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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.494/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_494/2008 /rod

Arrêt du 12 septembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
Procureur général du canton de Genève, 1211 Genève 3,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Nicola Meier, avocat,

Objet
Fixation de la peine,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 30 mai
2008.

Faits:

A.
Le 28 octobre 2006, à six heures du matin, à la sortie du site Artamis,
X.________ a attaqué par derrière Y.________, qui était ivre. Il l'a menacée
d'un tesson de verre tranchant qu'il a plaqué sous sa gorge et l'a traînée
jusqu'au bord de l'Arve, où il l'a violée sur un matelas abandonné. Auparavant,
il l'avait frappée et blessée au bras avec le tesson, lui infligeant une plaie
de 4 cm. Lorsque X.________ a vu que le bras de la jeune fille saignait, il a
pris peur et lui a proposé de l'emmener à l'hôpital. Les deux protagonistes
sont remontés le talus et ont erré dans le quartier à la recherche d'un taxi
pouvant les emmener à l'hôpital. Avec son téléphone portable, la victime a pu
atteindre un couple d'amis qui l'a retrouvée dans le quartier. X.________
l'avait quittée quelques instants auparavant; il a été interpellé 48 heures
plus tard.

B.
Par arrêt du 15 janvier 2008, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné
X.________, pour viol avec cruauté (art. 190 al. 3 CP), à une peine privative
de liberté de trois ans et demi, sous déduction de la détention préventive.
Elle a ordonné la poursuite du traitement psychiatrique qu'il avait commencé en
détention pour combattre sa dépendance aux stupéfiants. Enfin, elle l'a
condamné à verser à la victime la somme de 30'000 francs, avec intérêts à 5 %
dès le 28 octobre 2006, à titre d'indemnité pour tort moral, réservant les
droits civils de la victime pour le surplus.

La Cour d'assises a relevé que la culpabilité de l'accusé était importante. Sa
faute était toutefois atténuée par le fait qu'il avait proposé à la victime
d'aller à l'hôpital et lui avait permis de rester en contact téléphonique avec
ses amis. Pour le surplus, la cour a constaté que X.________ dont la
responsabilité pénale était entière avait agi par égoïsme, pour satisfaire ses
pulsions sexuelles. Ni durant l'instruction, ni à l'audience, il avait montré
la moindre compassion pour sa victime. Concernant sa situation personnelle,
l'accusé, ressortissant algérien, résidait à Genève sans papier et travaillait
au noir. Il était un consommateur régulier d'alcool, de cocaïne et de
différentes drogues et toxiques. Il avait entrepris un traitement psychiatrique
pour combattre sa dépendance à ces substances, ce qui, selon la cour, était
positif et devait être encouragé. Enfin, ses antécédents étaient mauvais,
puisqu'il avait été condamné à douze reprises pour différentes infractions,
notamment à la loi fédérale sur les stupéfiants, et avait fait l'objet de très
nombreuses interpellations par la police.

C.
Le Ministère public genevois a formé un pourvoi contre ce dernier arrêt,
estimant que la peine privative de liberté de trois ans et demi était trop
clémente. La Cour de cassation de Genève a rejeté le pourvoi, par arrêt du 30
mai 2008, expliquant notamment ce qui suit:

- La Cour d'assises « a pris en considération le comportement de la victime,
dont certains souvenirs sont restés flous tant son alcoolisation était
importante. Tout en subissant un long calvaire et en craignant pour sa vie, [la
victime] n'en avait pas moins simulé un possible consentement » (arrêt attaqué
p. 6, consid. 3.2, 2e paragraphe). (...) On ne peut exclure que [l'infraction]
a été partiellement induite par l'état éthylique avancé de la victime. Cette
dernière a admis que ses possibilités de réaction étaient annihilées au sortir
du site Artamis et que, faute d'avoir pu opposer un refus ou une résistance aux
menaces de son agresseur, elle s'était résolue à feindre d'accepter la relation
sexuelle » (arrêt attaqué, consid. 3.2 4e paragraphe, in fine).

