Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.509/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_509/2008 /rod

Arrêt du 29 août 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Gehring.

Parties
A.X.________,
recourant, représenté par Me Soli Pardo, avocat,

contre

B.X.________,
intimée, représentée par Me Josiane Stickel-Cicurel, avocate,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Violation d'obligation d'entretien (art. 217 CP),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale, du 19 mai 2008.

Faits:

A.
A.a Le 26 mars 2001, B.X.________a ouvert action en divorce à l'encontre de son
mari A.X.________. Statuant sur mesures provisoires, la Chambre civile de la
Cour de justice genevoise a condamné ce dernier, par jugement du 11 octobre
2002, à verser en faveur de son épouse, une contribution d'entretien mensuel de
3000 fr. dès le 1er janvier 2002. Le 29 janvier 2004, le divorce a été prononcé
et la pension alimentaire de l'ex-épouse fixée, sans limite temporelle, à 1000
fr. par mois. La Chambre civile de la Cour de justice a porté ce montant à 2000
fr. par arrêt rendu le 14 janvier 2005 et annulé le 7 août 2006 par le Tribunal
fédéral. Statuant derechef sur mesures provisoires, celle-là a fixé à 7600 fr.
le montant de la contribution d'entretien due mensuellement à partir du 20
septembre 2006 par A.X.________ (jugement du 5 mars 2007 confirmé le 11 juillet
2007 par le Tribunal fédéral).
A.b Le 14 janvier 2008, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné le
prénommé à dix jours-amende d'un montant de 152 fr. chacun avec sursis pendant
deux ans pour ne pas s'être acquitté de son obligation d'entretien du mois
d'avril 2007.

B.
Saisie d'un appel, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise l'a rejeté
par arrêt du 19 mai 2008.

C.
A.X.________ interjette un recours en matière pénale contre ce jugement dont il
requiert l'annulation en concluant à son acquittement, sous suite de frais et
dépens.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit, tel
qu'il est circonscrit par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral l'applique
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en
matière pénale, ne réexamine l'établissement des faits - sous réserve de la
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché
d'inexactitude manifeste (art. 97 al. 1 LTF), soit d'arbitraire (ATF 134 IV 136
consid. 1.4.1, p. 139).

2.
2.1 L'art. 217 al. 1 CP punit, sur plainte, celui qui n'aura pas fourni les
aliments ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoi qu'il
en eût les moyens ou pût les avoir. Pour déterminer si l'accusé a respecté ou
non son obligation d'entretien, il ne suffit pas de constater l'existence d'une
obligation d'entretien résultant du droit de la famille, mais il faut encore en
déterminer l'étendue. Lorsque la quotité de la contribution d'entretien a été
fixée dans le dispositif d'un jugement civil valable et exécutoire, le juge
pénal appelé à statuer en application de l'art. 217 CP est dans la règle lié
par ce montant (ATF 106 IV 36 ss); il n'a pas à se demander s'il aurait
lui-même fixé une somme inférieure ou supérieure (Corboz, les infractions en
droit suisse, vol. I, 2002, n. 12 ad art. 217 CP et les réf. citées p. 850).
L'obligation d'entretien est violée, d'un point de vue objectif, lorsque le
débiteur ne fournit pas, intégralement, à temps et à disposition de la personne
habilitée à la recevoir, la prestation d'entretien qu'il doit en vertu du droit
de la famille (Corboz, op. cit, n. 14 ad art. 217, p. 851). En revanche, on ne
peut reprocher à l'auteur d'avoir violé son obligation d'entretien que s'il
avait les moyens de la remplir ou aurait pu les avoir (Corboz, op. cit, n. 20
ad art. 217, p. 852). Par là, on entend également celui qui, d'une part, ne
dispose certes pas de moyens suffisants pour s'acquitter de son obligation,
mais qui, d'autre part, ne saisit pas les occasions de gain qui lui sont
offertes et qu'il pourrait accepter (ATF 126 IV 131 consid. 3a; Message
concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire, du 26 juin
1985, FF 1985 II 1070).

