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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.511/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_511/2008 /rod

Arrêt du 8 octobre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Philippe Girod, avocat,

contre

L.A.________, représentée par Me Françoise Arbex, avocate,
B.________,
représentée par Me Birgit Sambeth Glasner, avocate,
intimées,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP),

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour de
justice du canton de Genève, du 19 mai 2008.

Faits:

A.
Par jugement du 25 mai 2007, le Tribunal de police genevois a reconnu
X.________ coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 al. 1 CP)
et de contraintes sexuelles (art. 189 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine
privative de liberté de huit mois avec sursis pendant 4 ans et à une amende de
1000. fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 10 jours.
Il est reproché à X.________ d'avoir, en 2001, dans la cave d'un immeuble dont
il était concierge et où habitait M.A..________, contraint celle-ci, née en
1991, à subir des actes de nature sexuelle en profitant de sa force ainsi que
de la surprise et de la peur de sa victime. Il l'a serrée très fortement dans
ses bras, lui a donné des baisers, l'a embrassée sur la bouche en tentant
d'introduire la langue. Il l'a en outre caressée sur les fesses et le sexe
par-dessus les vêtements, a introduit ses mains dans le pantalon de l'enfant,
puis sous sa culotte, lui caressant les fesses à même la peau. M.A..________ a
finalement réussi à repousser son agresseur et à prendre la fuite. Quelques
jours plus tard, X.________ a croisé M.A..________ alors qu'elle prenait
l'ascenseur dans lequel il l'a suivie et, profitant de la supériorité que lui
conférait sa force, s'est collé à elle, l'a serrée dans ses bras, lui a donné
des baisers sur le visage et lui a caressé les fesses par-dessus ses vêtements.
Il a cessé ses agissements lorsque l'ascenseur est parvenu au 6ème étage,
destination de la fillette, à laquelle il a enjoint de ne rien dire.
Il est également reproché à X.________, de s'être livré, en 2002, dans le hall
d'entrée du même immeuble, dans lequel habitait également B.________, née le 26
septembre 1985, puis dans l'ascenseur qui montait au 4ème étage, à des actes de
nature sexuelle sur cette jeune fille en utilisant la contrainte. Il a profité
du désarroi de celle-ci, qui, choquée par son attitude, est restée sans voix et
sans réaction. Il l'a embrassée sur le front, a tenté par trois fois de
l'embrasser sur la bouche, lui a touché et caressé la poitrine, les fesses et
le sexe par-dessus les vêtements et lui a déboutonné sa jupe.

B.
Statuant le 19 mai 2008 sur appel du condamné, la Chambre pénale de la Cour de
justice genevoise a confirmé ce jugement.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre cette dernière décision.
Invoquant une violation de l'art. 32 Cst., il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué et à sa libération, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

D.
Il n'a pas été demandé d'observations.

Considérant en droit:

1.
Saisi d'un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF), le Tribunal fédéral
statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1
LTF), à moins que le recourant ne démontre que ces faits ont été établis de
façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (FF
2001 p. 4135), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1
LTF). Le Tribunal fédéral ne sanctionne une violation de droits fondamentaux
que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF).
Les exigences de motivation de l'acte de recours correspondent à celles de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ (FF 2001 p. 4142).

2.
Le recourant invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits et la
violation du principe in dubio pro reo.

2.1 Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH, la présomption
d'innocence interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve
des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques,
qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une
condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné
doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une
appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition,
aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de sa
culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s. et les
arrêts cités).
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le
Tribunal fédéral ne s'écarte de l'appréciation retenue en dernière instance
cantonale que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que la
motivation de la décision soit insoutenable. Il faut en outre que celle-ci soit
arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58).

2.2 Le recourant remet en question la version des faits donnée par les victimes
et retenue dans l'arrêt attaqué. Il prétend notamment que la souffrance dans
laquelle se trouvait au moment de la dénonciation B.________, qui avait fugué,
a pu amener celle-ci à porter des accusations excessives et non maîtrisées,
transformant en abus sexuel un comportement inadéquat ou étrange, tel que celui
qu'il avait eu à l'égard de C.________, auquel la cour cantonale fait allusion.
Selon lui, il est objectivement invraisemblable qu'il ait eu le comportement
décrit par la victime dans un ascenseur entre le premier et le quatrième étage
et il est probable que B.________ a exagéré, lorsqu'elle a dit notamment qu'il
lui a déboutonné sa jupe, ou lorsqu'elle a décrit tout autre acte que des bises
sur le front et la joue, actes qu'il admet. Il prétend que cette incohérence
aurait dû créer un doute dans l'esprit des juges cantonaux.
S'agissant de M.A.________, le recourant conteste que la peur qu'éprouvait
celle-ci de descendre à la cave puisse avoir été causée par des abus sexuels
subis dans ces locaux. Le recourant considère en revanche comme plausible qu'il
ait inspiré une crainte à la fillette en raison de son physique, de sa
présence, de son attitude, voire de la rumeur. Il soutient dès lors que la cour
cantonale ne pouvait pas fonder sa conviction sur les déclarations de la
victime.
Il reproche aux juges cantonaux d'avoir violé la présomption d'innocence en se
basant sur le fait qu'il avait eu un comportement inadéquat ou étrange dans
d'autres cas pour admettre qu'il était l'auteur tout désigné des faits
incriminés. Des investigations plus précises auraient dû être menées pour
connaître le contexte personnel, psychologique et familial dans lequel les
déclarations des victimes ont été enregistrées, soit la forte présence
parentale et la nécessité de justification des crises personnelles des
victimes, contexte qu'il reproche aux juges cantonaux d'avoir mésestimé.

2.3 L'autorité cantonale a tenu pour crédibles les propos des victimes en se
fondant sur un certain nombre d'éléments ressortant du dossier. Parmi ceux-ci
figurent les témoignages de personnes ayant subi un comportement inadéquat ou
étrange de la part du recourant. Si ceux-ci ne suffisent de toute évidence pas
pour se convaincre que les victimes ont subi des abus sexuels, ils révèlent
néanmoins que le recourant a certaines pulsions qu'il ne maîtrise pas et il
n'est pas insoutenable d'en tenir compte pour apprécier quelle version, des
victimes ou du recourant, est la plus crédible.
Les juges cantonaux ont écarté la théorie du complot ou l'allégation du
recourant selon laquelle il aurait été un bouc émissaire, les dires des
victimes ne correspondant pas à la réalité et exprimant ce que leurs parents
souhaitaient. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont tenu compte du fait que
les deux victimes, qui selon leurs dires ne se connaissaient pas, habitaient
toutes deux l'immeuble dont le recourant était concierge, que les faits
reprochés se sont produits à plus d'une année d'intervalle et que la justice
pénale a été amenée à s'en saisir non pas directement par les victimes mais
suite aux constatations de tiers. En effet, c'est parce que deux inspecteurs de
la sûreté ont été alarmés par la souffrance d'une des victimes, qui avait
quitté le domicile de ses parents, que la mère de celle-ci a décrit les faits
et que la victime a été entendue. C'est aussi parce que ses camarades ont
constaté que l'autre victime ne voulait plus se rendre dans la cave de son
immeuble que cette dernière a été amenée à se confier à eux puis à sa mère. Les
parents d'une des victimes avaient été mis au courant immédiatement après les
faits et s'étaient adressés au recourant, mais n'ont pas agi sur le plan pénal.
La mère de la seconde victime, bien qu'au courant des faits, n'a alerté la
justice que lorsqu'elle a appris que le recourant était accusé d'agissements
semblables. Ce dernier comportement est d'autant plus compréhensible qu'elle
avait été rendue attentive aux difficultés de preuves dans ce genre d'affaires
par un homme de loi qu'elle avait consulté.
De plus, le contenu des accusations des victimes est étayé par les déclarations
de témoins, à qui elles se sont confiées. Ainsi, des professionnels ont
confirmé que leurs dires ne leur ont pas paru être des affabulations et qu'ils
ont pu constater combien elles avaient été affectées par les événements
incriminés. Parmi ces témoins figuraient la personne qui a assuré le suivi
psychologique d'une des victimes et une éducatrice spécialisée auprès de
Viol-secours, le médecin de l'autre victime ainsi que l'inspectrice qui a
procédé à son audition. Le recourant, tout en reprochant aux premiers juges
d'avoir évalué de manière contestable les souffrances et les difficultés
psychologiques des victimes, n'a non seulement jamais requis d'expertise, mais
admet expressément qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours à un tel examen.
Ainsi, sans solliciter de moyens de preuve complémentaires sur le plan
psychologique, le recourant procède à une analyse personnelle qu'il oppose à
celle de la cour cantonale, ce qui ne suffit pas à démontrer le caractère
arbitraire de cette dernière. Le contexte familial et personnel dans lequel les
victimes ont fait leurs déclarations n'a pas été ignoré. L'autorité cantonale
n'a notamment pas méconnu le fait que les difficultés psychologiques d'une des
victimes pouvaient avoir aussi d'autres causes que les abus subis. Il ne suffit
pas, comme le fait le recourant, de prétendre qu'elles ont exclusivement une
autre cause pour démontrer l'arbitraire de cette appréciation.
Finalement, on ne voit pas pourquoi il aurait été objectivement impossible au
recourant de déboutonner la jupe d'une des victimes dans un ascenseur entre le
rez-de-chaussée et le 4ème étage et surtout le recourant ne le démontre pas.
Peu importe également que ce geste ne serve à rien, selon le recourant, car il
n'aurait de toute façon pas eu le temps de mettre ses parties génitales en
contact avec celles de sa victime avant l'arrivée au 4ème étage. L'objectif du
recourant, qui nie les faits, n'est pas clairement établi et le fait qu'il s'en
soit déjà pris à une autre victime dans un ascenseur montre bien qu'il n'a pas
renoncé à agir alors même qu'il savait ne pas pouvoir aller très loin dans son
activité délictuelle.
Par conséquent, l'argumentation du recourant ne démontre pas l'arbitraire de
l'appréciation de l'autorité cantonale et il n'apparaît pas que celle-ci aurait
dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité du
recourant.
Dés lors, le recours ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires doivent être mis à la charge
du recourant qui succombe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 8 octobre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Paquier-Boinay