La Cour de cassation justifie la clémence de la peine également par l'attitude
concrète que l'auteur a adoptée postérieurement à son méfait, lorsqu'il a
proposé à sa victime de l'emmener à l'hôpital. Elle a constaté que son
comportement cruel avait cessé aussitôt qu'il avait pris conscience des
blessures de sa victime (arrêt attaqué, consid. 3.2, p. 6-7).

D.
Contre cet arrêt, le Ministère public genevois dépose un recours en matière
pénale devant le Tribunal fédéral. Il fait valoir que la peine infligée à
X.________ est excessivement clémente et que la cour de cassation a en
conséquence violé l'art. 47 CP. Il conclut principalement à la réforme de
l'arrêt attaqué en ce sens que X.________ soit condamné à une peine privative
de liberté de huit ans et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêt
attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.

E.
Au terme de ses observations, l'intimé a conclu au rejet du recours alors que
la Cour de cassation a renoncé à des déterminations.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision attaquée a été rendue par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 80 al. 1 LTF), dans une cause de droit pénal (art. 78 al. 1
LTF). Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss
LTF), que le recourant qui conteste la sanction infligée est habilité à former
(art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 3 LTF).

1.2 Le recours en matière pénale peut notamment être formé pour violation du
droit fédéral (art. 95 let. a LTF), qui englobe les droits constitutionnels. Le
Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne démontre que ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (FF 2001 p. 4135), ou en violation du droit au sens de l'art. 95
LTF (art. 97 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral ne sanctionne une violation de
droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant
(art. 106 al. 2 LTF). Les exigences de motivation de l'acte de recours
correspondent à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (FF 2001 p. 4142).
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
donc limité ni par les arguments du recourant ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation
prévue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, dont la sanction est l'irrecevabilité (art.
108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués et
n'est dès lors pas tenu de traiter des questions qui ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al.
1 LTF).
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
donc limité ni par les arguments du recourant ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation
prévue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, dont la sanction est l'irrecevabilité (art.
108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués et
n'est dès lors pas tenu de traiter des questions qui ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al.
1 LTF).

2.
Se fondant sur l'art. 47 CP, le recourant fait valoir que la peine infligée à
l'intimé est excessivement clémente.

La cour cantonale a retenu, au titre de circonstance atténuante, l'état
d'ébriété de la victime et son consentement à l'acte sexuel une fois qu'elle
était étendue sur le matelas abandonné au bord de l'Arve. Pour le recourant,
les juges cantonaux se sont trompés sur le sens et la portée de certains
éléments de fait (en particulier concernant l'état d'ébriété de la victime et
son prétendu consentement aux actes) et en ont tiré des conclusions
insoutenables, au stade de la fixation de la peine.
2.1
2.1.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de
l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle
de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La
culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger
du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les
motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci
aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation
personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
2.1.2 Comme dans l'ancien droit, le critère essentiel est celui de la faute. Le
législateur reprend, à l'al. 1, les critères des antécédents et de la situation
personnelle, et y ajoute la nécessité de prendre en considération l'effet de la
peine sur l'avenir du condamné. Codifiant la jurisprudence, l'al. 2 de l'art.
47 CP énumère de manière limitative les critères permettant de déterminer le
degré de gravité de la culpabilité de l'auteur. Ainsi, le juge devra prendre en
considération la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique
concerné, que la jurisprudence mentionnait sous l'expression du "résultat de
l'activité illicite", ainsi que le caractère répréhensible de l'acte, qui
correspond plus ou moins à la notion "de mode et d'exécution de l'acte" prévue
par la jurisprudence. Sur le plan subjectif, le texte légal cite la motivation
et les buts de l'auteur, qui correspondent aux mobiles de l'ancien droit (art.
63 aCP), et la mesure dans laquelle l'auteur aurait pu éviter la mise en danger
ou la lésion, qui se réfère au libre choix de l'auteur entre la licéité et
l'illicéité (ATF 129 IV 6 consid. 6.1).

Comme l'ancien art. 63 CP, l'art. 47 n'énonce cependant pas de manière
détaillée et exhaustive tous les éléments qui doivent être pris en
considération, ni les conséquences exactes qu'il faut en tirer quant à la
fixation de la peine. Cette disposition laisse donc au juge un large pouvoir
d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral, conformément à la pratique
développée sous l'empire de l'ancien art. 63 CP, n'admettra un recours portant
sur la quotité de la peine que si la sanction a été fixée en dehors du cadre
légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si les
éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en
compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point
que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 129 IV 6 consid.
6.1 p. 20 s. et les arrêts cités).

