pas été utilisé, l'art. 93 al. 3 LTF prévoit que la décision
peut être attaquée par un recours contre la décision finale dans la mesure où
elle influe sur le contenu de celle-ci. Cette condition doit être considérée
comme remplie en l'espèce, dès lors que le tribunal correctionnel et la Cour de
cassation elle-même sont liés par les considérants de l'arrêt de renvoi. Le
grief soulevé est donc recevable.

2.2 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit
cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 128 II
311 consid. 2.1 p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la solution
retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la
cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens
et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée,
même si une autre solution paraît également concevable, voire même préférable
(ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts
cités). En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si
celle-ci est arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178), ce
qu'il appartient au recourant de démontrer (art. 106 al. 2 LTF).

2.3 En procédure pénale neuchâteloise, lorsque les motifs de pourvoi sont
reconnus fondés, le jugement est dans la règle générale cassé et la Cour de
cassation désigne le tribunal auquel la cause est renvoyée pour nouveau
jugement (art. 252 CPP/NE). La jurisprudence neuchâteloise a précisé que, pour
des motifs d'économie de procédure, la Cour de cassation peut prononcer la
cassation partielle d'un jugement de cour d'assises insuffisamment motivé en ce
qui concerne la mesure des peines (Bauer/Cornu, Code de procédure pénale
neuchâteloise annoté, Neuchâtel 2001, art. 252, n. 2, p. 526).

2.4 En l'espèce, la Cour de cassation a considéré que le tribunal correctionnel
avait violé l'art. 63 aCP en ne tenant pas compte, lors de la fixation de la
peine, de deux éléments favorables au prévenu, à savoir le repentir qu'il avait
exprimé et les relations qu'il avait avec sa victime. En conséquence, elle a
cassé le jugement attaqué et a renvoyé la cause « à un autre tribunal, qui aura
pour tâche de prononcer une peine significativement moins élevée en ayant soin
d'examiner si, même sous l'ancien droit, on aurait pu envisager une peine
compatible avec le sursis ». Ce faisant, elle n'a pas réformé le jugement
attaqué, mais exposé en quoi celui-ci violait le droit fédéral et attiré
l'attention des premiers juges sur la question du sursis. Elle n'a dès lors pas
violé le droit de procédure cantonal, qui l'autorise à casser partiellement un
jugement en ce qui concerne la peine et à renvoyer la cause pour nouveau
jugement à un tribunal de première instance. Mal fondé, le grief soulevé doit
être rejeté.

3.
Le recourant considère que la peine privative de liberté de vingt-deux mois
infligée à l'intimé est excessivement modérée. Selon lui, la Cour de cassation
aurait accordé un poids prépondérant aux excuses exprimées par l'intimé ainsi
qu'aux relations ambivalentes existant entre ce dernier et sa victime.

3.1 Les faits reprochés au recourant ont été commis avant l'entrée en vigueur,
le 1er janvier 2007, des nouvelles dispositions de la partie générale du code
pénal. Les autorités cantonales, qui ont statué postérieurement à cette date,
devaient donc examiner si, en vertu du principe de la lex mitior (art. 2 al. 2
CP), le nouveau droit n'était pas plus favorable au recourant. A juste titre,
elles ont appliqué le nouveau droit, car celui-ci prévoit que les peines de six
mois à deux ans peuvent être assorties du sursis et que les peines d'un an à
trois ans peuvent être suspendues partiellement, alors que, selon l'ancien
droit, seules des peines n'excédant pas dix-huit mois pouvaient être prononcées
avec sursis (art. 42 et 43 CP et art. 41 aCP).
3.2
3.2.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de
l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle
de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La
culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger
du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les
motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci
aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation
personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
3.2.2 Comme dans l'ancien droit, le critère essentiel est celui de la faute. Le
législateur reprend, à l'al. 1, les critères des antécédents et de la situation
personnelle, et y ajoute la nécessité de prendre en considération l'effet de la
peine sur l'avenir du condamné. Codifiant la jurisprudence, l'al. 2 de l'art.
47 CP énumère de manière limitative les critères permettant de déterminer le
degré de gravité de la culpabilité de l'auteur. Ainsi, le juge devra prendre en
considération la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique
concerné, que la jurisprudence mentionnait sous l'expression du "résultat de
l'activité illicite", ainsi que le caractère répréhensible de l'acte, qui
correspond plus ou moins à la notion "de mode et d'exécution de l'acte" prévue
par la jurisprudence. Sur le plan subjectif, le texte légal cite la motivation
et les buts de l'auteur, qui correspondent aux mobiles de l'ancien droit (art.
63 aCP), et la mesure dans laquelle l'auteur aurait pu éviter la mise en danger
ou la lésion, qui se réfère au libre choix de l'auteur entre la licéité et
l'illicéité (ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
3.2.3 Lorsqu'il fixe la peine, le juge doit prendre en considération les
relations qui peuvent exister entre l'auteur et la victime et déterminer si
celles-ci sont propres à accroître ou à diminuer la culpabilité (ATF 116 IV
179).

Le juge devra également tenir compte des repentirs et des regrets manifestés
par l'auteur après la commission de l'acte (ATF 118 IV 337 consid. 2c p. 341;
Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e éd., 2007, art. 47, n. 134).
3.3
3.3.1 Le recourant reproche à la Cour de cassation d'avoir retenu que l'intimé
avait exprimé des regrets et des excuses qui n'apparaissaient pas exempts de
sincérité. A ses yeux, les rétractations de l'intimé montrent le défaut de
sincérité de ses regrets.

Savoir si les regrets exprimés par l'intimé sont ou non sincères est une
question de fait. Or, la cour de céans ne revoit l'établissement des faits -
sous réserve de l'allégation d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
- que lorsqu'il est entaché d'inexactitude manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à
savoir d'arbitraire (ATF 134 IV 36, consid. 1.4.1).

En l'occurrence, la Cour de cassation s'est fondée sur les auditions de
l'intimé pour retenir que ses regrets et excuses étaient sincères.
Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que l'accusé nie l'acte
ou se rétracte ne permet pas encore de conclure qu'il n'en voit pas le
caractère répréhensible et qu'il ne le regrette pas, la rétractation pouvant
découler d'autres mobiles. Sans en déduire une absence de sincérité, la Cour de
cassation a simplement considéré que les rétractations de l'intimé étaient le
fruit d'une mauvaise tactique de défense, dont il n'était pas totalement
responsable. Cette explication est défendable et ne peut être qualifiée
d'arbitraire. Mal fondé, le grief doit être rejeté.
3.3.2 En outre, le recourant reproche à la Cour de cassation d'avoir retenu, en
faveur de l'intimé, les relations singulières et ambivalentes qu'il entretenait
avec la victime.

En l'espèce, il ressort de l'état de fait cantonal que l'intimé entretenait,
depuis l'été 2004, une relation avec la victime à la suite de leur rencontre en
Tunisie et qu'ils projetaient de se marier le 25 août 2005, mais qu'ils y ont
finalement renoncé. Le soir du viol, l'intimé avait entretenu, dans un premier
temps, avec sa victime une relation sexuelle complète avec son consentement. De
l'ensemble des circonstances, la juridiction cantonale pouvait déduire qu'il
existait entre l'intimé et la victime des relations singulières et ambivalentes
et que cet élément devait avoir pour effet de diminuer la peine de l'intimé.
3.3.3 C'est donc à tort que le recourant reproche à la Cour de cassation
d'avoir tenu compte des relations existant entre l'intimé et sa victime ainsi
que des regrets sincères exprimés par celui-ci. Il convient encore d'examiner
si la Cour de cassation a accordé à ces éléments une importance prépondérante
par rapport aux autres facteurs, comme le soutient le recourant.

En l'espèce, la faute de l'intimé doit être qualifiée de lourde, vu la gravité
des infractions contre l'intégrité sexuelle. Après un premier rapport sexuel
consenti, l'intimé a sodomisé son ex-compagne contre son gré, puis l'a forcée a
entretenir de nouvelles relations sexuelles. A charge, il faut encore retenir
le concours d'infractions (art. 49 CP) entre le viol, les lésions corporelles
simples, la contrainte sexuelle et l'infraction à la LSEE. A décharge, il faut
prendre en considération l'absence d'antécédents, les relations existant entre
l'intimé et la victime, les regrets et excuses. Au vu de l'ensemble de ces
éléments, une peine de vingt-deux mois ne paraît pas excessivement modérée.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté.

Il n'y a pas lieu de prélever des frais (art. 66 al. 4 LTF) ni d'allouer des
dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il est statué sans frais ni dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 5 août 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: La Greffière:

Favre Kistler Vianin