2.2 Le recourant a été condamné par jugement civil du 5 mars 2007 - valable et
exécutoire depuis l'entrée en force de l'arrêt du Tribunal fédéral du 11
juillet 2007 -, à payer à titre de mesures provisoires, par mois et d'avance à
partir du 20 septembre 2006, une contribution d'entretien de 7600 fr. en faveur
de son ex-épouse. Bien que rendu sur mesures provisoires, ce jugement ne lie
pour autant pas moins les autorités pénales sur le point de savoir si c'est à
bon droit que l'accusé a été déclaré débiteur d'une contribution d'entretien de
ce montant (cf. ATF 106 IV 36 consid. 1 ss; voir également Thomas Bosshard in
Basler Kommentar, Stafrecht II, 2ème éd. 2007, art. 217 CP, n. 20 et les
références). Le fait que cette question échappe à l'examen du juge pénal ne
dispense pas ce dernier, tenu par la maxime inquisitoire, d'examiner si le
débirentier disposait ou pouvait disposer des moyens de s'acquitter de
l'obligation en cause.

3.
3.1 Le recourant ne conteste pas le fait d'être ainsi tenu de verser une
pension alimentaire de 7600 fr. par mois en faveur de son ex-épouse. En
revanche, il objecte qu'il ne disposerait pas des moyens financiers lui
permettant de s'en acquitter et fait grief aux autorités pénales de n'avoir pas
dûment constaté sa capacité contributive. Sur ce point, elles n'étaient pas
habilitées à se fonder, comme elles l'avaient fait, sur les seules
constatations du jugement du 5 mars 2007. En tant que celui-ci repose sur des
faits établis au degré de la simple vraisemblance, il jouirait d'une autorité
relative de la chose jugée qui ne saurait lier le juge pénal tenu quant à lui
de statuer sur la base de la vérité matérielle des faits. Au regard de la
maxime inquisitoire, il incombait aux autorités pénales de prouver qu'il
disposait des moyens de s'acquitter de son obligation d'entretien, notamment en
l'interrogeant et en l'invitant à produire toute pièce utile à cet effet, ce
qu'elles avaient omis de faire. Cela étant, la condamnation du recourant aurait
été prononcée en violation de la présomption d'innocence et du principe in
dubio pro reo.

3.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la présomption d'innocence,
garantie par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, porte à la fois sur la
répartition du fardeau de la preuve dans le procès pénal, d'une part, et sur la
constatation des faits et l'appréciation des preuves, d'autre part.
3.2.1 En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il incombe entièrement et
exclusivement à l'accusation d'établir la culpabilité du prévenu, et non à
celui-ci de démontrer qu'il n'est pas coupable. La présomption d'innocence est
violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que
l'accusé n'a pas prouvé son innocence. Lorsque le recourant se plaint d'une
telle violation, le Tribunal fédéral examine librement s'il ressort du
jugement, considéré objectivement, que le juge a condamné l'accusé uniquement
parce qu'il n'avait pas prouvé son innocence.

Quant à la constatation des faits, la présomption d'innocence interdit au juge
de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la culpabilité
de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles,
ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. De ce point de vue, la
présomption d'innocence n'offre pas de protection plus étendue que
l'interdiction d'une appréciation arbitraire des preuves. La présomption
d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à
l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le
juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité
(voir ATF 127 I 38 consid. 2a p. 4; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31
consid. 2 p. 33). Le Tribunal fédéral examine librement si ces principes ont
été violés en tant qu'ils répartissent le fardeau de la preuve, mais il ne
vérifie que sous l'angle de l'arbitraire si le juge aurait dû éprouver un doute
sur la culpabilité de l'accusé, c'est-à-dire si ces principes ont été violés en
tant qu'ils régissent l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p.
88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38).
3.2.2 Dans la mesure où une condamnation est fondée, notamment, sur le refus du
prévenu de répondre à certaines questions et, ainsi, de collaborer à la
constatation des faits, la présomption d'innocence est en cause sous ses deux
aspects: le verdict de culpabilité peut éventuellement signifier que le prévenu
a renoncé à prouver son innocence, ou a échoué dans cette preuve; le refus de
répondre peut aussi, selon les circonstances, apparaître comme un élément
entièrement dépourvu de pertinence pour l'appréciation des preuves, le juge
ayant ainsi méconnu arbitrairement les doutes qu'il aurait dû éprouver quant à
la culpabilité du prévenu. En réalité, la portée de la présomption d'innocence
apparaît ici étroitement liée à celle du droit du prévenu de se taire et de ne
pas témoigner contre soi-même. Si le prévenu a adopté, dans le procès, un
comportement excédant les limites de son droit de se taire, il ne peut pas
invoquer la présomption d'innocence pour critiquer les conclusions que le juge
a, le cas échéant, inférées de son silence. Cela étant, le Tribunal fédéral a
déjà eu l'occasion de préciser que le droit de se taire interdit au juge de
fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du
prévenu, ou sur son refus de répondre à des questions ou de déposer. Par
contre, ce droit n'interdit pas de prendre en considération le silence du
prévenu dans des situations qui appellent assurément une explication de sa
part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge; à cet égard,
le droit de se taire n'a donc pas de portée absolue. Pour apprécier si le fait
de tirer de son silence des conclusions défavorables au prévenu est contraire à
l'art. 6 CEDH, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances et
rechercher dans chaque cas si les charges de l'accusation sont suffisamment
sérieuses pour appeler une réponse. Le juge de la cause pénale ne peut pas
conclure à la culpabilité du prévenu simplement parce que celui-ci choisit de
garder le silence. C'est seulement si les preuves à charge appellent une
explication que l'accusé devrait être en mesure de donner, que l'absence de
celle-ci peut permettre de conclure, par un simple raisonnement de bon sens,
qu'il n'existe aucune explication possible et que l'accusé est coupable (arrêt
1P.641/2000 du 24 avril 2001, consid. 3, et les références citées).
3.2.3 L'arbitraire que le Tribunal fédéral, juge du droit, peut relever et
corriger dans l'appréciation des preuves ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution aurait été possible, voire préférable. L'appréciation des
preuves n'enfreint l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire, et ne
permet une intervention du Tribunal fédéral sur le fondement de l'art. 105 al.
2 LTF, que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la
portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans raison sérieuse de tenir compte
d'un moyen important et propre à modifier la décision attaquée ou encore si,
sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables
(cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités).

3.3 En l'espèce, la Chambre pénale a constaté que le recourant, né en 1948,
avait été marié à feue Y.________ qui avait transmis une fortune considérable à
ses héritiers. Depuis son divorce d'avec B.X.________, il s'était remarié avec
une ressortissante américaine laquelle réalisait ses propres revenus et
possédait son propre bien immobilier. Il avait vécu dans une propriété sise
48-50 chemin de Grange-Canal à Genève. Les noms de plusieurs sociétés actives
sur les marchés de l'édition et de l'immobilier figuraient sur les boîtes à
lettres de ladite propriété. Il était en outre apparu qu'il avait participé à
la publication d'un guide à l'adresse des personnes fortunées, consacré aux
hôtels de grand luxe dans lesquels il était descendu pour apprécier la qualité
de leurs services. Il avait ainsi entrepris de nombreux voyages à l'étranger.
En dernier lieu, il avait indiqué avoir quitté la Suisse pour s'établir dans
une propriété de son fils sise en République Dominicaine. Cela étant, il
n'était pas arbitraire d'inférer de ces éléments - non contestés (cf. art. 97
LTF) - que le recourant présentât une situation économique aisée et un train de
vie élevé, de sorte qu'il disposât ou tout au moins pût disposer des moyens
financiers lui permettant de s'acquitter de son obligation d'entretien, cela
d'autant plus qu'ayant exercé la profession d'agent de change sur la place de
Paris, avant de se voir confier jusqu'en 1994 le poste de directeur d'un groupe
français pour un salaire annuel de 200'000 fr. (cf. arrêt du Tribunal fédéral
du 11 juillet 2007), il bénéficiait d'un réseau et d'une expérience
professionnels susceptibles d'être mis à profit en cas de besoin.
3.3.1 L'ensemble de ces éléments appelait assurément une explication contraire
de la part du recourant qu'il avait du reste été invité à fournir par courrier
du Procureur général de la République et canton de Genève du 22 mars 2007 et
qu'il aurait eu l'occasion d'exprimer lors des audiences du Tribunal de police
et de la Chambre pénale, ce qu'il n'a pas fait. A défaut, son silence peut être
pris en considération pour apprécier la force de persuasion des éléments à
charge, sans que cela ne constitue une atteinte à son droit de se taire et de
ne pas témoigner contre soi-même, ni une atteinte à la présomption d'innocence.
Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle mal fondé.

4.
Le recourant qui succombe supportera les frais de la cause (art. 66 al. 1 LTF).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 29 août 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Gehring