2.1.3 En cas de viol, la gravité de l'acte et, partant, de la faute se
détermine en premier lieu en fonction des moyens de contrainte utilisés par
l'auteur. Lorsque l'auteur a fait preuve de cruauté envers la victime, le juge
doit tenir compte, lors de la fixation de la peine, du degré de cruauté avec
lequel la victime a été traitée (ATF 118 IV 342 consid. 2b p. 347/348).

Le comportement de la victime peut constituer une circonstance atténuante, si
la victime provoque l'auteur par un comportement initial. Ainsi, selon l'art.
48 CP, le juge peut atténuer la peine lorsque « l'auteur a été induit en
tentation grave par la conduite de la victime ». Selon cette disposition, il
faut toutefois que la victime ait excité et tenté l'auteur jusqu'à ce qu'il
succombe, par un comportement actif ou par des pressions morales (ATF 97 IV
76). La conduite de la victime doit avoir été si provocante que même un homme
conscient de ses responsabilités aurait eu de la peine à y résister (ATF 102 IV
273 consid. 2c p. 278; 98 IV 67 consid. 1c p. 71). Le juge ne saurait retenir
cette circonstance atténuante au motif que la « morale » de la victime serait
douteuse ou que l'auteur se serait vu offert une « occasion favorable »; un
éventuel comportement de la victime « proche du consentement » peut toutefois
être pris en compte lors de la fixation de la peine dans le cadre de l'art. 47
CP (Schwarzenegger/Hug/Jositsch, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, 8e éd.,
Zurich 2007, p. 82; Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil
II: Strafen und Massnahmen, 2e éd., Berne 2006, § 6, n. 100, p. 221;
Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e éd., 2007, Art. 48, n. 22).

En revanche, le comportement de la victime en réaction à l'acte de contrainte
est en règle générale sans pertinence. Ainsi, il n'y a pas lieu d'atténuer la
peine du seul fait que la victime n'a pas opposé de résistance et s'est prêtée
de plein gré aux entreprises de l'auteur surexité (Favre/Pellet/Stoudmann, Code
pénal annoté, Lausanne 2007, art. 48, n. 1.9).

2.2 Il ressort de l'état de faits cantonal que l'intimé a menacé sa victime
d'un tesson de verre plaqué sous la gorge et qu'il l'a traînée en fin de nuit
au bord de l'Arve dans un coin isolé. Craignant pour sa vie, la victime a alors
faire croire à l'intimé qu'elle était consentante. Intervenu postérieurement à
l'agression et induit par le comportement menaçant de l'intimé, le consentement
de la victime à l'acte sexuel ne saurait en l'espèce diminuer la gravité de
l'acte reproché à l'intimé. C'est également à tort que la cour cantonale a
retenu l'état d'ébriété de la victime en tant que circonstance atténuante dans
la mesure où il n'est pas établi en fait que la jeune fille, ivre, a provoqué
l'intimé par son comportement initial. L'ivresse de la victime serait, au
contraire, plutôt de nature à augmenter la faute de l'intimé en ce sens que
celui-ci a profité de sa vulnérabilité. Comme la cour cantonale a fixé la peine
sur la base de critères non pertinents, le grief de violation de l'art. 47 CP
est bien fondé. Le viol avec cruauté est passible d'une peine privative de
liberté de trois à vingt ans (art. 190 al. 3 CP). La peine infligée à l'intimé
demeure ainsi au bas de l'échelle des sanctions entrant en considération, ce
qui n'est pas justifié au regard des circonstances concrètes. Le recourant
indique à juste titre que la cour cantonale est partie à tort d'une peine
maximale de dix ans.

3.
En conséquence, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué doit être annulé et
la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle fixe une nouvelle
peine. L'intimé, qui succombe, supporte les frais de la procédure (art. 66 al.
1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 francs, sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation du canton
de Genève.

Lausanne, le 12 septembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin